2. Développer la notion de parcours éducatif

Créer des établissements spécialisés pour l'accueil des mineurs doit permettre de faire en sorte que l'enfermement ne soit plus une fin de parcours éducatif raté, mais une étape dans un parcours de rééducation allant du tout fermé au tout ouvert.

Ce système est notamment développé aux Pays-Bas où la commission s'est rendue en avril dernier.


Le centre de détention et de traitement Rentray
(Pays-Bas)

Le centre de détention et de traitement Rentray a été créé en 1851 après la visite de la colonie pénitentiaire de Mettray près de Tours par le père Suringar.

Rentray est une institution du secteur associatif pour jeunes âgés de douze à dix-huit ans venant de l'ensemble des Pays-Bas et souffrant de sérieux problèmes comportementaux. Il fonctionne grâce à des subventions du ministère de la justice, du ministère de l'enseignement, des institutions communautaires et de fondations privées. Avec un effectif de 425 personnes, il gère des centres de traitement ouverts et semi-fermés dans les villes de Eefde, Rekken et Apeldoorn. L'unité de Rekken comporte également un centre de détention fermé. En 2003, un nouveau centre sera ouvert à Lelystad qui accueillera 120 à 144 jeunes.

A l'heure actuelle, Rentray dispose de 180 places de traitement en centre ouvert, 42 places en centre fermé, une école d'enseignement spécialisé comptant 360 élèves, dont 220 sont en internat.

Les jeunes qui arrivent au centre n'ont connu que des échecs. Ils souffrent souvent de troubles psychiques, sont déscolarisés et souvent délinquants. Ils sont donc démotivés et peu réceptifs. Les objectifs poursuivis doivent donc être réalistes et forcément limités.

La durée moyenne de placement s'élève à un an et demi. Le type de placement (détention ou traitement) est décidé par le juge des enfants en collaboration avec les institutions de tutelle. Deux catégories de jeunes sont présents : ceux qui ont commis des faits punissables et ceux qui ont été mis sous protection de la justice.

Lorsqu'ils deviennent majeurs, les organismes de prévention des jeunes adultes prennent le relais.

Au cours d'un séjour, les jeunes peuvent aller successivement dans le centre fermé, le centre semi-fermé ou le centre ouvert en fonction de leur comportement. Des allers-retours entre ces centres sont possibles. Les centres semi-fermés ne sont pas mixtes. Ils comportent une vingtaine de jeunes qui vont à l'école le matin et l'après-midi, mais qui ne peuvent sortir seuls du pavillon. Les fenêtres ne s'ouvrent pas et les portes sont toujours verrouillées.

Cinq principes guident l'action des différents intervenants :

- la volonté de diminuer les risques auxquels sont confrontés les jeunes, notamment en matière de toxicomanie. Ainsi, la drogue n'est pas tolérée dans les centres et les contacts des jeunes avec l'extérieur sont surveillés pour éviter tout trafic ;

- la nécessité de les couper de leur environnement lorsque celui-ci les conforte dans la délinquance ;

- le souci de revaloriser les jeunes : en arrivant à Rentray, ils ont une très mauvaise opinion d'eux. Il s'agit donc de leur redonner confiance, notamment en augmentant leur niveau de compétence ;

- la préparation des jeunes à de nouvelles opportunités , notamment en matière d'emploi afin d'éviter la récidive. Leur insertion dans le monde du travail est réalisée en collaboration avec des PME et des sociétés d'intérim et s'organise en trois phases : une phase d'orientation, une phase de stage et de formation (hôtellerie-restauration, menuiserie, accueil d'enfants, jardinage, travail administratif...) et une phase d'accompagnement sur le marché du travail ; l'encadrement continue pendant six mois à un an après le départ du centre ;

- l'incitation des jeunes à avoir de nouvelles relations sociales .

Rentray fonctionne sur la base du partenariat : tous les intervenants sont associés pour lutter contre la délinquance dans les quartiers : l'école, la justice, la police, les parents, les associations de quartiers etc.

L'évaluation du travail de Rentray est systématique et est réalisée par les jeunes, par les institutions de tutelle ainsi que par ses collaborateurs à travers des enquêtes de satisfaction.

67 % des jeunes sortant de l'établissement ne récidivent pas pendant l'année qui suit (les adolescents non retrouvés étant comptabilisés comme récidivistes).

Devant la commission, M. Jean-Marie Petitclerc, éducateur spécialisé, a pour sa part développé l'idée de centres semi-fermés au sein desquels un comportement négatif des jeunes pourrait être sanctionné par un temps bref d'enfermement, en insistant sur la notion de contrat éducatif . Il a également mentionné l'exemple de la prison de Turin :

« Le jeune peut être chez lui la nuit, peut être au travail le jour s'il respecte le contrat ; mais dès qu'il y a non-respect du contrat, il y a réponse, le temps de réfléchir avec le jeune au contrat qu'il sera capable de respecter. Cela me semblerait plus intéressant que de l'enfermer pendant trois mois, puis de le laisser ressortir... Nous aurons les mêmes problèmes ! Il nous faut nous servir de cette bonne idée. Parce que je ne suis pas un idéaliste grand rêveur, et je connais un peu ces jeunes ; car si le jeune ne respecte rien et se retrouve dehors, c'est tout qui dysfonctionne ! ».

Ces exemples pourraient inspirer utilement notre pays dans les années à venir. Les établissements spécialisés réservés aux mineurs pourraient être l'occasion de faire un point complet de leur situation et de nouer un contrat éducatif permettant une progression vers une réinsertion complète. Il conviendrait que les passages des établissements pénitentiaires spécialisés vers des structures ouvertes et réciproquement puissent s'effectuer avec une certaine souplesse en fonction du comportement du jeune.

Une telle conception implique des évolutions importantes :

- il paraît essentiel que les mineurs soient jugés plus rapidement ; les aménagements de peines ne peuvent en effet être envisagés qu'à l'égard de condamnés et non à l'égard de prévenus ;

- il conviendrait probablement que le juge des enfants, qui connaît le parcours du mineur, devienne pleinement juge de l'application des peines, y compris lorsqu'une décision d'incarcération est prise ; il pourrait ainsi continuer à suivre le mineur et envisager son orientation vers une structure plus ouverte, une formation...

Évidemment, une telle orientation n'est possible que si des moyens suffisants permettent aux juges des enfants d'exercer cette nouvelle tâche ;

- il faudrait enfin que les passages des structures fermées vers des structures ouvertes et réciproquement puissent être effectués avec une certaine souplesse et que le juge des enfants puisse continuer à effectuer un suivi après le jugement lui permettant d'exercer une certaine contrainte. Le sursis avec mise à l'épreuve pourrait permettre un tel suivi ; il conviendrait alors qu'il puisse être révoqué par le juge des enfants lui-même sans qu'il soit obligé de saisir le tribunal pour enfants, comme c'est le cas actuellement .

Peut-être faudrait-il envisager la création d'une nouvelle mesure de suivi intensif d'un mineur après un jugement. Un « tutorat judiciaire et éducatif », applicable aux jeunes condamnés à une peine d'emprisonnement, pourrait permettre la désignation d'un éducateur référent suivant le mineur durant tout son parcours et pouvant saisir le juge soit en cas de non-respect des obligations fixées, soit au contraire en cas d'évolution positive impliquant un changement de structure d'accueil.

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