CINQUIÈME PARTIE : DONNER UN NOUVEAU SOUFFLE À L'AIDE FISCALE À L'INVESTISSEMENT

Les règles législatives qui régissent la défiscalisation outre-mer ont été modifiées par sept lois de finances depuis 1992. Faut-il, moins de deux ans après l'entrée en vigueur d'une réforme de grande ampleur et dont les effets ne peuvent pas encore être mesurés avec une grande fiabilité, faire à nouveau évoluer le régime juridique de la défiscalisation ?

Sans doute au détriment de l'objectif de stabilité de la norme fiscale, le présent rapport propose de faire à nouveau évoluer la loi afin de mieux permettre à la défiscalisation de remplir son objectif : réduire le coût des investissements pour les entreprises implantées outre-mer.

Les propositions formulées ci-dessous se limitent au dispositif d'aide fiscale à l'investissement des entreprises. Elles ne concernent pas la défiscalisation dans le secteur du logement et la défiscalisation des souscriptions de parts de sociétés implantées outre-mer.

I. AMÉLIORER LA PROCÉDURE D'ÉCHANGE ENTRE LE GOUVERNEMENT ET LA COMMISSION EUROPÉENNE

A. UNE QUESTION GÉNÉRALE : LA GOUVERNEMENT DOIT-IL NOTIFIER À LA COMMISSION EUROPÉENNE LES DISPOSITIFS LÉGISLATIFS PRÉVOYANT DES AIDES AUX ENTREPRISES AVANT OU APRÈS LEUR EXAMEN PAR LE PARLEMENT ?

Le droit communautaire en matière d'aides d'Etat est très strict. Aucune disposition législative ou réglementaire relative aux aides aux entreprises ne peut entrer en vigueur sur le territoire d'un Etat membre avant d'avoir été approuvée par la Commission européenne.

Le dispositif issu de la loi de finances pour 2001 n'a été approuvé par la Commission qu'en novembre 2001. Pendant les onze premiers mois de l'année, le régime juridique applicable à la défiscalisation a donc été pour le moins fragile.

Compte tenu de l'incompatibilité entre, d'une part, les contraintes du calendrier gouvernemental et parlementaire et, d'autre part, le mode de fonctionnement de la Commission européenne, il semble illusoire de souhaiter que les projets de loi ne soient déposés sur le bureau de l'une ou l'autre assemblée qu'une fois l'avis des autorités communautaires connus, même si ce système serait juridiquement le plus rigoureux, et qu'il a d'ailleurs été pratiqué par le passé 47 ( * ) . Le Conseil d'Etat, lorsque des dispositions non encore approuvées par la Commission lui sont soumises, refuse d'ailleurs de les examiner et décide de les « disjoindre » jusqu'à ce que la Commission se soit prononcée.

Plusieurs fonctionnaires de l'Etat rencontrés par votre rapporteur ont fait valoir que l'exigence de l' « avis préalable » de la Commission européenne aurait pour effet de priver le Parlement de son droit d'amendement puisque toute modification du texte initialement approuvé par la Commission devrait faire l'objet d'une nouvelle procédure de notification. Cette analyse mérite d'être nuancée.

Il n'est pas souhaitable que le Parlement délibère en faisant abstraction du droit communautaire . Plusieurs dispositions adoptées par le Parlement dans le cadre de la loi de finances pour 2001 ayant été déclarées par la Commission contraires au droit communautaire, le droit appliqué aujourd'hui diffère sur ces points du texte du code général des impôts. Par exemple, la loi prévoit que le taux de crédit d'impôt accordé en Guyane aux contribuables de l'impôt sur le revenu s'élève à 60 %. Pourtant, la Commission n'a approuvé le dispositif issu de la loi de finances pour 2001 qu'à la condition que, dans le secteur agricole, le crédit d'impôt soit plafonné à 50 % du montant de l'investissement.

Aucun projet de loi n'a été déposé, depuis que la Commission a rendu son avis en novembre 2001, en vue de mettre la loi en conformité avec le droit communautaire.

La pratique du pouvoir exécutif en matière de notification aux autorités communautaires doit évoluer. Une procédure pragmatique , respectueuse des droits du Parlement et des contraintes gouvernementales pourrait prendre la forme suivante :

- le gouvernement devrait, très en amont du dépôt de ses projets de loi, entamer des discussions informelles avec les services de la Commission européenne de manière à se faire une idée de la marge de manoeuvre dont il dispose pour faire évoluer le droit national.

Cette marge de manoeuvre serait progressivement affinée à mesure que les projets du gouvernement se préciseraient. Votre rapporteur a constaté lors de son déplacement à la Commission européenne le désir des services de la Commission d'entretenir un dialogue permanent et informel avec les services de l'Etat, de manière à pouvoir réduire le plus possible les délais d'instruction lorsque la notification devient officielle (la notification officielle pouvant intervenir à la date d'examen du projet de loi par le Conseil des ministres) ;

- le gouvernement devrait fournir au Parlement l'état des règles de droit communautaire auxquelles le texte promulgué ne pourra pas déroger, sans pour autant renoncer à mener une négociation active avec la Commission ;

- le gouvernement devrait informer la Commission des dates d'examen de son projet par le Parlement, de manière à ce que cette dernière puisse être en mesure d'examiner dans des délais très brefs les modifications apportées au texte par les amendements adoptés par la représentation nationale. S'agissant de la loi de finances pour 2001, certaines modifications apportées par le Parlement n'avaient pas été notifiées à la Commission.

Le gouvernement aurait pourtant tout avantage à ne pas déconnecter ses discussions avec la Commission de l'examen parlementaire du texte , le poids de la volonté exprimée par la représentation nationale pouvant se révéler un argument important dans le cadre de la discussion ;

- parallèlement, il est indispensable que les parlementaires, les rapporteurs en particulier, entretiennent un contact direct avec la Commission , de manière à se rendre compte par eux-mêmes de la compatibilité de leurs préconisations avec le droit communautaire. Par le passé, il a malheureusement été constaté que des initiatives parlementaires aient été découragées en invoquant une non conformité non fondée avec le droit communautaire ;

- lorsqu'une disposition fiscale adoptée par le Parlement et inscrite dans la loi serait déclarée contraire eu droit communautaire, les gouvernement devraient prendre l'engagement de proposer la mise en conformité du droit national avec le droit communautaire dans la prochaine loi de finances .

* 47 Lors de son examen du projet de loi relatif au pacte de relance pour la ville, le Parlement disposait de l'avis de la Commission européenne sur le projet du gouvernement.

Page mise à jour le

Partager cette page