B. REPRODUCTION ET DÉVELOPPEMENT

L'ensemble des quelques études publiées portant sur l'animal et qui sont pertinentes pour les téléphones mobiles et les stations de base, ne montre pas de risque pour la reproduction et le développement.

En France, l'étude de Mme Bastide à Montpellier, qui n'est pas publiée, indique un risque important de mortalité pour des oeufs de poulet mis en incubation sous un téléphone mobile en tentative de connexion permanente pendant l'incubation : 60% au lieu de 10% pour le groupe contrôle. Une tentative de réplication a lieu actuellement et on ne peut donc pas jusqu'à présent établir la validité des résultats initialement annoncés.

C. SYSTÈME NERVEUX

1. Comportement et fonctions cognitives

a) Etudes sur l'homme en laboratoire

Parmi les interrogations suscitées par l'utilisation des téléphones mobiles, se trouve la possibilité que les champs qu'ils émettent aient des effets néfastes sur des fonctions cognitives comme la mémoire, l'attention et la concentration. Plusieurs études ont été faites sans que l'on puisse conclure aujourd'hui à des effets sanitaires. Les effets sont de faible amplitude et peu cohérents. Ainsi, Preece et coll (1999) ont appliqué un signal de 1 W continu (analogique) ou 0,125 W (GSM), chez 36 volontaires. Aucun effet n'a été observé sur la mémoire, ni sur les temps de réaction simples. Une faible accélération du temps de réaction de choix a été observée sous exposition au téléphone analogique mais pas avec le signal GSM moins puissant (25 ( * )) . Koivisto et coll. ont exploré les mêmes fonctions chez 48 volontaires, avec un signal de type GSM à 0,25 W. Ils n'ont pas retrouvé d'effet sur le temps de réaction de choix, comme Preece à 1 W, mais ont trouvé un effet significatif sur un temps de réaction pendant une tâche de vigilance (26 ( * )) . Dans une étude complémentaire en cours de publication sur la mémoire de travail, ces auteurs ont trouvé une diminution ou une augmentation du temps de réaction à la visualisation de lettres-cibles suivant le mode de présentation des lettres. Ce groupe a également montré qu'une exposition à un signal GSM pendant une tâche de rappel de mots prononcés, mettant en jeu la mémoire de travail auditive, augmentait la puissance relative de l'électroencéphalogramme dans la bande 6-12 Hz et diminuait la synchronisation dans la bande 6-8 Hz. Tous ces résultats vont dans le sens d'une accélération des opérations mentales. Ainsi, Edelstyn a testé les capacités d'attention sur 38 volontaires exposés au GSM pendant 30 minutes (27 ( * )) . La performance était évaluée avant l'exposition, puis 15 et 30 min après. Six tests étaient pratiqués : des différences étaient observées sur deux tests d'attention et un de calcul. Dans les trois cas, une amélioration des performances était constatée. D'autres études similaires sont en cours.

Le mécanisme causal de ces effets reste incompris, mais pourrait faire intervenir un faible échauffement localisé. Il apparaît que l'exposition aux téléphones mobiles modifie certaines fonctions cérébrales, sans que l'on puisse en établir la signification biologique, clinique, et a fortiori l'éventuel impact sanitaire. Des études d'exposition à long terme en laboratoire ou parmi un groupe de nouveaux utilisateurs permettraient d'identifier des modifications du fonctionnement cérébral associées à une exposition cumulée.

b) Etudes sur l'animal en laboratoire

Aux niveaux de puissance d'exposition élevés (DAS corps-entier de 2,5 à 8 W/kg), correspondant à un échauffement manifeste d'au moins 1°C, des altérations du comportement des animaux ont été observées (manoeuvres d'évitement, altérations de l'apprentissage, etc.).

A bas niveau, une étude de Lai (1994) avait montré des effets délétères sur l'apprentissage de rats soumis à des micro-ondes pulsées (mémoire de travail avec un seuil de sensibilité de 0,6 W/kg corps-entier (28 ( * )) . Les groupes de Cobb (29 ( * )) aux USA et de Jay et Edeline en France (30 ( * )) , dans le cadre du programme COMOBIO, ont récemment publié des études similaires avec les mêmes signaux que Lai ou avec des signaux de la téléphonie mobile et n'ont observé aucun effet sur la mémoire de travail et la mémoire de référence. Une nouvelle étude de réplication stricte de l'expérience de Lai est en cours à Strasbourg (31 ( * )) et en Angleterre avec des signaux GSM, où Sienkiewicz et coll. n'avaient pas trouvé d'effets sur des souris (32 ( * )).

2. Sommeil

Les investigations sur des volontaires du groupe de Röschke et Mann en Allemagne sur l'effet de l'exposition au signal GSM chez des volontaires exposés pendant le sommeil, se sont avérées négatives : dans une première étude à une puissance incidente faible au niveau de la tête, la latence d'endormissement était légèrement réduite et la durée totale du sommeil paradoxal légèrement diminuée. Au cours d'une deuxième étude publiée par les mêmes chercheurs en 1998, ces observations n'ont pas été confirmées, malgré une puissance incidente plus élevée. En Suisse, le groupe de Borbély a observé une faible réduction de la durée des phases d'éveil pendant une exposition nocturne. Dans une deuxième étude, ce groupe a également observé des modifications après une exposition diurne. Néanmoins, le protocole de cette étude a été critiqué. Au vu de l'ensemble des études sur le sommeil, on ne peut conclure à l'existence d'altérations sur le sommeil et a fortiori à des effets sanitaires.

3. Electroencéphalogramme (EEG)

Certains utilisateurs de téléphones mobiles se plaignent de symptômes bénins, mais perturbateurs de la qualité de la vie (céphalées, échauffement, irritation cutanée...). Si de tels effets sont provoqués par les téléphones mobiles, une interaction physiologique primaire devrait précéder l'apparition de ces symptômes ou d'une pathologie. Cette interaction physiologique primaire pourrait être détectée par l'étude des encéphalogrammes, mais celle-ci n'est pas très aisée. En effet, la signification fonctionnelle du tracé de l'EEG diurne est loin d'être claire. C'est moins vrai pendant la nuit, car des profils EEG correspondent aux stades bien définis du sommeil chez l'individu en bonne santé.

Chez l'homme, des effets variables ont été observés sur l'EEG de veille ou de sommeil, parfois difficilement reproductibles même au sein d'un laboratoire, et sans cohérence ou parfois même contradictoires entre eux. Chez l'animal la situation est la même : quelques altérations mineures ont été détectées, correspondant à une relaxation, ce qui est contradictoire avec les effets observés sur les fonctions cognitives.

4. Barrière hémato-encéphalique

La barrière hémato-encéphalique (BHE) est un filtre physique entre la circulation sanguine et le tissu cérébral. Elle est constituée de jonctions dites « serrées » dans les vaisseaux sanguins irriguant le cerveau. La question posée est celle de la perméabilisation de la BHE sous exposition micro-onde. La plupart des études anciennes étaient faites à des niveaux thermiques, mais les conclusions des études récentes réalisées avec des signaux de téléphonie mobile sont plus difficiles à évaluer. Ainsi, Fritze et coll. (1997) ont montré que les micro-ondes des téléphones mobiles ne provoquaient pas d'extravasation ou « fuite » de protéines pour des DAS inférieurs à 7,5 W/kg chez des rats dont la tête était exposée dans un « carrousel » (exposition « tête-principalement »). Dans une expérience similaire, Tsurita et al (1999) ont exposé des rats à 1439 MHz (signal de la téléphonie mobile japonaise) et n'ont détecté aucune augmentation de la perméabilité de la BHE pour des DAS allant jusqu'à 10 W/kg. Par contre, le groupe de Salford et Persson en Suède a montré une perméabilisation de la BHE pour des valeurs de DAS compatibles avec les émissions des téléphones mobiles GSM. Ils ont effectué une longue série d'études sur des rats soumis « corps-entier » à différents signaux. Ils ont rapporté une augmentation de 50 % de la perméabilité pour des DAS inférieurs à 0,3 W/kg. Au-dessus de ce seuil, la perméabilité augmente rapidement avec la puissance. Plus récemment, Finnie et coll. ont exposé des souris et n'ont pas décelé d'extravasation (33 ( * )).

Une étude effectuée par le groupe de P. Aubineau à Bordeaux dans le cadre du programme COMOBIO arrive à des conclusions différentes qui ne sont pas encore publiées (34 ( * )) : une exposition de la tête des rats à un signal de type GSM-900 à des niveaux de DAS de 3 W/kg, moyennés sur le cerveau, induit une perméabilisation des vaisseaux sanguins aussi bien dans la méninge (dure-mère) que dans le cerveau. L'amplitude de cet effet est maximale en profondeur dans le cortex ce qui suggère un effet indirect des ondes qui reste à élucider. Le seuil de l'effet pour le cerveau se situe autour de 0,3 W/kg. Ces résultats suggèrent que les ondes GSM-900 pourraient agir sur l'endothélium vasculaire et engendrer ainsi un processus inflammatoire localisé, en particulier dans la dure-mère. Cette action des ondes GSM sur la dure-mère pourrait être en relation avec le développement de crises de migraine chez des personnes prédisposées. Un approfondissement de ces résultats et une réplication indépendante permettront de mieux situer les conséquences sanitaires de ces observations.

* (25) Preece A.W., et al., (1999), Int. J. Radiat.Biol., 4, 447-456

* (26) Koivisto et al., (2001), Bioelectromagnetics, 22(3) : 212-215.

* (27) Edelstyn N. (2002) Neuroreport, 132, 119-121.

* (28) Lai. H. et al., (1994), Bioelectromagnetics, 15(2) : 95-104. (En raison de la puissance élevée dans les impulsions de ce signal radar, un effet « acoustique » était envisageable).

* (29) B.L. Cobb, Adair et E.R. (2002) Annual Meeting of BEMS, Québec, Canada.

* (30) Dubreuil, D. et al.(2002) Behav Brain Res, 129, 203-210.

* (31) J.-C. Cassel et coll. Programme Européen Perform B.

* (32) Sienkiewicz. Z. J. et al., (2000), Bioelectromagnetics, 21, 151-158.

* (33) Finnie J.W., et al., (2001), Pathology 33, 338-340.

* (34) F. Töre, et al., (2002), Congrès annuel de Bioelectromagntics Society, Québec, Canada.

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