II. PROJET DE LOI RELATIF A LA BIOÉTHIQUE

La délégation, qui avait été saisie le 10 décembre 2002, à sa demande, par la commission des Affaires sociales sur projet de loi n° 189 (2001-2002) relatif à la bioéthique, a examiné ce texte le 14 janvier 2003.

Sur le rapport de Mme Sylvie Desmarescaux, vice-présidente, elle a adopté les recommandations suivantes :

1.- La délégation a examiné les dispositions du projet de loi relatif à la bioéthique qui concernent l'assistance médicale à la procréation.

Elle rappelle avec force les principes consacrés par le législateur en matière de bioéthique, que la France doit continuer à défendre dans les enceintes internationales : la dignité de la personne humaine, le respect et la non patrimonialité du corps humain, le consentement libre et éclairé, et la protection des personnes se prêtant à des recherches biomédicales. Elle condamne vigoureusement le clonage reproductif et affirme la nécessité de parvenir au plus vite à une interdiction absolue de celui-ci au niveau international.

2.- L'assistance médicale à la procréation, qui offre un espoir immense aux couples stériles, ne doit pas seulement être considérée comme une médecine du désir, mais comme une réalité médicale à part entière. Les femmes, engagées dans un parcours long et souvent douloureux, doivent être particulièrement protégées, notamment par une information approfondie sur les obstacles qu'elles peuvent rencontrer et sur les risques qu'elles-mêmes ou leurs enfants peuvent courir.

A ce titre, la délégation se félicite des dispositions du projet de loi visant à renforcer l'encadrement des stimulations ovariennes, à améliorer l'information des couples, et à prévoir un dispositif spécifique pour les donneuses d'ovocytes (articles 8 et 18 du projet de loi).

3.- La délégation souhaite que ce dispositif d'information et d'accompagnement soit renforcé :

- par l'attribution à l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines d'une mission d'information sur la stérilité, ses causes, ses traitements, les risques éventuels de ceux-ci, et particulièrement de l'injection intra-cytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI) ;

- par l'harmonisation des résultats affichés par les centres d'assistance médicale à la procréation, qui doivent donner des indications sur les naissances, et non seulement sur les grossesses obtenues, sur les taux de réussite en fonction des méthodes utilisées, ainsi que sur le nombre de naissances issues de grossesses multiples et le nombre de réductions embryonnaires pratiquées ;

- par l'offre systématique d'entretiens psychologiques aux couples avant, pendant, et après leur engagement dans un processus de fécondation in vitro ;

- par le renforcement de la pluridisciplinarité des équipes d'assistance médicale à la procréation, et la mise en oeuvre de moyens supplémentaires en personnel permettant d'associer pleinement les psychologues aux cliniciens et aux biologistes dans la prise en charge des couples.

4.- Elle constate que la situation actuelle de pénurie d'ovocytes est porteuse de dangers pour les femmes, notamment les plus fragiles, en raison des pressions, affectives ou financières, qui pourraient s'exercer sur les donneuses potentielles ;

a) à cet égard, elle réaffirme les principes de volontariat, d'anonymat, et de gratuité du don de gamètes ;

b) elle s'inquiète des dérives auxquelles pourrait donner lieu la pratique du don relationnel ;

c) elle préconise le lancement de campagnes d'information au niveau national, réalisées par l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaine, sous le contrôle du ministère chargé de la santé, afin de développer le don de gamètes et de faire connaître les principes qui le régissent. Une telle information doit respecter des exigences de transparence, et indiquer, notamment, les contraintes liées au prélèvement ovocytaire, afin que les donneuses s'engagent en connaissance de cause ;

d) en ce qui concerne la congélation obligatoire des embryons issus d'un don d'ovocytes, elle recommande une révision du décret n° 96-993 du 12 novembre 1996, afin de donner aux femmes le choix entre un transfert d'embryons frais et un transfert d'embryons congelés.

5.- La délégation souhaite le rétablissement de la condition de deux ans de vie commune pour le recours à l'assistance médicale à la procréation des couples non mariés, que le projet de loi a supprimée. Ce délai de deux ans est nécessaire pour constater l'infertilité d'un couple, et s'assurer de la réalité et de la stabilité de celui-ci, dans l'intérêt même de l'enfant.

6.- La délégation s'oppose fermement à tout dispositif conduisant à créer des embryons uniquement à des fins de recherche. Pour cette raison, elle n'est pas favorable au dispositif du projet de loi, qui prévoit que des embryons seront créés pour évaluer les nouvelles techniques d'assistance médicale à la procréation, et ne pourront ensuite être ni transférés ni conservés.

7.- Toutefois, la délégation affirme avec force que l'évaluation préalable des nouvelles techniques d'assistance médicale à la procréation est indispensable, et souligne à cet égard que le désir d'enfant ne doit pas remettre en cause les exigences éthiques en matière d'expérimentation médicale. A ce titre :

a) elle recommande d'intégrer, à l'avenir, la mise en oeuvre des nouvelles techniques d'assistance médicale à la procréation dans le champ de la loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes se prêtant à la recherche biomédicale. Afin d'évaluer les nouvelles techniques, la prise en charge des couples s'inscrirait dans le cadre d'un protocole de recherche clinique pluridisciplinaire relevant des prescriptions de la loi précitée, comprenant l'avis d'un Comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale et validé par l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines. Les embryons seraient conçus dans le cadre d'une demande parentale, et auraient vocation à être transférés ;

b) elle souhaite que l'application clinique de toute nouvelle technique d'assistance médicale à la procréation soit soumise à l'autorisation préalable du ministre chargé de la santé, après avis de l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines ;

c) elle rappelle l'importance du consentement éclairé des couples, et la nécessité de leur exposer les contraintes et les risques prévisibles des méthodes utilisées ;

d) elle préconise également un suivi des enfants nés des nouvelles techniques d'assistance médicale à la procréation, sur la base du volontariat des couples.

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