LES OBLIGATIONS DES CHAÎNES EN MATIÈRE DE SOUTIEN À LA PRODUCTION CINÉMATOGRAPHIQUE

Les obligations des chaînes

Le 3° de l'article 27 et l'article 71 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée prévoient que les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services diffusés par voie hertzienne terrestre en matière de contribution à la production cinématographique et audiovisuelle ainsi que l'indépendance des producteurs à l'égard des diffuseurs sont fixés par un décret en Conseil d'État.

Les obligations imposées aux diffuseurs constituent des mesures à visées à la fois culturelles et pro-concurrentielles. Dans un contexte d'inégal développement entre diffuseurs et producteurs, elles tendent en effet à élargir le marché de la production, à développer un tissu diversifié d'entreprises de création et à limiter les risques d'intégration verticale entre les chaînes et la production audiovisuelle et cinématographique.

La loi n° 2000-719 du 1 er août 2000 détermine dans une nouvelle rédaction de l'article 71, les critères permettant de définir l'indépendance des oeuvres cinématographiques et de l'entreprise de production. Ces dispositions législatives ont pour objectif de favoriser la circulation des oeuvres et leurs exploitations secondaires en limitant les droits exclusifs et de permettre ainsi une meilleure exposition des oeuvres.

Le décret d'application, qui intervient pour l'application du 3° de l'article 27 et de l'article 71 et vient se substituer au décret n° 90-67 du 17 janvier 1990 modifié 124 ( * ) , comporte des mesures visant à encourager le développement et l'indépendance des secteurs de la production cinématographique.

Les règles applicables à la production dite indépendante ont été complétées par des dispositions de portée plus générale prises en application du nouveau 4° de l'article 27 relatif à « l'acquisition des droits de diffusion, selon les différents modes d'exploitation, et la limitation de la durée de ces droits lorsqu'ils sont exclusifs ».

L'ensemble de ces dispositions était applicable à partir de l'exercice 2002

1. La situation avant les nouveaux décrets

Le décret n°90-67 du 17 janvier 1990 définissait en son titre II (articles 2 à 7), le régime de la contribution des diffuseurs au développement de la production cinématographique. Ces derniers devaient consacrer un minimum de 3 % de leur chiffre d'affaires annuel net de l'exercice précédent à la production d'oeuvres cinématographiques européennes dont 2,5% au moins à la production d'oeuvres cinématographiques d'expression originale française.

Pour la réalisation de cette obligation, les diffuseurs ne pouvaient intervenir comme coproducteurs d'oeuvres cinématographiques que par l'intermédiaire d'une filiale spécialisée. Les dépenses prises en compte regroupaient à la fois les apports en parts de producteur de la filiale cinématographique et les préachats de droits de diffusion exclusifs effectués par le diffuseur, société mère de cette filiale.

Les dépenses des diffuseurs n'étaient prises en compte, au titre de ces obligations, qu'à la double condition, pour chaque film concerné, de ne pas dépasser la moitié du coût total de la production et de ne pas être constituées pour plus de moitié de parts de producteur.

Ce dispositif avait été complété par un décret n°99-189 du 11 mars 1999 qui prévoyait que les diffuseurs devaient consacrer, au moins 75 % de leur contribution au développement de la production cinématographique, à des oeuvres produites par des entreprises indépendantes 125 ( * ) .

2. Les mesures nouvelles

Si n'est pas apparu nécessaire d'augmenter le taux de la contribution des diffuseurs en clair en faveur de la production cinématographique, le dispositif adopté depuis le décret du 11 ars 1999 en faveur de la production indépendante a été considéré comme insuffisant.

Actuellement trois sociétés de production ont des liens capitalistiques avec TF1 (Film par film, Les films Ariane et plus récemment Téléma) et une avec M6 (la Société Nouvelle de Cinématographie). Pour les exercices 1999 et 2000, l'ensemble des investissements effectués par les diffuseurs a été dirigé vers des oeuvres produites par des entreprises indépendantes. Ceci tenait pour partie à des effets de calendrier de comptabilisation et il semblait utile pour l'avenir de fixer un plafond aux engagements pris par les chaînes vis-à-vis des partenaires auxquels elles sont liées.

Mais la question de l'indépendance de la production portait cependant au moins autant sur les conditions d'intervention des diffuseurs dans le financement des oeuvres elles-mêmes. En dehors de tout lien capitalistique avec la société de production, l'éditeur de service peut en effet, placer sous sa dépendance économique la production qu'il contribue à financer, s'il impose des paiements trop tardifs ou une prise excessive de droits secondaires ou de mandats de commercialisation. Sur ce dernier point, la création de filiales de distribution par tous les diffuseurs, les conduit à négocier lorsqu'ils sont coproducteurs, des droits secondaires ou des mandats.

C'est pourquoi, de nouveaux critères ont été introduits concernant les oeuvres tenues pour indépendantes, limitant l'étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation détenus à leur égard par les diffuseurs ou leurs filiales. Ces mesures devaient permettre aux producteurs d'assurer une meilleure présence de leurs oeuvres sur le marché, le maintien d'un tissu de sociétés de production indépendantes, en mesure de se constituer des actifs suffisants, ayant été considéré en outre comme le garant d'une offre cinématographique créative et diversifiée.

Des règles minimales concernant les délais de paiements sont par ailleurs apparues nécessaires pour l'ensemble de la contribution des diffuseurs à la production cinématographique en vue d'alléger les frais financiers des producteurs.

Enfin, l'un des principaux éléments de faiblesse économique de la production cinématographique française et européenne tenant aux difficultés rencontrées pour la distribution des films en salle, il a été décidé qu'une partie additionnelle de la contribution à la production des diffuseurs en clair soit instaurée, à l'instar de l'engagement de même nature déjà pris par Canal + en accord avec les organisations professionnelles, en vue de soutenir la distribution.

Contribution des diffuseurs à la production cinématographique.

Les dispositions du titre II du décret définissent les conditions dans lesquelles les services, à l'exclusion de ceux qui diffusent annuellement un nombre inférieur ou égal à 52 oeuvres cinématographiques de longue durée par an, doivent contribuer au développement de la production. En pratique, seule La Cinquième qui diffuse peu de films, est exclue de cette obligation.

L'article 5 fixe une contribution en légère augmentation globale : de 3 % du chiffre d'affaires annuel net de l'exercice précédent celle-ci passe à 3,2 % (dont, comme antérieurement, au moins 2,5 % du chiffre d'affaires devront être consacrés à la production d'oeuvres d'expression originale française), une part de 0,2 % devant désormais être consacrée à la distribution des films en salles.

Montants investis dans la production.

S'agissant des dépenses éligibles, les mesures nouvelles reconduisent pour l'essentiel le dispositif existant. Les dépenses prises en compte regroupent à la fois les préachats de droits de diffusion exclusifs effectués par le diffuseur et les parts de producteur prises par l'intermédiaire d'une filiale de production. Pour chaque oeuvre et comme auparavant, le diffuseur ne peut investir dans une oeuvre que pour moitié du coût total de production et ne peut investir en parts de coproducteur qu'à hauteur de 50 % au plus de son investissement.

En outre, le règlement des sommes investies doit désormais respecter un échéancier en fonction du type d'investissement : pour l'essentiel (90%) la part coproducteur doit être versée en cours de tournage ( ce qui était déjà la pratique, en règle générale) ; quant à la part antenne, elle doit être versée en intégralité dans un délai de trente jours à compter de la délivrance du visa d'exploitation, c'est-à-dire une fois l'oeuvre définitivement achevée (ce qui constitue une pratique plus favorable au producteur que celle qui était suivie jusque là).

Définition de la production indépendante .

Elle est complétée conformément au nouvel article 71 de la loi du 30 septembre 1986 qui précise désormais aussi bien la définition de l'indépendance des entreprises que celle de l'indépendance des oeuvres.

En premier lieu, l'indépendance des entreprises de production reste appréciée selon les mêmes critères quant aux liens capitalistiques existant entre le diffuseur, ou ses actionnaires et le producteur. En revanche le critère de la « communauté d'intérêts durable », qui s'est avéré d'application ambiguë entre des partenaires ayant des liens de coproduction et qui peut en outre pénaliser des entreprises qui n'ont qu'une production limitée à très peu de films par an, a été abandonné.

En second lieu, pour que l'oeuvre soit réputée indépendante, le diffuseur ne peut acquérir, au titre du contrat initial pris en compte pour le calcul de l'obligation, plus de deux diffusions exclusives sur une période limitée à 18 mois chacune. Par ailleurs, le diffuseur ne peut détenir qu'une seule catégorie de droits secondaires ou de mandats de commercialisation parmi les cinq énumérées par le décret (cinéma, télévision, vidéo, Internet, étranger) ;

Dans le régime de base, le niveau de l'obligation à l'égard de la production indépendante reste, comme précédemment, fixé à 75 % du montant total des dépenses consacrées à la production. Toutefois, le diffuseur qui, au titre d'un exercice donné, consacre une part de ses investissements à la production indépendante d'au moins 85 %, est autorisé à détenir une catégorie supplémentaire de droits secondaires ou mandats de commercialisation. Mais il ne peut détenir simultanément ceux se rapportant aux deux principales formes d'exploitation secondaire que sont l'exploitation télévisuelle et les ventes à l'étranger.

Le soutien à la distribution en salles.

En complément des diverses mesures mises en oeuvre en vue de maintenir une pluralité d'acteurs dans le secteur de la distribution en salles, il a été décidé, en application du 3° de l'article 27 de la loi de 1986 précitée, de réserver une part de la contribution des diffuseurs à la production d'oeuvres cinématographiques, au financement de la distribution, à hauteur de 0,2 %. Il est prévu que seuls pourront bénéficier de ce dispositif les films agréés par le Centre national de la cinématographie.

Dans un souci de diversification, les diffuseurs sont autorisés à affecter ces investissements soit directement à des oeuvres données, soit par l'intermédiaire d'un fonds collectif du type de celui déjà mis en place avec Canal +. Dans la première de ces hypothèses, l'intervention des diffuseurs doit bénéficier à la distribution des oeuvres indépendantes dans la même proportion que pour l'investissement dans la production indépendante, soit 75 % de l'obligation.

____________

Synthèse des obligations réglementaires des diffuseurs hertziens nationaux en clair concernant les oeuvres cinématographiques d'expression originale française.

TF1

France 2

France 3

La 5 ème

M6

Diffusion

60% d'oeuvres OE dont 40% d'oeuvres EOF

60% d'oeuvres OE dont 40% d'oeuvres EOF

192 films par an dont 104 entre 20H30 et 22H30

60% d'oeuvres OE dont 40% d'oeuvres EOF

192 films par an dont 104 entre 20H30 et 22H30

60% d'oeuvres OE dont 40% d'oeuvres EOF

60% d'oeuvres OE dont 40% d'oeuvres EOF

192 films par an dont 104 entre 20H30 et 22H30

Production

3% du CA à production d'oeuvres cinéma, dont 2,5% pour des oeuvres EOF.

3% du CA à production d'oeuvres cinéma, dont 2,5% pour des oeuvres EOF

3% du CA à production d'oeuvres cinéma, dont 2,5% pour des oeuvres EOF

3% du CA à production d'oeuvres cinéma, dont 2,5% pour des oeuvres EOF

3% du CA à production d'oeuvres cinéma, dont 2,5% pour des oeuvres EOF

Production

Dispositions nouvelles

3% pour la production

0,2% pour la distribution

3% pour la production

0,2% pour la distribution

3% pour la production

0,2% pour la distribution

3% pour la production

0,2% pour la distribution

3% pour la production

0,2% pour la distribution

* 124 En matière de cinéma, ce texte a été modifié ou complété à deux reprises depuis 1990 :

- par le décret n° 92-281 du 27 mars 1992 qui reprend pour les obligations de production, les nouvelles définitions des oeuvres d'expression originale française ou européennes, introduites par le décret n° 92-279 du 27 mars 1992 modifiant le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 relatif à la diffusion des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques ;

- par le décret n° 99-189 du 11 mars 1999, qui introduit l'obligation pour les diffuseurs d'investir au moins 75 % de leurs dépenses dans la production d'oeuvres cinématographiques, dans des oeuvres produites par des sociétés indépendantes.

* 125 Pour l'application de ces mesures, une entreprise de production cinématographique est, selon l'actuel article 3-2 du décret, réputée indépendante lorsque son capital social n'est pas détenu par le diffuseur à plus de 15 %, lorsqu'elle n'est pas contrôlée par un actionnaire ou un groupe d'actionnaires qui contrôle également le diffuseur et lorsqu'il n'existe pas entre elle et le diffuseur une communauté d'intérêts durable.

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