CHAPITRE VII :

LES RÉFORMES DE LA FISCALITÉ LOCALE EN EUROPE

Les collectivités locales européennes ont un poids financier et une autonomie financière très variables d'un pays à l'autre. Après la forte opposition suscitée en 1990 par l'instauration au Royaume-Uni de la Community charge (dite Poll tax ) 37 ( * ) , aucune réforme d'envergure de la fiscalité locale n'a été réalisée, même si des réformes significatives ont eu lieu dans certains pays, en particulier en Italie, en France et en Espagne.

I. DES FISCALITÉS LOCALES TRÈS DIFFÉRENTES D'UN PAYS À L'AUTRE


A. DES COLLECTIVITÉS LOCALES D'IMPORTANCE ET D'AUTONOMIE FINANCIÈRE VARIABLES

Le poids et l'autonomie fiscale des collectivités locales varient fortement en Europe, comme l'indique le graphique ci-après.

Poids et autonomie fiscale des collectivités locales en Europe
(en %)

Autonomie fiscale
(recettes fiscales propres locales/
recettes locales totales)
(1999)

Poids financier
(dépenses publiques locales/PIB)
(2000)

Remarques :

- Dans les Etats fédéraux - Allemagne, Belgique, Autriche -, Dexia ne classe pas les Etats fédérés parmi les collectivités locales.

- Sont ici considérés comme recettes fiscales propres les impôts locaux et les taxes locales votées additionnellement à un impôt national, mais pas les impôts répartis entre collectivités sans que celles-ci puissent en fixer le taux.

Source : Dexia, Les finances locales dans les quinze pays de l'Union européenne, 2002


En règle générale, plus le poids des collectivités locales est important, plus leur autonomie fiscale l'est également, comme l'indique le graphique ci-avant. Cette règle doit cependant être fortement nuancée, dans la mesure où la corrélation est nulle si l'on ne prend pas en compte les pays scandinaves.

On peut, schématiquement, distinguer trois groupes de pays 38 ( * ) .

1. Le modèle « européen » : des collectivités locales au faible poids financier et à faible autonomie fiscale

La plupart des Etats européens - situés dans l'ellipse en bas à gauche du graphique - ont des collectivités locales peu autonomes fiscalement et au faible poids financier.

Ainsi, le taux d'autonomie fiscale des collectivité locales varie d'environ 8 % des recettes pour les Pays-Bas à 27 % pour l'Espagne, et le poids financier de 2,2 % du PIB pour la Grèce à 15,2 % pour les Pays-Bas.

L'Allemagne appartient à ce groupe, si l'on considère que les Länder , en tant qu'Etats fédérés, ne sont pas des collectivités locales. Les dépenses des Länder ont été de 13,8 points de PIB en 2000. Il convient cependant de souligner que leur autonomie fiscale est très faible, ceux-ci n'ayant pas de possibilité de fixer les taux des impôts qu'ils perçoivent.

2. Les pays d'Europe du nord : des collectivités locales au fort poids financier et à forte autonomie fiscale

Les pays scandinaves - situés dans l'ellipse en haut à droite du graphique - ont des collectivités locales à la fois très autonomes fiscalement (avec une autonomie fiscale de 50 % pour le Danemark et 57 % pour la Suède) et au poids financier important (respectivement 30,6 % et 23,9 % du PIB pour ces deux pays).

Comme l'indique l'OFCE, cette double caractéristique des collectivités locales scandinaves s'explique « essentiellement parce qu'elles ont, dans ces pays, la charge de l'éducation, y compris la rémunération des enseignants, et, dans certains cas, de la santé ».

3. Le « modèle français » : des collectivités locales au faible poids financier et à forte autonomie fiscale

La France, la Belgique et le Luxembourg - situés dans l'ellipse en haut à gauche du graphique - se caractérisent à la fois par un faible poids financier des collectivités locales (de 5,7 % du PIB pour le Luxembourg à 9,8% du PIB pour la France), et par une forte autonomie fiscale des collectivités locales (de 32 % des recettes dans le cas du Luxembourg à 57 % dans celui de la France).

La forte autonomie fiscale des collectivités territoriales françaises a récemment acquis une valeur constitutionnelle. En effet, depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, le nouvel article 72-2 de la constitution prévoit que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ».

Il faut néanmoins souligner à cet égard que, comme l'indique le tableau ci-après, le taux d'autonomie fiscale des collectivités territoriales en France a eu tendance à se réduire ces dernières années, suscitant une rigidité accrue des budgets et une pénalisation des collectivités territoriales disposant d'une économie dynamique.

 

Taux d'autonomie fiscale* des collectivités territoriales en France

 
 
 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

 
 
 
 
 
 
 
 

Communes

49,3%

49,9%

48,5%

46,1%

42,5%

nd

 
 
 
 
 
 
 

Départements

58,0%

59,6%

56,5%

55,9%

52,3%

51,3% (1)

 
 
 
 
 
 
 

Régions

57,8%

57,6%

48,7%

50,2%

41,7%

37,3% (1)

 

nd : non disponible

(1) estimation à partir des budgets primitifs

* Le taux d'autonomie fiscale est calculé comme la part des recettes fiscales (hors compensations) dans les recettes totales hors emprunts.

 

Source : direction générale des collectivités locales

Par ailleurs, si l'on prend en considération la faculté de fixation de l'assiette des impôts locaux, jusqu'à la révision constitutionnelle précitée, l'autonomie fiscale des régions françaises était moindre que celles de plusieurs de leurs homologues européennes, comme l'indique le tableau ci-après.

Source : Nicolas Painvin, in Jean Arthuis, Fiscalité locale : quelles pistes pour la réforme ?, rapport d'information du Sénat n°289 (2002-2003)

L'autonomie fiscale des régions en Europe, selon Fitch Ratings

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 placera donc les régions françaises au même niveau que leurs homologues italiennes et espagnoles. En effet, selon l'article 72-2 de la Constitution, la loi peut désormais autoriser les collectivités territoriales à « fixer l'assiette et le taux » des impositions de toutes natures, « dans les limites qu'elle détermine ».

La fiscalité propre est le mode de financement qui assure aux collectivités locales la plus grande autonomie, comme l'indique le tableau ci-après.

Comparaison des différents modes de financement des collectivités territoriales :
synthèse des jugements exprimés par les personnalités auditionnées par la commission des finances à l'automne 2002

Mode de financement

Exemples européens

Principaux avantages

Inconvénients

Dotations

 

Prévisibilité

Tendance à l'augmentation

Partage d'un impôt d'Etat

Allemagne, Royaume-Uni

Simplicité de la répartition, faibles coûts de gestion, absence de cercle vicieux entre taux élevés et sous-développement économique

Absence de véritable responsabilité fiscale locale, conduisant à une faible légitimité politique

Forte dépendance au cycle économique

Faible incitation à la coopération intercommunale

Fiscalité propre

France

Responsabilisation des collectivités territoriales

Maîtrise de la dépense publique

Possibilité de prise de risque raisonnée, notamment dans le développement territorial ou économique

Ressource gérée avec plus d'efficacité

Possibilité de faire face à un retournement de conjoncture

Risque de cercle vicieux entre taux élevés et sous-développement économique

Nécessité d'une péréquation importante, jugée faible en France

Source : Jean Arthuis, Fiscalité locale : quelles pistes pour la réforme ?, rapport d'information du Sénat n°289 (2002-2003)

* 37 La Community Charge (Poll Tax) était un impôt dont le montant était identique pour tous les contribuables, quel que soit leur niveau de revenu. Son montant était déterminé au niveau du district. La Community Charge a été remplacée par la Council Tax en avril 1993. La Council Tax est une taxe d'habitation, assise sur la valeur du logement (que l'occupant en soit locataire ou propriétaire). La logique de la Poll Tax n'a pas totalement disparu, la taille du ménage étant partiellement prise en compte (les ménages d'une seule personne bénéficient en effet d'une réduction de 25 %). La Council Tax correspond à 30 % des recettes des collectivités locales en Grande-Bretagne.

* 38 D'autres typologies sont possibles. Ainsi, en retenant des évaluations légèrement différentes de l'autonomie fiscale, M. Jacques Blanc propose de distinguer, outre le « modèle scandinave », un « modèle hanovrien » (Allemagne, Angleterre, Pays-Bas), où l'autonomie fiscale des collectivités locales est faible, et un « modèle latin » (Italie, France, Espagne) intermédiaire (Finances locales comparées, L. G. D. J., 2002).

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