ANNEXE :


ÉTUDE DE L'OFCE

« LES RÉFORMES FISCALES EN EUROPE 1992-2001 »



Rapport pour le Sénat

Les réformes fiscales en Europe 1992-2001

Le 28 juin 2002

Les réformes fiscales en Europe 1992-2001

Introduction

par Réjane Hugounenq, Jacques Le Cacheux et Henri Sterdyniak 157

Partie 1 : Fiscalité européenne, l'état des lieux

Chapitre 1 : Fiscalité européenne, l'état des lieux 175

par Réjane Hugounenq et Henri Sterdyniak

Partie 2 : Les objectifs des réformes fiscales

Chapitre 2. 1 : L'imposition des bénéfices 191

par Réjane Hugounenq

Chapitre 2. 2 : L'impôt sur le revenu 209

par Henri Sterdyniak et Paola Veroni

Chapitre 2. 3 : L'imposition des revenus du capital 237

par Réjane Hugounenq

Chapitre 2. 4 : Les mesures d'incitation au travail des personnes non qualifiées 254

par Hélène Périvier

Chapitre 2. 5 : Les cotisations sociales 292

par Xavier Timbeau

Chapitre 2. 6 : La fiscalité locale 301

par Jacques Le Cacheux

Chapitre 2. 7 : La fiscalité écologique 311

par Jacques Le Cacheux

Partie 3 : Les réformes nationales

Chapitre 3. 1 : Les réformes fiscales en Allemagne 317

par Odile Chagny

Chapitre 3. 2 : Les réformes fiscales en France 334

par Gaël Dupont

Chapitre 3. 3 : Les réformes fiscales au Royaume-Uni 364

par Gaël Dupont et Catherine Mathieu

Chapitre 3. 4 : Les réformes fiscales en Italie 388

par Paola Veroni

Chapitre 3. 5 : Les réformes fiscales en Espagne 418

par Sabine Le Bayon

Chapitre 3. 6 : Les réformes fiscales aux Pays-Bas 436

par Odile Chagny

INTRODUCTION

Depuis 1992, la plupart des pays de l'Union européenne ont procédé à de nombreuses modifications de leurs législations fiscales, dont certaines, de par leur ampleur et leur cohérence, méritent le nom de réformes fiscales. Disparates, ces changements ont toutefois été influencés par des situations macroéconomiques similaires ou des impératifs communs : ainsi, de 1992 à 1997, la majorité des pays européens ont-ils dû augmenter leurs impôts pour restaurer la situation de leurs finances publiques et satisfaire aux critères définis à Maastricht alors même que le ralentissement de l'activité avait tendance à réduire les rentrées fiscales ; de 1998 à 2001, au contraire, la croissance retrouvée et la réduction des charges d'intérêt ont permis des baisses sensibles de fiscalité 39 ( * ) .

Les orientations des politiques économiques ont évolué : dans de nombreux pays, la priorité est maintenant d'améliorer la compétitivité et l'attractivité du site de production national et de rétablir les incitations à travailler plutôt que d'étendre la redistribution et les dépenses publiques. Toutefois, la part des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques dans le PIB n'a, jusqu'à présent, pas été sensiblement réduite et les principaux attributs du « modèle social européen » n'ont, nulle part, été sérieusement remis en cause. Aucun pays n'a réalisé la Grande réforme , modifiant fortement le niveau et la structure des prélèvements ; dans la plupart des cas, les réformes sont restées ponctuelles, de sorte que leur cohérence n'est guère visible.

Enfin, tous les pays sont confrontés à des défis similaires : financer un niveau important de dépenses publiques dans une situation de mondialisation croissante ; rendre la fiscalité plus favorable à l'emploi et plus écologique ; préparer l'alourdissement des dépenses de retraites. Toutefois, des stratégies différentes apparaissent : certains pays mettent l'accent sur la réduction des taux marginaux élevés de prélèvements sur les hauts revenus ; d'autres s'attachent à rendre rentable le travail pour les non qualifiés ; certains réduisent les charges salariales pesant sur les bas salaires. Des dispositifs originaux ont été mis en place dans plusieurs pays, tels le Working Family Tax Credit au Royaume-Uni, l'Imposition Régionale sur les Activités Productives en Italie, la taxation cédulaire aux Pays-Bas, etc.

La réalisation du marché unique, au 1 er janvier 1993 avait déjà été l'occasion d'une réflexion sur les orientations fiscales dans l'UE et sur les possibilités de l'harmonisation (Sterdyniak et alii , 1991). La préparation de l'Union économique et monétaire, puis le passage à la monnaie unique ont, à nouveau, obligé les pays à repenser leur fiscalité. A priori , ils avaient le choix entre l'harmonisation négociée et le libre jeu de la concurrence fiscale. Faute d'accord et en raison des risques perçus comme plus grands, l'attention a été portée sur les impôts assis sur les facteurs les plus mobiles : impôts sur les sociétés, impôts sur les revenus du capital des ménages, impôts sur les contribuables les plus riches. Compte tenu de la disparité des points de vue et des intérêts nationaux, compte tenu de l'exigence d'unanimité en matière fiscale pour des décisions communes à l'échelle communautaire, l'harmonisation n'a pu aboutir à une situation satisfaisante sur la plupart des dossiers. De grands choix n'ont pas été faits au niveau européen : faut-il généraliser ou supprimer l'avoir fiscal ? Quelle fiscalité pour les groupes européens ? La plupart des dossiers restent en chantier. Seul celui de la fiscalité des revenus du capital semble progresser. Les réformes fiscales des années 1990 ont été conduites isolément par chaque pays, sans stratégie européenne d'ensemble.

Ce rapport fait le point sur l'évolution des systèmes fiscaux des principaux pays européens tout au long des années 1990 et sur la situation actuelle, près de dix ans après la nouvelle étape d'ouverture des frontières induite par le marché unique. Il confronte les différentes expériences nationales relatives aux domaines qui ont fait l'objet de préoccupations communes tout au long de la décennie. Le premier est la lutte contre le chômage et l'utilisation pour ce faire, de la fiscalité. De nombreuses pistes ont été utilisées pour rendre les systèmes fiscaux plus favorables à l'emploi : la réduction des cotisations sociales, celles-ci étant remplacées par un prélèvement sur l'ensemble des revenus des ménages, par une taxe sur la valeur ajoutée ou par des taxes écologiques ; la baisse des cotisations sociales concentrée sur les bas salaires ; la mise en oeuvre de mécanismes proches de l'impôt négatif pour réduire la désincitation au travail des non qualifiés. Une deuxième préoccupation concerne la taxation des entreprises multinationales dans un monde de plus en plus globalisé. Faut-il appliquer la taxation à la source ou à la résidence ? Comment rendre compatible l'autonomie nationale en la matière et la nécessité d'une cohérence européenne pour la taxation des entreprises transnationales ? Des problèmes similaires se posent pour la taxation des revenus du capital des ménages, la question de la taxation des dividendes et de l'avoir fiscal faisant le pivot entre les deux préoccupations. Une troisième préoccupation est celle de la fiscalité écologique : les nouvelles contraintes imposées par la nécessité de réduire les consommations d'énergie, d'éviter les émissions de gaz polluants peuvent-elles être prises en compte par une taxation écologique ? Celle-ci fournit-elle un second dividende en permettant de réduire la taxation portant sur le travail ou est-il vain de prétendre courir deux lièvres à la fois ? Enfin, à un niveau plus national, se pose la question de l'organisation de la fiscalité locale. Peut-on concilier l'autonomie des collectivités locales avec le souci de redistribution et d'égalité des citoyens face aux services publics à l'échelle nationale ?

Le rapport évalue aussi les risques de concurrence fiscale et l'urgence de l'harmonisation. Nous présenterons, sur ces points, les récentes propositions de la Commission en matière d'harmonisation fiscale. Mais, nous nous interrogerons également sur l'évolution souhaitable du système fiscal européen. Comment créer un cadre harmonisé permettant de préserver la liberté de chaque pays de maîtriser le niveau de ses dépenses publiques et son niveau de redistribution ?

L'évolution du taux de prélèvement obligatoire et des structures fiscales

Les années 1990 ont été marquées par une succession de réformes fiscales, plus ou moins ambitieuses, dans l'ensemble des pays membres. Ceux-ci ont d'abord tous été confrontés à la nécessité d'augmenter leur niveau de prélèvements obligatoires (Partie 1 et tableau 1) pour faire face à des situations financières relativement dégradées et mettre un terme à la montée des déficits et des endettements publics résultant de la faible croissance du début des années 1980 et du début des années 1990. L'ouverture des frontières en 1993 n'a pas affecté cette évolution : contrairement aux effets attendus de l'ouverture des frontières en l'absence d'harmonisation, non seulement les taux de prélèvement n'ont pas diminué dans l'ensemble des pays mais ont plutôt eu tendance à augmenter, même si le rythme de croissance s'est infléchi au cours des années 1990 par rapport à la décennie précédente : le montant des recettes fiscales des pays de l'UE est ainsi passé de 38,9 % du PIB en 1990 à 40,8 % en 2000 (graphique 1). Jusqu'à présent donc, la concurrence fiscale n'a pas privé les pays européens de ressources. Les pays du Sud en rattrapage (Grèce, Portugal) ont augmenté massivement leur taux de prélèvement obligatoire. Certains pays ont pu réduire le leur grâce à une croissance vigoureuse (Irlande, Finlande) ou à la réduction de leurs dépenses publiques (Danemark, Pays-Bas, Suède).

Graphique 1 : Evolution des taux de prélèvement en pourcentage du PIB



Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001

Globalement, les années 1990-2001 ont été une période d'assainissement budgétaire, marquée par une hausse des taux de prélèvement obligatoire, une légère baisse du taux de dépense publique et une nette amélioration des soldes publics courants, et un peu moindre des soldes primaires (hors charges d'intérêt sur la dette publique) : globalement, l'effort budgétaire (mesuré par l'évolution du solde primaire) a représenté 2,5 points de PIB.

Les quinze pays membres peuvent être classés en trois catégories : huit pays ont réussi à obtenir une nette baisse du poids des dépenses publiques ; deux ont connu une forte hausse des dépenses publiques, qui correspond en fait à un rattrapage (Grèce, Portugal) ; la configuration moyenne -- stabilité ou légère hausse des dépenses, et nette hausse des recettes -- se retrouve dans cinq pays, dont les plus grands (Allemagne, France, Royaume-Uni, Belgique, Autriche). La tendance à la convergence du niveau des dépenses persiste, mais reste lente. Globalement, pour l'ensemble de l'UE 15, la croissance des dépenses publiques a été de 1,6 % l'an de 1990 à 2001, en terme réel (pour une croissance du PIB de 2 %).

Tableau 1 : Evolution des finances publiques de 1990 à 2001*

En points de PIB

Recettes publiques

Dépenses primaires

Solde Primaire

Intérêts

Solde public

Allemagne

1,4

1,1

0,2

0,8

- 0,5

Autriche

1,4

- 0,9

2,3

0,0

2,3

Belgique

2,6

0,8

1,8

- 4,9

6,7

Danemark

- 1,1

- 2,2

1,0

- 2,0

3,0

Espagne

0,6

- 3,1

3,7

- 0,4

4,2

Finlande

- 1,3

- 2,6

1,3

2,8

- 1,5

France

1,9

0,8

1,1

0,5

0,6

Grèce

19,7

6,2

13,5

- 2,2

15,7

Irlande

- 3,9

- 4,1

0,2

- 5,8

6,0

Italie

2,7

- 3,3

6,0

- 4,3

10,3

Luxembourg

- 1,7

- 3,1

1,5

1,1

0,4

Pays-Bas

- 1,3

- 6,5

5,1

2,6

2,5

Portugal

4,3

6,0

- 1,6

- 4,9

3,3

Royaume-Uni

2,0

- 0,2

2,1

- 0,5

2,6

Suède

- 3,0

- 4,2

1,2

1,2

0,0

UE15

1,7

- 0,8

2,5

- 0,9

3,4

* Niveau de 2001 moins niveau de 1990.

Source : OCDE, Perspectives économiques , décembre 2001.

La période d'assainissement budgétaire est-elle achevée ? La réponse à cette question dépend de l'appréciation que l'on peut porter sur la conjoncture récente. L'Europe, avec un taux de chômage de 7,8 % était-elle, en 2001, proche de son niveau de production potentielle, comme l'écrivent l'OCDE et la Commission européenne, ou disposait-elle encore de marges de croissance au-delà de son rythme potentiel ? La réponse dépend aussi de l'objectif : un solde public nul, ou même excédentaire pour préparer la hausse des retraites ? Un solde primaire nul (ce qui correspond à peu près à la stabilité de la dette publique par rapport au PIB) ? En fait, douze pays avaient en 2001 un solde primaire positif de plus de 2,5 points de PIB (dont sept dépassaient ou atteignaient un excédent de 4 points) ; la France et le Portugal avaient des excédents primaires de l'ordre de 1,5 point. Seule, l'Allemagne était juste à l'équilibre primaire. Le solde primaire de l'UE 15 est excédentaire de 2,3 points de PIB en 2001. Jugée à l'aune de cet indicateur, la politique budgétaire a donc largement retrouvé des marges de manoeuvre ; pourtant, influencés par une interprétation rigoureuse du Pacte de stabilité, la plupart des gouvernements européens, suivant la Commission et la Banque centrale européenne, semblent décidés à poursuivre dans la voie de la réduction des dettes publiques.

Le maintien pendant les 5 années à venir d'une croissance modérée des dépenses publiques (à 1,6 % l'an), une croissance moyenne de l'ordre de 2,5 % l'an, une politique monétaire prudente (égalisant le taux d'intérêt réel au taux de croissance) permettraient d'avoir chaque année une marge de manoeuvre supplémentaire de 0,45 point de PIB. Il serait donc possible, soit de baisser le taux de prélèvement obligatoire de 2,25 points en 5 ans, soit, en maintenant à son niveau le taux de prélèvement obligatoire, d'aborder le début de la phase de croissance des dépenses de retraites avec une marge d'environ 4,5 points. 40 ( * )

La comparaison du poids moyen des différents impôts en 1990 et en 2000 ne montre guère de grands bouleversements durant la période (tableau 2). Tous les impôts ont légèrement augmenté en pourcentage du PIB, de façon pratiquement homothétique. Toutefois, le poids des cotisations sociales a très légèrement diminué (de 0,3 point de PIB), la baisse provenant en grande partie de l'introduction de la CSG en France et de l'IRAP en Italie. Cette évolution va dans le bon sens, celui d'alléger la charge portant sur le travail, même si elle reste modérée.

Tableau 2 : Poids des prélèvements obligatoires dans le PIB de l'UE (en %)

 

1990

2000

Impôts sur le revenu des ménages

9,6

10,1

Impôts sur les sociétés

2,7

3,0

Cotisations sociales

12,8

12,5

Impôts sur le patrimoine

1,8

2,4

Impôts sur les biens

11,1

11,8

Total

38,9

40,8

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Comparée aux Etats-Unis, l'UE se caractérise par le poids important des cotisations sociales et des taxes portant sur les biens alors que le poids de l'impôt sur le revenu des ménages y est moindre. Les pays scandinaves font jouer un grand rôle à l'impôt sur le revenu des ménages, alors qu'il reste peu important dans des pays du Sud à structure fiscale relativement « archaïque » 41 ( * ) (Portugal, Grèce, Espagne). Le poids de l'impôt sur les sociétés est faible en Allemagne et en Autriche ; il n'est particulièrement élevé qu'en Finlande et au Luxembourg. Les cotisations sociales pèsent fortement sur les salaires dans les pays bismarkiens (Autriche, France, Suède, Pays-Bas) ; elles sont, en revanche, peu importantes au Danemark, en Irlande, au Royaume-Uni. Les impôts sur les produits sont particulièrement élevés au Danemark (où ils compensent l'absence de cotisations employeurs). Globalement, deux facteurs expliquent les diversités de structures fiscales : l'organisation du système de protection sociale -- Bismarkien (dépenses importantes financées par des cotisations assises sur les salaires), scandinave (dépenses importantes financées par l'impôt) ou anglo-saxon (dépenses publiques faibles) -- ; l'opposition entre les systèmes modernes (fort poids de l'impôt sur le revenu) et les systèmes archaïques (fort poids des impôts indirects).

En moyenne, un pays continental européen type se caractérise par des dépenses publiques primaires représentant environ 45 % du PIB, réparties entre 11 points pour les retraites ; 8 pour la santé ; 3 pour le chômage ; 3 pour l'ensemble famille-logement-pauvreté ; 6 pour le poste éducation-culture ; 3 pour les subventions économiques ; 8 pour les dépenses collectives ; 3 points de dépenses en capital. C'est l'importance des dépenses publiques de retraite, santé, prestations de solidarité et éducation qui différencie les pays continentaux du modèle anglo-saxon. Aussi, toute baisse sensible du taux de prélèvement obligatoire, qui suppose une baisse équivalente des dépenses publiques, passe par une privatisation, sous une forme ou une autre, de dépenses profitant directement aux ménages.

Dans les années à venir, le vieillissement de la population devrait induire une nette hausse des dépenses de retraites et de santé en Europe, alors que certaines économies pourront sans doute être réalisées sur le poste chômage. Par contre, la faiblesse de la fécondité dans la grande majorité des pays européens ne rend ni souhaitable ni probable des économies sur le poste famille. La plupart des pays devront donc choisir entre une certaine hausse des taux de prélèvements obligatoires et une certaine privatisation des systèmes de retraites et de santé. La seconde stratégie pose cependant deux problèmes : la stabilité des taux de prélèvements obligatoires aurait comme contrepartie une hausse des primes aux fonds de pensions, aux mutuelles et aux assurances privées ; ces primes devraient être plus ou moins obligatoires si l'on veut que toutes les personnes restent couvertes dans des conditions satisfaisantes. Un système mixte -- assurance publique pour les plus pauvres et assurances privées pour les couches moyennes et supérieures -- permet certes de faire baisser comptablement le taux de prélèvements obligatoires, mais ne résout pas le problème puisque les couches moyennes devraient payer des impôts pour les moins favorisés et des primes pour elles-mêmes. Par ailleurs, la hausse des cotisations retraites pour financer celles des prestations est plus acceptable pour les cotisants qu'une hausse de la fiscalité générale dans la mesure où elle a une contrepartie directe 42 ( * ) .

Deux mesures devraient toutefois être mises en oeuvre pour éviter l'alourdissement du coût du travail. D'une part, les hausses devraient porter sur les cotisations salariés, de sorte que la compétitivité des entreprises ne serait pas affectée directement à court terme. D'autre part, l'assiette « masse salariale » devrait être réservée aux seules cotisations finançant des prestations contributives, liées au salariat (retraite, chômage, accident du travail, prestations maladie-maternité de remplacement), les autres prestations devant être financées par l'impôt. C'est d'ailleurs ce genre de réformes que l'Italie a mises en oeuvre par l'IRAP et la France par la CSG.

Fondamentalement, l'Europe a le choix entre deux stratégies. La première consiste à préserver le modèle social européen , caractérisé par un niveau important de transferts redistributifs et de dépenses publiques, en particulier de protections sociales, et donc par un niveau important de prélèvement obligatoire. Les revenus du travail et du capital resteront soumis à des taux d'imposition élevés. En contrepartie, les ménages bénéficieront de transferts importants. Le système devra être préservé de la concurrence fiscale par des mesures d'harmonisation interne en Europe et des accords internationaux contre les pratiques déloyales de concurrence. Surtout, il devra compter sur ses avantages comparatifs (éducation et santé gratuites pour tous, infrastructures publiques, prestations d'assurances). La seconde consiste, au contraire, à se diriger vers un modèle plus libéral, où la privatisation des dépenses sociales, permettra une baisse des taux d'imposition censée inciter à l'emploi, à la formation, à l'épargne, à l'investissement. La seconde stratégie suppose que les Européens acceptent de vivre dans une société plus inégalitaire.

Réduire les tranches supérieures du barème

Partant d'un haut niveau de taux de prélèvements obligatoires, les Etats membres, confortés par le retour en force des thèses de l'économie de l'offre et encouragés par les organismes internationaux ont tenté de réformer leur système fiscal pour en diminuer les effets désincitatifs qui, selon certains, expliqueraient la différence de dynamisme entre l'économie américaine et les économies européennes. De façon générale, cela s'est traduit par une diminution des taux marginaux d'imposition : les taux marginaux d'imposition sur le revenu (ceux des tranches les plus élevées du barème) et le taux de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, supposés désinciter, au travail et à l'épargne pour le premier et à l'investissement pour le second. De plus, les progrès de la mondialisation et la mise en place du Marché unique sans harmonisation fiscale ont fait craindre que des taux moyens élevés induisent l'évasion des actifs à hauts revenus ou des individus à patrimoine élevé et des grandes entreprises vers des pays plus cléments fiscalement.

Selon la théorie microéconomique, la fiscalité est désincitative dès lors qu'elle réduit la rentabilité pour un individu de ses choix de comportement, notamment de travail et d'épargne. La désincitation naissant de la baisse du rendement marginal du travail ou de l'épargne, aucun impôt n'est neutre, à l'exception de ceux assis sur les dotations initiales (impôt forfaitaire, impôt assis sur des caractéristiques innées, impôt sur les ressources naturelles). Les impôts les plus redistributifs sont aussi les plus désincitatifs. Le caractère désincitatif d'un impôt provient de son assiette et de sa structure, c'est à dire de son taux marginal, et non de son taux moyen. Les économistes qui insistent sur l'importance des effets desincitatifs soulignent généralement l'impossibilité de mettre en place des impôts neutres ; ils sont ainsi amenés à préconiser la réduction des dépenses publiques et des transferts redistributifs.

Les pays ont cependant essayé de compenser ces diminutions de taux par l'élargissement de la base fiscale. Souvent, les tranches des barèmes n'ont pas été indexées sur l'évolution des revenus ; les possibilités d'abattement ont été réduites ; les possibilités de déduction des intérêts versés, des primes d'assurance-vie ont été supprimées. La taxation du revenu du capital des ménages a été augmentée. Dans la mesure où ce sont les contribuables les plus aisés qui bénéficiaient le plus de possibilités des diverses formules d'abattement, l'élargissement de la base a quelque peu compensé, du point de vue de la redistribution, les effets de la baisse des taux marginaux les plus élevés.

Ces réformes auraient pu aboutir à une diminution des impôts les plus à même de générer des comportements de délocalisation. En fait, sur la décennie 1990, la structure fiscale des différents pays a relativement peu évolué. Les prélèvements sur assiette d'activité (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés) ont tous augmenté dans des proportions similaires. Les compensations entre la baisse de taux et l'élargissement de la base se sont effectuées dans la plupart des pays au sein de chaque impôt.

Reste qu'à l'avenir, dans un monde de plus en plus globalisé, la tension entre les objectifs d'incitation et de redistribution risque de grandir. Les couches supérieures, les grandes gagnantes de la mondialisation, auront plus de facilité pour choisir leur lieu de travail et de taxation. Elles risquent de refuser de contribuer à l'aide aux couches sociales frappées par ce processus. Les Etats risquent d'être contraints de baisser fortement les taux marginaux supérieurs, voire d'offrir aux plus riches des possibilités d'évasion fiscale (comme les stock-options ) alors même que se creuserait l'écart entre leurs revenus et ceux de la masse de la population. Il y aura de plus en plus une limite aux prélèvements possibles sur les couches supérieures mondialisées de la population. Les nations devront réduire leur ambition social-démocrate ou la faire financer par les couches moyennes.

Aussi, est-il important que l'Europe maintienne une croissance vigoureuse pour éradiquer le chômage de masse et éviter que persistent durablement des zones de pauvreté de masse. Chaque pays devrait chercher à réduire la fracture sociale le plus en amont possible (aide à l'éducation dans les zones défavorisées, incitation à la création d'emplois non qualifiés, lutte contre les trappes à pauvreté). Pour que chaque pays puisse gérer son arbitrage spécifique entre redistribution et incitation, il serait souhaitable qu'aucune mesure ne favorise spécifiquement le nomadisme fiscal 43 ( * ) .

Taxer les revenus du capital

L'équité horizontale implique que les revenus du capital des ménages soient taxés comme leurs revenus du travail. La comparaison devrait porter sur des bases comparables : d'un côté, la taxation des revenus réels (hors inflation) du capital, de l'autre, la taxation des revenus du travail, hors cotisations retraites et chômage qui ouvrent des droits et constituent donc des salaires différés.

Toutefois, il est justifié que, pour des raisons de justice sociale et pour inciter les contribuables à revenus modestes à faire un certain effort d'épargne, l'épargne populaire (un montant limité de capital placé dans des formules spécifiques) bénéficie de la non imposition et que l'épargne retraite (à sortie obligatoire en rente viagère) ne soit pas soumise à la double taxation (et bénéficie donc d'une exonération fiscale à l'entrée pour tous les impôts ou cotisations auxquels les rentes seront soumises).

Malheureusement, se sont développées dans tous les pays de l'UE des formules de taxation privilégiées des revenus d'intérêt, à des taux libératoires, inférieurs pour la quasi-totalité des épargnants à leur taux d'imposition à l'impôt sur le revenu. Par contre, les dividendes sont souvent taxés à l'IR, avec restitution de l'IS versé par une formule d'avoir fiscal. Les plus-values, qui représentent théoriquement la contrepartie des profits non distribués, supportent généralement le seul taux de l'IS ; elles sont parfois aussi taxées spécifiquement. Au total, la taxation des revenus des actions est généralement nettement plus forte que celle des revenus d'intérêt, alors même que les pays européens souhaitaient développer l'épargne à risque. Certaines réformes récentes (en Allemagne, au Royaume-Uni) créent une nouvelle incohérence : l'avoir fiscal est supprimé, mais les dividendes sont imposés à l'IR après réduction par un coefficient arbitraire. Les dividendes sont moins imposés que naguère, mais restent plus imposés que les revenus d'intérêt.

Enfin, certains pays ont développé des formules de placements non imposés, qui favorisent certains intermédiaires financiers (assurance-vie, placement à long terme), sans cohérence du point de vue de l'équité fiscale.

Les Pays-Bas ont mis en place une réforme globale et ambitieuse : le capital financier détenu est taxé à 1,2 % de sa valeur, soit 30 % d'un taux de rentabilité fictif de 4 %. Toute disparité entre les formes de placement est ainsi éliminée (du moins si le système comporte un avoir fiscal intégral). Il n'est pas nécessaire de distinguer la rentabilité réelle et nominale ; les plus-values latentes et réalisées. Par contre, la logique de l'impôt progressif est perdue de vue : les revenus du travail et ceux du capital ne font pas masse. L'impôt ne tient pas compte de la rentabilité effective des placements. Les bénéficiaires de la réforme sont les ménages les plus riches qui effectuent généralement des placements plus risqués et plus rémunérateurs.

La situation actuelle de la fiscalité des revenus du capital en Europe n'est guère satisfaisante. Il faudrait choisir clairement entre deux structures. Le principe de soumission à l'impôt de tous les revenus des ménages, y compris les revenus financiers, est le plus satisfaisant du point de vue de l'équité, mais il est difficile à mettre en oeuvre. La pratique d'un taux spécifique pour les revenus du capital semble se généraliser. Si elle était choisie, ce taux devrait être uniforme pour tous les placements, s'appliquer aux plus-values et intégrer l'impôt sur les bénéfices déjà payé par les entreprises. Dans ce cas, le choix hollandais est une stratégie intéressante.

Diminuer le coût du travail et inciter à l'emploi

Malgré de nombreux symptômes montrant l'insuffisance de la demande en Europe de 1991 à 1996 (en particulier, la baisse de l'inflation), les explications du chômage persistant en Europe se sont focalisées, dans les milieux gouvernementaux et les organisations internationales, sur les problèmes d'offre et en particulier sur le poids des charges sociales. Les charges sociales ont été jugées responsables de l'alourdissement général du coût du travail, donc d'un manque de compétitivité ; couplées avec l'existence de salaire minimum dans la plupart des pays européens, elles seraient responsables d'un niveau trop élevé du coût du travail non qualifié ; enfin, pesant sur les salaires nets, elles les rabaisseraient à un niveau trop faible, ne les écartant pas suffisamment des revenus de remplacement (prestations chômage, revenu minimum), de sorte que les travailleurs non qualifiés préféreraient bénéficier des revenus de remplacement plutôt que de travailler et seraient donc plongés dans une trappe à pauvreté.

Il convient cependant de relativiser ce discours. Le choix que font la société ou les salariés pris collectivement entre salaires directs et salaires différés n'a aucune raison a priori d'augmenter le coût global du travail, du moins à moyen terme. Les cotisations sociales financent des prestations, qui évitent aux salariés d'avoir à supporter des dépenses d'assurances maladie privées et des primes aux fonds de pensions. L'élément redistributif, qui existe dans les systèmes d'assurance universelle, bénéficie aux travailleurs les plus mal payés et augmente donc leur salaire disponible à coût salarial donné. Imaginons que dans un pays coexistent 100 travailleurs payés 100 et 100 travailleurs payés 200. Un système d'assurance privée où chacun doit cotiser pour 15 est plus coûteux pour les plus mal payés qu'un système d'assurance sociale où chacun verse 10 % de son salaire (10 pour les uns, 20 pour les autres).

Néanmoins, la stratégie d'allégement des prélèvements sur les revenus salariaux mise en oeuvre a comporté quatre éléments, d'importance variable selon les pays.

La réduction de la croissance des dépenses de protection sociale

Les dépenses de protection sociale ont été gérées avec rigueur dans la plupart des pays de l'UE. Mais, globalement, elles sont passées de 25,5 % du PIB en 1990 à 27,6 % en 1999 ; soit une croissance moyenne de 2,4 % l'an, en terme réel par tête. Plusieurs pays (Suède, Italie, Royaume-Uni) ont adopté des dispositifs destinés à éviter la croissance des prestations publiques de retraites, mais ceux-ci ne jouent qu'à long terme. D'autres pays ont mis en oeuvre des politiques familiales ambitieuses pour enrayer leur déclin démographique. Enfin, les dépenses de santé ont progressé au taux de 2 % par an, en terme réel par tête. Les réformes drastiques sont apparues difficiles à mettre en oeuvre et peu populaires. Les perspectives démographiques en Europe ne permettront sans doute pas de ralentir substantiellement la croissance future de ces prestations.

La recherche de nouvelles ressources

A prestations sociales données, il est possible de baisser les cotisations sociales en dégageant d'autres sources de financement pour la Sécurité sociale. Le financement par les cotisations sociales se justifie pour les prestations retraites, chômage et les autres prestations de remplacement, liées au salariat. Il ne se justifie pas pour les prestations famille, solidarité et maladie (si leur couverture est universelle). La part des cotisations dans le financement des prestations est passée, pour l'ensemble de l'Union, de 67,1 % en 1990 à 60,6 % en 1999, soit 6,5 points de baisse répartis entre 4,6 points de baisse pour les employeurs et 1,9 point pour les salariés. Le mouvement a été particulièrement sensible en Allemagne (baisse de 7 points, grâce à la hausse de la fiscalité écologique), en France (baisse de 13 points en raison de la CSG et des exonérations de cotisations employeurs pour les bas salaires), en Italie (baisse de 12 points en raison de la création de l'IRAP), au Portugal (baisse de 13 points).

Une telle politique a cependant ses limites. D'une part, il est souhaitable que les cotisations réduites soient remplacées par une ressource autonome, stable et pérenne et non par des subventions discrétionnaires qui mettent en péril la fiabilité du financement. D'autre part, remplacer des cotisations par un impôt sur les revenus des ménages ne diminue la charge portant sur les actifs que si ce nouvel impôt frappe les revenus non liés à l'activité, c'est-à-dire les revenus du capital et éventuellement les revenus sociaux des ménages. Or, il devient difficile d'alourdir la charge portant sur les revenus du capital financier (compte tenu du niveau atteint et du manque d'harmonisation fiscale dans l'UEM) et les revenus sociaux (famille, chômage) sont souvent déjà faibles ou gérés avec rigueur (retraite).

Pour un pays en situation de chômage de masse, changer l'assiette des cotisations employeurs pour passer d'une assiette « salaires » à une assiette « valeur ajoutée » a l'avantage d'inciter les entreprises à utiliser plus de main-d'oeuvre et moins de machines et de favoriser les entreprises de main-d'oeuvre. Seule l'Italie a mis en oeuvre cette réforme. La France l'a mise à l'étude, puis y a renoncé de crainte qu'une telle mesure ne frappe trop les secteurs les plus capitalistiques 44 ( * ) .

Une baisse ciblée des cotisations employeurs

Réduire spécifiquement les cotisations employeurs sur les plus bas salaires peut être justifié par trois arguments :

Il existe actuellement un problème spécifique de chômage pour les travailleurs non qualifiés : ceux-ci sont particulièrement concurrencés par les productions des pays à bas salaires ; ils sont les victimes du progrès technique et de la substitution du capital au travail qui font disparaître leurs emplois dans l'industrie et dans certains services. Au contraire, les salariés qualifiés sont proches du plein emploi. Toute relance se heurterait au manque de personnel qualifié avant qu'un niveau d'emploi satisfaisant ne soit atteint pour l'ensemble des salariés.

Une cause essentielle du chômage en Europe est le niveau du salaire minimum (et du revenu minimum) qui empêche une baisse suffisante du salaire des non qualifiés. De nombreux travailleurs non qualifiés ont une productivité du travail inférieure au coût du salaire minimum charges comprises et ne seraient employables que si ce coût était diminué. La baisse des cotisations sociales employeurs est socialement préférable à la baisse du salaire minimum, puisque le niveau de vie des travailleurs non qualifiés n'est pas affecté.

Une mesure ciblée est plus efficace en termes d'emplois gagnés à coût budgétaire donné qu'une mesure globale. Il coûte moins cher de réduire de 10 % le coût d'un salarié à bas salaire que le coût d'un cadre.
En sens inverse, les allègements bas salaires sont peu utiles si le chômage est essentiellement dû à une demande insuffisante, si les possibilités de substitution entre travail qualifié et travail non qualifié sont faibles, si le chômage frappe toutes les catégories de salariés, et si le taux de chômage plus fort des non qualifiés s'explique par le fait qu'en situation de sous-emploi généralisé, les actifs diplômés occupent des postes pour lesquels ils sont surqualifiés.

Durant la décennie 1990, ce type de mesures a été mis en oeuvre de façon importante pour les travailleurs à bas salaires en Belgique, en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Elle aurait réussi à y stopper la baisse continuelle du nombre d'emplois non qualifiés, mais semble avoir aussi encouragé l'extension des emplois à temps partiel.

Elle fait courir deux risques. Si elle est peu efficace, elle crée peu d'emplois et doit être financée : un financement par hausse des impôts portant sur les ménages peut entraîner une baisse de la demande et augmenter le chômage keynésien. Les entreprises sont incitées à créer des emplois non qualifiés (ce qui est nuisible si le degré de qualification de la population active tend à augmenter) et à refuser toute hausse de salaire et toute évolution de carrière pour les salariés qui occupent ces emplois, puisque la hausse de leur salaire, qui fait perdre les allègements de cotisations, est très coûteuse : c'est la trappe à bas salaires.

En tout état de cause, cette mesure est théoriquement plus efficace pour créer des emplois non qualifiés, que la baisse de la TVA sur certains services à forte intensité en main-d'oeuvre, qui a été autorisée par le Conseil européen et mise en oeuvre par la plupart des pays européens, mesure qui a le défaut de ne s'appliquer qu'à certains secteurs et de favoriser toutes les entreprises de ces secteurs indépendamment de leur choix de techniques de production.

Une hausse ciblée des revenus des travailleurs non qualifiés

Dans les années 1990, suivant l'exemple américain, l'accent a été mis sur les problèmes d'incitation au travail des travailleurs non qualifiés. Le développement du chômage de masse et de la pauvreté a fait que de nombreux travailleurs n'ont trouvé d'autre solution que d'accepter des emplois à mi-temps rémunérés au salaire minimum. Ce genre d'emploi ne leur permettait pas d'obtenir un niveau de vie supérieur à celui que la société jugeait nécessaire d'offrir aux personnes sans emploi, tout particulièrement s'agissant de personnes avec charge d'enfants. Alors que le plus souvent, c'est le manque d'emplois disponibles qui les empêche de travailler ; alors que l'urgence aurait dû être de leur offrir des emplois à temps plein avec un salaire leur permettant d'éviter la pauvreté (et d'ailleurs la stratégie de baisse des cotisations employeurs allait dans ce sens et elle aurait été d'autant plus efficace qu'elle aurait été combinée avec une politique de croissance, qui aurait aspiré vers le haut des travailleurs qualifiés qui avaient dû se résigner à accepter des emplois peu qualifiés), un certain consensus s'est fait pour mettre en cause la générosité du système de protection sociale, qui serait responsable du manque d'incitation de ces personnes à travailler. Pourtant, il n'y a guère de preuves empiriques qu'il existe un vaste stock d'emplois vacants disponibles pour des travailleurs non qualifiés qui préféreraient vivre de ressources d'assistance.

Ce diagnostic aurait pu induire des stratégies de diminution des minima sociaux. Heureusement, ce ne fut pas le cas. Certes, les minima sociaux ont été gérés avec rigueur, mais les réformes principales ont surtout consisté à offrir des prestations supplémentaires aux travailleurs non qualifiés pour creuser l'écart de leur niveau de vie avec celui des bénéficiaires des prestations d'assistances. La plupart des pays ont réformé leur barème de l'impôt en augmentant le seuil d'imposition et en réduisant le taux le plus bas. Certains ont instauré des crédits d'impôt remboursables aux travailleurs à faibles ressources dont la logique se rapproche de celle de l'impôt négatif. Le Royaume-Uni a montré la voie à l'utilisation de ce principe déjà largement pratiqué aux Etats-Unis. La France, la Belgique et les Pays-Bas ont suivi le mouvement. La France a également modifié les règles d'attribution de certaines prestations pour éviter les effets de seuil. Néanmoins, l'ampleur et l'ambition de ces réformes sont restées modestes au regard des mécanismes mis en place dans les pays anglo-saxons, l'efficacité de ce type de mécanisme dépendant largement de la situation et des modes de régulation du marché du travail, sensiblement différents en France et en Belgique (en situation de chômage de masse) et dans les pays anglo-saxons (plus proches du plein emploi).

Même si le diagnostic est contestable, ces mesures ont l'avantage d'augmenter quelque peu le revenu disponible des familles de travailleurs pauvres. Elles ont par contre le défaut de compliquer encore le système fiscal, la plupart des pays n'ayant pas choisi une mesure simple (une baisse des cotisations sociales pour les salariés mal rémunérés), mais une mesure fiscale (qui tient compte de la situation familiale) de sorte que la mesure est à la fois une mesure d'incitation à l'emploi et une mesure de lutte contre la pauvreté. Dans ce dernier rôle, elle est bizarrement conçue puisque la prestation augmente d'abord d'un revenu d'activité nul à un revenu d'activité correspondant à un plein emploi au salaire minimum (pour inciter à l'emploi) puis décroît pour des salaires plus élevés.

Une mesure plus large et plus simple, comme une Allocation compensatrice de revenu, aurait sans doute permis de mieux jouer les deux rôles simultanément. Elle aurait été maximale pour un revenu d'activité nul, puis aurait décrû linéairement de sorte que sur 100 euros de revenus supplémentaires 50 seraient restés au travailleur. Aucun pays ne s'est vraiment engagé dans cette voie. Le point délicat est qu'une telle allocation subventionne, et donc rend acceptable, des situations d'emplois à temps partiel. En sens inverse, on peut penser que le développement des emplois à mi-temps doit être enrayé, que ceux-ci doivent être réservés à des cas particuliers (étudiants, travailleurs seniors, parents d'enfants en bas âge) et que l'objectif doit être de permettre à chacun de trouver un emploi à temps plein 45 ( * ) .

La coexistence dans de nombreux pays d'un mécanisme de salaire minimum, d'exonération de cotisations employeurs et de crédit d'impôt pour les bas salaires permet aux pouvoirs publics de gérer à la fois, et de manière quasi indépendante, le coût du travail et le niveau de vie des travailleurs non qualifiés. En sens inverse, le risque existe de créer une catégorie particulière d'emplois coupés du reste des salariés, victimes de la trappe à bas salaires, à temps de travail réduit et flexible, et sans perspective de carrière.

La fiscalité écologique

Bien que les préoccupations environnementales aient considérablement progressé dans les opinions publiques européennes, l'instauration puis la montée en puissance des taxes écologiques ou écotaxes, ont été relativement tardives et leur poids demeurent modestes. Certes tous les pays prélèvent depuis longtemps des taxes spécifiques sur les consommations de certains produits à l'origine d'émissions polluantes, au premier rang desquels figurent les carburants à base d'hydrocarbures fossiles. Ces droits d'accise ont été sensiblement alourdis au cours de la décennie passée dans tous les pays européens pour inciter aux économies d'énergie et limiter l'augmentation des émissions polluantes. Mais, face à la hausse des cours du pétrole en 1999-2000, le souci d'en limiter les conséquences inflationnistes et, dans de nombreux pays, de répondre au mécontentement populaire et des professions directement concernées par l'augmentation des prix des carburants a incité certains gouvernements européens à alléger un peu la pression fiscale sur ces assiettes et, dans le cas de la France, à mettre en place un dispositif de lissage.

Les écotaxes proprement dites, c'est-à-dire les taxes générales sur les activités polluantes, n'ont commencé à jouer un rôle notable que très récemment, et dans un nombre limité de pays européens, à commencer par les Pays-Bas. Ce type d'instruments répond à la logique du « double dividende » : d'une part, la taxation de l'usage de produits à l'origine d'émissions polluantes -- et notamment de gaz à effets de serre, pour la réduction desquels l'UE s'est engagée, en signant le Protocole de Kyoto, et de polluants des nappes phréatiques, comme les nitrates et les pesticides d'origine agricole -- incite leurs utilisateurs à en réduire les quantités, selon le principe pigouvien de taxation du pollueur ; d'autre part le surcroît de recettes ainsi procuré permet de réduire, en compensation, d'autres prélèvements, notamment d'alléger les charges sociales pesant sur les salaires. C'est ainsi que plusieurs pays, dont l'Allemagne, ont entrepris de substituer des écotaxes, dont le taux et le champ d'application font l'objet d'une montée en puissance progressive et programmée, à des cotisations sociales.

En dépit des avantages de ces prélèvements, leur généralisation se heurte à de nombreuses résistances et à des obstacles indéniables. Les prélèvements sur les carburants sont, dans la plupart des pays, déjà à des niveaux élevés et impopulaires, ce qui rend les alourdissements plus difficiles politiquement. En outre, les activités productives directement affectées par les taxes générales sur les activités polluantes cherchent -- et parviennent généralement -- à obtenir des exonérations ou des allégements, de sorte que l'efficacité du dispositif et son rendement sont faibles et souvent au prix d'une complexité élevée. Enfin, ces écotaxes pèsent sur les coûts moyens de production des activités les plus polluantes, ce qui nuit à leur compétitivité et risque d'entraîner leur délocalisation. Ces difficultés peuvent être en partie résolues, ou du moins atténuées, par des mécanismes de compensation, puisque c'est l'alourdissement du coût marginal de l'usage des produits visés qui doit inciter à en limiter la demande. Mais ces compensations ne peuvent être complètes, sauf à introduire des procédures lourdes et complexes d'évaluation des coûts ; et les compensations globales, comme celles auxquelles aboutissent les allégements de charges sociales par exemple, engendrent inévitablement une redistribution du poids des prélèvements entre les producteurs. Dans ces conditions, des progrès ultérieurs dans la généralisation des écotaxes sont peu probables aussi longtemps que la stratégie de lutte contre les pollutions n'aura pas fait l'objet de choix clairs et que la l'harmonisation européenne n'aura pas permis d'en limiter les effets en termes de compétitivité.

La fiscalité locale

Presque tous les pays européens ont, au cours de la décennie passée, élargi les compétences de leurs collectivités territoriales en matière de dépenses. Ce mouvement de décentralisation, plus ou moins marqué selon les pays, n'a toutefois pas été reflété partout dans un accroissement du poids de la fiscalité locale au sens strict, ce qui montre que les réponses apportées aux exigences d'autonomie financière des collectivités locales varient considérablement selon les pays 46 ( * ) .

L'une des difficultés majeures en matière de fiscalité locale provient du conflit inévitable qui existe entre l'autonomie locale, qui engendre nécessairement la diversité, et les objectifs nationaux de la politique fiscale, qu'il s'agisse de justice sociale et de redistribution ou de choix de politique économique, tel que l'allégement des prélèvements sur les salaires. A cela s'ajoutent les problèmes spécifiques que posent la mobilité des assiettes fiscales à l'échelle de découpages territoriaux qui, dans certains pays, dont la France, peuvent être très fins : la concurrence fiscale est sans doute plus vive entre collectivités locales d'une même agglomération ou bassin d'emploi qu'entre pays.

Dans la plupart des pays européens où des responsabilités importantes sont confiées aux collectivités locales, aux communautés autonomes (Espagne) ou aux Etats fédérés (Allemagne, Autriche, Belgique) en matière de dépenses publiques, notamment d'investissement, de santé et d'éducation, la modalité dominante de financement est le partage, selon des clés prédéfinies, des recettes d'impôts nationaux à fort rendement, tels que la TVA ou l'impôt sur le revenu des personnes. Cependant, dans la presque totalité des pays européens, les collectivités locales prélèvent également des impôts sur les assiettes peu mobiles, notamment des impôts fonciers. L'imposition locale des entreprises continue d'être pratiquée dans une minorité de pays membres, même si son assiette a été, presque partout, sensiblement remaniée pour éviter les problèmes de concurrence fiscale ou des conflits avec les objectifs nationaux de la politique fiscale -- comme c'est le cas avec la suppression de la part salariale de l'assiette de taxe professionnelle en France ou des réformes de l'impôt local sur les entreprises en Allemagne et en Italie. Le mouvement de regroupement communal lancé en France depuis les lois Voynet et Chevènement, la généralisation de la taxe professionnelle de zone qui l'accompagne, n'ont pas d'équivalent ailleurs en Europe, où les problèmes de structures et d'empilement sont généralement moindres et ont souvent été réglés depuis longtemps.

Les transferts en provenance du budget central représentent, dans de nombreux pays, une source importante de financement des dépenses publiques locales. Ils ont l'avantage de permettre une péréquation des ressources entre collectivités. Celle-ci est le préalable indispensable à une décentralisation audacieuse des compétences et à l'autonomie des collectivités locales en matière de taux de prélèvement sur les assiettes qui leur sont octroyées. Faute d'une péréquation financière suffisante, en effet, les disparités de prélèvements sur les ménages ou les écarts de services publics locaux qui leur sont offerts apparaissent particulièrement injustes, tandis que les écarts de prélèvements sur les activités productives engendrent des phénomènes cumulatifs de concentration spatiale et de désertification. Si les transferts compensent la quasi-totalité des disparités de potentiel fiscal ex ante des collectivités locales, une décentralisation poussée peut être compatible avec le maintien de l'équité sur l'ensemble du territoire national..

Un modèle fiscal européen ?

Dans chaque pays, la structure et le poids du système fiscal reflètent des choix économiques, sociaux et politiques effectués par la collectivité nationale ; ce sont les résultats des circonstances historiques ayant prévalu lors de sa construction et à chaque étape de son évolution. Chaque Etat membre de l'UE présente des spécificités ; c'est en ordre fiscal dispersé que les pays se sont présentés au début des années 1990, au départ de la construction du Marché unique et de l'UEM. Une plus grande ouverture des frontières dans une situation caractérisée par un assemblage non organisé de systèmes fiscaux différents est susceptible de générer des mouvements de personnes et de capitaux physiques et financiers motivés par des considérations fiscales. Ces mouvements peuvent réduire la capacité des Etats membres à organiser la redistribution et à financer leurs dépenses publiques. Ils peuvent générer aussi une ré-allocation non efficace des ressources. Sont concernés principalement le comportement migratoire des entreprises et des actifs hautement rémunérés et la circulation du capital physique ou financier. Certes, la Commission et le Conseil ont avant même l'ouverture de 1993, et tout au long de la décennie, élaboré un certain nombre de directives (par exemple les directives TVA) visant à éviter les cas les plus flagrants de non-neutralité fiscale. Malgré cela, la construction fiscale européenne reste encore largement en chantier. Les décisions qui seront prises dans la prochaine décennie auront de fait une influence considérable sur le devenir de l'Europe fiscale.

En la matière, le principe de subsidiarité continue à prévaloir. Il ne s'agit pas, dans l'état actuel des choses, et tant que les citoyens n'auront pas décidé de passer à une Europe fédérale, d'organiser une fiscalité unifiée à l'échelle européenne. Chaque pays reste libre de son niveau de dépenses publiques, donc de recettes fiscales ; de son degré de redistribution entre ses résidents ; de l'organisation de son système de protection sociale. Cependant, certaines décisions seront plus efficaces si elles sont prises à l'échelle européenne ; par ailleurs, la liberté doit être organisée. Ce doit être l'objectif de l'harmonisation fiscale que de permettre aux pays de pouvoir jouir des degrés de liberté nécessaire. Reste que l'Europe fiscale devra vivre longtemps dans une tension entre le désir d'autonomie de chaque pays, son souci de maintenir son droit à décider de sa politique fiscale, de garder sa liberté d'innover et la nécessité de l'harmonisation 47 ( * ) .

Le projet de directive sur la taxation des revenus de l'épargne va dans le bon sens. Reconnaissant le principe de résidence, il permet à chaque pays d'appliquer la fiscalité de son choix sur les revenus de ses résidents en organisant les circuits d'information nécessaire.

La taxation des revenus des ménages peut pour le reste demeurer purement nationale. Restent deux points délicats. Il faut éviter des pratiques de concurrence fiscale dommageables et contraire au principe de résidence, par exemple que certains pays accordent des régimes dérogatoires aux résidents de fraîche date, ayant des revenus d'origine étrangère. L'exode fiscal demeurera certes possible pour les individus à patrimoines élevés ou les actifs à très forts revenus, mais devrait rester limité, compte tenu des coûts induits par l'obligation de changer durablement de pays de résidence. Toutefois, sa possibilité obligera sans doute les pays à limiter quelque peu la taxation des plus hauts revenus et patrimoines. L'instauration d'un taux supérieur minimal est, de toute évidence, impossible en Europe actuellement, mais les pays devraient s'accorder sur la nécessité de lutter contre les paradis fiscaux extra-communautaires.

La protection sociale doit, elle aussi, rester purement nationale, tant que la vie sociale, les organisations syndicales et les négociations sociales restent organisées à l'échelon national. La disparité des systèmes est aujourd'hui extrême en matière de retraite, de prestations chômage, d'assurance-maladie. Le risque est que, sous prétexte de liberté de concurrence et d'établissement, les assurances privées n'obtiennent le droit de concurrencer les systèmes publics à composante redistributive. Aussi, les pays concernés devraient-ils clairement déclarer que les régimes d'assurance sociale qui ont des objectifs sociaux ou de redistribution sont obligatoires et échappent au principe de la libre concurrence. En même temps, chaque pays a la responsabilité propre de mettre en place un système suffisamment attractif pour être compétitif à l'échelle européenne tout en restant suffisamment redistributif. Bien sûr, la tâche sera facilitée si des normes sociales sont définies à l'échelle européenne : revenu minimal, minimum vieillesse, retraite minimale, prestations familiales (tous quatre en pourcentage du revenu moyen dans chaque pays), couverture maladie de base universelle. Mais c'est un choix politique que de décider si ces exigences font partie du modèle européen 48 ( * ) .

Théoriquement, chaque pays peut décider de sa propre fiscalité écologique et utiliser les fonds ainsi dégagés pour réduire la charge portant sur le travail. Mais une stratégie purement nationale trouve vite ses limites : il est difficile d'augmenter la charge portant sur un secteur industriel donné si ses concurrents ne subissent pas les mêmes contraintes. De plus, les effets favorables sont diffus. Aussi, peut-on penser que c'est un domaine où la stratégie doit rapidement devenir communautaire. En sens inverse, ceci ne favorise pas la prise de conscience nationale de la nécessité d'agir. La fiscalité écologique apparaît comme une contrainte bruxelloise, que les gouvernements abandonnent vite face aux lobbies sectoriels.

Le cas le plus délicat est celui de l'impôt sur les sociétés. Une assiette commune serait nécessaire, mais les pays veulent garder le droit de mettre en oeuvre des mesures spécifiques (aide à l'investissement, à la recherche-développement, à l'innovation, etc.). La Commission a pris le parti de ne juger comme réellement préjudiciable que les régimes fiscaux ayant un caractère dérogatoire. Elle s'est refusée à imposer un taux minimal 49 ( * ) . Le démantèlement complet des régimes dérogatoires serait déjà un progrès important. Le refus d'uniformiser les taux d'imposition ne laisse comme stratégie d'harmonisation disponible que le principe de l'imposition à la source 50 ( * ) . Chaque entreprise doit payer l'impôt sur les sociétés sur les profits réalisés dans chacun des pays où elle exerce son activité. Sinon, le principe d'imposition à la résidence induirait une concurrence fiscale destructrice, chaque entreprise pouvant déplacer son siège social dans le pays le moins taxant. De plus, un accord entre les pays membres est nécessaire sur les principes de taxation des dividendes, en particulier sur l'avoir fiscal. Sinon, l'unification du marché financier européen serait entravée, les ménages des pays membres devant faire leurs choix d'investissements en Bourse en fonction de considérations fiscales. L'accord pourrait comporter la généralisation du système de l'avoir fiscal, chaque pays pourrait alors choisir librement la taxation des dividendes reçus par ses résidents selon le principe de subsidiarité et la neutralité de l'imposition vis-à-vis du choix du pays d'investissement serait assurée. En sens inverse, il pourrait comporter la suppression de l'avoir fiscal, mais la neutralité vis-à-vis du pays d'investissement ne serait pas assurée.

Malheureusement, il n'existe pas de solutions simples, ni dans le domaine de la réforme fiscale, ni dans celui de l'harmonisation. Il n'y a pas de grande réforme fiscale, mais des retouches qui cherchent à améliorer l'équité et le fonctionnement de l'économie, qui souvent compliquent au lieu de simplifier. Jusqu'à présent, les pays européens semblent avoir réussi à préserver le niveau de redistribution et de dépenses publiques qu'ils souhaitaient. Par ailleurs, l'Europe fiscale devra vivre longtemps dans cette contradiction entre des marchés du capital et des biens qui s'unifient rapidement, des fiscalités (et plus généralement des structures budgétaires, sociales et politiques) qui restent nationales. Ceci rend difficiles les grands progrès.

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Chapitre I : Fiscalité européenne, l'état des lieux

Réjane Hugounenq et Henri Sterdyniak

Les pays de l'Union européenne sont caractérisés par des taux de prélèvement obligatoire élevés, 40,8 % en moyenne, supérieurs de plus de 10 points aux niveaux japonais et américain. La mondialisation n'a jusqu'à présent pas privé les pays européens de ressources. Au sein de l'UE, les pays dont le TPO est le plus élevé sont la Suède, le Danemark, la Finlande, la Belgique et la France. A l'autre extrémité du spectre se trouvent le Royaume-Uni, l'Irlande et les pays du Sud (Espagne, Grèce, Portugal). Les différences de TPO reflètent essentiellement les choix du montant des dépenses collectives (éducation, santé) et des prestations sociales. Comparée aux Etats-Unis, l'UE se caractérise par le poids important des cotisations sociales et des taxes sur les produits (TVA). Par contre, le poids de l'impôt sur le revenu des ménages est plus faible. Les pays européens s'étagent entre les pays très centralisés où le gouvernement central prélève plus des 2/3 des recettes (Irlande, Royaume-Uni, Grèce, Portugal, Luxembourg, Danemark) et des pays peu centralisés : Allemagne, en raison du poids des Länder, Belgique en raison de sa division linguistique, France en raison du poids de la Sécurité sociale, Suède en raison du poids des communes.

Ce chapitre présente les niveaux d'imposition et leur évolution depuis le début des années 1990 pour les pays membres de l'Union européenne (UE) auxquels nous avons ajouté les Etats-Unis et le Japon à titre de comparaison. Il analyse aussi des indicateurs de la structure de la fiscalité comme l'assiette des prélèvements et l'administration perceptrice.

Le niveau d'imposition est appréhendé par le taux de prélèvement obligatoire (TPO) tel qu'il est mesuré par l'OCDE, soit les impôts et les cotisations sociales obligatoires en pourcentage du PIB (Notes de méthode).

Dans chaque pays, le taux de prélèvement obligatoire reflète fondamentalement le poids des dépenses publiques, compte tenu cependant des recettes non fiscales, des charges d'intérêt, du déficit public. Aussi, fournissons-nous plusieurs indicateurs du poids des dépenses publiques, qui permettent d'expliquer les différences de taux de prélèvement obligatoire.

Notes de méthodes

Les données présentées ici sont essentiellement issues des Statistiques des recettes publiques de l'OCDE. Sous le terme de « prélèvements obligatoires », l'OCDE regroupe en principe l'ensemble des versements obligatoires (y compris cotisations sociales) effectués sans contrepartie au profit des administrations publiques.

Les administrations publiques comprennent les autorités supranationales (institutions de l'Union européenne), les administrations centrales, régionales et locales, les entités publiques autonomes (églises dans certains pays), à l'exception des entreprises publiques, et les organismes de Sécurité sociale. Un certain flou existe quant à l'appartenance aux secteurs des administrations publiques de certains organismes d'assurance maladie ou d'assurance retraite. Les mutuelles ne font pas partie des administrations publiques (dans la mesure où l'adhésion y est facultative). Les fonds de pension par capitalisation n'y figurent pas, sauf dans certains pays où ils sont obligatoires et socialement contrôlés (Finlande, par exemple). Les régimes obligatoires y figurent, même s'ils sont juridiquement gérés par le secteur privé (pour la France, Unedic, Arrco, Agirc).

L'expression de « sans contrepartie » exclut en principe les versements qui ouvrent des droits à des prestations proportionnelles aux versements. C'est ainsi que ne sont pas considérées comme prélèvement obligatoire certaines taxes qui sont le paiement d'un services rendu (passeports, redevance radio-télévision, amendes, etc.). Par contre, en dérogation à ce principe, sont comptabilisées dans les prélèvements obligatoires toutes les cotisations obligatoires, même si elles donnent droit à des prestations plus ou moins directement liées aux cotisations versées (en matière de retraite ou de chômage).

Les cotisations volontaires sont exclues des prélèvements obligatoires de même que les cotisations obligatoires mais versées à des organismes extérieurs au secteur des administrations publiques (dans les pays où les salariés sont obligés de s'assurer, mais peuvent le faire auprès de leurs entreprises ou d'une assurance privée). Enfin, les cotisations fictives ne sont pas comptabilisées dans les prélèvements obligatoires : la création d'une caisse de retraite pour les fonctionnaires augmente donc le taux de prélèvement obligatoire.

Les données de l'OCDE sont comptabilisées sur la base des versements effectivement reçus par les administrations. Elles tiennent donc compte des dispositions fiscales particulières : crédit d'impôts, avoir fiscal, par exemple. De façon générale, les recettes sont nettes des dépenses fiscales. Le taux de prélèvement obligatoire est donc plus faible pour les pays qui offrent des ristournes de cotisations sociales au lieu de subventions à l'emploi, des crédits d'impôt aux familles plutôt que des prestations familiales, des primes à l'emploi plutôt des subventions aux travailleurs peu qualifiés, des ristournes à l'impôt sur les sociétés plutôt que des subventions à l'investissement, etc. De même, ce taux est fictivement plus faible dans les pays qui exonèrent les retraites et les chômeurs de cotisations ou d'impôt, mais qui tiennent compte de cette exonération dans le calcul des prestations.

Enfin, pour ce qui est de la structure d'imposition, l'OCDE classe les recettes fiscales en fonction de leur assiette : revenus, salaires, patrimoine, biens et services etc., et non en fonction de leurs répercussions économiques.

I. Les taux de prélèvement obligatoire des pays de l'UE

En 2000, les pays de l'UE restent caractérisés par des taux de prélèvement obligatoire élevés, 40,8 % en moyenne, supérieurs de plus de 10 points aux niveaux japonais et américain (tableau 1). Globalement, les taux de prélèvement obligatoire ont légèrement augmenté (de 1,8 point en moyenne). La mondialisation n'a jusqu'à présent pas obligé les pays européens à se priver de ressources. En dépit d'un certain rapprochement, les divergences entre pays de l'UE restent fortes.

Au sein de l'UE, les pays dont le ratio recettes fiscales sur PIB est le plus élevé sont la Suède, le Danemark, la Finlande, la Belgique et la France. A l'autre extrémité du spectre se trouvent le Royaume-Uni et l'Irlande ainsi que les pays du Sud (Espagne, Grèce, Portugal). Pour l'année 2000, l'écart entre le pays dont le taux est le plus élevé et celui dont le taux est le plus bas est de près de 22 points de PIB. Les cinq pays où le taux de prélèvement obligatoire est le plus élevé avaient un TPO de 46,3 % en 1990 ; il est passé à 47,9 % en 2000 ; les cinq pays où le TPO est le plus faible avaient un TPO de 32,2 % en 1990 ; il est monté à 35,4 % en 2000.

La mise en application du traité de Maastricht et du Pacte de stabilité a généré, de la part des gouvernements européens, des efforts pour réduire le déficit public. Ceux-ci sont passés par la baisse relative des dépenses publiques (investissement public, effectifs du secteur public, gestion rigoureuse des prestations sociales, etc.) mais aussi par une certaine hausse de la fiscalité. De 1990 à 2000, les taux de prélèvement ont augmenté en Europe, de 1,8 point en moyenne 51 ( * ) . Seuls, l'Irlande et les Pays-Bas ont vu leur taux de prélèvement diminuer respectivement de 2 et 1 points. Par contre, la hausse du taux de prélèvement obligatoire a été particulièrement forte pour la Grèce (8,7 points), l'Italie (3,4 points) et le Portugal (5,3 points). Les dix années ont été marquées par un certain rapprochement des taux de prélèvement, en raison du rattrapage des pays du Sud. L'Irlande n'a pas participé à ce rattrapage : ayant bénéficié sur la décennie 1990 d'une croissance exceptionnelle (qui a culminé à 9 % en moyenne entre 1994 et 2000), elle a mis en place des programmes d'allègements fiscaux, notamment sur le revenu, destinés à compenser la faible évolution des salaires avant impôts.

Graphique 1 :Taux de prélèvement obligatoire

En % du PIB



Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Graphique 2 : Taux de prélèvement obligatoire

En %

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Tableau 1 : Les prélèvements obligatoires en pourcentage du produit intérieur brut

Pays

1990

2000

Suède

53,6

53,3

Danemark

47,1

48,4

Finlande

44,7

46,5

Belgique

43,2

46,0

France

43,0

45,5

Pays-Bas

42,8

41,8

Luxembourg

40,5

42,0

Autriche

40,5

43,3

Italie

38,9

42,3

Allemagne

36,8 (1)

37,8

Royaume-Uni

35,9

37,7

Irlande

33,5

31,5

Espagne

33,0

35,3

Portugal

29,4

34,7

Grèce

29,3

38,0

UE pondérée

39,0

40,8

Japon

30,7

27,1

Etats-Unis

26,7

28,9 (2)

(1) 1991 ; (2) 1999.

Source : OCDE, Statistiques des Recettes publiques , 2001.

Un classement qui diffère selon les sources mais des écarts qui subsistent

Les recettes fiscales évaluées par l'OCDE dans son document Statistiques des recettes publiques différent de celles que l'on peut calculer dans les Comptes nationaux. Ces divergences ont trois causes : les Comptes nationaux incluent les cotisations sociales volontaires aux administrations privées (mais, cette divergence est corrigeable, tableau 2) ; le document de l'OCDE utilise parfois des chiffres périmés (tant en ce qui concerne l'évaluation du PIB que celle de certaines recettes) ; enfin, les comptables nationaux peuvent reclasser certaines dépenses fiscales en impôts. L'écart est particulièrement marqué pour l'Allemagne, et à un moindre degré pour le Portugal et le Royaume-Uni.

Tableau 2 : Comparaison des taux de prélèvement obligatoire selon les Statistiques des recettes publiques et Comptes nationaux des pays de l'OCDE

1999, en point de PIB

Taux de prélèvement obligatoire

Cotisations volontaires

Ecarts non expliqués

SRP (1)

CN (2)

(3)

(2)-(1)-(3)

Allemagne

37,7

42,7

1,18

3,8

Autriche

43,9

44,3

0,10

0,3

Belgique

45,7

46,3

0,00

0,6

Danemark

50,4

50,8

0,04

0,3

Espagne

35,1

35,2

 

0,1

Finlande

46,3

46,3

0,29

- 0,3

France

45,9

45,8

 

- 0,1

Royaume-Uni

36,3

38,1

0,00

1,8

Grèce

37,1

37,6

 

0,5

Irlande

32,3

32,6

 

0,3

Italie

43,3

43,3

 

0,0

Luxembourg

41,8

42,6

 

0,8

Pays-bas

42,1

42,3

 

0,2

Portugal

34,3

36,8

 

2,3

Suède

52,2

53,0

 

0,8

Sources : OCDE, Statistiques des recettes publiques et Comptes nationaux des pays de l'OCDE, tableaux détaillés, volume II - 1988-1999 , 2001.

Royaume-Uni : une analyse plus fine

Il existe trois sources pour le taux de prélèvement obligatoire : les Statistiques des recettes publiques de l'OCDE (SRP), 2001 (qui donnent 36,3 % pour 1999) ; les Comptes nationaux des pays de l'OCDE, tableaux détaillés, volume II, 2001 (qui donnent 38,1 %) ; enfin, les Comptes nationaux de source britannique, The Blue Book , 2001 (qui donnent 37,2 %).

Ces différences ont deux causes (tableau 3) :

1) Des différences de concepts : les Comptes nationaux de l'OCDE incorporent les cotisations volontaires aux administrations ; les autres sources non.

2) Des différences de mesures . : la publication SRP a fait une erreur de 4 milliards en recopiant le chiffre « taxe sur le tabac ». De façon générale, ses chiffres sont un peu plus anciens et n'intègrent pas les dernières révisions des Comptes nationaux. La Comptabilité nationale britannique a augmenté le PIB de 1,1 % dans sa dernière évaluation, ce qui diminue le TPO.
Aucune des trois sources n'intègre les 8,8 milliards de contributions obligatoires à des organismes privés.

Conclusion : Le bon chiffre est celui de la comptabilité nationale britannique soit 37,2 % selon les concepts de l'OCDE. Il monte à 38,7 % si on ajoute les contributions volontaires aux administrations publiques et les contributions obligatoires aux organismes privés.

Tableau 3 : Comparaison de trois sources sur les impôts au Royaume-Uni

En milliards de livres
(en 1999)

SRP - OCDE

Comptes nationaux - OCDE

Comptes nationaux - ONS

Impôts sur les produits

123,5

130,3

131,0

Impôts sur les revenus

142,9

145,5

145,3

Cotisations sociales

55,2

56,6

56,6

Cotisations volontaires

 

5,0

 

Impôts sur le capital

2,0

2,0

2,0

Total

323,6

339,4

334,9

PIB

891

891

901

Taux de PO

36,3

38,1

37,2

Sources : OCDE, Statistiques des recettes publiques et Comptes nationaux des pays de l'OCDE, tableaux détaillés, volume II - 1988-1999 , 2001 ; ONS, United Kingdom National Accounts , The Blue Book , édition 2001.

II. Les recettes et les dépenses

Comment expliquer les écarts de prélèvements entre les différents pays ? Quels choix reflètent-ils et peut-on en inférer un modèle européen ? Le tableau 4 détaille les comptes des administrations publiques ce qui permet d'obtenir une vision globale de l'utilisation des prélèvements obligatoires pour chaque pays. Les dépenses publiques sont financées par les prélèvements obligatoires mais aussi par les recettes non fiscales et les déficits.

Ici aussi, l'enregistrement des dépenses publiques effectué par la Comptabilité nationale ne reflète pas l'intégralité des interventions économiques et sociales de l'Etat et plus généralement de la Nation. Si les TPO ne prennent pas en compte les dépenses fiscales, les dépenses publiques n'en tiennent elles non plus pas compte.

Certains avantages fiscaux se substituent directement à des dépenses sociales ; par exemple, le Royaume-Uni accorde une réduction d'impôts pour les frais médicaux privés des personnes de plus de 60 ans. De même, les réductions d'impôt au titre des systèmes contractuels de substitution au régime national d'assurance y représentaient 3,1 % du PIB en 1993. D'autres avantages fiscaux sont accordés pour encourager l'achat de prestations privées sociales se substituant aux dépenses publiques. C'est notamment le cas aux Etats-Unis, où des avantages fiscaux sont accordés aux employeurs qui contribuent aux programmes d'assurance maladie.

Il faut aussi tenir compte des dépenses privées obligatoires à caractère social. Par exemple, en Allemagne, au Danemark et en Suède, les employeurs versent pour une durée déterminée des indemnités maladie en cas d'arrêt maladie, non remboursées par l'Etat. Au Royaume-Uni, 20 % de ces mêmes dépenses ne sont pas remboursées.

Nous ne disposons pas des données nécessaires pour corriger les chiffres de la CN. Cependant, une étude de l'OCDE (1997) 52 ( * ) montre que les écarts, pour ce qui est des montants des seules dépenses sociales, passent de 15,5 à 8 points de PIB entre la Suède et le Royaume-Uni après prise en compte des éléments énoncés plus haut. Pour les même raisons, la situation relative des Pays-Bas et de l'Allemagne est inversée après prise en compte des avantages fiscaux, particulièrement élevés en Allemagne.

Ces réserves faites, les recettes fiscales s'étagent de 53 % en Suède et 51,2 % au Danemark, à 36,9 % au Portugal et 35,4 % en Espagne. Les différentiels de taux de pression fiscale restent donc importants.

Les recettes non fiscales comportent les intérêts reçus, parfois importants pour des pays où des caisses de retraites ont accumulé des actifs importants (Suède, Danemark, Finlande, Espagne).

Les soldes ont subi de fortes variations tout au long de la décennie 1990. Pour l'année 1999, les bons élèves sont le Danemark, le Royaume-Uni et la Finlande et les Pays-Bas. Quand le taux d'intérêt est peu éloigné du taux de croissance du PIB en valeur, la contrainte de stabilité de la dette est la nullité du solde primaire. Tous les pays de l'UE avait en 1999 un solde primaire positif. Ceci signifie qu'ils étaient en phase de réduction de dette, que leurs recettes fiscales étaient supérieures au niveau impliqué par leurs dépenses primaires. L'écart est de l'ordre de 6 points pour la Belgique et le Luxembourg ; de 5 points pour la Grèce et le Danemark ; de 4 points pour le Royaume-Uni, l'Italie et les Pays-Bas ; de 3 points pour l'Irlande et la Suède ; de 2 points pour la Finlande ; de 1 point pour l'Allemagne, la France et l'Espagne. Il est pratiquement nul pour l'Autriche et le Portugal. Les pays auront donc une marge à l'avenir pour réduire leur taux de prélèvement obligatoire.

Les dépenses publiques primaires vont de 31 % du PIB en Irlande et 36 % au Royaume-Uni et en Espagne à 49 % au Danemark et 52 % en Suède. De 1990 à 1999, la part des dépenses publiques primaires a augmenté de 2 points au Portugal et en France. Par contre, elle a baissé de 2 points en Italie et en Espagne, de 8 points aux Pays-Bas, de 11 points en Suède.

Les dépenses collectives (il s'agit des dépenses liées à l'administration générale, la sécurité, la défense nationale, la recherche et développement, la protection de l'environnement etc.) sont relativement proches, de l'ordre de 8 % du PIB avec 9,5 % en France et en Grèce, 11 % aux Pays-Bas et seulement 5 % en Irlande.

Les dépenses individualisables (enseignement, santé, sécurité sociale, culture, fourniture de logement etc.) et la protection sociale représentent de 30 à 34 % du PIB. Deux groupes de pays s'écartent de la moyenne, vers le haut pour les pays scandinaves, le Danemark (35 %) et la Suède (38 %) ; vers le bas pour l'Irlande (19 %), la Grèce (21 %), l'Espagne (22 %) et le Royaume-Uni (25 %). Les Pays-bas, où la protection sociale est assurée en partie par des organismes privés, sont aussi à 25 %.

Les dépenses en investissement public sont de l'ordre de 1,8 % du PIB de l'UE, mais de 1 % seulement au Royaume-Uni, tandis qu'elles dépassent 3 % dans les pays du Sud.

Les différences de prélèvement obligatoire entre les pays reflètent essentiellement les choix du montant des dépenses individualisables et du montant des prestations sociales. Elles représentent un choix de société entre les dépenses que chaque ménage doit assurer lui-même et celles qui sont collectivement fournies, en matière de santé, retraite, protection contre le chômage, dépenses pour les enfants...

Globalement, un pays continental européen type se caractérise par des dépenses publiques primaires représentant environ 45 % du PIB, réparties ainsi : 11 points pour les retraites, 8 pour la santé, 3 pour le chômage, 3 pour le poste famille-logement-pauvreté, 6 pour le poste éducation-culture, 3 pour les subventions économiques, 8 pour les dépenses collectives, 3 points de dépenses en capital. La privatisation partielle de la retraite et de la santé (à 5 % du PIB chacun), la réduction des prestations de solidarité (à 3 % du PIB pour le total chômage-famille), une certaine privatisation de l'éducation (limitant le financement public 4 % du PIB), un peu moins de subventions et de dépenses collectives (1 point de moins au total) permettent de passer à 30 points de PIB, soit au modèle américain.

Tableau 4 : Comptes des administrations, en % du PIB

 
 

Recettes fiscales

Recettes non fiscales (1)

Solde

Dépenses courantes (2)

Intérêt de la dette

Prestations sociales

FBCF

Dépenses publiques

Dépenses primaires (3)

 
 
 

Total

Dont :

 

Total

Dont :

Y compris :

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Intérêts

 
 

Dépenses individ.

Dépenses collectives

Rémunération des salariés

 
 
 
 
 

Allemagne

1991

39,7

2,8

1,1

- 3,1

22,3

10,5

8,7

9,0

2,8

15,7

2,8

43,8

41,0

 

1999

43,2

2,3

0,8

- 1,4

22,7

11,1

7,9

8,3

3,5

18,9

1,8

46,9

43,4

Autriche

1990

42,8

4,3

2,1

- 2,4

25,5

11,4

7,6

11,9

4,1

18,7

3,0

49,5

45,4

 

1999

45,8

1,7

1,2

- 2,1

24,6

11,9

7,7

11,4

3,5

17,8

1,8

49,5

46,0

Belgique

1990

43,9

3,3

1,3

- 6,7

24,1

12,8

7,5

11,2

11,9

16,2

1,7

53,9

42,0

 

1999

47,5

2,4

0,8

- 0,7

25,9

13,7

7,7

11,6

7,2

15,7

1,8

50,6

42,4

Danemark

1990

47,6

7,0

4,6

- 1,0

28,9

17,4

8,2

17,7

7,3

17,9

1,6

55,6

48,3

 

1999

51,2

5,3

3,2

3,1

29,6

17,5

8,0

17,1

4,6

17,5

1,7

53,4

48,8

Espagne

1995

33,6

3,1

1,6

- 6,6

20,6

10,1

8,0

11,3

5,2

13,9

3,7

43,3

38,1

 

1999

35,4

2,7

1,2

- 1,2

19,9

9,8

7,5

10,5

3,6

12,4

3,3

39,3

35,7

Finlande

1990

45,8

6,1

3,8

5,3

26,5

14,2

7,4

15,1

1,4

14,9

3,8

46,6

45,2

 

1999

45,8

5,1

2,6

1,8

25,3

13,5

8,1

13,6

3,1

17,9

2,8

49,2

46,0

France

1990

44,0

3,2

1,2

- 2,1

25,9

12,9

9,4

12,5

2,9

16,9

3,6

49,3

46,4

 

1999

47,1

2,8

0,6

- 1,6

26,7

14,0

9,4

13,6

3,3

18,3

3,0

51,5

48,2

Grèce

1995

33,9

2,7

2,5

- 10,2

15,7

5,9

9,4

11,3

12,7

15,1

3,2

46,8

34,1

 

1999

39,2

2,7

2,3

- 1,8

14,5

5,9

9,3

11,5

8,8

14,5

4,1

43,7

34,9

Irlande

1990

34,8

2,6

1,7

- 2,8

18,2

9,8

6,6

10,4

7,9

11,9

2,1

40,2

32,3

 

1999

33,2

1,8

1,1

1,9

17,6

8,9

5,0

8,2

2,5

10,2

2,6

33,1

30,6

Italie

1990

39,4

1,7

0,6

- 11,8

23,6

12,3

7,9

12,6

10,5

15,4

3,3

52,9

42,4

 

1999

43,2

1,8

0,6

- 1,8

20,2

10,8

7,2

10,7

6,7

17,2

2,5

46,8

40,1

Lux.

1990

40,8

7,2

4,1

4,7

23,6

9,1

8,4

10,0

0,4

14,8

4,5

43,3

42,9

 

1999

43,1

4,7

1,8

4,7

23,4

9,9

7,4

8,7

0,3

15,1

4,3

43,1

42,8

Pays-Bas

1995

40,6

5,6

2,9

- 9,1

31,2

12,5

11,6

10,8

5,9

15,3

3,0

55,3

49,4

 

1999

42,4

4,4

1,8

1,0

25,6

12,1

11,0

10,3

4,5

12,6

3,1

46,0

41,5

Portugal

1995

34,6

2,9

1,1

- 4,6

20,3

10,7

8,0

13,7

6,2

11,8

3,7

42,1

35,9

 

1999

36,9

2,5

0,6

- 2,1

20,7

11,7

8,1

14,4

3,2

13,5

4,1

41,5

38,3

R-U

1990

36,7

2,5

1,6

- 1,5

23,2

10,7

9,2

12,0

3,8

11,9

2,6

41,7

37,9

 

1999

38,1

2,2

0,8

1,3

21,5

10,9

7,6

7,5

3,0

13,5

1,1

39,0

36,0

Suède

1993

48,8

8,9

2,4

- 11,9

36,8

20,2

8,2

19,1

6,0

23,3

3,3

69,6

63,6

 

1999

53,0

5,8

2,2

1,7

30,4

19,2

7,7

16,5

5,0

18,9

2,7

57,1

52,1

Japon

1990

30,0

3,6

0,6

2,8

11,1

8,8

6,8

3,8

11,0

4,9

30,8

27,0

 

1998

27,9

3,3

0,7

10,1

17,8

9,9

7,4

3,7

14,2

5,6

41,3

37,6

Interprétation : Recettes fiscales + recettes non fiscales - solde public - intérêts nets = prestations sociales + dépenses courantes + dépenses en capital.

(1) Les recettes non fiscales incluent l'excédent d'exploitation et les revenus de la propriété.

(2) Ces dépenses comprennent aussi les subventions, les transferts nets et les acquisitions d'actifs non financiers non produits.

(3) Les dépenses publiques primaires sont les dépenses publiques hors les intérêts de la dette.

Sources : OCDE, Comptes nationaux des pays de l'OCDE, tableaux détaillés, volume II - 1988-1999 , 2001 ; calculs des auteurs.

III. Structure fiscale et incidence des impôts

Il est d'abord possible de classer les impôts selon leur assiette (tableaux 5 et 6). L'importance des différentes assiettes varie fortement selon les pays :

Comparée aux Etats-Unis, l'UE se caractérise par le poids important des cotisations sociales et des taxes portant sur le prix des produits. Par contre, le poids de l'impôt sur le revenu des ménages est plus important aux Etats-Unis.

Les pays scandinaves font jouer un grand rôle à l'impôt sur le revenu des ménages. Celui-ci reste peu important dans des pays du Sud (Portugal, Grèce, Espagne) ainsi qu'aux Pays-Bas.

Le poids de l'impôt sur les sociétés est faible en Allemagne et en Autriche ; il n'est particulièrement fort qu'en Finlande et au Luxembourg.

L'impôt sur le patrimoine est important au Luxembourg et au Royaume-Uni, à un degré moindre en France.

Les cotisations sociales pèsent fortement sur les salaires dans les pays Bismarkiens (Autriche, France, Suède, Pays-Bas). Ils sont peu importants au Danemark, en Irlande, au Royaume-Uni.

Les impôts sur les produits sont particulièrement élevés au Danemark et au Portugal.

La comparaison du poids des différents impôts en 1990 et en 2000 ne montre guère de grands bouleversements. Pratiquement, tous les impôts ont légèrement augmenté en pourcentage du PIB, de façon homothétique. Toutefois, le poids des cotisations sociales a très légèrement diminué de 0,3 point de PIB (la baisse provient en fait de l'introduction de la CSG) en France.

Une autre décomposition consiste à classer les impôts en fonction de leur répercussion économique (tableaux 7 et 8), soit en cinq catégories, selon qu'ils pèsent sur :

Les ménages (IR, impôts sur le patrimoine, cotisations sociales salariés...).

Les entreprises : (IS).

Le coût du travail (cotisations sociales employeurs et taxes sur les salaires).

Les autres coûts de production (impôts sur l'actif des sociétés, etc.).

Le prix des produits (impôts sur la production).
Globalement, on retrouve l'importance des taxes portant sur le travail et le prix des produits. Les impôts sur les ménages sont importants dans les pays scandinaves, en Belgique et aux Pays-Bas ; faibles dans les pays du Sud (Portugal, Grèce, Espagne) ainsi qu'en Irlande. Les impôts sur le revenu des entreprises sont faibles en Allemagne et en Autriche et plus particulièrement au Luxembourg. Les taxes sur le travail sont fortes dans les pays Bismarkiens (Autriche, France, Suède). Elles sont peu importantes au Danemark, aux Pays-bas, en Irlande et au Royaume-Uni. Les impôts sur les produits sont particulièrement élevés au Danemark et au Portugal.

Tableau 5 : Structure des recettes fiscales selon l'assiette des taxes, en % des recettes (2000, sauf (1))

 

ALL

AUT

BEL

DAN

ESP

FIN

FRA

GRC

IRL

ITA

LUX

PB.

PRT

SUE.

RU

UE

JAP

EU

Impôts sur le revenu

Ménages

Sociétés

30,1

28,5

39,3

59,0

28,0

44,1

25,0

27,4

42,2

33,6

35,7

25,2

28,8

42,1

38,4

32,3

33,7

49,1

25,3

22,2

31,1

52,4

18,7

32,5

18,3

13,1

30,1

23,9

18,1

15,1

16,9

35,2

28,6

24,8

20,9

40,7

4,8

4,7

8,1

4,8

8,6

11,7

6,7

11,7

12,1

6,0

17,5

10,1

11,7

6,9

9,8

7,3

12,8

8,3

Prélèvement sur les salaires
dont :

Cotisations sociales

Impôts sur les salaires

39,1

40,5

30,8

4,9

35,1

23,9

38,2

30,8

13,3

28,3

25,4

39,4

25,4

32,8

16,8

31,5

37,0

23,9

39,1

34,3

30,8

4,6

35,1

23,9

36,2

30,3

12,9

28,3

25,4

39,4

25,4

28,4

16,8

30,6

37,0

23,9

0,0

6,2

0,0

0,3

0,0

0,0

2,0

0,5

0,3

0,0

0,0

0,0

0,0

4,4

0,0

0,9

0,0

0,0

Impôt sur le patrimoine

2,3

1,4

3,3

3,3

6,2

2,5

6,7

5,2

5,5

4,3

10,5

5,4

3,3

3,6

11,8

5,9

10,2

10,7

Impôts sur les Biens et services
dont :

TVA

Accises

28,1

28,4

25,4

32,4

29,7

29,2

26,1

36,2

38,4

28,1

28,0

28,4

41,3

21,2

32,5

28,9

18,9

16,4

18,3

19,1

16,1

19,6

17,6

17,4

16,6

22,1

22,0

15,6

14,0

17,4

23,7

13,6

18,5

17,9

8,9

0,0

7,5

5,9

5,0

10,5

7,7

9,2

6,3

10,6

13,8

6,3

12,1

8,3

13,5

6,5

10,6

8,2

7,1

5,1

Autres

0,4

1,2

1,1

0,4

1,0

0,3

4,0

0,5

0,6

5,7

0,5

1,7

1,3

0,4

0,5

1,4

0,2

0,0

(1) Année 1999 pour l'Irlande, le Portugal et les Etats-Unis.

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Tableau 6 : Structure des recettes fiscales selon l'assiette des taxes en % du PIB (2000, sauf (1))

 

ALL

AUT

BEL

DAN

ESP

FIN

FRA

GRC

IRL

ITA

LUX

PB.

PRT

SUE.

RU

UE

JAP

EU

Impôts sur le revenu

Ménages

Sociétés

11,4

12,3

18,1

28,5

9,9

20,5

11,4

10,4

13,6

14,2

15,0

10,5

9,9

22,5

14,5

13,2

9,1

14,2

9,6

9,6

14,3

25,3

6,6

15,1

8,3

5,0

9,7

10,1

7,6

6,3

5,8

18,8

10,8

10,1

5,7

11,8

1,8

2,0

3,7

2,3

3,0

5,4

3,1

4,4

3,9

2,5

7,4

4,2

4,0

3,7

3,7

3,0

3,5

2,4

Prélèvement sur les salaires
dont :

Cotisations sociales

Impôts sur les salaires et la main-d'oeuvre

14,8

17,5

14,2

2,4

12,4

11,1

17,4

11,7

4,3

12,0

10,7

16,4

8,7

17,5

6,3

12,8

10,0

6,9

14,8

14,8

14,2

2,2

12,4

11,1

16,5

11,5

4,2

12,0

10,7

16,4

8,7

15,2

6,3

12,5

10,0

6,9

0,0

2,7

0,0

0,2

0,0

0,0

0,9

0,2

0,1

0,0

0,0

0,0

0,0

2,3

0,0

0,4

0,0

0,0

Impôt sur le patrimoine

0,9

0,6

1,5

1,6

2,2

1,1

3,0

2,0

1,8

1,8

4,4

2,2

1,1

1,9

4,4

2,4

2,8

3,1

Impôts sur les Biens et services
dont :

TVA

Accises

10,6

12,3

11,7

15,7

10,5

13,6

11,9

13,7

12,4

11,9

11,8

11,8

14,2

11,3

12,2

11,8

5,1

4,7

6,9

8,3

7,4

9,5

6,2

8,1

7,5

8,4

7,1

6,6

5,9

7,3

8,1

7,3

7,0

7,3

2,4

0,0

2,8

2,5

2,3

5,1

2,7

4,3

2,9

4,0

4,5

2,7

5,1

3,5

4,6

3,5

4,0

3,3

1,9

1,5

Autres

0,2

0,5

0,5

0,2

0,4

0,1

1,8

0,2

0,2

2,4

0,2

0,7

0,4

0,2

0,2

0,6

0,1

0,0

Total

37,8

43,3

46,0

48,4

35,3

46,5

45,5

38,0

32,3

42,3

42,0

41,7

34,3

53,3

37,7

40,8

27,1

28,9

(1) Année 1999 pour l'Irlande, le Portugal et les Etats-Unis.

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Tableau 6 bis : Structure des recettes fiscales selon l'assiette des taxes en % du PIB (1990)

 

ALL

AUT

BEL

DAN

ESP

FIN

FRA

GRC

IRL

ITA

LUX

PB.

PRT

SUE.

RU

UE

EU

Impôts sur le revenu

Ménages

Sociétés

11,5

10,3

16,2

27,6

10,2

19,3

6,9

5,8

12,4

14,2

16,0

13,8

7,6

22,3

14,1

12,4

11,9

9,8

8,5

13,9

24,8

7,2

17,2

4,6

4,1

10,7

10,2

9,6

10,6

4,7

20,6

10,0

9,6

9,9

1,7

1,4

2,4

1,5

2,9

2,0

2,3

1,6

1,7

3,9

6,4

3,2

2,3

1,7

4,2

2,7

2,0

Prélèvement sur les salaires
dont :

Cotisations sociales

Impôts sur les salaires et la main-d'oeuvre

13,3

15,7

14,3

1,7

11,8

9,7

19,7

9,1

5,4

12,9

11,1

16,0

8,0

15,9

6,1

13,1

6,8

13,3

13,3

14,3

1,4

11,8

9,7

18,9

8,9

5,0

12,8

11,1

16,0

8,0

14,6

6,1

12,8

6,8

0,0

2,4

0,0

0,3

0,0

0,0

0,8

0,2

0,4

0,1

0,0

0,0

0,0

1,3

0,0

0,3

0,0

Impôt sur le patrimoine

1,2

1,1

1,2

2,0

1,8

1,1

2,7

1,4

1,6

0,9

3,4

1,6

0,8

1,9

2,9

1,8

3,0

Impôts sur les Biens et services
dont :

TVA

Accises

9,5

12,7

11,4

15,8

9,4

14,6

12,2

13,1

14,2

10,9

10,3

11,3

12,9

13,4

11,1

11,1

4,5

5,9

8,4

7,1

8,7

5,2

8,7

7,9

7,2

6,9

5,7

4,8

7,1

5,8

8,0

6,1

6,6

0,0

2,4

2,5

2,1

4,7

1,9

4,3

2,7

3,5

5,7

3,0

4,1

2,5

4,1

3,9

3,5

2,9

1,3

Autres

0,0

0,5

0,0

0,0

0,0

0,1

1,4

0,0

0,0

0,0

0,1

0,1

0,2

0,1

1,5

0,5

0,0

Total

35,6

40,5

43,2

47,1

33,2

44,7

42,9

29,3

33,5

38,9

40,9

42,8

29,4

53,6

35,8

38,9

26,2

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Tableau 7 : Structure des recettes fiscales selon leur répercussion économique immédiate en % des recettes (1999)

 

ALL

AUT

BEL

DAN

ESP

FIN

FRA

GRC

IRL

ITA

LUX

PB.

PRT

SUE.

RU

UE

JAP

EU

Revenu des ménages

46,3

41,3

43,9

54,9

33,2

38,0

32,4

32,7

35,8

34,9

35,9

51,0

28,0

44,2

41,7

39,3

36,6

56,6

Revenu des entreprises

4,8

4,1

7,9

5,9

8,0

9,1

6,4

8,7

12,1

7,7

17,6

10,1

11,7

6,0

10,4

7,2

12,9

8,3

Coût du travail

19,3

23,0

19,3

1,3

24,1

20,1

27,1

14,5

8,5

20,1

11,1

6,0

14,5

26,7

9,7

18,3

19,1

12,2

Autres coûts de production

0,2

0,5

0,8

0,2

0,7

0,3

4,1

0,2

0,7

4,5

4,7

0,6

0,1

0,3

0,4

1,3

0,3

0,9

Prix des produits

27,1

26,9

23,3

30,9

27,7

30,2

25,9

35,1

36,6

25,0

27,5

25,6

40,8

20,8

30,6

27,8

17,9

14,4

Divers

2,4

4,2

4,9

6,8

6,3

2,3

4,2

8,8

6,3

7,9

3,3

6,7

4,9

2,0

7,2

6,2

13,3

7,5

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001 ; calculs des auteurs.

Tableau 8 : Structure des recettes fiscales selon leur répercussion économique immédiate en % du PIB (1999)

 

ALL

AUT

BEL

DAN

ESP

FIN

FRA

GRC

IRL

ITA

LUX

PB.

PRT

SUE

RU

UE

JAP

EU

Revenu des ménages

17,4

18,2

20,0

27,6

11,7

17,6

14,9

12,1

11,6

15,1

15,0

21,5

9,6

23,1

15,1

15,9

9,6

16,3

Revenu des entreprises

1,8

1,8

3,6

3,0

2,8

4,2

2,9

3,2

3,9

3,3

7,3

4,2

4,0

3,2

3,8

2,9

3,4

2,4

Coût du travail

7,3

10,1

8,8

0,7

8,4

9,3

12,4

5,4

2,7

8,7

4,7

2,5

5,0

13,9

3,5

7,4

5,0

3,5

Autres coûts de production

0,1

0,2

0,4

0,1

0,3

0,2

1,9

0,1

0,2

1,9

2,0

0,3

0,0

0,1

0,2

0,5

0,1

0,3

Prix des produits

10,2

11,8

10,6

15,6

9,7

14,0

11,9

13,0

11,8

10,8

11,5

10,8

14,0

10,9

11,1

11,2

4,7

4,2

Divers

0,9

1,8

2,2

3,4

2,2

1,1

1,9

3,3

2,0

3,4

1,4

2,8

1,7

1,0

2,6

2,5

3,5

2,2

Total

37,7

43,9

45,7

50,4

35,1

46,3

45,8

37,1

32,3

43,3

41,8

42,1

34,3

52,2

36,3

40,5

26,2

28,9

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001 ; calculs des auteurs..

IV. La centralisation des prélèvements

La répartition des prélèvements entre les types d'administration est très différenciée selon les pays :

Dans deux des trois pays fédérés (Belgique et Allemagne), le poids de la fiscalité des Etats est extrêmement fort, de l'ordre de 10 % du PIB, supérieur à celui des Etats-Unis.

Dans les pays scandinaves, la fiscalité locale est très importante (de 10 à 15 % du PIB). Dans certains petits pays, elle est en dessous de 1 % (Belgique, Grèce, Irlande).

Le poids des impôts perçus par les administrations centrales va de 11 % du PIB en Allemagne à plus de 25 % (Danemark, Irlande, Royaume-Uni, Suède).

Les recettes propres de la Sécurité sociale sont très faibles dans certains pays où elle est financée par le budget de l'Etat, totalement (Danemark, Suède) ou partiellement (Royaume-Uni, Irlande). Au contraire, elles sont très fortes dans les modèles bismarkiens (France, Pays-Bas, Belgique, Allemagne).
Les pays européens s'étagent entre les pays très centralisés où le gouvernement central prélève plus des 2/3 du total des recettes (Irlande, Royaume-Uni, Grèce, Portugal, Luxembourg, Danemark) et des pays peu centralisés pour des raisons diverses : Allemagne, en raison du poids des Länder , Belgique en raison de sa division linguistique, France en raison du poids des recettes de la Sécurité sociale, Suède en raison du poids des communes.

Tableau 9 : Répartition des prélèvements selon l'administration perceptrice,
en % du total des recettes

En 1997

CE

Adm. Centrales.

Etats fédérés

Adm. locales

Séc. Sociale

Allemagne

1,5

29,2

22,0

7,9

39,3

Autriche

1,4

51,2

9,4

10,1

27,9

Belgique

1,9

34,9

23,6

4,4

35,0

Danemark

1,1

62,4

--

31,5

4,1

Espagne

1,9

46,7

--

16,9

34,5

Finlande

1,2

54,8

--

22,7

26,6

France

1,2

42,5

--

10,0

45,1

Grèce

1,8

67,6

--

1,1

29,5

Irlande

2,2

85,0

--

1,8

11,1

Italie

1,1

61,0

--

9,4

26,6

Luxembourg

1,2

67,0

--

5,7

25,3

Pays-Bas

2,3

54,7

--

2,7

40,0

Portugal

1,8

65,0

--

6,6

26,5

Royaume-Uni

1,7

76,9

--

4,1

17,3

Suède

1,0

61,8

--

30,3

8,8

Etats-Unis

--

45,0

19,1

12,0

23,9

Japon

--

36,7

--

26,1

37,2

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Tableau 10 : Répartition des prélèvements selon l'administration perceptrice,
en % du PIB

En 1999

CE

Adm. Centrales

Etats fédérés

Adm. locales

Sécu. Sociale

Allemagne

0,6

11,0

8,3

3,0

14,8

Autriche

0,6

22,5

4,1

4,4

12,2

Belgique

0,9

16,0

10,8

0,2

16,0

Danemark

0,6

31,5

--

15,9

2,1

Espagne

0,7

16,4

--

5,9

12, 1

Finlande

0,6

25,3

--

10,5

12,3

France

0,6

19,5

--

4,6

20,7

Grèce

0,7

25,1

--

0,4

10,9

Irlande

0,7

27,4

--

0,6

3,6

Italie

0,5

26,4

--

4,1

11,5

Luxembourg

0,5

28,0

--

2,4

10,6

Pays-Bas

1,0

23,0

--

1,3

16,9

Portugal

0,6

22,3

--

2,3

9,1

Royaume-Uni

0,6

27,9

--

1,5

6,3

Suède

0,5

30,8

--

15,8

4,6

Etats-Unis

--

13,0

5,5

3,5

6,9

Japon

--

9,8

--

6,8

9,7

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Chapitre 2. 1 : L'imposition des bénéfices

Réjane Hugounenq

L'organisation de la fiscalité des entreprises en Europe, dix ans après l'ouverture des frontières, est encore à construire. Les taux effectifs d'imposition, ainsi que les législations auxquelles sont soumises les entreprises sont relativement disparates, ce qui, en l'absence d'organisation génère des distorsions. Elles concernent principalement les entreprises qui opèrent sur l'ensemble du territoire européen : renchérissement des coûts du fait de la coexistence de quinze régimes mais aussi, et surtout, des possibilités d'optimisation fiscale (délocalisation de sociétés-mères, prix de transferts etc.). Les délocalisations pures sont, par contre, rares. Les Etats, de leur côté, par la mise en place de régimes dérogatoires tentent d'attirer des entreprises sur leur territoire. L'enjeu de la construction fiscale européenne est clair : soit chaque pays tente de tirer partie de l'absence de coordination avec des conséquences dangereuses (concurrence fiscale, baisse de recettes et son corollaire réduction du rôle de l'Etat), soit la fiscalité des sociétés est organisée sous l'égide de la Commission. Cette dernière a déjà mis en place un certain nombre de directives visant à assurer la neutralité de la fiscalité vis-à-vis des investissements transnationaux, de même qu'elle a engagé des procédures de lutte contre la concurrence fiscale. Mais les avancées sont laborieuses et insuffisantes. Les dernières propositions concernent la base d'imposition des sociétés multinationales afin de lutter contre certaines discriminations et de limiter l'optimisation fiscale. En dépit de leur intérêt, ces propositions sont insuffisantes pour permettre aux Etats, de conserver leur autonomie fiscale et les recettes nécessaires à la pérennité de leurs choix sociaux. L'adoption d'un taux minimal à l'instar de ce qui s'est fait pour la TVA devrait compléter ces propositions.

Une entreprise multinationale qui envisage d'investir aujourd'hui dans les pays de l'UE a fort à faire pour analyser ce que sera sa situation fiscale. Quinze régimes nationaux d'imposition des bénéfices (IS) régis par tout un réseau de conventions bilatérales et par trois directives de la Commission forment l'architecture du système fiscal européen. Cette complexité est, pour les entreprises, à la fois une aubaine et une source de coûts. Une aubaine pour les plus grandes d'entre elles, qui utilisent les divergences fiscales pour minimiser leurs charges d'imposition (optimisation fiscale). Une source de coûts pour les petites et moyennes entreprises susceptibles d'opérer en Europe.

Les Etats, de leur côté, sous l'effet de la pression des entreprises et des autres Etats tentent d'attirer des entreprises sur leur territoire (concurrence fiscale). Les entreprises courtisées sont principalement les grandes entreprises et c'est à leur intention qu'ont été mis en place par certains Etats membres, des régimes dérogatoires aux droits communs (la Commission qui les combat en a recensé plus de 200). Le comportement concurrentiel ne se limite cependant pas à l'utilisation de ces régimes. Subventions diverses et fourniture publique d'infrastructures sont autant d'instruments permettant d'attirer les entreprises. Par ailleurs, comme nous le verrons, les Etats membres se sont quasiment tous engagés dans un processus de baisse des taux de l'IS accompagné par l'élargissement de la base imposable. De sorte que si concurrence il y a, elle se signale certainement plus par la présence de régimes dérogatoires que par la baisse des taux.

La Commission, quant à elle, conformément à son engagement de réalisation du grand marché européen, vise par ses propositions et directives en matière d'imposition des bénéfices à assurer la neutralité de la fiscalité vis-à-vis des investissements transnationaux 53 ( * ) : les entreprises doivent pouvoir investir sur l'ensemble du territoire européen sans que la fiscalité soit une source de coût ou de distorsion économique 54 ( * ) . Des directives ont donc été mises en oeuvre pour éviter par exemple, les doubles impositions ou encore pour limiter certaines pratiques d'optimisation fiscale. De même, la Commission a engagé des procédures de luttes contre la concurrence fiscale à laquelle se livrent subrepticement les Etats. Mais, les avancées sont laborieuses et pour certaines d'entre elles, insuffisantes. Les groupes transnationaux continuent d'optimiser et le système dans son ensemble reste complexe et non neutre. Telle est aujourd'hui la situation en Europe en matière de fiscalité des sociétés.

La question urgente, qu'il s'agit de traiter aujourd'hui, en matière de fiscalité des entreprises n'est pas celle de la comparaison du niveau des taux d'imposition selon les pays ou encore celle de la délocalisation des entreprises afin de désigner les bons ou les mauvais élèves, mais celle de la nécessité de l'organisation de l'IS au niveau européen. Et ce précisément pour que les entreprises ne soient pas incitées à se délocaliser pour des raisons uniquement fiscales. La non neutralité du système, de même que la concurrence fiscale (qui contribue aussi à cette non neutralité) sont coûteuses, en termes d'efficacité économique 55 ( * ) et de recettes fiscales pour les Etats.

L'organisation fiscale qui est du ressort de la Commission se heurte, comme d'ailleurs celle des autres impôts, à l'autonomie fiscale des Etats membres et au principe de subsidiarité. Cela explique que le choix de l'harmonisation des bases et des taux qui supprimerait l'ensemble des problèmes est aujourd'hui inenvisageable. Les Etats la refuseraient au motif qu'elle nuit à leur souveraineté fiscale. On voit bien qu'en matière de TVA par exemple, c'est un ensemble de principes généraux minimal et non l'harmonisation qui a été choisi.

Quelle organisation mettre en place ? Est-il possible d'instituer un système d'IS neutre en Europe tout en préservant la diversité des régimes et sans mettre en péril les recettes fiscales des Etats membres ? La Commission a récemment émis un certain nombre de propositions visant à faire avancer le processus de coordination. Suffiront-elles à enrayer les pratiques de concurrence fiscale et les menaces de délocalisation des entreprises ? En clair, ces propositions permettront-elles à chaque Etat, de conserver son autonomie fiscale et les recettes nécessaires à la pérennité de leurs choix sociaux ? Ce sont les questions que nous traiterons dans ce chapitre. Dans un premier temps, cependant, nous présenterons les régimes nationaux d'IS en Europe et leur évolution ces dix dernières années et discuterons des problèmes de délocalisations des entreprises ainsi que des solutions à apporter. Sachant que le point d'achoppement le plus aigu concerne l'imposition des entreprises transnationales, nous ferons dans une seconde partie, le point sur le fonctionnement du système d'imposition tel qu'il s'applique aux sociétés dont les activités s'étendent sur l'ensemble du territoire européen. L'évolution des positions de la Commission en matière de coordination, des comportements d'optimisation et de concurrence fiscale seront alors évoqués.

I. L'IS en Europe, son poids, son évolution

1. Le poids de l'IS en Europe

Le poids de l'IS (tableau 1) dans les budgets nationaux est relativement proche. Seuls se distinguent, l'Autriche et l'Allemagne (avec des recettes nettement inférieures à la moyenne), le Luxembourg et dans une moindre mesure le Royaume-Uni (avec des recettes d'IS légèrement supérieures à l'ensemble des autres pays). Au cours de la décennie 1990, le poids de l'IS a légèrement progressé dans l'ensemble des pays de l'UE (sauf pour le RU). Cette progression est en grande partie due aux évolutions conjoncturelles (les entreprises ont des profits plus élevés), les modifications structurelles opérées dans les pays membres au cours des dernières années s'étant compensées.

Tableau 1 : Impôt sur les sociétés en % du PIB

 

1980

1990

1996

1997

1998

1999

2000

2001*

2002*

Autriche

1,4

1,3

1,8

1,8

1,8

1,7

1,7

1,8

1,8

Allemagne

1,8

1,8

1,7

1,9

1,9

2,0

2,1

1,9

1,9

Belgique

2,2

2,4

3,1

3,5

3,6

3,5

3,5

3,5

3,4

Danemark

1,5

2,6

3,4

3,7

3,6

3,6

3,5

3,5

3,5

Espagne

1,2

3,1

2,1

2,1

2,1

2,1

2,1

2,1

2,1

Finlande

1,2

2,0

3,0

3,7

3,7

3,7

3,8

3,6

3,5

France

2,1

2,4

1,9

2,2

2,7

2,9

2,9

2,8

2,8

Grèce

0,5

1,7

2,2

2,4

2,9

3,2

3,3

3,3

3,2

Irlande

1,5

2,2

3,6

3,7

3,7

3,7

3,5

3,4

3,3

Italie

2,4

3,7

4,2

4,3

3,9

4,1

4,1

3,9

3,9

Luxembourg

7,6

6,6

6,9

8,3

8,3

8,2

8,2

8,0

7,6

Pays-Bas

3,0

3,4

4,1

4,6

4,5

4,5

4,4

4,2

4,2

Portugal

0,9

2,5

2,7

2,8

2,8

2,9

3,0

3,1

3,1

RU

2,9

4,1

3,8

4,3

4,7

4,7

4,8

4,7

4,7

Suède

1,2

2,0

3,1

2,8

2,9

2,9

2,8

2,7

2,6

Europe

2,2

2,9

2,7

3,0

3,1

3,2

3,2

3,2

3,1

* Estimations/Prévisions.

Sources : Commission européenne/Eurostat.

2. Les modifications structurelles de la décennie 1990

Les réformes fiscales mises en oeuvre tout au long de la décennie 1990 ont toutes été façonnées par l'idée selon laquelle, tout prélèvement autre que forfaitaire étant source de distorsions 56 ( * ) , il est préférable que l'impôt, pour un montant de recette donné, soit prélevé à un taux relativement faible quitte à ce que la base d'imposition soit la plus large possible.

De fait, pour la raison évoquée ci-dessus, mais aussi pour des effets d'affichages en termes d'attractivité fiscale, les pays de l'UE n'ont cessé tout au long des années 1990 de diminuer les taux d'imposition sur les bénéfices (tableau 2). L'Allemagne avait deux taux d'imposition sur les sociétés : 30 et 40 % (respectivement pour les bénéfices distribués et non distribués) qui ont été ramenés par la réforme 2000 au taux unique de 25 %. La Grande-Bretagne a un barème progressif qui commence à 10 et se termine à 30. En Suède, le taux est unique, fixé à 28 %. L'Italie a introduit la DIT (Dual Income Tax), ce qui revient à pratiquer un barème progressif (en fonction de la rentabilité de l'entreprise) à deux taux : 19 (pour la rentabilité normale) et 36 % (pour la rentabilité exceptionnelle). Le taux français, a lui aussi subi par rapport à son niveau des années 1980 une forte baisse mais reste, compte tenu des majorations qui subsistent, aux alentours de 35 % soit avec les Pays-Bas dans le haut de la fourchette dans l'Union européenne. L'Irlande a un double système : un taux normal d'imposition sur les sociétés comparable à celui de la Grande-Bretagne -- c'est à dire un taux progressif dont la fourchette se situe entre 22 et 34 % -- et un taux de 10 % pour des activités manufacturières localisées dans des zones préférentielles. Ce mouvement de baisse des taux engagé depuis une décennie perdure. Les Irlandais, par exemple, en prévision d'une éventuelle condamnation pour compétition fiscale déloyale, envisagent de fusionner en 2003 tous leurs régimes sur la base d'un taux unique de 12,5 %.

On remarque qu'aujourd'hui, hormis le cas particulier de l'Irlande, le taux nominal d'IS est en moyenne en Europe de 30 %.

Tableau 2 : Evolution des taux nominaux de l'IS

 

Taux normal hors surcharge (1 )

Autriche

34 %

Allemagne

Avant 2000 : Taux sur les bénéfices réinvestis : 40 %
Taux sur les bénéfices distribués : 30 %

Après 2000 : Taux unique 25 %

Belgique

39 %

Danemark

1999 : 32 %
2001 : 29 %

Espagne

35 %

Finlande

1999 : 28 %
2001 : 29 %

France

50 % fin de la décennie 1980
33,33 % depuis le début des années 1990 (2)

Grande-Bretagne

33 % début des années 1990
30 % à partir de 2000

Grèce

1999 : 40 %
2001 : 37,5 %

Irlande

10 % (3)

Italie

37 % avant 1998
A partir de 1998 : 19 % et 37 % (4)
A partir de 2001 : 19 % et 36 %

Luxembourg

30 %

Portugal

1999 : 34 %
2001 : 32 %

Pays-Bas

35 % tout au long de la décennies 90

Suède

28 %

(1) Taux maximal hors surcharges . Il existe par ailleurs dans tous les pays des taux réduits pour les PME ou pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est en deçà d'un certain montant.(voir annexes pour plus de précisions sur les pays).

(2) Le taux normal de l'IS a été l'objet de nombreuses surcharges tout au long des années 1990 pour atteindre près de 42 % en 1997 avant de redescendre en 2002 à 35,43 %. Le taux sera de 34,43% en 2003 (voir annexes sur la France pour plus de précisions).

(3) L'Irlande a un double système : un taux normal d'imposition sur les sociétés -- soit un taux progressif dont la fourchette se situe entre 22 et 34 % -- et un taux de 10 % pour des activités manufacturières localisées dans diverses zones préférentielles. On peut considérer que le taux normal est de 10 % dans la mesure ou les entreprises qui se délocalisent en Irlande pour des raisons fiscales s'installent précisément dans ces zones préférentielles.

(4) L'application de l'un ou de l'autre taux dépend de la rentabilité du capital. Le barème est progressif, le taux moyen comme le taux marginal croissent avec la rentabilité du capital.

Sources: Rapport Commission européenne 2001(935), Eurostat.

Les pays membres étant confrontés tout au long des années 1990 à des impératifs budgétaires, les modifications de taux se sont quasiment toutes traduites par un élargissement de la base d'imposition. L'Allemagne a par exemple durci sa position en matière de règles d'amortissement. La Grande-Bretagne a réduit certains avantages comme l'exonération des dividendes reçus de sociétés résidentes pour certains types d'actionnaires, etc.

Il est à priori difficile, à partir de la seule analyse qualitative de l'évolution des taux et des éléments constitutifs de la base imposable, de se prononcer sur l'évolution de la charge fiscale supportée par les entreprises dans chaque pays . La baisse du taux nominal de l'IS ne signifie pas nécessairement réduction de la charge fiscale pour les entreprises, ni même diminution des recettes fiscales pour l'Etat. En effet, des compensations peuvent s'effectuer entre taux et bases et entre les éléments de la base elle-même, et ce à la fois au niveau de l'entreprise mais aussi au niveau global. Par exemple, un pays qui impose des restrictions sur les pratiques d'évaluation des biens immatériels pourra les compenser par un régime d'amortissement favorable sur les biens tangibles. Où en est-on aujourd'hui des charges d'IS pesant sur les entreprises des différents Etats membres, autrement dit qu'en est-il du taux effectif d'imposition ?

3. Taux moyens effectifs d'imposition dans les pays de l'UE

Dans son dernier rapport sur l'imposition des entreprises en Europe 57 ( * ) , la Commission mesure quantitativement l'ampleur des divergences entre les régimes fiscaux. Elle calcule pour cela un taux moyen d'imposition effectif, c'est-à-dire, le taux d'imposition que supporte un investissement type qui rapporterait avant impôt une rentabilité de 20 % (tableaux 3 et 4).

Ces taux doivent être interprétés avec précaution. Ils tiennent compte non seulement de l'IS (base et taux nominal d'imposition y compris les surcharges), mais aussi de la fiscalité locale. Autrement dit, des éléments fiscaux comme par exemple la taxe professionnelle ou les impôts fonciers pour la France entrent en ligne de compte. Ces derniers impôts n'ont pas forcément comme base d'imposition le bénéfice. Les différences ne sont donc pas seulement dues à l'IS. Par ailleurs, pour ce qui est de l'IS, si une bonne partie des éléments constitutifs de ces impôts sont considérés (taux, provisions, crédit d'impôts, etc.), d'autres comme le traitement des pertes ou le report des déficits sont ignorés. Enfin, il s'agit d'investissements type portant sur un actif composite (combinaison de machines, de biens intangibles, etc.) avec un mode de financement qui combine dans des proportions fixées l'autofinancement, l'endettement et l'émission d'actions. Leur représentativité est donc soumise à questionnement.

Quoiqu'il en soit des modalités de calculs, il ressort des analyses de la Commission que les charges fiscales auxquelles sont soumises les entreprises dans le cadre des investissements domestiques sont relativement disparates (tableaux 3 et 4). Trois groupes de pays peuvent être distingués. L'Irlande et les pays du Nord de l'Europe (Suède, Finlande) avec des taux inférieurs à 25 %. Un groupe de pays (Italie, Grande-Bretagne, Danemark, Autriche, etc.) avec un taux proche de 30 %. Et enfin, la France et l'Allemagne avec des taux compris entre 35 % et 40 %. L'Allemagne en dépit de sa récente réforme est toujours en première position, juste devant la France. L'Allemagne a certes diminué son taux nominal d'imposition mais a élargi sa base. Si la réforme a effectivement réduit le poids de l'IS, elle n'a pas modifié la position de ce pays vis-à-vis de ses partenaires européens. La raison est que l'Allemagne a réduit le poids d'un impôt initialement très élevé. Quant à la France, sa position est en partie due à la prise en compte dans le calcul de l'imposition locale. Celle-ci est d'autant plus importante qu'elle est un coût fixe pour les entreprises (indépendant de leur résultat).

Tableau 3 : Taux moyen effectif d'imposition dans les pays membres de l'UE

En 1999

Taux légal d'imposition

Taux nominal utilisé pour le calcul du taux effectif (1)

Taux moyen effectif d'imposition (2)

Autriche

34.00

34.00

29.8

Allemagne

40.00

52.35

39.1

Belgique

39.00

40.17

34.5

Danemark

32.00

32.00

28.8

Espagne

35.00

35.00

31.0

Finlande

28.00

28.00

25.5

France

33.33

40.00

37.5

Grande-Bretagne

30.00

30.00

28.2

Grèce

40.00

40.00

29.6

Irlande

10.00

10.00

10.5

Italie

37.00

41.25

29.8

Luxembourg

30.00

37.45

32.2

Pays-Bas

35.00

35.00

31.0

Portugal

34.00

37.40

32.6

Suède

28.00

28.00

22.9

En 2001

Taux nominal d'imposition

Taux nominal utilisé pour le calcul du taux effectif (1)

Taux moyen effectif d'imposition (2)

Autriche

34

34

27.9

Allemagne

25

39,35

34.9

Belgique

39

40,17

34.5

Danemark

30

30

27.3

Espagne

35

35

31.0

Finlande

29

29

26.6

France

33,33

36,43

34.7

Grande-Bretagne

30

30

28.3

Grèce

37,5

37,50

28.0

Irlande

10

10

10.5

Italie

36

40,25

27.6

Luxembourg

30

37,45

32.2

Pays-Bas

35

35

31.0

Portugal

32

35,20

30.7

Suède

28

28

22.9

(1) Il comprend le taux nominal de l'IS normal, les surcharges et l'impôt sur le bénéfice local.

(2) Ce calcul prend en compte le taux d'imposition global sur les bénéfices tel que défini en (1) et des impôts locaux ne portant pas sur le bénéfice, tel que la taxe professionnelle (pour la France par exemple).

Source : Rapport Commission européenne 2001(935).

Lecture : Le taux moyen effectif d'imposition pour un investissement type (biens et mode de financement composite) qui rapporte avant impôt 20 % est de 34,7 % en France et de 34,9 % en Allemagne.

Que conclure de ces résultats et de la position relativement défavorable de la France ?

On peut craindre que ce différentiel ne génère des délocalisations d'entreprises. Or, il n'y pas eu en Europe de délocalisations massives d'entreprises dues à la seule imposition des sociétés. La raison en est simple, l'IS est un déterminant relativement mineur des choix de localisation des entreprises. Celles-ci sont sensibles à la qualité et au coût de la main-d'oeuvre, à la qualité des infrastructures, à la plus ou moins grande flexibilité des procédures administratives, etc. Les choix de localisations peuvent aussi répondre à des impératifs économiques (parts de marché, conditions de production, etc.) 58 ( * ) . Les délocalisations pures (délocaliser la production pour l'exporter dans le pays d'origine) sont relativement rares.

L'effet du différentiel d'IS n'est pas pour autant nul. Même si les délocalisations pures ne sont aujourd'hui pas massives, on ne peut ignorer leur éventualité. Par ailleurs, les grandes entreprises, qui opèrent sur l'ensemble du territoire européen utilisent ce différentiel pour optimiser fiscalement (voir section II.2) sans pour autant délocaliser la production.

Que faire ? Bien sûr un IS nul supprimerait les problèmes mais nuirait aux pays qui souhaitent conserver des recettes fiscales sauf à alourdir la fiscalité des autres facteurs de production. La course à la baisse de l'IS n'est pas de ce point de vue une solution viable et ce d'autant que l'issue du processus est une imposition nulle sur les entreprises. Il coûterait certainement plus cher à un pays de baisser le poids de l'IS qui porte sur l'ensemble de ses entreprises pour conserver les quelques entreprises qui pourraient se délocaliser et tenter d'attirer des entreprises étrangères (ce qui est peu probable, si l'ensemble des pays se comporte de la sorte) que de laisser se délocaliser les quelques cas existants. Il en est de même en ce qui concerne l'effet d'une baisse du poids de l'IS sur les pratiques d'optimisation.

Le problème doit être résolu au niveau de l'Union européenne par la mise en place, par exemple, d'un taux minimal en dessous duquel les pays ne pourraient pas descendre, à l'instar de ce qui est fait pour la TVA. Comme nous le verrons plus bas, aucune proposition ne va dans cette direction.

II. L'imposition des opérations transnationales

Comment sont imposés les groupes dont les opérations s'étendent à l'ensemble de la Communauté et quels sont les défauts de ce système ?

1. La situation de fait

Tout résident est imposable dans son pays de résidence. Le statut de résident dépend cependant de la forme juridique de la société. Une filiale, dotée d'une personnalité juridique et fiscale, sera considérée du point de vue du pays d'accueil comme une société résidente et du point de vue du pays d'origine de la société mère comme un contribuable étranger. En revanche, les établissements non dotés d'une personnalité juridique (succursales ou branches) sont des non résidents.

L'imposition des bénéfices des sociétés peut reposer sur deux principes : le principe de la source (ou du territoire) et celui de la résidence (ou du bénéfice mondial) . Selon le premier, un pays impose tous les revenus engendrés sur son territoire, qu'ils aient été réalisés par des résidents ou des non résidents. Ainsi, dans un pays qui applique le principe de la source, les bénéfices des entités de groupes étrangers sont imposés et les sociétés nationales doivent exclure de leurs résultats imposables les bénéfices de leurs entités étrangères. En contrepartie, les déficits subis à l'étranger ne sont pas imputables dans le pays d'origine. Un pays qui applique le principe de résidence doit imposer tous les revenus perçus par les résidents nationaux, qu'ils aient été réalisés sur le territoire national ou à l'étranger. Les pertes subies à l'étranger peuvent être imputées de leurs bénéfices.

La France applique dans la majeure partie des cas le principe de la source, mais autorise sous certaines conditions les groupes internationaux à utiliser le régime du bénéfice consolidé 59 ( * ) , autrement dit, le principe de résidence. Les autres pays membres appliquent le principe de résidence, mais se réservent le droit d'imposer les entreprises non résidentes. De fait, dans la majorité des cas, étant donné la définition du statut de résident, le bénéfice des entreprises est imposé dans le pays de la source de production. Les sociétés mères localisées dans un pays qui appliquent le principe de résidence sont autorisées 60 ( * ) à imputer sur l'impôt exigible les impôts payés par leurs succursales à l'étranger. Elles ne peuvent pas en revanche intégrer dans leur résultat les bénéfices (pertes) de leurs filiales .

Ce système est insatisfaisant à plusieurs égards et est critiqué par la Commission et par les entreprises. Il subsiste des discriminations en fonction de la nationalité et certains revenus subissent une double imposition.

Etant donné l'imposition séparée de chaque entité d'un groupe multinational, la déduction sur le bénéfice de la société mère des pertes subies par des entreprises localisées à l'étranger, n'est actuellement autorisée que pour les succursales et non pour les filiales. Autrement dit, la compensation des pertes entre filiales d'un même groupe mais localisées dans deux pays distincts n'est pas autorisée. De fait, le régime de bénéfices consolidés est quasi réservé aux seuls groupes nationaux 61 ( * ) c'est-à-dire réservé aux sociétés mères et filiales résidentes. On est alors en présence d'une « discrimination positive » en faveur des filiales nationales 62 ( * ) . Il s'agit là pour la Commission d'un obstacle à la libre circulation du capital qu'il faut supprimer.

Autre source d'insatisfaction, le système actuel est potentiellement générateur de doubles impositions pour les flux de revenus (dividendes, revenus d'intérêts, etc.), qui circulent entre une filiale et sa société mère (voir annexe 1). Certes les directives de la Commission et tout un ensemble de convention bilatérales ont partiellement résolu le problème de la double imposition des dividendes , mais le système reste complexe et le problème demeure entier pour les autres catégories de revenus.

Les dividendes

La directive 90/435 (mère-filiale) stipule que la double imposition des dividendes doit être évitée lors de leur rapatriement. D'une part, le taux de prélèvement à la source sur les dividendes distribués doit être nul dans le pays de la source. Ces dividendes ne doivent en principe supporter que le taux de l'IS du pays d'accueil. D'autre part, ces revenus sont, soit exonérés lors de leur rapatriement (système de l'exemption), soit réintégrés dans le bénéfice de la société mère donc soumis à l'IS avec en contrepartie un crédit d'impôt égal à l'impôt sur les sociétés supporté à l'étranger. Cependant, ce crédit est plafonné dans la limite de l'impôt sur les sociétés, payé dans le pays de résidence de la société mère. Les pays dans leur grande majorité utilisent le système de l'exemption. Seuls trois pays en Europe, la Grande Bretagne, l'Irlande et la Grèce appliquent le crédit d'impôt. La double imposition des dividendes n'est cependant pas totalement corrigée car elle ne s'applique qu'aux dividendes payés aux sociétés mères qui détiennent au moins 25 % de leur filiale 63 ( * ) . La Commission a émis en 1993 une proposition de directive visant à élargir le champ d'application de la directive de 1990. Mais cette proposition est restée sans suite. Le système des conventions bilatérales a pris, dans une certaine mesure, le relais pour le traitement fiscal de la circulation des dividendes entre entreprises ne bénéficiant pas de la directive européenne 64 ( * ) . Cependant, en l'absence de convention, l'investissement est clairement pénalisé. Par exemple, une société résidente dans un pays n'ayant pas signé de convention avec la France devra payer sur les dividendes d'origine française rapatriés l'IS français plus une retenue à la source de 25 %.

Enfin, les doubles impositions sont en partie supprimées pour les entreprises, les asymétries de traitement sont en revanche beaucoup plus marquées lors de la distribution des dividendes aux actionnaires personnes physiques. La non généralisation de l'avoir fiscal et la présence du système de l'exonération des dividendes au niveau des entreprises (pour les plus importantes) créent des inégalités de traitement très fortes entre les actionnaires en fonction de leur nationalité (voir chapitre sur l'imposition du capital).

Paiements d'intérêts, redevance etc.

Les dividendes ne constituent pas les seuls revenus qui transitent entre une société mère et sa filiale. Les paiements d'intérêts et autres redevances sont aussi concernés. Or ces derniers font souvent l'objet d'une retenue à la source et de doubles impositions. La Commission a présenté en 1998 une proposition, COM(1998/67), visant à supprimer cette source d'inefficacité à l'instar de ce qui a été fait pour les dividendes. Là encore, la proposition reste pour le moment sans suite.

2. Optimisation fiscale, localisation des sièges sociaux et régimes dérogatoires

L'application de fait du principe de la source associé à une correction imparfaite des doubles impositions et à la coexistence d'une pluralité de régimes d'imposition dans l'UE permet aux grandes entreprises de minimiser leurs charges d'imposition. Elles sont, de plus, aidées en cela par les régimes dérogatoires mis en place par les Etats membres. Ces pratiques ainsi que les régimes dérogatoires sont nombreux. Il ne s'agit pas ici de les recenser ici (la Commission en a dénombré plus de 200) mais plutôt à l'aide de quelques exemples d'expliquer les mécanismes à l'oeuvre.

Holding financière et système de correction de la double imposition

Une holding financière est une structure qui détient des actions d'autres sociétés. Le motif de création d'une holding qui nous intéresse ici est celui d'utiliser en toute légalité les divergences fiscales des pays. Certaines filiales doivent être localisées pour des raisons économiques dans des pays non attractifs fiscalement. La création d'une holding judicieusement localisée permettra alors de réorienter la distribution de dividendes ou d'intérêts et de minimiser ainsi la charge fiscale. Par exemple, les entreprises peuvent chercher à exploiter le fait que les pays appliquent différentes méthodes d'imputation pour la correction des doubles impositions pour les dividendes. Les systèmes de l'exemption et crédit d'impôt sont équivalents pour une entreprise multinationale lorsque le pays de résidence de la société mère a un taux nominal d'imposition plus faible que celui du pays d'accueil de la filiale. L'exonération est un système plus avantageux pour les entreprises que ne l'est le crédit d'impôt si le taux du pays de la société mère est le plus élevé. A partir de là, il est possible de mettre en place un montage financier qui exploitera avantageusement la divergence des systèmes employés.

Le principe général du montage financier est celui-ci : la société mère est installée dans le pays A, la holding dans le pays B et la filiale dans le pays C. La société mère peut financer la holding qui en fait de même pour la filiale, soit par émission d'actions, soit par prêts. La société mère et la holding reçoivent donc en retour des dividendes ou des intérêts.

Le financement de la filiale (par exemple, émission d'action) en passant par la holding financière peut être avantageux si les conventions entre les pays A et C éliminent la double imposition en utilisant le système du crédit d'impôt alors que les conventions entre les pays C et B et entre les pays B et A utilisent le système de l'exonération. Imaginons que le taux d'imposition dans le pays C soit de 15 % et celui de la société mère de 30 %. Sans holding, le taux que supporte l'entreprise sur les dividendes sera de 30 %. Si cette société passe par la holding , elle supportera in fine le taux de 15 %.

Les cas de figure sont aussi nombreux que les combinaisons de choix possibles de financement. De façon générale, le choix de localisation des holdings est sensible au traitement fiscal des dividendes, des intérêts, à l'éventuelle exonération des plus-values de cessions ; aux règles d'imposition des groupes (mise en commun des bénéfices et des pertes par exemple), à l'importance des réseaux de conventions fiscales (ce qui multiplie les possibilités d'optimisation), aux règles relatives aux ratios endettement/fonds propres (qui préviennent la sous-capitalisation), etc.

Ces pratiques d'optimisation reposent sur les régimes dérogatoires mis en place par les Etats membres. Les pays d'accueil des holdings en Europe sont : Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, France, Allemagne, Espagne. Aucun pays cités ne constitue dans l'absolu le lieu d'accueil idéal, mais chacun en fonction des objectifs de la holding présente (plus ou moins) des avantages comparatifs. Le tableau 5, issu d'une étude du ministère des Finances, donne quelques cas de figure.

Tableau 4 : Les pays d'accueil des holdings en fonction de leurs priorités

Objectifs

Pays recommandés

Pays à éviter

Echapper à l'impôt sur les plus-values résultant de la cession des participations

Pays-Bas
Belgique

France

Bénéficier d'un réseau de convention fiscale important

France
Pays-Bas

--

Conquérir des participations en déduisant des intérêts au titre d'emprunt

France
Belgique (dans certains cas)

Pays-Bas

Bénéficier de l'imposition des retenues à la source

France
Pays-Bas (dans certains cas)

--

Préparer la succession d'une personne physique

--

France
Pays-Bas

Source : Rapport Bollé, n° 82, Sénat.

Encadré 1 : Exemples d'utilisation des régimes des holdings

L'optimisation fiscale

Comment fonctionnent les régimes spéciaux des compagnies financières aux Pays-Bas ?
L'avantage du régime des compagnies financières hollandaises repose non pas sur un taux d'IS particulièrement favorable mais sur l'existence d'un réseau de conventions bilatérales relativement important et sur la possibilité de négocier directement avec les autorités hollandaises le montant de la base imposable. Par un accord avec l'administration et un mécanisme de prix de transfert, les holdings néerlandaises peuvent échapper à l'impôt. En effet, les compagnies financières sont autorisées à constituer des réserves pour risques financiers, réserves pouvant atteindre 80 % du revenu imposable de ces sociétés et déductibles de ce même revenu ; les revenus d'intérêts d'origine étrangère bénéficient d'un crédit d'impôt et la distribution des dividendes vers de nombreux pays (Allemagne, France, etc.) n'est pas soumise à une retenue à la source et exonéré à l'arrivée (Allemagne, ...).

L'utilisation optimale du crédit d'impôt au Royaume-Uni . Le Royaume-Uni utilise comme méthode d'élimination de la double imposition (cadre de la directive mère-filiale) pour la distribution des dividendes de source étrangère, le crédit d'impôt. Autrement dit, les dividendes que reçoit une société installée au RU, de la part de sa filiale (installée hors du RU) sont imposés aux taux de 30 % mais la société bénéficie en retour d'un crédit d'impôt égal au montant d'impôt sur les sociétés versé à l'étranger. Dès lors que le taux de l'IS du pays dans lequel est localisée la filiale est supérieur à celui qui prévaut au RU, une partie du crédit d'impôt est en quelque sorte gaspillé. En revanche, s'il est inférieur, la société mère est redevable d'un supplément d'impôt. La situation optimale est celle où les deux taux sont exactement égaux. Les filiales des grands groupes sont situées dans de nombreux pays aux taux divergents. La législation au Royaume-Uni ne permet pas à la société mère de bénéficier de compensation entre les différentes sources. L'utilisation d'une holding en centralisant l'ensemble des dividendes quel qu'en soit l'origine permet à la société mère d'optimiser.

Les techniques de transferts des bénéfices : la question des prix de transferts 65 ( * )

Le transfert des bénéfices peut s'effectuer selon plusieurs méthodes. Mais le principe est toujours le même. Il s'agit de modifier le bénéfice des filiales de façon à obtenir la répartition entre les entités du groupe la plus judicieuse.

Les prix de transferts sont des transactions marchandes dont le prix est volontairement faussé. Ils permettent de transférer une partie des bénéfices d'une filiale située dans un pays à forte imposition vers un pays à faible imposition en vendant à un prix délibérément minoré les produits d'une filiale A située dans un pays X à fort taux d'imposition, à une autre filiale B localisée dans un pays Y à taux d'imposition moins élevé. Le bénéfice que A aurait dû retirer de la vente de ses produits à un prix normal est ainsi transféré à B et supportera une taxation moins forte du fait de l'existence d'un différentiel de taux d'imposition sur les bénéfices entre X et Y. La modification de la répartition des bénéfices entre A et B aboutit pour le groupe à une économie d'impôt globale mais a des conséquences divergentes sur les recettes fiscales de X, qui sont affaiblies, et celles de Y, qui se trouvent au contraire augmentées.

La question des prix de transferts est délicate. Pour les Etats, ces prix de transactions internes sont une source d'évasion fiscale. Pour les entreprises, les dispositifs de lutte contre les prix de transferts mis en place par les différents Etats 66 ( * ) ne permettent pas de calculer à son juste coût la valeur de certaines transactions et induisent des coûts de gestion supplémentaires. Suivant les recommandations de l'OCDE, les administrations utilisent diverses techniques de correction, dont la méthode des prix comparables sur un marché de pleine concurrence (comparable uncontrolled price method). Mais de telles comparaisons n'existent pas toujours, ce qui est le cas de la valorisation des biens immatériels. Par ailleurs, les procédures permettant de calculer les prix de transferts fiscalement acceptables seraient lourdes et fortement différenciées entre les Etats et constitueraient de fait une source supplémentaire de double imposition.

Devant la divergence des intérêts soulevée par de telles pratiques, la Commission a émis la directive 90/436 (prix de transferts) visant à régler les litiges entre les Etats et les entreprises. Un pays peut, par exemple, revaloriser pour des questions fiscales une transaction effectuée entre deux sociétés d'un même groupe mais localisées dans deux pays différents. Si le pays de l'origine de la transaction ne corrige pas la valorisation de cette transaction à la baisse, la société est doublement imposée. D'où des réclamations et des litiges qui opposent entreprises et Etats membres. Aussi la Commission souhaite-t-elle organiser un cadre juridique.

La délocalisation des sièges sociaux

La localisation des sièges sociaux fait partie des pratiques d'optimisation fiscales. Les cas observés sont moins une délocalisation de siège que le choix géographique d'un siège social nouveau à la suite d'une fusion, exemple DEXIA (Belgique), EADS (PB), EURONEX (PB) 67 ( * ). .

La localisation des sièges sociaux dépend de nombreux paramètres mais deux d'entre eux sont apparus au cours des dernières années comme primordiaux. Les vagues successives de fusions-acquisitions, les opérations de concentration, qu'a connu l'Europe ont mis au premier plan le traitement fiscal des opérations de restructuration. Parmi elles se trouvent l'imposition des plus-values de cessions d'actifs et les systèmes de compensation de la double imposition pour les actionnaires personnes physiques (voir chapitre sur l'imposition du capital).

Les plus-values de cessions d'actifs

L'imposition des plus-values est un élément de premier plan pour le choix du siège social des entreprises qui fusionnent. La valeur des actions de la société issue d'une opération de fusion est supérieure à la valeur des actions des sociétés fusionnées. Cette plus-value est passible d'imposition. La Commission a émis une directive (90/434) dont l'objectif est le report de l'imposition des plus-values dégagées par les opérations de fusions/acquisitions jusqu'à la cession effective des titres.

L'exonération est le système appliqué ou en voie de l'être (Allemagne, Royaume-Uni, Italie) par la plupart de nos partenaires de l'Union européenne. La France est quasiment le seul pays à ne pas respecter dans son intégralité cette directive. Les opérations de fusions, d'apport partiel d'actifs ou encore les opérations de scissions ne bénéficient de l'exonération que sous des conditions restrictives 68 ( * ) . Dans tous les autres cas, l'imposition s'effectue soit au taux normal de l'impôt sur les sociétés, soit au taux de 19 %.

III. Les propositions de la Commission

La création d'un marché intérieur sans obstacles fiscaux se heurte à une contrainte de poids, le principe de subsidiarité en matière fiscale. La mission que s'est fixée la Commission est, à l'image de ce qui est fait dans les systèmes fiscaux des fédérations (Etats-Unis notamment), de faire subsister les quinze régimes fiscaux tout en minimisant les obstacles fiscaux qui à la fois créent des coûts pour les entreprises transnationales mais aussi et surtout distordent leurs comportements. La Commission, nous l'avons vu, a dans l'optique du marché unique déjà mis en place des directives, au début des années 1990, visant (certes imparfaitement) à supprimer les doubles impositions. Plus récemment, en 1997, face au comportement des Etats membres (la concurrence fiscale étant nuisible à la neutralité) elle a initié la lutte contre la concurrence fiscale déloyale, autrement dit, la lutte contre les non impositions. Aujourd'hui, de nouvelles propositions relatives aux principes d'imposition des bénéfices ont vu le jour en 2002. Elles sont présentées comme un moyen de simplifier pour les multinationales les procédures fiscales (ces derniers n'ayant plus à faire face à quinze régimes et aux multiples conventions) ; comme un moyen de supprimer les discriminations entre résidents et non résidents et entre filiales et succursales ; et enfin comme un moyen de limiter l'optimisation fiscale, notamment les problèmes de transferts de bénéfices.

La lutte contre la concurrence déloyale

Le 1 er décembre 1997, le conseil Ecofin a adopté une série de mesures destinée à lutter contre la concurrence fiscale dommageable, ainsi que le principe de l'élaboration d'un code de bonne conduite. La première phase consistait à identifier les régimes susceptibles de générer une concurrence déloyale, c'est-à-dire les régimes qui ont une incidence sur la localisation des activités au sein de l'Union européenne. Environ 230 régimes de compétition fiscale ont été répertoriés et répartis en 5 catégories :

Les régimes de groupe (quartiers généraux, holdings , centres de coordination, etc.) ;

Les régimes dits financiers (réassurance, sociétés de financement intra groupe) ;

Les régimes dits sectoriels (régimes fiscaux spécifiques à certains secteurs économiques, financement de l'audiovisuel, etc.) ;

Les régimes dits régionaux, avec les différents types d'incitations fiscales en faveur de l'aménagement du territoire ;

Enfin, les régimes divers.
L'accord entre les pays porte non pas sur la concurrence fiscale elle-même mais uniquement sur les formes déloyales de celles-ci. Plus précisément, est considéré comme contraire au code de bonne conduite, le fait que subsiste dans un Etat membre des traitements fiscaux préférentiels, c'est-à-dire favorisant une catégorie d'entreprise (par exemple résidentes) au détriment des autres (par exemple, les non résidentes). Par contre, le fait qu'un État membre pratique une imposition très basse, mais généralisée, n'est pas considéré comme relevant du domaine de la lutte contre la concurrence fiscale déloyale, mais comme le signe d'une gestion saine des finances publiques. L'Irlande par exemple, qui dispose d'un taux de 10 % pour certaines industries et régions (les Dublin's Docks ), s'est engagée à supprimer ces régimes et à diminuer son taux d'imposition normal à un niveau très bas (12 %) et ce pour l'ensemble des entreprises. Le code de bonne conduite, qui n'est pas contraignant juridiquement, doit aboutir, à l'horizon de cinq ans, à démanteler les régimes fiscaux préférentiels. Pour l'heure, aucune proposition ne vise à fixer un taux minimum au-dessous duquel aucun pays ne serait autorisé à baisser sa fiscalité sur les entreprises.

Les propositions relatives à la base d'imposition pour les sociétés transnationales

La Commission a, dans une communication récente 69 ( * ) , proposé toute une série d'alternatives concernant la base d'imposition des sociétés multinationales. La principale alternative consiste, soit à imposer les groupes sur une base communautaire ( Common Consolidated Tax Base : CCBT), soit à les imposer sur la base d'un régime consolidé de la société mère ( Home State Taxation : HST). Dans le premier cas (CCBT), il s'agit de répartir le bénéfice d'un groupe entre les divers Etats membres dans lesquels celui-ci est présent, selon des clefs de répartition qui restent à définir (valeur ajoutée, masse salariale, etc.), chaque Etat imposant alors la part du bénéfice qui lui revient. La deuxième solution préconise la généralisation du régime de la consolidation (quel que soit le statut juridique des entités rattachées au groupe) au niveau de la société mère, le bénéfice étant alors imposé au taux du pays d'accueil de la société mère.

Ces deux régimes s'inscrivent dans des logiques opposées entre lesquelles la Commission n'a pas tranché. L'HST réhabiliterait le principe de la résidence, ce qui avec le régime du bénéfice consolidé permettrait de supprimer les comportements de transferts de bénéfice des entreprises. Le revers de cette proposition est que sans harmonisation ou tout au moins sans un fort rapprochement des taux nominaux d'imposition, une telle proposition laisse la porte ouverte à la délocalisation massive des sièges sociaux dans les pays à bas taux d'imposition. Son adoption aboutirait à la suppression totale des recettes pour les pays d'accueil des filiales.

La CCBT préserve le principe de l'imposition à la source. Le principe de la répartition du bénéfice, selon des clefs qui diffèrent des résultats affichés, vise à limiter, voire à supprimer les pratiques de transferts des bénéfices des entreprises. Ce principe est celui qui est utilisé aux Etats-Unis et au Canada ; deux fédérations dans lesquelles les régimes d'impositions des Etats diffèrent. Il s'agit dans leur cas de la méthode du fractionnement qui permet de répartir le bénéfice imposable entre les Etats sur la base de la part des immobilisations, des ventes et des salaires versés par les filiales dans chaque Etat. L'application d'un tel principe est d'autant plus simple que les bases imposables sont harmonisées. Ce qui est le cas aux Etats-Unis mais qui ne n'est pas encore dans l'UE. En l'absence de rapprochement des taux, ce type de proposition ne supprime pas les possibilités de délocalisation. Mais sous l'hypothèse raisonnable que seule la délocalisation des sociétés mères présente réellement un risque, l'application de la CCBT serait certainement moins onéreuse en termes de pertes de recettes fiscales des Etats et de risque de concurrence fiscale que celui de HST.

Ces deux propositions présentent la particularité d'être facultatives. Les entreprises auraient la possibilité d'opter ou non pour ces régimes. Leur refus impliquerait pour elles l'application du système actuel.

Quelle imposition européenne des bénéfices ?

Les récentes propositions de la Commission quant à l'imposition du bénéfice des sociétés laissent tout le champ des possibles ouvert, le meilleur comme le pire. Le point commun des propositions actuelles est de ne permettre de lutter ni contre la concurrence fiscale par les taux, ni contre les problèmes de localisations des sièges sociaux. Elles divergent fortement cependant, quant aux effets qu'auraient la concurrence fiscale et les délocalisations sur les recettes des Etats membres.

La proposition de consolidation de la base imposable au niveau de la société mère remet en cause la situation actuelle. A savoir, en pratique, l'application du principe de la source avec des directives visant à limiter les doubles impositions. Certes cette situation est loin d'être satisfaisante. Les Etats se livrent à la concurrence fiscale et les grandes entreprises utilisent les différentiels fiscaux pour minimiser leur imposition. L'application du principe de résidence sans rapprochement des taux nominaux d'imposition ou sans fixation d'un taux minimum, aurait des conséquences néfastes. Certes, elle supprimerait les pratiques de transferts de bénéfices. Mais ce principe suppose que ce soit le pays de la société mère qui, du fait de la consolidation, reçoive l'intégralité des recettes du groupe (à moins qu'une réallocation des recettes entre les Etats membres ne soit organisée). D'autre part, l'absence de convergence des taux 70 ( * ) va exacerber la concurrence entre les Etats, les enjeux en termes de recettes (délocalisation des sièges sociaux) étant considérables. Cette concurrence par les taux est d'autant plus probable que la Commission n'a déclaré comme déloyale que la concurrence qui porte sur les régimes dérogatoires.

La proposition de répartition des bénéfices entre les pays est plus satisfaisante. Elle s'inscrit dans la construction de l'Europe fiscale déjà entreprise depuis dix ans. Elle permettrait, elle aussi, de limiter les pratiques de transferts de bénéfices. Même si elle ne supprime pas tous les gains à la délocalisation, elle permettrait par l'application du principe de la source de limiter les transferts de recettes fiscales entre les pays, même en présence d'un écart d'imposition. Elle gagnerait à être accompagnée de la fixation d'un taux d'imposition minimum sur les bénéfices au sein de l'UE.

Que deux propositions aux conséquences si divergentes soient simultanément émises peut paraître surprenant. Il ne faut pas oublier que les décisions du Conseil en matière fiscale ne sont que celles que prennent les Etats membres à l'unanimité et que les Etats membres n'ont pas tous les mêmes objectifs et la même volonté de construire une Europe homogène. De ce point de vue, la première proposition (régime consolidé de la société mère) est celle qui permet de résoudre de façon techniquement simple la question de l'optimisation fiscale des entreprises mais au prix d'un renforcement de la concurrence fiscale des Etats membres. Son adoption renforcerait la position des Etats membres qui souhaitent le démantèlement du modèle social européen actuel. La proposition relative à l'imposition d'une base européenne est certes beaucoup plus satisfaisante, s'il s'agit de respecter les choix de société de chaque Etat. Mais, dans la mesure où pour être menée à terme, elle nécessite l'unanimité sur de nombreux points, sa mise en oeuvre est plus complexe. Il faudrait en effet, régler les questions de l'harmonisation des bases, de l'extension des directives visant la suppression des doubles impositions (dividendes, intérêts), du système de l'avoir fiscal à mettre en place au niveau européen. Il serait aussi nécessaire que les pays se mettent d'accord sur l'application effective des directives déjà en place, s'interrogent sur le système des conventions fiscales bilatérales, etc. Autant de questions à régler qui du fait du principe de l'unanimité, laissent aux adversaires de l'Europe fiscale, la possibilité de saper son processus de construction.

Annexe 1: Les sources de double imposition

Le schéma 1 retrace les flux de revenus qui circulent entre une société mère et sa filiale ou succursale, les méthodes d'imposition de ces flux et les sources possibles de double imposition.

Toute entreprise résidente (une succursale ou une branche ne sont pas considérées comme des résidents, mais elles peuvent être, dans certains cas, traitées comme telles) est imposée à l'IS sur son lieu d'implantation. L'imposition des bénéfices non distribués ou conservés dans le pays d'accueil de la filiale est différée. En revanche, tout profit rapatrié (sous forme de dividendes, intérêts royalties, etc.) peut donner lieu dans le pays d'accueil à un prélèvement à la source. Une fois rapatriés dans le pays d'implantation de la société mère, ces flux, en fonction du système d'imputation choisi par le pays pour éviter la double imposition, sont soit exonérés soit soumis à l'IS avec un système de crédit d'impôt. Le second tour de redistribution, celle qui échoie aux actionnaires, donne encore lieu à de nouveaux prélèvements (le précompte en France par exemple).

Schéma 1

* 39 Dans l'ensemble du rapport, le terme de fiscalité est utilisé pour désigner l'ensemble des prélèvements obligatoires, comprenant donc les impôts et les cotisations sociales.

* 40 De 2000 à 2040, la hausse des dépenses de retraites dans le PIB de la zone euro devrait être de 5,8 points selon Chagny et alii (2001), de 3 points selon les projections des gouvernements.

* 41 Ces systèmes, où la part des impôts indirects est plus élevée que la moyenne, peuvent être qualifiés d'archaïques puisqu'ils sont proches de ceux en vigueur dans les pays européens au début du XX e siècle, et que la part des impôts qui s'appuient sur la capacité contributive des citoyens et permettent la redistribution y est plus faible qu'ailleurs.

* 42 Voir notamment le dossier sur les évolutions et les réformes des retraites en Europe (Chagny, Dupont, Sterdyniak et Veroni, 2001). Sur les interrogations concernant l'avenir et les choix envisageables, voir par exemple, Dupont et Sterdyniak, 2000.

* 43 Sur la théorie et la réalité de la concurrence fiscale, voir Marini (1999), Hugounenq, Le Cacheux et Madiès (1999), Le Cacheux (2000).

* 44 Voir notamment Sterdyniak et Villa, 1999.

* 45 Pour une analyse plus détaillée de ces questions, voir Dupont, Le Cacheux, Sterdyniak et Touzé (2000) ; Dupont, Sterdyniak (2001).

* 46 Voir, à ce propos : Dexia, 2002 ; Dafflon, éd., 2002. Ce dernier ouvrage met en outre l'accent sur un aspect important des finances publiques locales européennes, à savoir le contrôle des déficits budgétaires et de l'endettement des collectivités locales, qui sont partout en Europe les principaux investisseurs publics. Le Pacte de stabilité impose, en effet, des limites sur le déficit du secteur public ce qui implique d'imposer aux collectivités locales une certaine discipline budgétaire.

* 47 Il est, par exemple, choquant que la France ne puisse décider seule du taux de TVA qu'elle applique aux coiffeurs, aux restaurants, aux disques... En sens inverse, les instances communautaires doivent vérifier qu'un mouvement de TVA ne masque pas une stratégie protectionniste. Le point délicat est de savoir quels doivent être les critères de décision. Un pays a-t-il le droit de favoriser la consommation de services qui, par définition, ne sont pas importés ?

* 48 Sur les risques de concurrence fiscale et sociale en Europe, voir également la discussion dans Fitoussi et Le Cacheux, éds., 2002.

* 49 Les propositions les plus récentes de la Commission (Commission européenne, 2002) privilégient l'harmonisation de l'assiette, mais celle-ci est insuffisante pour éviter la concurrence fiscale sans accord sur les taux ou sans application stricte du principe de source.

* 50 Même si ce principe est fragilisé par les pratiques d'optimisation fiscale des entreprises multinationales.

* 51 Le déficit public a été réduit de 3,8 points de PIB, grâce à une hausse des recettes fiscales de 1,8 point de PIB, une baisse des charges d'intérêt de 0,8 point, une baisse des dépenses primaires de 1,2 point.

* 52 « Les sommes réellement consacrées par les pays à la politique sociale : une étude comparative », Revue économique de l'OCDE, N°28, 1997.

* 53 Si les décisions fiscales demeurent la prérogative des nations et donc du Conseil statuant à l'unanimité, la surveillance de la mise en oeuvre du marché unique et des pratiques anticoncurrentielles est du ressort de la Commission.

* 54 On parle de situation efficace lorsque le capital est alloué aux projets qui ont les taux de rendement avant impôt les plus élevés. La création d'un nouvel espace économique suppose une réorganisation du capital sur l'ensemble du territoire qui réponde à des impératifs purement économiques. De nouvelles opportunités d'investissement apparaissent, voire certains projets peuvent avoir en fonction de leur relocalisation géographique un taux de rendement avant impôt plus élevé (main d'oeuvre plus qualifiée etc.). La présence d'écarts d'imposition importants fausse cette réorganisation en ce sens que les entreprises sont alors sensibles non plus au taux de rendement avant impôt mais au taux de rendement après impôt. La productivité du capital est réduite, ce qui nuit à la compétitivité internationale de l'Union, minore la production totale et y abaisse le niveau de vie. De façon générale, toute action motivée uniquement par des considérations fiscales entraîne une perte pour la collectivité. Cela ne signifie pas que le taux d'imposition doit être nul, mais que des mécanismes doivent être mis en place pour que les prélèvements fiscaux n'induisent pas de modifications de comportements.

* 55 Voir note (2).

* 56 Dans ce type de raisonnement, ce n'est pas le montant du prélèvement qui est source de distorsions mais sa forme. La présence de taux marginaux non nuls est susceptible de désinciter au travail ou à l'investissement.

* 57 Voir note (2).

* 58 Rapport du Sénat « Mondialisation : réagir ou subir ? La France face à l'expatriation des compétences ».

* 59 Il existe en effet en France une exception au principe de la source : le régime du bénéfice consolidé qui permet à un groupe de sociétés constitué de filiales détenues à plus de 50 % par la société mère de consolider les pertes et les bénéfices de l'ensemble de ses filiales ou succursales sur le plan mondial, c'est à dire de filiales qui, pour certaines, ne sont pas résidentes.

* 60 Les résultats d'une succursale peuvent être imposés une première fois dans son pays d'implantation (que celui-ci applique le principe de la source ou de la résidence et impose les non résidents) et une deuxième fois au niveau de la société mère. Ces cas de double imposition sont en partie résolus par l'existence de conventions bilatérales. Mais ce type de solution s'avère insatisfaisant. La multiplication de ces conventions rend peu lisible le système européen dans son ensemble.

* 61 Ce régime est assez largement répandu en France puisque, d'après les statistiques, 6 000 groupes au sens fiscal du terme -- c'est-à-dire ceux formés de filiales détenues à 95 % au moins par la société mère -- bénéficient de ce régime qui concernent ainsi 23 000 sociétés. Ce régime va très au-delà des grands groupes et s'applique tant aux groupes de petite taille qu'aux grandes PME puisque 90 % des 6 000 groupes concernés ont moins de cinq filiales et que la moitié n'en a qu'une. Il est assez comparable à celui de nos partenaires qui, en général, le réservent à leurs filiales résidentes détenues à plus de 90 %.

* 62 On pourrait rajouter qu'en outre le traitement asymétrique des filiales et des succursales n'a aucune rationalité économique, qu'il crée des distorsions quant à la structure juridique des groupes et constitue une incitation à l'optimisation fiscale.

* 63 Certains pays appliquent une version plus favorable que la directive avec des seuils de possession plus faibles (5 % ou 10 % par exemple).

* 64 Par exemple, la convention franco-italienne (qui est symétrique) stipule que le taux de retenue à la source sur les dividendes distribués par une société française à une société italienne est de 15 %. Cette retenue à la source est remboursée à la société italienne par l'Italie. La France accorde par ailleurs le bénéfice de l'avoir fiscal (au taux de 50 %) si la société italienne paie l'IS en Italie sur les dividendes reçus. Au total, ces dividendes n'ont supporté que l'IS italien et les deux pays se sont partagés les recettes. La France a perçu le taux de retenue à la source et une partie de l'IS. I'Italie a perçu une partie de son IS moins le taux de retenue à la source. Dans le cadre de la convention franco-allemande, le traitement fiscal de la circulation des dividendes entre la France et l'Allemagne est identique à celui de la convention franco-italienne, mais l'Allemagne ne pratiquant pas l'avoir fiscal, la symétrie n'est donc plus respectée. Dans ce cas de figure, la France accorde aux entreprises qui reçoivent des dividendes d'origine allemande un crédit d'impôt ne pouvant excéder l'impôt français.

* 65 D'autres techniques existent pour transférer le bénéfice : la répartition des dépenses des frais de recherche, les prêts entre filiales, la sous-capitalisation.

* 66 En France, l'administration fiscale peut réintégrer dans les résultats d'une entreprise résidente les pertes ou bénéfices résultant de manipulation des prix de transferts. Ce dispositif a été renforcé par l'allongement du délai de reprise de l'administration dans le cadre d'une procédure qui fait souvent appel à l'assistance fiscale internationale.

* 67 Rapport Charzat « Attractivité du territoire » et Rapport de l'Etat de l'Union 2002.

Aérospatiale Matra (France), Dasa (Allemagne) et Casa (Espagne) ont fusionné pour donner naissance au groupe EADS, groupe européen de l'aéronautique, l'espace et la défense localisé au Pays-Bas.

* 68 Pour bénéficier du régime de l'exonération, les opérations de fusion doivent au préalable obtenir un agrément administratif. Dans le cadre des opérations d'apport partiel d'actifs, l'apporteur de ressources et la société bénéficiaire sont imposés. Pour les opérations de scissions, les actionnaires doivent conserver leur titre pendant trois ans, sauf ceux détenant moins de 5 % etc.

* 69 COM 2001(582).

* 70 La Commission, tout comme les entreprises, est défavorable à l'institution d'un taux unique. En 1997, la proposition d'un impôt sur les bénéfices (consolidés) européen (base et taux unique) avait été émise. Il n'en est plus question aujourd'hui.

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