M. Jean-Claude Larrivoire, journaliste

Les annonceurs, détenteurs du nerf de la guerre, connaissent-ils eux aussi la crise dans leur secteur d'activité ?

M. Gérard Noël, vice-président-directeur général de l'Union des annonceurs (UDA)

Les entreprises-annonceurs ont effectivement modéré leurs investissements en télévision ces deux dernières années, mais dans des proportions raisonnables. Elles ont investi 3,6 milliards d'euros en 2002, soit une augmentation de 2 % par rapport à 2001, ceci faisant suite à une année à moins 6 %, elle-même succédant à trois années où les augmentations d'investissement avaient été d'environ 10 %.

Les sorts de la télévision et de ses annonceurs sont étroitement liés, puisque les investissements de ces derniers représentent environ 50 % du financement de la télévision hertzienne en France.

Pour les entreprises, la télévision est évidemment un moyen très efficace de communication et de promotion. En outre, elle leur inspire particulièrement confiance, parce que c'est un média dont l'audience est très bien mesurée et qu'il est aussi très bien surveillé et contrôlé : Médiamétrie mesure l'audience quasiment à la seconde, le Bureau de Vérification de la Publicité visionne avant leur diffusion les quelque 10 000 spots publicitaires utilisés chaque année.

Si j'étais responsable d'une chaîne de télévision aujourd'hui, je serais très optimiste face à l'avenir ! Quelques arguments simples vont vous montrer pourquoi :

- Pour les annonceurs, ce média-clé va continuer de l'être : la demande des entreprises est très forte et continuera à l'être.

Entre 1993 et 2000, les annonceurs ont dépensé + 60 % en télévision, alors que le marché publicitaire général n'a évolué « que » de 40 %.

- En 1999 et 2000, les chaînes de télévision n'ont même pas eu assez d'espaces publicitaires à fournir à leurs clients ! Elles en ont d'ailleurs profité pour augmenter leurs tarifs de manière spectaculaire...

- Avec 12 % des investissements globaux, la télévision est aujourd'hui le troisième moyen de communication commerciale des annonceurs, après le marketing direct et la presse.

Actuellement, moins de 900 entreprises, sur le plan national, investissent en publicité à la télévision, ceci sur 18 000 annonceurs nationaux potentiels. Précisons que sur ces 900 entreprises, 60 d'entre elles représentent plus de 50 % des investissements télévision.

- La France est aujourd'hui le pays européen le moins investisseur en publicité à la télévision. Pour un investissement de 100 en France, on en est à 117 en Allemagne, 129 en Italie, 194 en Grande-Bretagne !

- Enfin, notre télévision, au contraire des autres pays, est essentiellement nationale : une offre locale et régionale correspondrait là encore aux besoins des annonceurs.

Cet ensemble de faits et de chiffres nous montre que le potentiel est énorme, en particulier en nombre d'annonceurs, mais ceci sous certaines conditions :

- L'offre d'espace, tout d'abord, doit être beaucoup plus large. La réglementation française, la plus contraignante de toute l'Europe, doit être assouplie. Alors que la directive européenne Télévision sans Frontières est en cours de révision, notons que la commissaire à l'audiovisuel déclarait récemment qu'elle se demandait si les limites quantitatives imposées à la publicité télévisuelle avaient encore un sens !

- Une autre condition est que se développent de nouveaux modes de diffusion. Les annonceurs observent évidemment avec beaucoup d'intérêt l'avènement du numérique et les perspectives de la TNT et de l'ADSL. Le numérique permettra la multiplication des chaînes et le développement des techniques d'interactivité.

- L'offre doit être aussi diversifiée. Les chaînes thématiques existent, mais elles sont faibles en audience et manquent souvent de moyens. Elles constituent pourtant un support indispensable pour les démarches stratégiques ciblées de beaucoup d'annonceurs, les annonceurs ont besoin également de chaînes locales et régionales.

- L'offre doit être accessible à toutes les entreprises... mais je n'ouvrirai pas ici le dossier de l'ouverture aux « 4 secteurs interdits » ! Je pense qu'elle est maintenant inéluctable.

- Enfin, le développement de la publicité à la télévision nécessite aussi que soient proposés aux annonceurs des coûts compétitifs par rapport aux autres moyens de communication. Suite à la flambée des tarifs en 1999 et 2000, beaucoup d'annonceurs ont été amenés à revoir la répartition de leurs investissements publicitaires entre les différents médias, et entre médias et techniques hors-médias. Espérons que cette leçon aura été utile !

Les annonceurs veulent des coûts justifiés avant tout par les performances, pas par la loi de l'offre et de la demande.

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