b) Comment réformer le pacte ?
(1) Les arguments pour une réforme interne du pacte ne manquent pas...

Marco BUTI a évoqué la question du processus de réforme du pacte en indiquant que ses préférences allaient vers une réforme interne plutôt que vers une redéfinition solennelle du pacte .

« Tout cela m'amène au dernier point qui concerne les options de réforme. Je suis en faveur d'une réforme du Pacte de Stabilité qui soit une réforme interne plutôt qu'une réforme qui remet tout en cause.

Par ailleurs je disais tout à l'heure -mais nous le voyons tous les jours- qu'une des caractéristiques des règles supranationales est que c'est extrêmement difficile à changer. Quand un gouvernement se donne des règles nationales il le fait souvent pour passer une période de mauvaise conjoncture. L'examen des règles des pays européens -et pas seulement dans le passé- montre que lorsqu'on passe une période de mauvaise conjoncture on change les règles. Au niveau supranational, c'est beaucoup plus difficile.

Nous avons fait l'expérience il y a deux jours sur l'Ecofin d'une recommandation à la France, à laquelle deux pays se sont opposés. Pour changer les règles du Pacte de Stabilité, même sans toucher les traités, il faut l'unanimité. C'est très difficile à obtenir. La poursuite d'une voie interne de réforme me semble être plus prometteuse qu'une réforme qui remettrait tout en cause, avec le risque de rester sans règle. »

On ne peut négliger l'avis d'un expert européen sur les difficultés politiques d'une réforme explicite du pacte .

La règle de l'unanimité , qui n'est pas sans logique s'agissant d'un domaine qui concerne la souveraineté des Etats, est une contrainte forte sur laquelle risque évidemment de buter toute réforme.

Le fonctionnement concret du pacte, qui repose sur une règle de majorité qualifiée, offre davantage d'espace à une adaptation des règles.

Le réalisme est par conséquent plutôt du côté d'une réforme interne, ou plutôt d'adaptations discrètes, que de celui d'une réforme formelle du pacte, qui impliquerait une renégociation de ses règles.

D'ailleurs, dans les faits, de profondes adaptations du pacte ne sont-elles pas déjà intervenues sans qu'une redéfinition formelle des règles ait été engagée ?

On peut identifier deux sources différentes d'adaptations.

La première peut être associée au processus même d'application des règles qui, en raison d'une certaine imprécision de ces règles mais aussi des marges d'appréciation laissées au gouvernement chargé d'appliquer le pacte (le Conseil) (v. infra ), a été l'occasion d'établir une jurisprudence dont la conformité aux règles du PSC ne paraît pas toujours entière.

La seconde, moins directement liée à l'application du pacte, a pris la forme de Codes de conduite successifs. En effet, suite à l'adoption des trois piliers du pacte de stabilité et de croissance, le Conseil a adopté un Code de conduite dont une révision est intervenue en juillet 2001. Ces codes n'ont pas de valeur juridique ; ils se veulent une sorte de circulaire d'application du règlement n° 1466/97 relatif à la prévention des déficits excessifs, à usage interne.

A ce propos, soulignant la valeur juridique des plus incertaine de ces documents, votre Délégation avait encore estimé, dans son rapport précité, que cette situation posait un réel problème (v. infra ).

(2) ... toutefois, les enjeux d'une réforme du pacte sont tels qu'un processus transparent et plus cohérent est préférable.

Dans un contexte de coordination des politiques économiques en Europe par des règles qui constituent autant d' engagements mutuels des Etats et autant de contraintes sur l'exercice démocratique essentiel qu'est le vote du budget par un Parlement, il n'appartient pas à des Codes de conduite de modifier ces règles.

De plus, à supposer qu'une réforme du pacte de stabilité et de croissance intervienne, il ne serait pas souhaitable qu'elle soit portée par un acte sans valeur juridique.


LA POSITION DE VOTRE DÉLÉGATION

Si l'imprécision des règles du pacte de stabilité et de croissance appelle des clarifications, ce qui peut, à son tour, justifier l'adoption d'une forme de charte d'application du pacte de stabilité et de croissance, il faut néanmoins se demander si l'imprécision du pacte de stabilité et de croissance n'est pas telle que tout acte de ce genre puisse être considéré comme excédant les limites de l'interprétation. C'est à cette conclusion que votre Délégation est parvenue.

Elle l'a conduite à souhaiter qu'une réforme explicite du pacte soit entreprise, de sérieuses questions de principe s'opposant à une réforme en catimini du pacte.

Au demeurant, l'analyse détaillée des « Codes de conduite » vient étayer l'inquiétude de votre Délégation puisqu'il apparaît que ces codes ont substantiellement modifié le pacte sans qu'aucun contrôle démocratique n'intervienne.

Enfin, il y a lieu de mettre en évidence les effets négatifs d'adaptations successives, au fil de l'eau, sur la cohérence des règles du pacte de stabilité et de croissance (v. infra ).

Votre Délégation ne peut, sur ce point, que s'associer aux très justes propos de Jean PISANI-FERRY :

« J'ai deux points à ajouter.

Le premier (point) porte sur ce débat que nous avons eu sur le fait de savoir s'il faut faire de la réforme interne ou de la réécriture comme disait Marco BUTI. Est-ce que nous pouvons modifier les règles ? Il me semble qu'il ne faut pas surestimer les difficultés. Je crois qu'il y a mérite à avancer par la voie interprétative. Mais au bout d'un moment la voie interprétative touche ses limites parce que son défaut est évidemment que la lisibilité des règles s'affaiblit et que l'impression prévaut que les règles sont appliquées de manière différente aux uns et aux autres, selon des critères qui ne sont pas nécessairement très précis et avec un doute sur l'équité dans l'application des règles.

Il me semble que nous pouvons tirer des leçons de ce qui s'est passé en matière bancaire. Nous avons fixé des règles pour les ratios de solvabilité des banques et puis nous nous sommes aperçu que ces règles qui étaient nécessaires avaient un certain nombre de défauts et nous les avons changées. Nous avons utilisé des règles plus complexes, plus sophistiquées.

Je pense que nous avons exactement le même type de problème, c'est-à-dire que nous avons reconnu le problème de l'existence d'une question de discipline collective, nous avons fixé une règle, nous nous apercevons des défauts de cette règle et maintenant il faut passer à une règle plus sophistiquée. »

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page