b) L'imprécision de la règle de prohibition-sanction des déficits excessifs

Le second exemple de l'indétermination des règles du pacte concerne la sanction des déficits excessifs . On pourra s'étonner de cette appréciation : la prohibition des déficits publics dépassant les 3 points de PIB prend des apparences très rigoureuses. Toutefois, une réserve fondamentale doit être prise en compte : le Conseil est doté d'une compétence d'évaluation globale (article 104.6 du Traité) pour juger qu'un déficit est excessif. La portée d'un dépassement du plafond des 3 % du PIB est, par conséquent, totalement indéterminée juridiquement . Elle dépend de l'évaluation du Conseil puis, bien sûr, de sa décision.

Sans doute, certains prétendront-ils que le pacte de stabilité et de croissance a remédié à cette indétermination en précisant au paragraphe 3 de l'article 2 du règlement 1467/97 :

Le Conseil tient compte « dans son évaluation globale, des observations éventuelles de l'Etat membre concerné, lui indiquant qu'une baisse annuelle du produit intérieur brut de moins de 2 % en termes réels est néanmoins exceptionnelle, eu égard à d'autres éléments d'information allant dans le même sens... ». Ceux-ci sont, en particulier, « le caractère soudain de la récession ou la baisse cumulative de la production par rapport à l'évolution constatée dans le passé » .

Sans doute, doit-on rappeler que dans la résolution d'Amsterdam, autre pilier du pacte, les Etats se sont engagés à ne pas invoquer le bénéfice de la clause d'exonération liée à la survenance de conditions exceptionnelles et temporaires lorsque la baisse annuelle du PIB réel serait inférieure à 0,75 %.

Il reste que la compétence d'évaluation globale du Conseil prévue à l'article 104 du traité est générale et que, comme les précisions apportées par le pacte ne portent que sur un des éléments de cette évaluation (la survenance d'une récession), on ne peut juridiquement considérer qu'elles s'appliquent à la totalité du spectre de l'évaluation confiée au Conseil.

Au demeurant, le fait même que cette question se pose entraîne une difficulté substantielle puisque, notamment, la portée du critère des 3 points de PIB de déficit public est en jeu.

c) Des imprécisions très préoccupantes
(1) Il n'existe nulle procédure spécifique d'interprétation...

Il faut d'abord souligner que ces problèmes d'interprétation sont d'autant plus lourds que les besoins d'interprétation des règles du pacte de stabilité et de croissance ne reçoivent aucun début d'organisation institutionnelle appropriée.

Le pacte ne prévoit pas que ces règles puissent devoir être interprétées. Par conséquent, il n'organise pas de procédures spécifiques permettant de résoudre les problèmes d'interprétation qui pourraient survenir.

Compte tenu de l'importance des problèmes qui se posent de ce point de vue, cette lacune est extrêmement préoccupante.

Tout se passe comme si l'interprétation des règles du pacte pouvait être existentielle, c'est-à-dire réalisée au gré des événements, et confiée, sans problème, à la Commission et au Conseil.

C'est oublier un certain nombre de considérations capitales.

(2) ... ce qui favorise l'apparition et la persistance de conflits dommageables...

La première d'entre elles est qu'il risque à tout moment d'exister une divergence d'interprétation entre Commission et Conseil et au sein même du Conseil . Le fonctionnement concret du pacte donne quelque résonance à cette inquiétude, qui joue contre la crédibilité du pacte. Si la Commission semble parvenir aisément à faire adopter par le Conseil ses vues sur le sens et le tempo de la discipline budgétaire en Europe, une sorte de jeu de rôles contre-productif s'instaure dès qu'il s'agit d'appliquer concrètement ces vues. On y revient plus avant.

(3) ... et l'éventualité d'atteintes indues à certains principes essentiels

En outre, il apparaît tout à fait anormal, s'agissant de règles qui concernent la souveraineté des Etats et qui limitent l'exercice démocratique de détermination de la politique des finances publiques, qu'un tel espace soit offert à l'interprétation par des instances à la légitimité démocratique spécifique et qu'on peut juger réduite .

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