c) Une part de plus en plus réduite pour les autres langues

Il est significatif de constater, pour mesurer la part de diversification dans l'enseignement des langues, que seuls quelques 13 000 élèves de collèges et lycées publics et privés, soit 2,32 % des effectifs du second degré, apprennent une première langue autre que l'anglais, l'allemand, ou l'espagnol.

(1) Des évolutions contrastées selon les langues

- L'évolution la plus préoccupante concerne l'érosion continue des effectifs d'allemand . La langue de Goethe n'est choisie que par moins de 9 % des collégiens en LV1, 13% en LV2 ; dans les lycées d'enseignement général et technologique, ils sont 10 % à l'étudier en LV1, à peine 20 % en LV2, alors qu'ils étaient 13,5% et 29 % en 1995 ; dans le second cycle professionnel, seuls 13 % étudient l'allemand en LV2, contre 17% en 1995 ;

- Si l'italien résiste à la pression hispanisante, avec des effectifs en hausse légère depuis 5 ans, cette augmentation se concentre sur un nombre limité d'académies du Sud-est (Grenoble notamment), celles où la langue est déjà fortement présente ;

- En outre, la situation du russe s'est particulièrement dégradée, même si elle reste la 5 ème langue étudiée, très loin derrière l'italien : en 10 ans, cette langue a perdu 54 % de ses effectifs (26 795 élèves en 1990-91). Paradoxe alors même que le pays s'ouvre sur l'Europe, que les demandes de contacts et d'échanges scolaires avec la France en particulier sont nombreux, et que l'Europe se prolonge à l'Est...

Si la rentrée 2001 (- 1,8 %) a marqué un temps d'arrêt dans un mouvement de baisse qui subissait ces dernières années une accélération très préoccupante (- 6 % en 1998, - 7 % en 1999, - 8 % en 2000), la baisse des effectifs se poursuit, principalement en LV2 et LV3 dont les sections, plus nombreuses et plus disséminées que celles de LV1, atteignent souvent le seuil critique de fermeture : plus de la moitié des sections de LV2 ont été fermées dans l'académie de Paris à la seule rentrée 1999.

Le russe est proposé en LV1 dans 52 collèges et 72 lycées publics (2 et 14 dans le privé), en LV2 dans 105 collèges et 180 lycées publics (15 et 54 dans le privé), en LV3 dans 211 lycées publics et 43 lycées privés.

A la rentrée 2001, les effectifs se répartissent comme suit :

 

Enseignement public

Enseignement privé

CNED

LV1

3 395

18

1 er cycle : 254

LV2

3 833

683

2 e cycle : 858

LV3

4 784

686

 

Total

12 012

1 457

 

- les autres langues connaissent des évolutions variables, mais leur part reste négligeable : si les effectifs de chinois connaissent la plus forte hausse, le nombre d'élèves reste sans équivalent par rapport aux perspectives qu'offre cette langue de civilisation, la plus parlée dans le monde (20,4 % de la population mondiale, contre 11,3 % pour l'anglais)...

RÉPARTITION DES ÉLÈVES DU 2 ND DEGRÉ SELON LA LANGUE ETUDIÉE
(TOUS STATUTS DE LV CONFONDUS)

 

1995-1996

%

2000-2001

%

2002-2003

%

Evol 2000/03

Evol 1995/03

ALLEMAND

1 314 318

15,30

1 041 144

11,99

950 997

10,80

- 8,66 %

- 27,65 %

ANGLAIS

5 337 950

62,13

5 423 373

62,47

5 465 393

62,07

+ 0,77 %

+ 2,39 %

ESPAGNOL

1 663 329

19,36

1 924 262

22,16

2 073 760

23,55

+ 7,77 %

+ 24,68 %

ITALIEN

192 020

2,24

213 942

2,46

227 847

2,59

+ 6,50 %

+ 18,66 %

PORTUGAIS

10 639

0,12

9 642

0,11

10 158

0,12

+ 5,35 %

- 4,52 %

RUSSE

18 821

0,22

13 820

0,16

13 338

0,15

- 3,49 %

- 29,13 %

ARABE LITTERAL

6 342

0,07

6 053

0,07

6 492

0,07

+ 7,25 %

+ 2,36 %

CHINOIS

2 745

0,03

4 337

0,05

5 384

0,06

24,14 %

+ 96,14 %

HÉBREU MODERNE

5 747

0,07

6 969

0,08

6 521

0,07

- 6,43 %

+13,47 %

JAPONAIS

1 838

0,02

1 881

0,02

2 177

0,02

+ 15,74 %

+ 18,44 %

NÉERLANDAIS

720

0,01

985

0,01

1 008

0,01

+ 2,34 %

+ 40 %

POLONAIS

239

0,00

219

0,00

205

0,00

- 6,39 %

- 14,23 %

LANGUES REGIONALES

13 158

0,15

23 849

0,27

29 434

0,33

+ 23,42 %

+ 123,70 %

LANGUES PAR CORRESP.

11 308

0,13

8 956

0,10

9 781

0,11

+ 9,21 %

- 13,50 %

AUTRES LV

12 017

0,14

2 785

0,03

2 361

0,03

-15,22 %

-80,35 %

TOTAL LV

8 591 191

100

8 682 217

100

8 804 856

100

+ 1,41 %

+ 2,48 %

* France métropolitaine et DOM - Public + privé - Source : DPD 2003

(2) La LV3, en net recul, n'est plus une planche de salut pour les langues rares

Alors que la troisième langue pourrait porter des espoirs d'ouverture du panel de langues enseignées, les élèves étant à ce moment de leur scolarité plus désireux de se porter vers une stratégie de « distinction linguistique », les résultats concrets en terme de diversification sont décevants : une très nette majorité des élèves optent pour l'italien, et cette proportion connaît une forte croissance depuis le début des années 90 :

RÉPARTITION DES ÉLÈVES DE SECONDE GÉNÉRALE ET TECHNOLOGIQUE SELON LA TROISIÈME LANGUE ÉTUDIÉE (EN %)
France métropolitaine - public + prive

Langues

1980-81

1990-91

1995-96

1998-99

1999-00

2002-03

Allemand

18,1

18,2

12,8

8,7

7,4

5,7

Espagnol

39,9

36,8

35,6

30,1

29,5

25,3

Italien

23,8

29,8

38,1

43,3

45,1

49,3

Russe

12,4

7,6

5,6

6,1

5,7

6,2

Autres*

5,8

7,6

7,9

11,8

12,3

13,5

* Dont en 2002-03 : anglais : 0,15 % ; arabe : 2,42 % ; portugais : 3,42 % ; autres langues vivantes étrangères : 7,6 %

Par ailleurs, alors que cette option devrait être une planche de salut pour les langues rares, l'espagnol reste fortement représenté en LV3 et recrute encore près du quart des effectifs, malgré une diminution justifiée par la progression de cette langue en LV2.

De plus, l'effritement des effectifs de LV3 , et les possibilités restreintes offertes aux élèves d'apprendre trois langues étrangères, font un sort bien précaire à toute diversification à ce niveau. L'objectif de plurilinguisme ne va pas en effet jusqu'à prendre appui sur l'essor de l'apprentissage d'une troisième langue étrangère, alors qu'il existe quelques espoirs pour certaines langues de se frayer un chemin (notons que, si l'arabe LV1 et LV2 est en recul, sa part en LV3 augmente...). L'option LV3 reste marginale et marginalisée, et connaît un net recul ces dernières années :

- la possibilité de choisir en option l'étude d'une troisième langue est limitée aux lycéens des filières générales, alors que la connaissance de trois langues serait fort utile dans certaines filières technologiques et professionnelles (tourisme ou commerce notamment) ;

- depuis la rénovation pédagogique des lycées, l'option LV3 subit la concurrence d'un nombre pléthorique et croissant d'autres options , en premier lieu des sciences économiques et sociales ;

- en outre, il existe une assimilation artificielle et infondée entre apprentissage de plusieurs langues et choix de la filière littéraire, qui contribue à restreindre l'attractivité de la troisième langue. Ainsi, seule la série L offre aux élèves la possibilité d'une « spécialisation » en langues vivantes pouvant aller jusqu'à 11,5 heures hebdomadaires pour trois langues étudiées.

Aussi, les effectifs d'élèves étudiant une troisième langue sont en baisse constante : seuls 7,3 % des élèves du second cycle étudient trois langues, et 9,5 % dans les classes de seconde (en 1999-2000). Ils étaient respectivement environ 10 et 14 % au début des années 1990.

Il apparaît ainsi souhaitable d'élargir les possibilités d'opter pour l'étude d'une troisième langue , dans l'ensemble des filières, y compris en donnant la possibilité aux élèves de permuter cette nouvelle langue avec leur LV1 ou leur LV2, comme de nombreux élèves le font au moment du bac. En effet, en intervenant plus tardivement, le choix de la LV3 traduit souvent un engagement personnel plus marqué pour une langue, et une implication plus grande des élèves. Cet objectif doit cependant se conjuguer avec une gestion rigoureuse de l'offre de langues dans les établissements, pour préserver à ce niveau les langues qui sont les moins représentées par ailleurs.

UNE TENDANCE QUI SE PROLONGE A L'UNIVERSITÉ...

La répartition des langues étudiées dans le second degré se répercute directement sur celle observée dans l'enseignement supérieur.

La prépondérance de l'anglais est ainsi très nette à l'université, alors qu'une gamme de 103 langues est proposée (mais 46 ne sont enseignées qu'à l'INALCO): en 2000-2001, 63,9 % des étudiants de la filière langue apprennent l'anglais ; 28,4 % choisissent l'espagnol et seulement 13,2 % l'allemand. L'italien vient ensuite avec 6 % des étudiants de la discipline, suivi de l'arabe (3,5 %), du chinois (2,5 %) et du japonais (2,4 %) qui attirent chacun plus de 3 000 étudiants, enfin le russe (2,3 %) et le portugais (1,5 %). La proximité géographique influence le choix de la spécialité : 20 % des étudiants en langues choisissent l'allemand dans les académies de l'Est.

Si, en LEA, le choix est plus restreint qu'en Lettres, langues et civilisations étrangères, et porte sur une vingtaine de langues, 93,4 % des étudiants de ce secteur plus professionnalisant choisissent l'anglais, un sur deux l'espagnol et un sur quatre l'allemand...

Ces observations ne sont pas sans conséquence pour renforcer à l'avenir les tendances actuelles : les futurs enseignants, et notamment les stagiaires IUFM, sont en majorité des anglicistes ; en outre, les étudiants en langues les moins représentées ne sont pas incités à passer les concours de recrutement, en raison du nombre restreint de postes. Pourtant, un espoir de diversification existe dans la mesure où la proportion de certaines langues rares, comme l'arabe, le chinois ou le japonais est plus élevée à l'université que dans les établissements secondaires...

(3) Une tendance accentuée : la politique de recrutement ne sert pas de levier de diversification

Le nombre de postes ouverts aux concours de recrutement des professeurs de langues est un révélateur de tendances fortes sur l'intérêt porté au développement de l'enseignement de telle ou telle langue. Il joue en cela un rôle d'affichage politique , notamment à destination des pays partenaires.

De plus, la survie de l'enseignement des langues « minoritaires » est subordonnée à l'exigence de mener sur le long terme une politique des ressources humaines cohérente et volontariste :

- en garantissant le renouvellement des moyens humains nécessaires à l'encadrement de la discipline ;

- en servant de levier pour promouvoir l'enseignement de langues rares, infléchir les tendances et orienter la demande.

Des efforts ont ainsi été engagés pour soutenir l'objectif de rééquilibrage des choix au profit des grandes langues sinistrées, de l'arabe et du portugais en particulier : augmentation du nombre de postes au Capes (hausse de 150 % en arabe à la session 1998, passant ainsi de 4 à 10..., de 100 % en portugais en 2001...), création en 1999 d'un concours interne de CAPLP lettre-arabe (mais celui-ci n'a lieu qu'un an sur deux...).

Néanmoins, si l'éventail de langues pour lesquelles des postes sont ouverts au CAPES, à l'agrégation et au CAPLP est très large 21 ( * ) , l'anglais représente plus de la moitié des postes et trois langues, l'anglais, l'allemand et l'espagnol en concentrent la quasi-totalité, près de 95 %.

La porte est donc étroite pour les autres langues, d'autant que l'on observe un parallèle inquiétant entre évolution des recrutements et évolution des effectifs, politique paradoxale et incohérente au regard de l'objectif de préservation des langues rares.

La crise que traverse l'enseignement du russe illustre cette menace. L'étiolement du corps enseignant suit l'érosion des effectifs : la moyenne d'âge du corps est aujourd'hui de 55 ans et la plupart des académies ne seront pas en mesure de faire face aux départs en retraite des prochaines années. Or, après un premier recul en 2002, face à la levée de boucliers des professeurs et associations, il est à nouveau question de supprimer l'agrégation externe de russe pour la session prochaine, et d'instaurer une alternance avec le CAPES...

Il est à souhaiter que les autres langues ne suivront pas ce sort : l'agrégation externe d'arabe a été rétablie in extremis pour la session 2004 ; quant à l'agrégation interne d'italien pour la session 2003, elle a été supprimée au dernier moment, alors que des candidats avaient déjà pris un congé pour s'y préparer. Une telle absence de visibilité sur le moyen terme du nombre de postes ouverts a de quoi décourager des vocations chez les candidats potentiels.

Il est donc urgent que soient programmés sur le moyen terme des plans de recrutements non seulement adaptés aux besoins à venir, mais aussi capables d'infléchir des tendances et d'être un levier de diversification.

Par ailleurs, pour maintenir l'enseignement de certaines langues sinistrées, la bivalence, comme celle qui existe pour les professeurs des lycées professionnels, permettrait de donner aux établissements plus de souplesse et de moyens humains pour parvenir à une gestion plus saine des effectifs.

CAPES

 

EXTERNE

INTERNE

RESERVE

 

Postes 2003

Evolution. 2002/03

Evolution. 1999/03

Postes 2003

Evolution2002/03

Evolution 1999/03

Postes 2003

Evolution 2002/03

Evolution1999/03

Allemand

175

0

- 65

25

0

- 50

10

-15

- 72

Anglais*

1 371

0

+ 101

205

10

- 153

61

-69

- 264

Arabe

14

- 6

+ 2

-

-1

- 1

2

-1

0

Chinois

3

0

0

-

-1

0

1

-2

- 2

Espagnol

733

-122

+ 177

84

4

- 56

39

-31

- 111

Hébreu

1

0

+ 1

1

1

+ 1

1

0

0

Italien

65

+ 3

+ 23

20

1

- 20

10

-10

- 12

Néerlandais

1

+ 1

+ 1

-

-

0

1

0

0

Portugais

3

-3

0

-

-1

- 2

1

0

- 1

Russe

3

-1

0

-

-1

- 2

1

-2

- 1

Danois

 
 
 
 
 
 

-

- 1

- 1

Grec

 
 
 
 
 
 

-

- 1

- 1

Japonais

 
 
 
 
 
 

1

0

- 2

Langue turque

 
 
 
 
 
 

1

0

0

Suédois

 
 
 
 
 
 

1

0

0

Vietnamien

 
 
 
 
 
 

-

- 1

- 1

* 50 postes en 2003 en anglais au titre du troisième concours

AGRÉGATION

 

EXTERNE

INTERNE

 

Postes

2003

Evolution

2002/03

Evolution

1999/03

Postes 2003

Evolution

2002/03

Evolution 1999/03

Allemand

53

0

- 14

31

0

- 12

Anglais

158

0

+ 3

64

0

- 31

Arabe

10

0

0

2

+ 2

+ 2

Espagnol

83

0

+ 13

36

0

- 10

Hébreu

-

- 2

0

1

+ 1

+ 1

Italien

16

+ 1

- 1

-

- 8

- 9

Langues et culture japonaise

1

+ 1

+ 1

-

0

0

Néerlandais

-

- 1

- 1

1

+ 1

0

Portugais

3

- 1

+ 1

-

- 2

0

Russe

2

-1

0

2

+ 2

+ 2

CAPLP2

 

EXTERNE

INTERNE

RESERVE

 

Postes 2003

Evolution. 2002/03

Evolution1999/03

Postes 2003

Evolution 2002/03

Evolution 1999/03

Postes 2003

Evolution 2002/03

Evolution 1999/03

Anglais - Lettres

315

- 40

+ 25

10

- 1

- 38

30

- 10

- 98

Allemand - Lettres

17

- 3

- 3

2

0

- 4

3

- 2

- 11

Espagnol - Lettres

40

- 13

+ 12

3

0

- 3

7

0

- 4

Arabe - Lettres

2

+ 2

- 3

0

0

0

1

- 1

+ 1

* 21 10 langues sont proposés à l'agrégation et au CAPES : allemand, anglais, arabe, chinois, espagnol, italien, japonais, néerlandais, portugais, russe ; le CAPES existe également pour 10 autres langues : grec, hébreu, vietnamien, turc, suédois, basque, breton, catalan, corse, occitan-langue d'oc ; enfin le CAPLP est proposé en disciplines bivalentes : allemand-lettres, anglais-lettres, arabe-lettres, espagnol-lettres.

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