II. UNE DISTRIBUTION DES ALLEGEMENTS REFLÉTANT LES DISPARITÉS DE REVENU ET DE PRESSION FISCALE LOCALE

Comment expliquer les fortes différences observées dans la fréquence des allègements de taxe d'habitation d'une collectivité locale à l'autre ? Reflètent elles principalement des " inégalités de situation " échappant pour l'essentiel au contrôle des collectivités locales, telles les différences de revenus ou d'âge moyen des habitants ? Sont-elles au contraire la conséquence "d'inégalités de gestion" traduisant la propension plus ou moins forte des élus à accroître, de façon volontariste, le niveau des dépenses et donc la pression fiscale ?

Le revenu communal semblerait commander le nombre de bénéficiaires d'allègements, la pression fiscale n'intervenant qu'en second rang pour déterminer le montant de l'allègement et son coût pour l'Etat. La réalité est plus complexe. Au stade du contribuable individuel, les principaux facteurs explicatifs du montant du dégrèvement ou de l'exonération sont, en simplifiant, les suivants :

Eligibilité à l'allégement fiscal

Exonération

Age du contribuable (>60 ans)

Revenu du contribuable

Dégrèvement total en fonction de la situation sociale

Bénéficiaire du RMI

Dégrèvement total en fonction du revenu

Revenu du contribuable

Age du contribuable (<60 ans)

Dégrèvement partiel en fonction du revenu

Revenu du contribuable

Montant de la cotisation

Le revenu du contribuable est pris en compte directement ou indirectement 37 ( * ) comme critère d'éligibilité à un allègement total, soit seul, soit associé à une condition supplémentaire d'âge. En revanche, il intervient concurremment au montant de l'imposition, donc à la pression fiscale dans la décision d'octroi d'un dégrèvement partiel : il ne suffit pas, pour en bénéficier d'avoir un revenu inférieur au revenu plafond ; il faut encore que l'imposition dépasse 4,3 % de ce revenu après abattements. On vérifiera donc d'abord si le revenu est bien le facteur explicatif prépondérant de non-imposition (A) ; on mesurera ensuite l'influence respective du revenu et de la pression fiscale sur la fréquence d'octroi des dégrèvements partiels.

A. LA FAIBLESSE DU REVENU COMMUNAL, FACTEUR PRÉPONDÉRANT DE NON-IMPOSITION

Au niveau d'une commune, le revenu des habitants est mieux appréhendé par un indicateur de distribution tel le revenu médian (50 % des contribuables ont un revenu inférieur au revenu médian) ou le premier quartile (25 % des contribuables ont un revenu inférieur au premier quartile) que par le revenu moyen qui est tiré vers le haut par les revenus les plus élevés. L'INSEE a publié pour la première fois en juin 2003 des indicateurs de distribution du revenu des « ménages fiscaux » (médiane, quartiles et déciles) par commune pour l'année 2000 38 ( * ) . Le seuil de diffusion de ces données par commune étant de 50 ménages au minimum pour la médiane et de 2.000 habitants pour les quartiles, on a préféré utiliser le revenu médian qui permet de couvrir un plus grand nombre de communes (environ 30.500 sur 36.000).

Si le revenu est le facteur explicatif prépondérant du taux de non imposition à la taxe d'habitation, d'autres variables socio-économiques telles la structure par âge ou le nombre de chômeurs semblent a priori pouvoir jouer : leur rôle n'est cependant que secondaire.

1. L'influence prépondérante du revenu

a) L'influence du revenu médian sur le taux d'exonération

Les deux graphiques 2-6 et 2-7 font apparaître une très forte corrélation négative entre le pourcentage des résidences principales exonérées et le revenu communal médian , aussi bien pour l'ensemble des communes urbaines (R² = 0,714) que pour les communes rurales de plus de 400 habitants (R² = 0,782). Dans les deux cas, l'élasticité est voisine de - 1,8 : une augmentation de 10 % du revenu médian se traduit en moyenne par une réduction de 18 % du taux d'exonération.

Graphique 2-6
Influence du revenu médian sur le taux d'exonération dans les communes rurales
(12.125 communes de plus de 400 habitants)

Graphique 2-7
Influence du revenu médian sur le taux d'exonération dans les communes
urbaines

b) L'influence du revenu médian sur la fréquence des dégrèvements totaux

Graphique 2-8
Influence du revenu médian sur les dégrèvements totaux (communes de plus de 1.000 habitants)

Un résultat similaire, même s'il est un peu moins significatif (R² = 0,627) est obtenu pour les dégrèvements totaux , comme l'illustre le graphique 2-8 pour l'ensemble des communes rurales et urbaines de plus de 1.000 habitants.

Au total, mais seul le résultat contraire eut été surprenant, le revenu médian apparaît comme un bon prédicteur du taux de non imposition des ménages fiscaux dans une commune. A titre d'exemple, un revenu médian de 20.000 euros par ménage fiscal correspond à un taux moyen d'exonération de 17,5 % pour les communes urbaines et à un taux légèrement plus élevé de 20 % pour les communes rurales. Le même revenu médian de 20.000 euros correspond à une fréquence de dégrèvements totaux proche de 7 %.

Si le revenu médian est un facteur explicatif commun aux taux d'exonération et de dégrèvement total, la structure par âge de la population et le taux de chômage (relié au RMI) déterminent à leur tour le taux de non-imposition, propre à chacun de ces allègements fiscaux.

* 37 Le revenu intervient indirectement pour l'octroi du RMI.

* 38 Le décalage d'un an entre les données fiscales concernant les dégrèvements en 2001 et les données relatives aux revenus de 2000 ne devrait pas biaiser da façon significative les résultats de l'analyse.

Page mise à jour le

Partager cette page