B. L'EXTINCTION IRRÉVERSIBLE DES PRATIQUES DE RÉPUDIATION UNILATÉRALE ET DE POLYGAMIE : LE CAS PARTICULIER DE MAYOTTE

Même si le projet de loi sur le divorce ne concerne pas directement l'application du statut personnel à Mayotte, votre délégation estime nécessaire d'y faire mention.

L'article 68 de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer a introduit un dispositif « d'une importance exceptionnelle » selon le Gouvernement, essentiellement pour les mahoraises. Ce texte, adopté à l'unanimité au Sénat, avec l'appui de notre collègue Anne-Marie Payet, membre de la délégation, vise, tout en préservant les situations en cours, à éteindre « progressivement et irréversiblement » certaines pratiques du statut personnel en vigueur à Mayotte : la polygamie, la réputation unilatérale, l'inégalité devant l'héritage, et l'impossibilité de recourir au juge ordinaire quand on est soumis au statut personnel . (Assemblée nationale, 3 ème séance du vendredi 6 juin 2003).

Très soucieuse de l'évolution de la situation des femmes de Mayotte, votre délégation se félicite de cette mesure destinée à mettre fin à certains archaïsmes juridiques mal compris en métropole et contraires à la conception française de l'ordre public, au sens du droit civil. L'identité culturelle de Mayotte n'en sera nullement affectée, son appartenance à la nation s'en trouvera en revanche pleinement confortée.

Du point de vue juridique, votre délégation note que ce texte a été l'occasion de réaffirmer la force juridique du principe d'égalité entre hommes et femmes. Dans sa décision n° 2003-474 DC du 17 juillet 2003, le Conseil Constitutionnel a indiqué qu'en adoptant ce texte, le législateur n'avait pas méconnu l'article 75 de la Constitution selon lequel « les citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l'article 34, conservent leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé ». Le Conseil Constitutionnel a précisé que  « dès lors qu'il ne remettait pas en cause l'existence même du statut civil de droit local, le législateur pouvait adopter des dispositions de nature à en faire évoluer les règles dans le but de les rendre compatibles avec les principes et droits constitutionnellement protégés » comme l'égalité devant la loi de tous les citoyens.

Votre délégation suivra très attentivement les conditions concrètes de mise en oeuvre de ce texte : pour l'instant, d'après les indications fournies à votre rapporteur, « il est encore trop tôt » pour mesurer les résultats tangibles de la modification de la loi.


Article 68 de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer

Le titre VI de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 précitée est ainsi modifié :

1° Après l'article 52, sont insérés les articles 52-1 à 52-4 ainsi rédigés :

« Art. 52-1. - Le statut civil de droit local régit l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités.

« L'exercice des droits, individuels ou collectifs, afférents au statut civil de droit local ne peut, en aucun cas, contrarier ou limiter les droits et libertés attachés à la qualité de citoyen français.

« En cas de silence ou d'insuffisance du statut civil de droit local, il est fait application, à titre supplétif, du droit civil commun.

« Les personnes relevant du statut civil de droit local peuvent soumettre au droit civil commun tout rapport juridique relevant du statut civil de droit local ».

« Art. 52-2. - Nul ne peut contracter un nouveau mariage avant la dissolution du ou des précédents.

« Le présent article n'est applicable qu'aux personnes accédant à l'âge requis pour se marier au 1er janvier 2005 ».

« Art. 52-3. - Le mariage est dissous par le décès de l'un des conjoints ou le divorce ou la séparation judiciairement prononcée.

« La rupture unilatérale de la vie commune par l'un des époux est une cause de divorce.

« Les époux sont égaux dans les conditions et les effets de la dissolution du mariage.

« Cette disposition n'est applicable qu'aux personnes accédant à l'âge requis pour se marier au 1er janvier 2005 ».

« Art. 52-4. - Est interdite toute discrimination pour la dévolution des successions qui serait contraire aux dispositions d'ordre public de la loi.

« Le présent article est applicable aux enfants nés après la promulgation de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer ».

2° L'article 61 est ainsi rédigé :

« Art. 61. - La juridiction compétente à Mayotte pour connaître des instances auxquelles sont parties des personnes relevant du statut civil de droit local applicable à Mayotte et ayant entre elles des rapports juridiques relatifs à l'état et à la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions et aux libéralités est, selon la volonté des parties, soit le tribunal de première instance, soit le cadi ».

3° L'article 63 est abrogé.

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