II. LES POINTS JUGÉS SENSIBLES PAR LA DÉLÉGATION

Votre délégation se félicite de la démarche sous-jacente au projet de loi et qui consiste à sanctionner les fautes sans envenimer les conflits. Il s'agit, en fin de compte, d'orienter la « gestion judiciaire » vers les vrais enjeux, et notamment l'équilibre entre les ex-époux après le divorce.

Elle manifeste cependant une certaine inquiétude à l'égard des conséquences du dispositif sur la situation des épouses qui se sont consacrées exclusivement à leur famille et risquent de se trouver avec des ressources insuffisantes au terme de la procédure de divorce.

A. RÉAFFIRMER LA VALEUR DE L'ENGAGEMENT RÉCIPROQUE QUI FONDE L'INSTITUTION DU MARIAGE

A la différence d'autres formes de vie en couple comme le concubinage, le PACS, le mariage reste surtout une institution, avec quelques éléments contractuels, fondée sur les devoirs réciproques entre les époux : l'article 212 du code civil, dans une formule remarquablement synthétique dispose que « les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance ».

1. Solenniser l'affirmation des devoirs des époux au moment de la célébration ?

Votre rapporteur constate que chacun s'entend à promouvoir la « responsabilisation » des époux mais prend acte que l'idée d'un serment ou d'une déclaration prononcée par chacun d'entre eux au moment de la célébration du mariage, sous une forme même simplifiée (par exemple, « Conformément à l'article 212 du code civil, je dois à mon époux/épouse fidélité, secours et assistance » ) n'emporte guère, pour l'instant, d'échos favorables, alors même que la valeur d'imprégnation d'un tel serment ne fait guère de doute, comme le confirment un certain nombre de médecins ou de magistrats. Votre rapporteur estime également qu'un serment marque plus l'esprit de celui qui le prononce que bien des discours ou que l'accumulation d'un nombre croissant de règles de droit de plus en plus complexes.

Tout au plus a-t-on évoqué, lors de la gestation du présent projet de loi, l'éventuelle nécessité d'une préparation ou d'une « formation » des futurs époux avant le mariage.

2. La disparition de la clause d'exceptionnelle dureté.

Comme l'indique un rapport du Conseil Constitutionnel français ( La jurisprudence constitutionnelle en matière de liberté confessionnelle et le régime juridique des cultes et de la liberté confessionnelle en France - Novembre 1998) : « théoriquement, le droit français de la famille ne prend pas en compte les données religieuses. Toutefois, l'étude de diverses questions du droit de la famille conduit à nuancer cette affirmation ».

Illustrant l'existence de telles « nuances », ce rapport cite l'article 240 du code civil, qui prévoit, en cas de demande de divorce pour rupture de la vie commune que « si l'autre époux établit que le divorce aurait, soit pour lui, compte tenu notamment de son âge et de la durée du mariage, soit pour les enfants, des conséquences matérielles ou morales d'une exceptionnelle dureté, le juge rejette la demande ».

Peu appliquée en pratique, en dépit d'un contentieux assez abondant, cette clause dite « d'exceptionnelle dureté » est supprimée par le présent projet de loi au titre de « l'adaptation de notre droit aux évolutions sociologiques de la société française ». La jurisprudence précise en particulier que « les convictions religieuses de l'épouse sont à elles seules insuffisantes pour refuser le prononcé du divorce » (Cass. civ., 12 octobre 2000).

Votre rapporteur constate la suppression, dans le projet de loi, de la clause d'exceptionnelle dureté fondée sur sa caducité de fait, ce qui marque la disparition d'une prise en compte implicite de la notion d'indissolubilité du mariage dont la symbolique continue néanmoins d'imprégner fortement un certain nombre d'unions.

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