D. PRESTATION COMPENSATOIRE : UN DISPOSITIF QUI SUSCITE DES INQUIÉTUDES

D'après l'Annuaire statistique de la Justice (édition 2003), le nombre de demandes de révision de la prestation compensatoire et de modification de la pension alimentaire versée au conjoint soumises aux juges des affaires familiales s'est chiffré à 1 925 en 1997, 1 692 en 1998, 1 491en 1999, 1 917 en 2000 et 3 424 en 2001 (pour un nombre annuel de divorces de l'ordre de 115 000).

1. L'évolution du droit

a) La loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce et la « dérive » de la pratique par rapport à l'intention du législateur

La réforme de 1975 a remplacé la pension alimentaire entre époux par une prestation compensatoire forfaitaire et difficilement révisable.

Cette substitution répondait à deux objectifs principaux du législateur de 1975 : détacher le plus possible le règlement pécuniaire de l'attribution des torts et, surtout, limiter les sources de conflits ultérieurs en donnant un caractère forfaitaire et quasi-définitif à la fixation de cette compensation.

Il était prévu, à titre subsidiaire, que la prestation compensatoire puisse prendre la forme d'une rente, la charge de la rente passant, en cas de décès de l'époux débiteur, à ses héritiers.

Cependant, des raisons fiscales et l'impossibilité pour de nombreux débiteurs de réunir un capital suffisant ont conduit à ce que la rente, qui devait rester subsidiaire, devienne fréquemment sollicitée par les parties et retenue par les juges.

Ainsi, dans la pratique, cette modalité subsidiaire est devenue la règle : dans 60 % des cas, une rente est attribuée à titre de prestation compensatoire, dans 20% des cas, celle-ci prend la forme d'un capital, le surplus se répartissant entre des combinaisons rente-capital (3,7 %) et les autres formes prévues par la loi comme l'attribution de l'usufruit d'un bien ou le versement des revenus d'un capital entre les mains d'un tiers. (statistiques issues d'une enquête effectuée par la Chancellerie pour l'année 1994).

Cette évolution a généré des situations économiquement difficiles, dans la mesure où les conditions de révision de la rente étaient strictement encadrées.

b) La loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire

Constatant une dérive par rapport à l'intention initiale du législateur, et tenant compte des enseignements de la pratique, la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 a renforcé le principe d'un versement forfaitaire en capital et assoupli les conditions de révision des rentes.

Les modalités de paiement du capital ont été diversifiées en rendant possibles le paiement fractionné de celui-ci et l'abandon d'un bien en pleine propriété. De même, le juge peut imposer au débiteur la souscription d'un contrat en garantissant le paiement.

La prestation sous forme de rente n'est désormais possible que dans des cas tout à fait particuliers, lorsque l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, sans considération de la consistance du patrimoine du débiteur, et elle est nécessairement viagère.

L'un des objectifs principaux de la loi du 30 juin 2000 est de faciliter l'obtention de la révision des rentes allouées, que celles-ci soient temporaires ou viagères. En effet, la rigidité de l'ancien dispositif avait conduit à des situations humainement délicates, puisque la révision n'était possible que si l'absence de celle-ci avait pour l'une des parties des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Aussi, a-t-il été introduit un nouveau critère tenant à l'existence d'un changement important dans les ressources ou les besoins des parties.

Par ailleurs, comme l'indique le bilan d'application de la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire (Bulletin officiel du ministère de la Justice n° 88 1 er octobre - 31 décembre 2002), les conditions de la révision des rentes attribuées avant l'entrée en vigueur de la loi, prévues aux termes des dispositions transitoires, ont été très largement assouplies. A l'instar du nouveau dispositif institué en matière de rentes viagères, un changement important dans la situation des parties ouvre droit à cette révision, celle-ci ne pouvant avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge.

Dans le cas spécifique du divorce sur demande conjointe, les parties disposent de toute liberté quant à la détermination de la forme de la prestation ou à l'insertion d'une clause permettant de mettre un terme de plein droit au versement de la rente.

Deux types de mesures fiscales ont accompagné ce nouveau dispositif : une réduction d'impôt est accordée au débiteur si l'intégralité de la prestation est versée en numéraire sur une période inférieure à douze mois. Dans les autres cas, les sommes versées par le débiteur sont déductibles de son revenu imposable et soumises, en ce qui concerne le bénéficiaire, au régime d'imposition des pensions.

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