SYNTHÈSE


M. Émile Blessig

L'aménagement du territoire est passé de la construction d'équipements à une organisation du territoire dont l'attractivité provient autant des services que des équipements.

La construction d'un projet autour du territoire apparaît aujourd'hui comme l'élément le plus important. Ces projets doivent se construire en fonction des différents intérêts généraux qui se déclinent à tous les niveaux (local, régional et national) avec, en plus, la prise en compte de l'échelon européen : c'est donc le résultat d'une coproduction, que tous les intervenants ici présents appellent de leurs voeux.

La mise en oeuvre d'un tel aménagement paraît complexe. Le débat sur la clause de compétence est indispensable. Il convient de différencier en la matière ce qui est souhaitable de ce qui est possible. Le projet de loi présenté est intéressant, dans la mesure où il va dans le bon sens, celui de la proximité avec le citoyen et d'une prise de décision plus rapide. En revanche, en matière de lisibilité, de clarté des responsabilités des acteurs, de nombreuses questions restent posées. On est encore loin d'une réconciliation du citoyen avec les mécanismes de décision. La problématique de la démocratisation devra être abordée, de même que la question des moyens humains et financiers, qui sera prise en charge dans un autre texte. Enfin, de nouvelles formes de partenariat public privé doivent être inventées.

TABLE RONDE N° 2 -

LES ENJEUX FINANCIERS DE LA DÉCENTRALISATION : L'EXIGENCE DE PÉRÉQUATION

Présidée par

M. Jean FRANÇOIS-PONCET

Ancien ministre, Sénateur du Lot-et-Garonne,

Président de la Délégation du Sénat à l'aménagement

et au développement durable du territoire

Intervenants

M. Claude BELOT

Sénateur de Charente-Maritime

Yves FRÉVILLE

Sénateur d'Ille-et-Vilaine

Gérard LARCHER

Sénateur des Yvelines, Président de la Commission des Affaires économiques et du plan du Sénat

Pierre MÉHAIGNERIE

Ancien ministre, Député d'Ille-et-Vilaine, Président de la Commission des Finances de l'Assemblée nationale

Michel KLOPFER

Consultant en finances locales

INTRODUCTION


M. Jean François-Poncet, ancien ministre,
sénateur du Lot-et-Garonne,
président de la Délégation du Sénat à l'aménagement
et au développement durable du territoire

Mesdames et messieurs, la séance de cet après midi sera consacrée à un sujet aussi important qu'austère, et donc de nature à décourager certains enthousiasmes. La plupart des élus savent néanmoins que la péréquation est un sujet central quand on parle de décentralisation. Je vais rapidement présenter le sujet, puis passer la parole au Sénateur Belot, qui a été le rapporteur du groupe de travail de la délégation à l'aménagement du territoire du Sénat et de la commission des finances.

Il existe peu de questions qui, depuis des années, ont fait l'objet d'autant de débats, à l'occasion desquels on a si souvent légiféré, et qui ont finalement aussi peu avancé. Évidemment, la péréquation est un problème qui ne se posait pas lorsque l'Etat jacobin régnait. À travers le budget de l'Etat, on veillait à ce qu'un minimum d'égalité soit maintenu entre les départements. Ceux-ci assumaient d'ailleurs l'essentiel des dépenses avec leur propre budget. C'est la décentralisation qui n'a cessé de poser le problème de la péréquation avec une acuité croissante.

Il faut garder à l'esprit qu'il existe trois étapes dans la décentralisation. La décentralisation Defferre avait été assez bien gérée. La deuxième étape correspond à ce qui a été fait depuis la décentralisation Defferre. Elle est liée au transfert de compétences de l'Etat aux régions sans transferts équivalents de ressources. C'est sur ce point que porte la troisième étape, le projet de loi sur les responsabilités locales qui est aujourd'hui examiné par les assemblées.

Nos collectivités territoriales ont des moyens très différents pour exercer les compétences que l'Etat leur transfère. Pour les uns, l'exercice de ces compétences ne pose aucun problème. Les autres, en réalité, peinent à les utiliser pleinement. On assiste ainsi à une fracture territoriale entre les différents départements du fait des compétences qu'on leur transfère. Il s'agit d'une inégalité de développement : certains départements affectent l'essentiel de leurs ressources aux compétences obligatoires transférées. Il ne leur reste donc plus rien à consacrer au développement économique.

Tout ceci va de pair avec la mondialisation, la mobilité accrue des capitaux et des cadres. Ces évolutions vont dans le sens d'une concentration de l'activité, de l'emploi et de la richesse dans un petit nombre de grandes agglomérations. Ces deux phénomènes de décentralisation et de mondialisation entraînent une aggravation des inégalités. Face à la nouvelle étape de la décentralisation, il est difficile de ne pas aborder ce problème.

Je ne sais pas quelle sera l'évaluation financière des compétences transférées dans la nouvelle loi, mais le projet gouvernemental transmis au Sénat portait sur 8,5 milliards d'euros. C'est un transfert majeur, mais qui risque d'aggraver les inégalités comme l'a fait par exemple l'Allocation personnalisée à l'autonomie (APA), qui a eu des conséquences très différentes pour les départements. En fonction du nombre de résidents de plus de soixante ans, certains départements ont augmenté leur fiscalité, d'autres non. La péréquation est donc devenue un élément incontournable.

On ne peut pas dire que cette situation ait été ignorée. C'est pour y répondre que la dotation de péréquation et la dotation minimale de fonctionnement ont été créées. Mais en réalité, leur effet péréquateur est très faible. Cette question doit donc être traitée aujourd'hui.

Le Sénat, qui se considère à l'écoute des collectivités territoriales, s'est penché sur ce problème. Les commissions des finances et des affaires économiques ainsi que la Délégation à l'aménagement du territoire ont constitué un groupe de travail commun. Ce groupe a conduit une étude pendant plusieurs mois et rédigé un rapport que le sénateur Belot va nous présenter. La première partie vise à évaluer objectivement les ressources et les charges de chaque département afin de constituer un indice synthétique pour classer les départements. Nous nous sommes ensuite penchés sur la manière de compenser ces inégalités.

Nous sommes aujourd'hui au pied du mur. Il existe, à l'heure actuelle, 20 à 25 départements qui sont dans l'incapacité d'assumer les charges financières qu'induisent les transferts de compétences. Le problème est donc devenu urgent. Lors du vote de la loi d'aménagement de 1995, le Sénat avait discuté l'adoption d'un mécanisme très contraignant de péréquation sur le modèle allemand. Le projet a été adopté, et ce dispositif a été repris lors du vote de la loi Voynet. Pourtant, il est resté largement inappliqué. La péréquation apparaît donc comme une « vache sacrée », devant laquelle on s'incline à condition de ne jamais s'en servir. De là découle tout l'intérêt du travail du Sénat, qui vise à la fois à établir une grille aussi objective que possible incluant les ressources et les dépenses des départements, mais aussi un mécanisme de péréquation sur cinq ans. Cette proposition modérée permettrait de soulager les départements les plus en difficulté sans demander des sacrifices insurmontables aux autres. Il est impossible de supprimer des dotations, mais on peut jouer sur la croissance de celles ci pour réduire les inégalités. Le sénateur Belot va maintenant vous présenter ce rapport.

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