CONCLUSION

En confiant au CNASEA la gestion et le paiement d'un volume important d'interventions publiques dans deux domaines aussi différents que le développement de l'agriculture et le secteur de l'emploi et de la formation professionnelle, l'Etat a poursuivi un double objectif : externaliser des tâches de gestion et de paiement pour se concentrer sur la conception et le pilotage, et disposer d'un retour en termes statistiques que seule la conception ad hoc d'un système d'information, au sein d'un organisme dédié, semblait permettre de réaliser tout en assurant l'impératif de rapidité des paiements.

La mise en oeuvre de cette formule a donné l'occasion d'éluder, dans la gestion des crédits d'intervention, certaines contraintes budgétaires résultant de l'ordonnance de 1959, ainsi que plusieurs règles essentielles posées par le décret de 1962 sur la comptabilité publique, sans que le statut et le régime comptable de l'établissement aient été préalablement et complètement adaptés en conséquence.

Les avantages attendus du recours au CNASEA étaient renforcés par la relative souplesse d'une gestion ainsi déléguée, l'organisme étant censé pouvoir s'adapter rapidement aux changements de périmètre de son action, que ce soit à la baisse grâce au recours à des emplois à durée déterminée, ou - ce qui a été en pratique le cas - à la hausse grâce à une réactivité reconnue pour prendre en charge de nouveaux dispositifs.

Cette spécialisation a rapidement conduit à rendre le CNASEA incontournable dans ses deux domaines d'intervention, les collectivités territoriales ayant très majoritairement fait appel à lui en matière de formation professionnelle.

Mais le développement continu de son activité ne doit pas faire oublier que le « chiffre d'affaires » de l'établissement, qui dépend de politiques publiques, n'est nullement garanti sur le moyen terme. Cette incertitude se pose à deux niveaux : non seulement le volume des aides publiques est fixé hors du CNASEA, mais la multiplication des donneurs d'ordre, dans un contexte de décentralisation, fait courir le risque du recours à d'autres opérateurs.

Or l'un des avantages comparatifs dont disposait naguère l'établissement, à savoir sa souplesse de gestion, est aujourd'hui bien entamé du fait d'une rigidité croissante de ses charges, notamment salariales, condamnées à croître compte tenu de la faible moyenne d'âge de ses agents. Pour des raisons diverses, parmi lesquelles a beaucoup joué la nécessité d'assurer dans des conditions sociales acceptables une délocalisation qui a connu de nombreuses péripéties, les charges de personnel du CNASEA ont nettement augmenté et son effectif est aujourd'hui très majoritairement composé de contrats à durée indéterminée.

L'aléa économique résultant de recettes plus incertaines face à des charges croissantes se double aujourd'hui d'une forte incertitude juridique tenant à la place reconnue à l'établissement dans le système comptable et juridique français, lui-même sous contrainte européenne. Non seulement, du fait même de la réactivité de l'établissement ses activités ont souvent précédé l'encadrement par des textes, mais sa position est fragilisée par les évolutions du droit des marchés publics et les contraintes imposées par la distribution, strictement encadrée, d'aides d'origine européennes. En outre, organisme payeur de masse et qui doit payer vite, le CNASEA n'a jamais été en mesure de respecter l'ensemble des contraintes qui pèsent sur l'exécution de la dépense publique alors qu'il reste encore soumis, à ce jour, au droit commun de la comptabilité publique. Il revient à l'Etat de prendre les dispositions nécessaires pour sécuriser, dans ces différents domaines, la position de son établissement public.

Ces évolutions pressenties pourraient confirmer le CNASEA dans la situation de monopole de fait qu'il détient ou croit détenir aujourd'hui. Elles pourraient, au contraire, conduire à une situation de concurrence. Dans l'un et l'autre cas, le CNASEA devra faire face à un impératif de transparence et de maîtrise de sa gestion, avec pour objectif au moins de maintenir, au mieux d'améliorer une productivité et des coûts aujourd'hui mal connus faute d'un système performant de comptabilité analytique et de contrôle de gestion.

Enfin, si la relative rapidité de ses paiements et la qualité des informations connexes qu'il peut fournir constituent un savoir-faire reconnu au CNASEA, ces objectifs sont naturellement doublés, s'agissant d'aides publiques, d'un impératif de contrôle interne permettant de s'assurer de la bonne destination des fonds maniés. Sur ce point, l'établissement qui s'était doté d'un système performant en théorie, mais mal appliqué, semble avoir engagé les réformes nécessaires.

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