CONCLUSION

1. Les prochaines étapes du calendrier de mise en oeuvre de la LOLF

Dans moins de 18 mois, le Parlement examinera le projet de loi de finances pour 2006, qui sera le premier à être entièrement présenté et voté selon les dispositions de la LOLF. De nombreux chantiers doivent encore être menés à bien.

En réponse à la question orale avec débat de votre président, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, a, le 29 avril 2004, précisé le calendrier de la réforme pour les semaines et les mois à venir. Il a ainsi indiqué : « Après la consultation du Parlement, qui a montré tout son intérêt, nous devrons présenter très rapidement une architecture budgétaire incluant sa contribution .

« Nous devrons non moins rapidement faire en sorte que chacun puisse être préparé à la gestion des nouveaux programmes. C'est ainsi que nous devrons accélérer et peut-être élargir le mouvement des expérimentations dans les ministères . Les différents volets de la réforme devront être inclus dans ces expérimentations : la fongibilité du budget global, la constitution de budgets opérationnels de programme, la nouvelle gestion des effectifs et des dépenses de personnel, ou encore la gestion des autorisations d'engagement. Notre ambition est que chaque administration, qu'elle soit centrale ou déconcentrée, soit en mesure de commencer à travailler selon ces nouvelles règles dès le début de l'année 2005 .

« Au coeur de la réforme figure également un autre élément très important, que vous avez tous évoqué : le pilotage de la performance. D'ici à la fin du mois de mai , nous mettrons au point un guide partagé sur la performance qui est appelé à faire référence . Nous voulons le concevoir dans le plus grand consensus, en liaison avec les deux commissions parlementaires chargées des finances et avec la Cour des comptes.

« Je tiens donc, monsieur le président de la commission des finances, à vous rassurer sur ce point, qui est en effet tout à fait essentiel : le Parlement, comme vous le souhaitez à juste titre, sera pleinement associé à la préparation du cadre méthodologique dans lequel seront produites les informations sur la performance. Nous serons d'autant plus attentifs à la préparation de ce document que la définition d'indicateurs pertinents et incontestables détermine le succès opérationnel de la réforme.

« En matière de comptabilité et de procédures, l'arrêté interministériel établissant les nouvelles normes de comptabilité de l'Etat sera publié et les nouvelles modalités d'exercice du contrôle financier arrêtées dans le même délai d'un mois .

« L'étape suivante, en juin prochain , sera le débat d'orientation budgétaire . Les ministères , monsieur Sergent, auront alors désigné tous les responsables de programme : c'est un nouveau métier qui verra le jour au coeur de l'Etat, et nous devrons lui accorder une grande importance. (...)

« D'ici au débat d'orientation budgétaire - j'essaie d'être le plus précis possible -, les ministères auront donc réfléchi aux moyens concrets de piloter ces programmes. (...)

« Par ailleurs, chaque ministère devra définir un ambitieux programme de formation, dont bénéficiera chacun de ses agents. Un dispositif d'animation et de suivi de la réforme devra aussi être mis sur pied à l'échelon territorial, sous l'autorité des préfets - vous avez pris connaissance du décret qui a été adopté hier par le conseil des ministres - et des trésoriers-payeurs généraux.

« En juillet sera arrêtée la maquette définitive des projets annuels de performance autour de ces programmes. Ils remplaceront les « bleus ».

« A la rentrée , nous déposerons devant le Parlement, en complément du projet de loi de finances pour 2005, un document indicatif présentant les crédits selon la nouvelle architecture du budget . Puisque les ministères, par définition, auront fait leur travail, nous serons présents au rendez-vous fixé au paragraphe I de l'article 66 de la loi organique 48 ( * ) . Nous irons même, je le souhaite, au-delà de la lettre de la loi en vous proposant un vrai document sur les performances associées aux programmes, en préfiguration des projets annuels de performance.

« Cette précision répond pleinement, je l'espère, au souhait que vous venez d'exprimer, monsieur le président de la commission des finances : à l'automne , les ministères seront en mesure de fournir au Parlement, outre les documents officiellement exigés par la LOLF, une première version des futurs « projets annuels de performance » , qui se substitueront l'an prochain aux « bleus budgétaires ». (...)

« En janvier 2005 , nous lancerons en grandeur réelle les expérimentations de budgets préfigurant les programmes . Nous avons pour ambition qu'à cette date aucune administration ne puisse plus ignorer ou faire semblant d'ignorer les exigences et les objectifs de la LOLF. Il nous aura fallu, pour ce faire, définir les périmètres exacts et désigner les responsables de tous les futurs budgets opérationnels de programme .

« Tels sont le schéma et le calendrier. (...)

« Le marché informatique ACCORD 2 , dont tout le monde reconnaît la très grande complexité, a en effet subi un incident de procédure très sérieux du fait de l'avis négatif rendu voilà un mois par la Commission spécialisée des marchés informatiques.

« Le Gouvernement a demandé l'avis d'experts, en l'occurrence de quatre inspecteurs généraux, sur les suites à donner à ce marché et sur la meilleure solution technique, juridique et financière qui permettra de respecter le calendrier de la LOLF. Leur rapport est attendu dans les prochains jours.

« Nicolas Sarkozy a eu l'occasion de rappeler mardi matin, devant l'Université des finances publiques, que, sur la base de cet avis, nous prendrons une décision très rapidement . Les parlementaires seront tenus informés de l'évolution de ce dossier, essentiel aux yeux du Parlement comme du Gouvernement.

« Quoi qu'il advienne, mesdames, messieurs les sénateurs , l'objectif politique d'appliquer la LOLF dès 2006 ne sera pas remis en question . Même si mon propos peut vous paraître optimiste, l'informatique n'est qu'un outil, dont nous veillerons qu'il permette d'appliquer le coeur des fonctionnalités de la LOLF dans des conditions satisfaisantes dès 2006, quitte à développer ensuite une application plus complète. Pour parler plus clairement encore : nous attendions une Rolls, si l'on nous livre une C5 - et ce pourrait être pire -, nous ferons avec, et cela marchera. La LOLF sera appliquée et nous procéderons à des améliorations au fur et à mesure que nous le pourrons » 49 ( * ) .

2. Le statut de la nomenclature budgétaire

La nomenclature budgétaire constitue un outil d'information et de gestion, dont la stabilité est essentielle. A défaut, les ministères seraient contraints de réviser régulièrement leurs modalités de gestion, et le Parlement ne serait plus en mesure d'y voir clair dans l'évolution des moyens 50 ( * ) , mais surtout, de la performance des politiques publiques. En effet, et contrairement à la nomenclature budgétaire actuelle, l'unité de spécialité prévue par la loi organique - le programme - n'est pas seulement un regroupement de crédits : il met en oeuvre une stratégie qui se caractérise par des objectifs, des indicateurs et des cibles de résultats qui lui sont associés. Par conséquent, tout changement de périmètre d'un programme est susceptible d'appeler une modification des objectifs et des indicateurs correspondants. Or, la performance d'une politique publique ne peut pas s'apprécier sur une seule année. La stabilité du périmètre des programmes est donc essentielle pour permettre une évaluation rigoureuse de l'action publique.

Pour autant, la nomenclature budgétaire ne saurait être « gravée dans le marbre » : les missions de l'Etat évoluent dans le temps, et son organisation peut parfois influer sur la nomenclature elle-même. Il en va ainsi du transfert de certaines compétences - et avec elles, des personnels et services chargés de les exercer - aux collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation.

Par ailleurs, on notera que le programme « Versement à la Caisse nationale d'allocations familiales » de la mission « Engagements financiers de l'Etat » est naturellement voué à disparaître, dès l'exercice 2006 ou 2007, avec la mise en place d'un taux de cotisation employeur pour les fonctionnaires de l'Etat. Cette évolution permettra de ventiler les cotisations familiales entre les différents programmes du budget et va dans le sens d'une budgétisation à coûts complets.

Ainsi que le rappelait M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, lors de la discussion de la question orale avec débat précitée sur la mise en oeuvre de la LOLF, « nous serons peut-être appelés - soyons humbles - à tâtonner. Car malgré nos efforts et notre persévérance, nous commettrons sans doute des imprécisions, voire des erreurs. Et si la commission des finances veut bien l'accepter, il ne nous sera pas interdit de corriger des points qui seraient inadaptés, de préciser, d'améliorer notre travail. Ce qui nous est interdit, en revanche, ce qui ne serait pas pardonnable, car cela contreviendrait à l'esprit de la loi que vous avez votée, ce serait l'immobilisme ».

Votre commission des finances considère qu'il pourra être souhaitable de remettre l'ouvrage sur le métier, afin que la nomenclature budgétaire favorise la constitution de ministères stables, mettant en oeuvre des politiques publiques cohérentes et clairement identifiées , considérant que la structuration du gouvernement relève parfois de logiques historiques ayant perdu leur justification, ou de logiques politiques, nécessairement mouvantes. A cet égard, la cohérence des programmes pourra être pleinement appréciée lorsque les objectifs et les indicateurs seront connus ; ainsi que l'a exprimé Nicolas Boileau dans « l'Art poétique », « ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ».

M. André Barilari, président du Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) considérait, dans un article récent 51 ( * ) , que « le projet présenté par le gouvernement (...) comporte ainsi des programmes qui recouvrent plusieurs structures (...). Mais certains réseaux administratifs vont devoir mettre en oeuvre plusieurs programmes. (...) Dans d'autres cas, il y a eu adéquation entre une politique publique clairement explicitée et une structure administrative (...). Enfin, dans certains cas, les structures administratives retrouvent leur place au niveau du découpage des programmes en action .

« Cette orientation prend acte des divergences qui peuvent exister entre les politiques publiques et les acteurs administratifs. Si, dans l'immédiat, la combinaison des deux niveaux s'effectuera à travers la désignation de responsables de programme qui pourront transcender les structures existantes, à condition d'être dotés des moyens de mobiliser celles-ci au service des objectifs du programme, il est clair qu'à terme, dans différents domaines, la LOLF conduira à poser la question d'une plus grande adéquation entre les missions et les structures. La réflexion sur la mise en place de la LOLF remet en lumière certaines incohérences ou archaïsmes dans les structures administratives et incite à y porter remède ».

3. Une implication indispensable de tous les acteurs

La LOLF est, depuis l'origine des travaux préparatoires, un sujet qui mobilise de manière parallèle le Parlement et les administrations . Il convient d'insister une fois encore sur le fait que c'est un chantier qui implique de mener des réformes tant au sein du Parlement que du gouvernement dans son ensemble : bien que d'apparence technique, et ne régissant que les lois de finances, la LOLF touche pourtant l'ensemble des sujets concernant la gestion publique et contribue à rééquilibrer l'organisation des pouvoirs en faveur du Parlement. En particulier, la mise en oeuvre de la LOLF doit conduire à engager une réflexion approfondie sur la gestion des ressources humaines au sein des administrations.

S'agissant du gouvernement, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, a rappelé les prochaines étapes d'un calendrier particulièrement fourni. Pour le Parlement, les questions sont certes moins complexes, mais néanmoins importantes, puisqu'elles portent au coeur de son activité de législateur financier :

- d'abord, il conviendra d'examiner, de manière conjointe avec le gouvernement, les éventuels aménagements du calendrier parlementaire. La LOLF créé de nouveaux rendez-vous, pour l'essentiel, le rapport d'information sur les prélèvements obligatoires, qui fait l'objet depuis déjà deux ans d'un débat au Sénat 52 ( * ) . Elle a surtout considérablement renforcé le contenu et la portée de rendez-vous existants : c'est le cas du débat d'orientation budgétaire, qui reste toutefois facultatif (article 48 de la LOLF), et surtout, celui de la discussion de la loi de règlement (articles 37 et 54 de la LOLF), dont on a vu plus haut que ses modalités d'examen et l'exploitation des documents budgétaires et comptables qui lui seront annexés, constituent l'une des clefs de la réussite de la réforme.

- ensuite, il conviendra d'examiner les modalités d'organisation de la discussion du projet de loi de finances. Le budget de l'Etat sera voté par mission et non par ministère, comme c'est le cas aujourd'hui, ce qui impliquera notamment de réviser le périmètre des rapports spéciaux et pour avis, afin que ceux-ci concordent avec celui des missions, ou, le cas échéant, des programmes. La modification la plus sensible est toutefois celle qu'induit l'élargissement du droit d'amendement prévu par l'article 47 de la LOLF 53 ( * ) . En effet, cette interprétation de l'article 40 de la Constitution 54 ( * ) offrira aux parlementaires « la faculté nouvelle de présenter des amendements majorant les crédits d'un ou plusieurs programmes ou dotations inclus dans une mission, à la condition de ne pas augmenter les crédits de celle-ci » 55 ( * ) .

Cette faculté nouvelle pourrait modifier de manière substantielle la discussion de la deuxième partie des projets de loi de finances. Ainsi, « si l'article 47 se traduisait par une multiplication du nombre des amendements, le respect des délais constitutionnels imposés pour l'adoption des lois de finances supposerait une réduction des temps de parole prévus pour la discussion générale et les questions aux ministres. Une telle réduction correspond d'ailleurs bien à l'esprit de la réforme : inciter les parlementaires à traduire leurs propositions par des modifications de crédits, plutôt que de les limiter à exprimer ces propositions par de simples recommandations orales » 56 ( * ) .

Cette modification substantielle des conditions d'exercice du droit d'amendement nécessitera, en tout état de cause, de conduire une réflexion approfondie sur l'ordre d'appel des amendements et leur recevabilité. Le programme, à la différence du chapitre, n'est pas seulement une unité de spécialité regroupant des crédits budgétaires : c'est aussi une unité de performance, puisque lui sont associés « des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation » (article 7 de la LOLF). Par conséquent, un amendement proposant la création d'un programme, ou le déplacement de crédits d'un programme vers un autre, devra tenir compte de l'impact d'une telle proposition sur les dépenses de personnel, mais également sur les objectifs et les indicateurs associés au programme.

La réforme budgétaire n'est pas la réforme de l'Etat, mais elle en constituera un outil essentiel, à travers l'assouplissement des conditions de la gestion publique, la lisibilité accrue du budget et des comptes de l'Etat, le développement de l'évaluation et du contrôle, et enfin, la mise en oeuvre d'une culture de performance au sein des administrations.

Le chantier de la réforme ne s'arrêtera pas au 1 er janvier 2006 : le Parlement, à l'origine de la LOLF, devra continuer à s'imposer comme partenaire et comme contrôleur du gouvernement afin de recueillir tous les fruits de son initiative.

* 48 Pour mémoire, le paragraphe I de l'article 66 de la LOLF dispose que « est joint au projet de loi de finances pour 2005 un document présentant, à titre indicatif, les crédits du budget général selon les principes retenus par la présente loi organique ».

* 49 Compte-rendu intégral des débats du 29 avril 2004 au Sénat. Les éléments en gras sont soulignés par nous.

* 50 Sur ce point, le 2° de l'article 51 de la LOLF prévoit que sera annexé au projet de loi de finances de l'année « une analyse des changements de la présentation budgétaire faisant connaître leurs effets sur les recettes, les dépenses et le solde budgétaire de l'année concernée ».

* 51 « La mise en oeuvre de la LOLF - une occasion pour repenser en profondeur l'action administrative », La Revue du Trésor n° 5, mai 2004, pages 260-261.

* 52 L'article 52 de la LOLF dispose que « en vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année suivante par le Parlement, le Gouvernement présente à l'ouverture de la session ordinaire un rapport retraçant l'ensemble des prélèvements obligatoires ainsi que leur évolution.

« Ce rapport comporte l'évaluation financière, pour l'année en cours et les deux années suivantes, de chacune des dispositions, de nature législative ou réglementaire, envisagées par le Gouvernement.

« Ce rapport peut faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat ».

Pour les années 2002 et 2003, votre commission a publié un rapport d'information sur les prélèvements obligatoires et leur évolution :

- rapport d'information de votre rapporteur général : « Baisse des prélèvements : pour un contrat de législature », n° 48 (2002-2003) ;

- rapport d'information de votre rapporteur général : « Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution : préparer la France de demain », n° 55 (2003-2004).

* 53 Pour mémoire, le premier alinéa de l'article 47 de la LOLF dispose que « au sens des articles 34 et 40 de la Constitution, la charge s'entend, s'agissant des amendements s'appliquant aux crédits, de la mission ».

* 54 Pour mémoire, l'article 40 de la Constitution dispose que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».

* 55 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, considérant 96.

* 56 In « La réforme du budget de l'Etat - la loi organique relative aux lois de finances », ouvrage coordonné par Jean-Pierre Camby, L.G.D.J., Philippe Lamy, page 295.

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