B. LA RUSSIE : UN PARTENAIRE ESSENTIEL POUR L'UNION EUROPÉENNE ET L'OTAN

En dépit du regain de critiques suscité par les deux élargissements, on doit constater qu'au cours des deux dernières années, d'importants progrès ont été réalisés pour la mise en place d'un cadre institutionnel, tant avec l'Union européenne qu'avec l'OTAN, consacrant le partenariat stratégique avec la Russie. La persistance de points de friction ou d'attentes déçues, tout comme l'âpreté de certaines discussions, ne doivent pas masquer les possibilités de trouver, dans le cadre normal du dialogue et de la coopération tel qu'il est désormais établi, des solutions à nombre de questions soulevées par la Russie.

La délégation considère comme essentiel l'établissement d'un partenariat solide avec cet acteur majeur du continent européen.

1. Le partenariat stratégique Russie - Union européenne : des relations encore rugueuses

Sur le plan économique et commercial, la relation entre la Russie et l'Union européenne s'est renforcée au cours des dernières années. Plus de 50% du commerce russe est aujourd'hui tourné vers l'Union européenne, contre 38% avant l'élargissement, et la Russie figure parmi l'un des principaux fournisseurs d'hydrocarbures de l'Union, pourvoyant à 20% des besoins en combustibles de l'Union européenne 7 ( * ) . Par ailleurs, la Russie est le cinquième client pour les exportations européennes, après les Etats-Unis, la Suisse, la Chine et le Japon. Elle contribue à 5% du commerce total de l'Union européenne, le volume total des échanges de marchandises entre la Russie et l'Union européenne élargie ayant représenté 92 milliards d'euros en 2003.

Au delà de cette réalité économique, les intérêts communs entre l'Europe et la Russie sont également considérables, que ce soit sur les grands dossiers internationaux ou sur des préoccupations de sécurité concernant plus spécifiquement le continent : stabilisation des zones de conflit, lutte contre le terrorisme et lutte contre les trafics illicites, la criminalité transnationale organisée et l'immigration irrégulière.

Les relations euro-russes sont fondées sur l'Accord de partenariat et de coopération de 1994 et sur la stratégie commune de l'Union européenne, adoptée en 1999. Les objectifs principaux à la base de ces documents sont la consolidation de la démocratie, l'intégration de la Russie dans un espace économique et social commun et dans le système international, la coopération pour la stabilité et la sécurité en Europe. Au sommet de Saint-Pétersbourg, fin mai 2003, les deux parties ont décidé de construire un partenariat stratégique, équilibré et réciproque, sur la base de quatre volets, baptisés « espaces communs » , concernant les aspects économiques et commerciaux, les aspects « justice et affaires intérieures », les questions de sécurité internationale et les questions éducatives et culturelles.

Des propositions formulées conjointement par la France et l'Allemagne permettent d'imaginer ce que serait le contenu de ces quatre espaces. En matière économique, les objectifs poursuivis seraient la promotion réciproque du commerce et des investissements, la convergence réglementaire et la coopération en matière d'environnement et d'énergie, l'amélioration de la compétitivité dans une démarche de développement durable. L'espace commun de liberté, de sécurité et de justice recouvrirait le dialogue sur les droits de l'homme et l'état de droit, la coopération opérationnelle et technique dans la lutte contre la criminalité organisée et les migrations irrégulières, la conclusion d'un accord de réadmission et la facilitation de la circulation des personnes sur la base de la réciprocité. Dans le domaine de la sécurité extérieure, la coopération pourrait porter sur la gestion des crises dans le voisinage commun et un partenariat global dans les relations internationales. Enfin, en matière de recherche, d'éducation et de culture, l'accentuation des échanges serait recherchée, ainsi qu'une articulation entre les activités scientifiques russes et le programme-cadre de recherche et développement (PCRD) européen, et le renforcement de la coopération spatiale.

Au cours de ses contacts, la délégation a eu le sentiment que la traduction des quatre espaces communs définis à Saint-Pétersbourg en orientations et actions concrètes s'effectuait à un rythme assez lent, chaque partie ayant tendance à regretter le manque d'empressement de son partenaire.

Le sommet Union européenne - Russie du 21 mai 2004 n'a que peu évoqué la mise en oeuvre des espaces communs. Il était centré sur deux questions majeures dans la relation euro-russe : la candidature de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et la perspective de ratification, par la Russie, du protocole de Kyoto.

Sa candidature à l'OMC implique pour la Russie l'obtention de l'accord des différents membres de l'Organisation et à ce titre, des discussions ont été engagées de longue date avec l'Union européenne. Parmi les difficultés rencontrées, trois présentaient un caractère particulièrement sensible : les droits de survol discriminatoires sur la Sibérie, l'accès au marché russe des télécommunications et surtout la double tarification du prix de l'énergie - les tarifs domestiques étant le cinquième de ceux appliqués aux acheteurs étrangers - et le monopole de l'entreprise gazière Gazprom.

Au terme de négociations difficiles, la Commission européenne a finalement donné son accord à l'entrée de la Russie dans l'OMC , bien qu'elle n'ait que partiellement obtenu satisfaction. La Russie s'est engagée à ne pas dépasser certains plafonds en matière de tarifs douaniers et à ouvrir à la concurrence certains secteurs dans les domaines des télécommunications, des transports, des services financiers ou de la distribution. Elle a accepté une révision des droits de survol de la Sibérie, mais à l'horizon 2013 seulement. En ce qui concerne Gazprom, les autorités russes ont refusé la remise en cause du monopole, souhaitant visiblement éviter une évolution comparable à celle du secteur pétrolier. En revanche, elles ont accepté un relèvement des prix domestiques du gaz, représentant environ un doublement d'ici 2010, pour les porter à un niveau correspondant au seuil de rentabilité, c'est à dire couvrant les coûts d'exploitation des gisements actuels et de mise en valeur des nouveaux champs.

Après l'aval de l'Union européenne, il reste à la Russie à obtenir celui des autres principaux membres de l'OMC, notamment les Etats-Unis et la Chine, avant d'envisager l'adhésion qui pourrait ne pas intervenir avant 2006. La Russie est aujourd'hui le premier exportateur de tous les pays non membres de l'OMC.

En ce qui concerne le protocole de Kyoto , dont la ratification par la Russie permettrait l'entrée en vigueur 8 ( * ) , le président Poutine a tenu des propos encourageants, laissant entrevoir une accélération du mouvement vers la ratification, mais il ne semble pas que la Russie soit actuellement disposée à assumer de front les engagements de Kyoto et ceux que lui impose son adhésion à l'OMC.

Des progrès restent incontestablement à réaliser dans la relation Russie - Union européenne pour atteindre le stade d'un partenariat confiant. La Russie souhaite assez légitimement accéder à un statut de partenaire privilégié, la distinguant de pays plus éloignés ou moins importants. Elle ne semble cependant pas toujours bien mesurer les principes de fonctionnement de l'Union européenne ni la logique qui les sous-tend, ce qui conduit à des malentendus ou des situations conflictuelles temporaires.

* 7 La Russie assure à elle seule le tiers des approvisionnements européens en gaz.

* 8 L'entrée en vigueur du protocole est subordonnée à sa ratification par un nombre de pays représentant au minimum 55% des émissions de dioxyde de carbone du monde développé. Les Etats-Unis et la Russie, qui représentent respectivement 36,1% et 17,4% des émissions sont les deux principaux pays à n'avoir pas ratifié le protocole.

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