CHAPITRE II

FAVORISER UNE MEILLEURE MAÎTRISE DU PROCESSUS D'INFORMATISATION

LA COORDINATION EST-ELLE RÉELLEMENT SOUHAITÉE ?

DES STRUCTURES ADMINISTRATIVES MULTIPLES EN VOIE DE RATIONALISATION

LE REGROUPEMENT DES STRUCTURES INTERMINISTÉRIELLES

La nouvelle architecture de coordination interministérielle des politiques d'informatisation

La maîtrise du processus d'informatisation requiert d'abord une coordination efficace des politiques conduites.

En application du décret n° 2003-141 du 21 février 2003 portant création de services interministériels pour la réforme de l'Etat, le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin a procédé à la rationalisation et au renforcement des structures de coordination interministérielle, aujourd'hui regroupées au sein de l'Agence pour le développement de l'administration électronique (ADAE) .

L'ADAE est un service interministériel placé auprès du Premier ministre, mis à la disposition du ministre chargé de la réforme de l'Etat. Son directeur, M. Jacques Sauret, était précédemment responsable de « net entreprises ». Votre président se félicite que le rattachement de l'ADAE aux services du Premier ministre lui donne une meilleure autorité pour coordonner les projets d'informatisation de l'Etat.

La mise en place de l'ADAE a permis d'engager une réflexion ayant conduit à la définition du plan stratégique de l'administration électronique (PSAE) pour les années 2004-2007 et à celle d'un plan d'action pour le développement de l'administration électronique, au sein du programme ADELE. L'ADAE assure le pilotage du plan d'action de l'administration et est responsable du schéma directeur de l'administration électronique.

Hors du champ de la politique d'informatisation de l'Etat, le décret précité du 21 février 2003 a également créé deux délégations exerçant une compétence transversale pour la réforme de l'Etat : la délégation à la modernisation de la gestion publique et des structures de l'Etat (DMGPSE), successeur de la délégation interministérielle à la réforme de l'Etat (DIRE) et la délégation aux usagers et aux simplifications administratives (DUSA), laquelle a repris les missions de la Commission pour les simplifications administratives (COSA).

L'ADAE a permis la rationalisation des structures en charge du développement de l'administration électronique en opérant la fusion de trois services interministériels :

- l'Agence pour le développement des technologies de l'information et de la communication dans l'administration ( ATICA ) ;

- la mission utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication par l'administration de la délégation interministérielle à la réforme de l'Etat ( DIRE 3 ), auteur notamment d'une enquête annuelle sur l'état de l'Internet public ;

- le service de la COSA chargé de l'harmonisation, la normalisation et la simplification des formulaires sous forme papier ou électronique.

L'ATICA avait été créée en août 2001. Elle était en charge plus spécialement des aspects techniques du développement de l'administration électronique, afin de mettre en place un cadre commun d'interopérabilité pour les systèmes d'information des administrations. L'ATICA avait elle-même succédé à la Mission interministérielle de soutien technique pour le développement des technologies de l'information et de la communication dans l'administration (MTIC), constituée à l'automne 1998.

Face à cette succession rapide des structures chargées de coordonner l'action d'informatisation de l'Etat (trois organismes en cinq ans), votre président insiste sur la nécessité d'une stabilité et d'un renforcement de l'ADAE, pour inscrire dans la continuité l'action gouvernementale .

Proposition n° 12

Opérer le renforcement de la coordination interministérielle des politiques d'informatisation de l'Etat dans le cadre pérenne de l'ADAE

D'autres comités, conseils ou missions contribuent également à l'action de l'Etat pour l'informatisation de l'Etat ( cf. encadré ci-dessous ).

Les autres structures que l'ADAE en charge des technologies de l'information
et de la communication

Outre l'ADAE, plusieurs structures gouvernementales sont en charge des technologies de l'information et de la communication, notamment :

- le Comité interministériel pour la société de l'information (CISI) , réuni pour la première fois en janvier 1998 ;

- le Conseil stratégique des technologies de l'information (CSTI) , créé en octobre 2000 et regroupant des personnalités de l'entreprise et du secteur de la recherche pour conseiller le gouvernement sur le développement des technologies de l'information et de la communication en France ;

- la Mission interministérielle pour l'accès à la microinformatique à l'Internet et au multimédia (MAPI) , laquelle recense les accès publics et octroie le label d'espace public numérique (EPN) en cas de respect de critères fixés dans une charte ;

- la Mission pour l'économie numérique du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie , créée en janvier 2001 et qui organise une concertation régulière avec les entreprises.

Le rôle de l'ADAE pour coordonner et impulser la modernisation de l'administration

L'article 4 du décret du 21 février 2003 précité a défini les missions de l'ADAE en vue de moderniser l'action de l'administration et répondre aux besoins des usagers par le développement de services personnalisés 21 ( * ) :

« L'agence pour le développement de l'administration électronique exerce les missions suivantes :

« 1° Elle favorise le développement de systèmes d'information et de communication permettant de moderniser le fonctionnement de l'administration et de mieux répondre aux besoins du public .

« Dans ce domaine :

« a) Elle contribue à la promotion et à la coordination des initiatives , assure leur suivi et procède à leur évaluation ;

« b) Elle apporte son appui aux administrations pour l'identification des besoins, la connaissance de l'offre et la conception des projets ;

« 2° Elle propose au Premier ministre les mesures tendant à la dématérialisation des procédures administratives, à l' interopérabilité des systèmes d'information, ainsi qu'au développement de standards et de référentiels communs ;

« 3° Elle assure, pour le compte du Premier ministre, la maîtrise d'ouvrage des services opérationnels d'interconnexion et de partage des ressources , notamment en matière de transport, de gestion des noms de domaine, de messagerie, d'annuaire, d'accès à des applications informatiques et de registres des ressources numériques ».

Le directeur de l'ADAE, M. Jacques Sauret, a exposé à votre président la démarche privilégiée par l'agence qu'il dirige : être un lieu de concertation, d'échanges et de discussions, afin de généraliser les bonnes pratiques et établir des référentiels .

A cet effet, l'article 4 du décret du 21 février 2003 précité a prévu la création d'un conseil d'orientation , associant les différents acteurs du processus d'informatisation de l'Etat :

« Le directeur de l'agence préside un conseil d'orientation qui réunit des représentants des ministres, des collectivités territoriales, des organismes assurant des missions de service public, des usagers et des entreprises, ainsi que des experts. La composition et le fonctionnement du conseil d'orientation sont fixés par arrêté du Premier ministre.

« Le conseil rend un avis sur les orientations de développement de l'agence ainsi que sur son programme de travail. Il peut émettre des recommandations sur les actions à mener, en particulier dans le domaine des systèmes d'information et de communication et des téléservices, des logiciels et de l'interopérabilité des systèmes ».

Pour mener à bien ses missions, notamment la protection des données nominatives et la simplification des démarches en ligne, l'ADAE associe également à ses travaux la Commission nationale pour l'informatique et les libertés (CNIL) et la délégation aux usagers et aux simplifications administratives (DUSA).

Dans le développement de l'administration électronique, la mutualisation et l' « i ntéropérabilité » (c'est-à-dire la propension, pour un système d'information, à être compatible avec un autre) des systèmes d'information sont systématiquement recherchées . La mutualisation présente, par exemple, un intérêt particulier pour les SIRH (systèmes d'information pour les ressources humaines), en voie de diffusion. L'ADAE a été mise en situation de veiller à la réalisation de ce double objectif, car elle participe désormais aux conférences budgétaires. Cette présence l'a confortée dans son rôle de coordinateur de la politique d'informatisation de l'Etat devant disposer d'une vue d'ensemble cohérente. Votre président estime qu'il faut également envisager une association de l'ADAE aux orientations gouvernementales prises sur les dépenses informatiques .

Proposition n° 13

Lors de la préparation des lois de finances, associer formellement l'ADAE aux décisions du gouvernement sur le montant global et la répartition des dépenses informatiques

Des moyens renforcés et la possibilité de solliciter le concours d'autres administrations

Ainsi que l'a précisé son directeur lors de son audition par votre président, l'ADAE dispose d'ores et déjà d'une cinquantaine d'agents et d'un budget de 26 millions d'euros . Par comparaison, les autres structures ministérielles en charge de la réforme de l'Etat, la DMGPSE et la DUSA, ne disposaient respectivement que de 23 et 14 postes au premier trimestre 2004.

Lors de sa création en février 2003, l'ADAE ne comptait qu'une trentaine d'agents, dont une vingtaine en provenance de l'ATICA et une dizaine de la DIRE 3 22 ( * ) . En 2003, l'ADAE a disposé de 15 postes d'encadrement supplémentaires. En loi de finances initiale pour 2004, l'ADAE a obtenu 3 postes supplémentaires (au lieu de 30 demandés), sur la base d'un plan d'action de l'ADAE comportant des objectifs chiffrés.

Enfin, un arbitrage gouvernemental était en cours fin juin 2004 pour l'attribution de nouveaux postes : après que l'ADAE eut obtenu 18 nouveaux postes avant le changement de gouvernement en mars 2004, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ne souhaitait plus attribuer que 4 postes supplémentaires.

Ce renforcement des moyens de l'ADAE doit se poursuivre . Par comparaison, les standards observés dans d'autres pays européens pour des organismes aux missions comparables s'avèrent encore plus élevés (de l'ordre de 200 personnes).

En outre, en application de l'article 5 du décret n° 2003-141 du 21 février 2003 portant création de services interministériels pour la réforme de l'Etat, tant l'ADAE que la DMGPSE et la DUSA peuvent recourir aux moyens d'autres services de l'Etat pour accomplir leurs missions :

« Pour l'accomplissement de leurs missions, la délégation à la modernisation de la gestion publique et des structures de l'Etat, la délégation aux usagers et aux simplifications administratives et l'agence pour le développement de l'administration électronique peuvent solliciter le concours de la direction générale de l'administration et de la fonction publique, de la direction générale de l'administration du ministère de l'intérieur, du Commissariat général du Plan, du secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne, de la direction générale des collectivités locales, de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale ainsi que des services du ministère de l'économie et des finances, de l'inspection générale de l'administration au ministère de l'intérieur et de l'inspection générale des affaires sociales ».

Proposition n° 14

Favoriser le recours par l'ADAE aux moyens d'autres services de l'Etat en en précisant les finalités et les modalités

DES CIRCUITS DE DÉCISION ENCORE ESSENTIELLEMENT MINISTÉRIELS

Les projets informatiques de l'administration souffrent d'un éclatement qui reproduit les cloisonnements de l'administration entre ministères, voire entre les directions de certains ministères - comme c'est notamment le cas au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour dégager des gains de productivité, il faut impérativement « casser » l'administration en silo 23 ( * ) .

Dans ce contexte, les circuits de décision restent essentiellement ministériels . Le pilotage de la politique informatique s'exerce généralement dans le cadre d'un comité réunissant les différents intervenants. Le comité de pilotage veille notamment à la compatibilité des projets informatiques avec le schéma directeur des systèmes d'information et de communication.

Exemples de structures en charge du pilotage de l'informatisation au niveau ministériel

Ministère

Nom de l'instance de pilotage

Composition et moyens

Rythme de réunion

Missions

Affaires étrangères

Direction collégiale

Administrations centrales. Présidence du secrétaire général du ministère. 24 ( * )

 

Examen, adoption et suivi du schéma directeur.

Agriculture

Conseil des systèmes d'information

Directions d'administration centrale, services déconcentrés, établissements sous tutelle, « structures informatiques du ministère ».

nc

Examen de la compatibilité technique des projets et de leur impact sur le fonctionnement des services.

Culture

Comité de pilotage du système d'information

Directeurs d'administration centrale, présidents et secrétaires des comités de suivi, représentants des services déconcentrés.

Un secrétariat permanent des projets et applications, composé du sous-directeur des systèmes informatiques et des secrétaires permanents des comités de suivi.

nc

Examen des projets suivant une procédure type (fiche projet et évaluation ex post ).

Défense

Directoire des systèmes d'information et de communication (DSIC)

Directoire composé de cinq commissions, et présidé suivant l'ordre du jour par le chef d'état-major des armées (CEMA), le délégué général pour l'armement (DGA) ou le secrétaire général pour l'administration (SGA).

Secrétariat permanent relevant du secrétariat général pour l'administration du ministère.

 

Politique générale et adoption de directives, dont la mise en oeuvre relève des commissions, présidées respectivement par le CEMA, le DGA (2 commissions), le SGA et le secrétaire du DSIC.

Ecologie et développement durable

Gestion par direction (ou par le maître d'ouvrage) des projets concernant les logiciels, et par le Bureau des systèmes d'information des choix relatifs au matériel

Education nationale

Comité directeur

Directions d'administration centrale, inspections générales, conférence des présidents d'université et représentants des services déconcentrés. Présidence du directeur de cabinet du ministre.

Secrétariat assuré par une cellule de pilotage (2 personnes).

Deux fois par an 25 ( * )

Examen des priorités stratégiques globales et arbitrages.

Suivi des moyens des projets informatiques.

Equipement

Commission de l'informatique et de la bureautique (COMIB)

nc

Secrétariat de la COMIB assuré par la sous-direction en charge des moyens informatiques.

nc

Etablissement du schéma directeur des systèmes d'information et de communication.

Justice / Conseil d'Etat

Comité directeur informatique

Représentants des différents niveaux et métiers de la juridiction administrative.

Présidence par le secrétaire général du Conseil d'Etat.

Trois à quatre fois par an

Etablissement des schémas directeurs, validés par le comité directeur, les présidents de juridiction et le bureau du Conseil d'Etat.

Nc : information non communiquée
Source : réponses aux questionnaires ministériels adressés par votre président

Malgré les disparités dans l'étendue des missions des comités de pilotage, quasi-généralisés dans les ministères comptant les effectifs les plus importants, plusieurs facteurs tendent à limiter le rôle des comités de pilotage pour définir et impulser une politique d'informatisation dans l'ensemble des services du ministère :

- il s'agit de structures souples et quasi-dépourvues de moyens propres ;

- de manière générale, leurs membres apparaissent nombreux et sont situés à un niveau hiérarchique trop élevé - il s'agit souvent des directeurs d'administration centrale - pour que les comités de pilotage se réunissent plus de quelques fois par an et s'affirment comme des instances permanentes de pilotage, s'agissant de l'élaboration des priorités du ministère et du suivi des actions menées par les différentes directions ou services.

Au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie , votre président souhaite distinguer des comités de pilotage la délégation aux systèmes d'information (DSI) , créée dès 1993, laquelle constitue un des rares exemples d'une structure dotée de moyens propres à des fins non seulement de coordination, mais également décisionnelles.

Lors de l'audition par votre président du délégué de la DSI, M. Claude Sapin, il est apparu que celle-ci valide les grands projets des directions - qui restent responsables de leur propre politique informatique - et coordonne les relations avec la CNIL. La DSI est rattachée administrativement à la direction du personnel, de la modernisation et de l'administration du ministère (DPMA), et non au secrétaire général.

Le délégué aux systèmes d'information donne un avis , généralement suivi, sur les marchés préparés par les différentes directions . L'intervention du délégué s'opère donc en fin de processus alors qu'il pourrait être souhaitable d'agir le plus en amont possible. Il lui est déjà arrivé d'émettre des réserves sur certains projets mais celles-ci ne sont pas nécessairement prises en considération.

Le délégué aux systèmes d'information dispose en revanche de pouvoirs plus importants pour ce qui concerne l'élaboration du schéma informatique ministériel , portant sur les actions mutualisables et qui doit donc être distingué du schéma directeur. Le délégué a le pouvoir de négocier les conventions de prix avec les fournisseurs des différentes directions.

La DSI est aussi chargée de la sécurité des téléprocédures de l'ensemble du ministère. Elle assure la maîtrise d'ouvrage du référencement tant externe (s'agissant des certificats utilisés) qu'interne (par la mise en place d'infrastructures à gestion de clés pour le ministère et plusieurs de ses directions).

La DSI est constituée d'une équipe de 13 personnes et dispose d'un budget de 350.000 euros pour des travaux d'études et d'impulsion.

Proposition n° 15

Encourager la création de structures de pilotage de l'informatisation au niveau ministériel suivant l'exemple de la délégation aux systèmes d'information du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, dotée de moyens propres et de capacités décisionnelles

* 21 En outre, les missions de l'ADAE ont été précisées par la circulaire du Premier ministre en date du 12 septembre 2003 relative au développement de l'administration électronique, publiée au Journal officiel du 18 septembre 2003.

* 22 La fusion d'un troisième service interministériel au sein de l'ADAE n'a donné lieu à aucun mouvement de personnel : il s'agit du service chargé de l'harmonisation, la normalisation et la simplification des formulaires sous forme papier ou électronique de la Commission pour les simplifications administratives (COSA). Votre président s'étonne de cette absence de mouvement de personnel, laquelle semble contredire le principe d'une fusion au sein de l'ADAE ou impliquer que les fonctions exercées par ce service ne correspondent pas à des affectations de personnels.

* 23 Cette image est reprise du rapport de Thierry Carcenac intitulé « Pour une administration électronique citoyenne » (2001), fait à la demande de M. Lionel Jospin, alors Premier ministre.

* 24 Non significatif : l'instance de pilotage ne suit pas spécifiquement les questions liées à l'informatisation.

* 25 Dans l'intervalle des réunions du comité directeur se réunit « autant que de besoin » un comité de suivi du schéma stratégique, désigné par le comité directeur.

Page mise à jour le

Partager cette page