UNE ÉVALUATION DU RETOUR SUR INVESTISSEMENT AUJOURD'HUI PEU SATISFAISANTE

UNE EXIGENCE PRÉSENTE DANS LES CIRCULAIRES DE PRÉPARATION BUDGÉTAIRE

La circulaire n° CM3-03-5464 du 22 décembre 2003 relative aux dépenses d'informatique des administrations de l'Etat et à la préparation de la loi de finances pour 2005 exige des services un examen du retour sur investissement des projets financés ou à financer.

Ainsi, l'annexe 2 de la présent circulaire indique « qu'un effort est demandé dans l'énoncé des critères permettant de mesurer l'influence de l'informatique en terme de modernisation, d'efficacité et de rentabilité ». Elle souhaite que « les voies de réformes d'organisation ou de procédures permises par les développements informatiques soient présentées... ».

Enfin, pour présenter chaque projet informatique (projet à lancer, projet en cours, bilan projet terminé), des fiches sont proposées aux ministères dépensiers afin de déterminer notamment l'impact économique des projets au moment de leur lancement, pendant leur déroulement et après leur terminaison.

Deux types de gains sont visés :

- les gains dits « budgétaires », comptés annuellement par rapport à la situation préalable (gain de productivité, diminution de dépense récurrente, accroissement de recette récurrente et autres)

- les gains dits « non budgétaires », qui sont en fait des indicateurs annuels de résultat, adaptés à la finalité du projet et permettant de juger l'atteinte des objectifs. L'exposé demandé fournit l'identification de l'indicateur, sa méthode d'évaluation et la valeur préalable.

Néanmoins, ces fiches sont rarement remplies comme votre président a pu s'en apercevoir en examinant les éléments issus des pré-conférences informatiques avec le ministère de l'agriculture. Lorsque les fiches sont remplies, les gains évoqués ne sont pas, selon la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie « excessivement étayés ». L'évaluation des retours sur investissement reste encore exceptionnelle et leur vérification un exercice délicat.

Proposition n° 9

Améliorer la rigueur de l'évaluation des projets informatiques au moment de la préparation des lois de finances.

Le chargé de mission responsable de la synthèse budgétaire en matière informatique dispose de trop peu de pouvoirs hiérarchiques pour imposer aux ministères une plus grande rigueur dans l'exercice d'évaluation du retour sur investissement.

Proposition n° 10

Mieux positionner l'expertise informatique au sein de l'organigramme de la direction du budget.

UNE MÉCONNAISSANCE PRÉOCCUPANTE PAR LES ADMINISTRATIONS DE LEURS GAINS DE PRODUCTIVITÉ ÉVENTUELS

Appelés par votre président à quantifier les « gains de productivité permis par l'informatisation en précisant la méthode utilisée », les ministères ont fourni des réponses lapidaires sur le sujet. Dans la quasi totalité des cas, une telle évaluation n'existe pas, comme le reconnaît le ministère de la défense : « il n'existe pas à l'heure actuelle d'étude sur les gains de productivité permis par l'informatisation de l'ensemble du ministère », ou le ministère de l'intérieur : « les outils de gestion dont dispose aujourd'hui le ministère ne permettent pas de fournir des données susceptibles d'apporter une réponse, même approximative, à cette question, surtout s'il s'agit d'évaluer les gains nets de productivité pour le ministère ».

Il est vrai, comme le souligne la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, que l'exercice n'est pas facile et que « la notion de gain de productivité, intéressant le personnel, dépasse largement le cadre de la seul activité informatique et présente de très sérieuses difficultés méthodologiques et sociales pour son évaluation ».

De manière empirique, les ministères se montrent convaincus de l'existence de gains de productivités sans pouvoir les quantifier. Le ministère des affaires étrangères souligne que « la comparaison entre la charge de travail - même en la considérant stable - et la réduction des effectifs - 18 % en cinq ans - rend indiscutable l'existence de gains de productivité significatifs ».

Selon le ministère de l'intérieur, « l'informatisation a certainement conduit à des gains de temps importants dans un certain nombre de domaines tels la production des titres (permis de conduire, cartes grises...), le traitement des opérations budgétaires et comptables, ou pour accroître l'efficacité des recherches en matière de police ». Il note les limites de « ces gains de temps et de qualité qui n'ont pas toujours été capitalisés sous la forme de réduction d'effectifs ou d'économies budgétaires, car les emplois supprimés étaient peu qualifiés et ont souvent été remplacés par des emplois plus qualifiés, donc plus onéreux, nécessités par la sophistication des tâches ».

Seul le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie parvient à chiffrer les réductions de personnel suscitées par la mise en place de ses applications informatiques. A la direction générale des impôts, l'informatisation des conservations des hypothèques a permis un gain de plus de 800 emplois sur la période 2003/2005. La mise en place du serveur professionnel des données cadastrales a permis la disparition d'environ 200 emplois en 2004. La mise en place d'une base de données des redevables professionnels, en supprimant les risques de doubles saisies et de divergences, a permis d'économiser 500 emplois.

Des applications techniquement plus simples sont par ailleurs également source d'économies budgétaires. Il en est ainsi à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour la numérisation et la mise en ligne sur intranet de l'ensemble de la documentation.

Impact de la mise en en ligne de la documentation à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sur la reprographie centralisée

 

1998

2002

Facteur de réduction

Reproduction centralisée

(nombre de feuilles)

1.209.476

269.872

4,5

Nombre d'enveloppes

32.068

4.848

6,6

Coût d'affranchissement

41.500 euros

13.219 euros

3,2

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Trois des 6 agents affectés à la reprographie centralisée en 1998 effectuent maintenant la diffusion en ligne de la documentation, les trois autres ayant été redéployés.

A contrario , le ministère de l'agriculture montre que « les possibilités offertes par l'informatique stimulent l'imagination des auteurs de réglementation, avec un accroissement sensible de la sophistication des règles de gestion ».

Ainsi, informatisation, simplification des procédures et des normes, réorganisation des services devraient aller ensemble pour engendrer des gains de productivité significatifs. En l'absence de tels gains, l'informatique demeure, il convient de l'observer, un coût net pour le budget de l'Etat.

En conclusion, votre commission des finances considère que des gains de productivité substantiels ne pourront être enregistrés que si les gestionnaires, les agents de l'Etat et les citoyens bénéficient d'un intéressement à cette informatisation, sous la forme d'une contrepartie financière. C'est cet intéressement qui pourra réellement permettre une intensification des gains de productivité issus de l'informatisation de l'Etat.

Proposition n° 11

Généraliser les modalités d'intéressement des gestionnaires, des agents publics et des citoyens aux gains de productivité issus de l'informatisation de l'Etat.

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