N° 416

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 juin 2005

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la globalisation de l' économie et les délocalisations d' activité et d' emplois ,

Par M. Jean ARTHUIS,

Sénateur.

Tome II : Annexes

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM.Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Entreprises.

ANNEXE n° 1 : ÉTUDE ERNST & YOUNG

« ÉTUDE RELATIVE À LA PART DU BUDGET DES MÉNAGES FRANÇAIS CONSACRÉE À DES PRODUITS EXPOSÉS
À LA DÉLOCALISATION »

1. Introduction et résumé

Pourquoi une étude sur la consommation des ménages et son impact sur les délocalisations ?

Le phénomène de la délocalisation est très régulièrement commenté, analysé, voire décrié, dans ses dimensions économiques, sociales et humaines. Conséquence ou fondement de la mondialisation, les délocalisations sont aujourd'hui au coeur de nos préoccupations, et leur coté inéluctable nourrit la vision d'une France sans usine, d'une consommation totalement aseptisée, et d'une population en voie de paupérisation.

Devant les craintes évidentes mais souvent mal exprimées par les parties prenantes de ce débat (industriels, salariés, élus locaux, pouvoirs publics), la recherche des responsables ou des coupables est naturellement empreinte de beaucoup d'irrationnel. Elle cristallise de nombreuses vindictes, sans que pour autant des décisions structurantes aient été récemment proposées.

Parmi les secteurs les plus souvent cités au coeur de ce débat, les industries de grande consommation et le monde de la distribution. Dans ce contexte et afin de mieux appréhender le phénomène, la Commission des Finances du Sénat, et son Président Jean Arthuis, ont souhaité mieux comprendre le lien qui pouvait exister entre l'évolution de la consommation des ménages d'une part, et l'impact sur les délocalisations d'autre part.

Cette approche nouvelle de la question des délocalisations à pour objectifs :

  • • de mettre en évidence les relations de causes à effets, et d'identifier les réelles causes qui sous-tendent les décisions de délocalisations,
  • • de poser un constat objectif et lucide sur la situation actuelle,
  • • et, enfin, de nourrir la réflexion sur les leviers de politique publique susceptibles d'orienter ou d'encadrer le phénomène.

En synthèse

En quarante ans, les modes de consommation des ménages se sont considérablement modifiés, avec des tendances profondes et durables qui caractérisent une certaine forme de « progrès » économique. Une première analyse de la structure du panier moyen de consommation met en évidence une évolution sensible en faveur des biens d'usage et d'équipement au détriment des biens de consommation courante , tels que l'alimentation ou l'habillement.

Cette évolution suggèrerait que le panier de la ménagère, dans son ensemble, est moins exposé à la délocalisation qu'il ne pouvait l'être il y a quarante ans, dans la mesure où les nouveaux postes de dépenses sont moins soumis à des transferts à l'étranger. Pourtant et dans le même temps, l'exposition à la délocalisation de ces postes de consommation courante, moins présents dans le panier total, s'est très fortement intensifiée.

Ainsi, le citoyen français consomme moins de produits exposés à la délocalisation, mais cette part résiduelle est beaucoup plus vigoureusement exposée aux risques de délocalisation .

L'évolution de la consommation de services conforte cette analyse. En effet, depuis les années 60, la part des services dans la consommation totale des ménages est passée de moins de 40% à près de 60%. Or, la consommation de services implique généralement une notion de proximité et d'ancrage local et donc une certaine résistance aux mouvements ou tendances de délocalisation.

Dans le même temps, la croissance des activités de services est limitée par la capacité d'absorption locale (la demande) alors que celle des produits, plus facilement exportables, l'est peu. Ainsi, l'immatérialisation de la consommation réduit l'exposition aux risques de délocalisation, mais réduit également les potentiels de croissance des activités liées à la consommation des ménages .

En synthèse, l'exposition à la délocalisation du budget des ménages ne concerne alors pas l'ensemble du panier de consommation, mais la partie exposée semble l'être de plus en plus durement et de façon exponentielle.

Une fois posé le cadre général, et mieux quantifiée la part de la consommation qui est réellement et directement concernée, et donc les secteurs d'activité économique les plus exposés au risque de transfert de production, il était intéressant de décrypter les leviers de la délocalisation, à travers le prisme de la consommation.

Au moins quatre phénomènes expliquent et éclairent de façon très directe le processus de délocalisation de produits et services de consommation.

En premier lieu, un contexte consumériste défavorable pose les ferments de ce processus. Il repose d'abord sur une offre qui, quantitativement, dépasse largement et de plus en plus les besoins de la demande, sous l'effet cumulé de l'augmentation des surfaces de ventes et de leurs temps d'ouvertures. Cela se traduit par un contexte d'hyper concurrence entre les acteurs de l'offre qui les conduit inéluctablement à rechercher, hors frontières, des capacités d'approvisionnement et de production à moindre coût. Dans le même temps, les consommateurs modifient leurs repères et leurs arbitrages, notamment du fait d'une perte de valeur et de confiance dans les produits ou les marques, accompagnée d'un sentiment général et croissant de baisse du pouvoir d'achat.

L'inventaire des paramètres impactant la délocalisation, dans un sens ou dans l'autre, fait apparaître un renforcement des facteurs accélérateurs et un affaiblissement des facteurs freinants . Le nivellement de la qualité produite, de moins en moins spécifique selon l'origine de production, la recherche assumée et généralisée de l'achat malin et du produit le moins cher, une perte de sensibilité à l'origine du produit ou de nouveaux arbitrages consuméristes, liés à la poussée de nouveaux postes de dépenses tels que les loisirs ou la communication (téléphonie, télévision, internet,...) sont autant de paramètres en croissance qui favorisent la délocalisation de la production de produits et services au lieu de privilégier un ancrage local.

Dans ce contexte, les entreprises sont contraintes de sur-réagir face à chacune des ruptures qui affectent leur environnement. Dans un équilibre précaire, tout nouveau bouleversement de l'environnement, essentiellement réglementaire ou conjoncturel, entraîne une réaction en chaîne des entreprises qui ont l'obligation dans l'urgence de recomposer leur marge de manoeuvre, et doivent pour cela prendre des décisions d'approvisionnement ou de fabrication souvent défavorables aux unités de production françaises.

En effet, dans ce contexte, les entreprises disposent principalement de quatre leviers pour rétablir un équilibre face à un environnement instable : la poursuite de gains de productivité mais qui sont, en grande partie, au bout de l'asymptote et déjà largement absorbés notamment avec le passage aux 35 heures; la poursuite de l'externalisation afin de variabiliser les coûts ce qui correspond au premier stade de la perte de maîtrise directe ; un stade plus loin, la délocalisation de la production qui offre des effets conséquents à très court terme ; enfin, et seul levier à création de valeur, le renforcement de l'innovation sur les produits et les services, mais qui suppose des investissements importants et génère des effets à plus long terme. Ainsi, et dans un environnement tendu, délocaliser devient pour beaucoup d'entreprises une décision de gestion, certes difficile à prendre au vu des conséquences sociales à court terme mais indispensable pour assurer la pérennité de l'activité à plus long terme.

Illustration : le modèle « De la consommation à la délocalisation »

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