3. Le contexte consumériste - les ferments de la délocalisation

Une offre supérieure à la demande

La croissance de la demande des ménages français affiche une stagnation depuis 2001.

Par ailleurs, l'offre ne cesse de croître sous l'effet notamment de la constante augmentation du parc commercial français. En effet, la croissance simultanée de la surface de vente en France et du nombre d'heures d'ouverture génère mécaniquement un accroissement de l'offre.

L'effet saisonnier de certaines ventes, dans un contexte d'offre supérieure à la demande, a pour impact de multiplier les promotions, et dans un certain sens de modifier les rapports à la consommation.

Un contexte d'hyper-concurrence

L'hyper-concurrence se matérialise par le développement rapide de la distribution à bas coûts (hard-discount) dont la superficie a augmenté de 34 % entre 2000 et 2004 contre 3 % pour les supermarchés. Parallèlement, le hard discount touche une population de plus en plus large et l'ensemble des catégories socioprofessionnelles.

Le hard discount est devenu l'un des phénomènes marquant de la consommation et de la distribution de ce début de siècle. Aujourd'hui, 65 % de la population fréquente un magasin hard discount et la part de marché de ce circuit de distribution avoisine les

13 % en 2004 contre 8,8 % en 1999.

Autrefois baptisé « magasin de crise », le hard-discount a totalement changé d'image. Grâce à lui, les consommateurs ont le sentiment de maîtriser leurs achats et ils apprécient cette situation. Selon un sondage Ifop, le nouveau consommateur adepte de l' hard discount se définit comme adulte, fier de ses choix et libéré des tentations de l'hypermarché.

Le hard discount correspond à de nouvelles attitudes :

  • • Un comportement responsable et intelligent : devenir des consommateurs avertis
  • • Une démarche rationnelle d'évaluation des produits : tester et faire goûter aux membres de sa famille sans montrer l'emballage (détachement des marques)
  • • L'acceptation du risque sur le goût et/ou la qualité : la possibilité d'avoir des mauvaises surprises mais aussi des bonnes surprises
  • • La comparaison avec les produits de marque : la lecture des étiquettes et de la composition
  • • Une dimension morale : le rejet du gaspillage et des priorités différentes de celles du consommateur « lambda » : des nouvelles valeurs privilégiées, le choix des loisirs en contre-partie
  • • La comparaison avec les produits de marque : la lecture des étiquettes et de la composition
  • • Une dimension morale : le rejet du gaspillage et des priorités différentes de celles du consommateur « lambda » : des nouvelles valeurs privilégiées, le choix des loisirs en contre-partie

Source : Points de Vente

La perte de la valeur perçue du produit

Au-delà de la perte de la valeur perçue du produit aux yeux du consommateur, on voit apparaître une perte de confiance. La logique de déflation permanente contribue à une perte de valeur symbolique des biens dans l'esprit des consommateurs (produits d'appel tels que le DVD ou l'électroménager) et ainsi à une focalisation du consommateur sur les prix de vente. Aujourd'hui, dans la mesure où tout peut s'acquérir à moindre prix, le consommateur a de plus en plus de difficultés à évaluer le savoir-faire et l'intensité technologique contenus dans chaque produit ou service consommé.

La politique de prix menée par certains distributeurs contribue alors à la mise à mal de la confiance du consommateur. Par exemple, le prix d'un CD de musique peut varier sensiblement dans la même semaine.

Le prix n'est plus perçu comme correspondant à la valeur intrinsèque d'un produit mais comme un simple levier marketing.

L'ironie de cette situation est que les produits à « prix mobiles » ou à « prix d'appel » ont souvent l'image, aux yeux des consommateurs, d'un fort contenu technologique.

La volonté du Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie de contraindre industriels et distributeurs de baisser leurs prix en 2004 n'a pas, au contraire, contribué à restaurer la confiance du consommateur. Cette mesure a suscité la désignation des marques nationales et les enseignes d'hypermarchés comme les grands responsables de la baisse du pouvoir d'achat des Français, et ne s'est pas, au final, traduite par une reprise de la consommation.

En période de conjoncture défavorable, la valeur ajoutée des produits innovants est assimilée à de l'inflation, alors qu'elle est généralement occultée en période de conjoncture favorable. Une interrogation réside dans la distinction entre les produits innovants à réelle « valeur ajoutée » à ceux qui apportent peu de valeur ajoutée. Le consommateur a-t-il perçu la réelle valeur ajoutée dans l'achat de lessive sous forme de mini-dose ou dans l'apparition des lingettes ?

Le sentiment d'une baisse du pouvoir d'achat

Passage à l'euro, stagnation des salaires, hausse des prélèvements ... sont autant de facteurs qui renforcent ce sentiment.

L'INSEE confirme que la progression des revenus a ralenti : + 5,4 % en 2001, + 3,6 % en 2002 et + 2,1 % en 2003. En 2005, les salaires devraient rester stables et des hausses importantes de prélèvements sont annoncées (CSG, cotisations vieillesse...).

A cela, viennent s'ajouter les augmentations importantes des prix de l'immobilier, du pétrole... qui viennent grever également le pouvoir d'achat des français.

Toutes les catégories socioprofessionnelles sont touchées par le sentiment de perte du pouvoir d'achat. Le baromètre des « Préoccupations des citoyens-consommateurs » réalisé par la société d'étude TNS Sofres confirme bien la tendance. En quelques mois en 2004, le pouvoir d'achat est passé du neuvième au cinquième rang des inquiétudes des français. 29 % des consommateurs étaient préoccupés par la baisse de leur pouvoir d'achat en juillet 2004, ce taux atteignait 31 % en septembre et 36 % en octobre.

Que cela soit fondé ou non, seule compte la perception et l'impact qu'elle a sur la consommation.

Ce sentiment semble également être partagé en Europe. En 2004 en effet, selon une étude Ipsos, 62 % des européens (+ 1 point par rapport à 2003) ont ainsi le sentiment de ne pas avoir les moyens de consommer, taux le plus important depuis près de 4 ans. C'est le cas de 75 % des Italiens (+ 1 point) et de 71 % des Français (+ 1 point) tandis que la pression des prix semble moins forte en Grande-Bretagne (49 %, + 2 points) et en Espagne (50 %, + 1 point) :

  • • L'Allemagne est de loin le pays le moins confiant dans l'évolution de sa situation économique et présentant la situation la plus critique depuis maintenant près de deux ans,
  • • La France et l'Italie présentent une situation assez comparable en terme de confiance : des indicateurs au plus bas, avec de surcroît une tendance qui demeure à la baisse, notamment en Italie,
  • • Les consommateurs Britanniques et Espagnols, enfin, vont à contre-courant de la tendance générale avec une vision majoritairement optimiste de l'évolution économique de leur pays et du niveau de revenu de leur propre foyer, doublée d'une tendance à la hausse, notamment en Espagne.

Le pouvoir d'achat est l'évolution du revenu disponible brut de l'ensemble des ménages en tenant compte de l'inflation. Il dépend donc de l'évolution de trois composantes : le revenu, les indices des prix et le poids des produits dans la consommation.

Le pouvoir d'achat a ainsi connu un fort ralentissement - près d'un point - en 2002, puis de 2 points en 2003, phénomène qui se poursuit en 2004.

Illustration : Evolution du pouvoir d'achat depuis 1997

Taux de croissance annuel

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Revenu disponible brut

3,0%

3,5%

3,3%

4,7%

4,8%

4,3%

2,3%

2,6%

Inflation corrigée (déflateur de la consommation)

1,4%

0,7%

0,4%

1,5%

1,6%

1,9%

2,1%

2,1%

Pouvoir d'achat

1,5%

2,8%

2,8%

3,1%

3,2%

2,3%

0,2%

0,5%

Source : CREDOC, d'après INSEE

Ce sont les services qui, après les carburants et les services, dégradent aujourd'hui le plus fortement le pouvoir d'achat car ils pèsent de plus en plus sur la consommation. L'évolution entre octobre 1998 et octobre 2004 de l'inflation corrigée de la consommation produit par produit (c'est-à-dire l'évolution de l'indice de prix multiplié par le coefficient budgétaire) met en évidence les produits et services qui rognent le plus le pouvoir d'achat. Ce sont les services fournis par les collectivités locales (crèches, assistantes maternelles et maisons de retraite) et les services domestiques qui pèsent le plus sur le pouvoir d'achat après le tabac et l'énergie. L'utilisation des maisons de retraite augmente avec le vieillissement de la population, tandis que le recours aux services domestiques s'accroît avec l'augmentation de l'activité féminine. Les prix de ces derniers ont aussi fortement augmenté.

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