II. LE PROJET DE LOI ISSU DES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LA SUPPRESSION DES ÉCARTS DE RÉMUNÉRATION

L'article 1 er vise à compenser l'effet de la maternité sur la rémunération

Cet article aborde un problème fondamental : le lien entre la maternité et l'emploi.

L'avant-dernier alinéa de l'article L. 122-26 du code du travail dispose que : « à l'issue des congés de maternité et d'adoption prévus au présent article, la personne salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ».

Comme le note l'exposé des motifs du projet, les femmes en congé de maternité bénéficient d'ores et déjà d'une garantie de retour à l'emploi et des augmentations générales accordées par l'entreprise. Il n'en va pas de même des augmentations individuelles.

Sur ce point, votre délégation approuve l'analyse faite par le même exposé des motifs du présent projet qui rappelle fort à propos : « lorsque l'on analyse les trajectoires professionnelles des hommes et des femmes, le congé de maternité se traduit par un point de rupture dans le déroulement de la carrière des femmes en termes d'évolution professionnelle, notamment en ce qui concerne les conditions de travail, la promotion, l'accès à la formation et les augmentations salariales » .

Selon le correctif prévu par l'article premier du projet de loi, la majoration à laquelle peut prétendre le salarié à son retour de congé est définie d'une double manière :

soit la référence à une catégorie professionnelle est possible, et le salarié bénéficie non seulement de l'augmentation générale, mais également de la moyenne des augmentations individuelles au sein de cette catégorie ;

soit la référence à une catégorie professionnelle est impossible du fait, notamment, de la petite taille de l'entreprise, et le calcul pourra se fonder sur la seule « moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise » pendant la période d'absence du salarié.

Le congé pour adoption est inclus dans le champ d'application de ces dispositions.

Votre délégation approuve ce dispositif adopté sans modification par l'Assemblée nationale et observe que certains accords collectifs de travail comportent déjà des dispositifs qui combattent indirectement ce type de discriminations.

Ainsi, l'accord du 4 novembre 2003 sur l'égalité professionnelle signé dans le groupe PSA Peugeot Citroën prévoit, dans son article 2-3 consacré au congé de maternité, que « le congé maternité est considéré comme du temps de travail effectif notamment pour la détermination des droits liés à l'ancienneté, la répartition de l'intéressement et de la participation, le calcul des congés payés, du treizième mois et des primes ».

Les auditions conduites par votre rapporteure amènent à préciser que ce texte constitue, en outre, un point de repère utile pour les entreprises qui souscrivent depuis longtemps au principe selon lequel « la maternité ne doit pas entraîner une perte de pouvoir d'achat » pour les salariées mais s'interrogeaient, au cas par cas, sur ses modalités de mise en oeuvre.

L'article 2 vise à limiter les discriminations salariales dites indirectes sous forme d'attribution d'avantages venant en complément du salaire

Cet article prévoit d'inclure dans la liste des discriminations en matière de revenu figurant à l'article L. 122-45 du code du travail les éléments accessoires du salaire que constituent les mesures d'intéressement et la distribution d'actions.

En effet, comme le précise l'exposé des motifs du présent projet, « la méthode de calcul de ces avantages peut aboutir de fait à une discrimination au détriment des femmes, selon la pondération des critères retenus par l'employeur, par exemple : pénibilité physique, disponibilité horaire, éléments définissant les ratios de productivité » .

L'article L. 122-45 est également complété par la mention expresse de l'état de grossesse parmi ces discriminations.

Dans la pratique, les « mesures d'intéressement ou de distribution d'actions gratuites » ne sont pas les seuls éléments accessoires aux salaires pouvant aboutir à des inégalités de rémunération. Ont été ainsi cités, au cours des travaux parlementaires, les avantages en nature - voiture, téléphone portable, ordinateur - qui constituent également des éléments de la rémunération, souvent accordés aux hommes plus qu'aux femmes. Le cas de la prime de Noël a également été cité : lorsque deux conjoints travaillent dans la même entreprise, elle est souvent versée au père et non à la mère.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de Mme Martine Billard tendant à préciser la notion de rémunération et « d'accessoires du salaire » en faisant explicitement référence à l'article L. 140-2 du code du travail.

Votre délégation approuve cette clarification. Comme l'indique cet article L. 140-2 du code du travail « par rémunération au sens du présent chapitre, il faut entendre le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier » .

Code du travail

Article L140-2

(Loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 art. 5 Journal Officiel du 14 juillet 1983)

Tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes.

Par rémunération au sens du présent chapitre, il faut entendre le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Les disparités de rémunération entre les établissements d'une même entreprise ne peuvent pas, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, être fondées sur l'appartenance des salariés de ces établissements à l'un ou l'autre sexe.

L'article 3 vise à permettre de prendre en compte, dans les négociations menées au niveau des branches, l'objectif de suppression des écarts de rémunération

Il convient de rappeler que la réduction des écarts salariaux entre les femmes et les hommes constitue, d'ores et déjà, une priorité clairement identifiée par l'accord national interprofessionnel du 1 er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (titre VI, articles 11 à 13 de l'accord). Cet accord préconise, en particulier, la mise en oeuvre d'actions spécifiques de rattrapage temporaire.

C'est dans ce contexte que l'article 3.I prévoit, lors des négociations obligatoires de branche, la programmation des mesures permettant de supprimer d'ici cinq ans de ces écarts de rémunération. Cet objectif est inscrit dans un nouvel article L. 132-12-2 du code du travail.

La mobilisation de l'ensemble des outils d'analyse et d'évaluation des éléments déterminant les rémunérations des salariés masculins et féminins permettra aux partenaires sociaux de mieux identifier les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, et de prendre ainsi en connaissance de cause les mesures nécessaires. En particulier, le rapport présentant la situation comparée des hommes et des femmes pour chaque secteur d'activité prévu au sixième alinéa de l'article L. 132-12 permettra de poser le diagnostic nécessaire à la négociation dans les branches.

Si, dans une branche, aucune négociation n'est entamée dans un délai d'un an suivant la publication de la présente loi, une organisation syndicale représentative pourra demander son ouverture immédiate.

Pour pallier l'éventualité d'un échec ou d'une absence de la négociation au niveau des branches, le ministre chargé des relations du travail convoque, en application de l'article L. 133-1 du code du travail, une commission composée des représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives « afin que s'engage ou se poursuive la négociation prévue au premier alinéa du présent article » .

Par ailleurs, un refus d'extension sera systématiquement prononcé lorsqu'une convention de branche, conclue au niveau national, ne comportera pas de disposition relative à la suppression des écarts de salaire entre les femmes et les hommes. Le II de l'article 2 ajoute cette disposition à la liste des clauses obligatoires prévues à l'article L. 133-5.

Le III de l'article prévoit que l'entrée en vigueur de cette nouvelle clause obligatoire sera effective un an après la publication de la présente loi.

Le ministre en charge de la négociation collective saisira les membres de la commission nationale de la négociation collective en ce sens.

Outre plusieurs amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de la commission qui vise, en s'inspirant de la rédaction du code du travail relative au travail de nuit, à garantir le caractère « sérieux et loyal » de ces négociations. Cette modification prévoit qu'une commission mixte est réunie si la négociation n'a pas été engagée sérieusement et loyalement et précise que « l'engagement sérieux et loyal des négociations implique notamment que la partie patronale ait communiqué aux organisations syndicales les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et ait répondu de manière motivée aux éventuelles propositions des organisations syndicales. »

Votre délégation, qui a bien souvent été alertée par les acteurs de terrain du risque de voir se développer des négociations de branche et d'entreprise purement formelles ou fictives, approuve l'esprit de cette précision qui s'inspire de la rédaction du code du travail relative au travail de nuit. Du point de vue juridique, elle estime cependant utile de préciser que ce texte ne doit pas susciter d'éventuelles « interprétations a contrario » de nature à diminuer le caractère loyal et sérieux des autres catégories de négociations prévues par le code de travail.

Ce caractère « sérieux et loyal » implique notamment la communication des informations nécessaires pour négocier en toute connaissance de cause, ainsi que l'obligation, pour la partie patronale, de répondre aux observations des organisations syndicales. La ministre de la Parité, a estimé utile « d'insister, s'agissant des femmes, sur l'esprit qui doit inspirer la négociation, compte tenu de la difficulté de faire entrer cette nouvelle culture dans la gestion des entreprises. » . Le principe de loyauté, qui est le fondement même de toute négociation collective, n'est, en effet, inscrit dans le code du travail qu'à l'article L. 213-4 relatif au travail de nuit, même si l'article L. 133-1 en vigueur permet, d'ores et déjà, la réunion d'une commission mixte s'il apparaît que la négociation n'a pas été engagée de manière loyale.

L'article 3 bis nouveau vise à imprégner les entreprises de moins de vingt salariés de la « culture de l'égalité professionnelle »

Cet article, qui résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement de Mme Anne-Marie Comparini, complète l'article L. 132-27 du code du travail en prévoyant que « dans les entreprises de moins de vingt salariés, l'employeur est tenu de prendre en compte les objectifs en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l'entreprise et les mesures permettant de les atteindre » .

Il repose sur un constat - les femmes travaillant dans des entreprises de moins de 20 salariés n'ont pas accès à tous les avantages sociaux de la grande entreprise - et une inquiétude : la crainte d'un renforcement des inégalités. Dans ces conditions, la délégation juge fort à propos d'appeler les employeurs de moins de vingt salariés à prendre en compte les objectifs d'égalité professionnelle et à mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour les atteindre. En même temps, la délégation convient que ces entreprises sont d'ores et déjà soumises à de nombreuses contraintes, et approuve la prudence de l'auteur de l'amendement qui a « veillé à ce qu'il ne soit pas réellement coercitif » tout en rappelant le principe du respect de l'égalité professionnelle.

L'article 4 prévoit un dispositif en deux étapes, au niveau des entreprises, pour pallier l'éventualité d'une absence de négociation

Cet article transpose à la négociation d'entreprise le mécanisme prévu à l'article 3 pour la négociation de branche. Poursuivant le même objectif de suppression des écarts de rémunération, il définit une méthode similaire de relance de la négociation d'entreprise assortie d'un certain nombre d'incitations et prévoit, enfin, une évaluation assortie de la possibilité d'institution d'une taxe spécifique.

Dans le prolongement de la modification adoptée à l'article 3, l'Assemblée nationale a indiqué que la négociation doit s'engager au sein de l'entreprise « sérieusement et loyalement » en précisant que « l'engagement sérieux et loyal des négociations implique notamment que l'employeur ait convoqué à la négociation les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et fixé le lieu et le calendrier des réunions. Il doit également leur avoir communiqué les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et avoir répondu aux éventuelles propositions des organisations syndicales » .

En outre, répondant au souci, clairement manifesté au cours des auditions, de s'assurer de l'efficacité du bilan à mi-parcours prévu à l'article 4, l'Assemblée nationale a décidé, avec l'avis favorable du Gouvernement, de confier au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, responsable d'un rapport d'évaluation du bilan à mi-parcours, « l'élaboration d'outils méthodologiques permettant de mesurer les écarts de rémunération et de les recenser, en tenant compte des différents parcours professionnels et secteurs d'activité » . Votre délégation insiste sur l'importance de ces outils pour permettre aux entreprises et aux branches d'établir un diagnostic partagé.

Le II de l'article 4 prévoit qu' « au vu du bilan [effectué à mi-parcourss par la Conférence nationale sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes , sur la base d'un rapport élaboré par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes] , le Gouvernement pourra présenter au Parlement, si nécessaire, un projet de loi instituant une contribution assise sur les salaires, et applicable aux entreprises ne satisfaisant pas à l'obligation d'engagement des négociations prévues à l'article L. 132-27-2 du code du travail » .

Lors du débat à l'Assemblée nationale, un certain nombre d'intervenants se sont interrogés sur l'opportunité de maintenir dans le texte cette « référence à un éventuel échec » avant d'en décider le maintien dans le souci de préserver l'équilibre entre la responsabilisation des partenaires sociaux et la nécessité d'une intervention de l'État en cas d'échec de la négociation.

L'article 4 bis nouveau résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement de Mme Anne-Marie Comparini qui précise que les maisons de l'emploi , qui sont des instances fédératives des acteurs locaux de l'emploi, doivent prendre en considération les objectifs d'égalité professionnelle et de réduction des écarts de rémunération .

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