II. LES OBSTACLES À LA MISE EN oeUVRE DES PRINCIPES ÉGALITAIRES SONT TOUTEFOIS LOIN D'ÊTRE LEVÉS

Mme Anna Záborská, présidente de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres du Parlement européen, a tenu à insister, au cours de son audition devant votre délégation, sur le fait que, grâce à l'Union européenne, les conditions de vie s'étaient indéniablement améliorées en Europe de l'Est , en partie grâce aux fonds structurels qui ont contribué à y relocaliser des activités économiques. Elle a ainsi diagnostiqué une amélioration globale de la situation des femmes , même si un certain nombre de « quotas inversés », qui avaient pu être instaurés dans les années 1980, par exemple en Pologne 21 ( * ) , avaient été supprimés lors de la mise à niveau des normes requises pour l'entrée dans l'Union européenne.

Il n'en demeure pas moins que les femmes, dans les nouveaux États membres, sont les premières à souffrir des difficultés économiques et sociales, ce qui constitue assurément un paradoxe compte tenu de l'amélioration des droits dont bénéficient les femmes dans ces pays, liée notamment à l'adhésion à l'Union européenne.

A. DES ÉCARTS PARFOIS IMPORTANTS ENTRE LES NOUVEAUX DROITS ET LA SITUATION DE FAIT

Au cours de son audition, Mme Jacqueline Heinen, professeure à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, a souligné le décalage qui se manifeste dans la plupart des nouveaux États membres entre les normes affichées et la pratique quotidienne . Elle a indiqué que, globalement, si un effort d'alignement des règles d'égalité entre les sexes sur les normes européennes pouvait être constaté, rien n'avait encore sensiblement changé dans les faits avec, en particulier, le maintien de l'héritage précédent : une dichotomie entre public et privé ainsi que la perpétuation de la hiérarchie traditionnelle au sein de la famille.

Mme Luisella Pavan-Woolfe, directrice des affaires horizontales et internationales à la direction générale de l'emploi, des affaires sociales et de l'égalité des chances de la Commission européenne, a dressé le même constat et insisté sur l'écart qui pouvait parfois exister entre la proclamation d'une égalité formelle et l'égalité réelle.

Celle-ci, en effet, est loin d'être réalisée dans l'Union élargie, confrontée au défi primordial de la mise en oeuvre effective de la législation adoptée.

Les institutions compétentes devront renforcer leur capacité administrative pour assumer les responsabilités résultant de la législation. Les nouveaux États membres, ayant réalisé des efforts considérables afin d'aligner leur législation sur celle des États membres plus anciens, n'ont pas toujours les moyens de la mettre en oeuvre correctement. Les principaux défis pour l'avenir consisteront à bien faire connaître les droits des femmes et à assurer que les professions juridiques, les juges et les avocats en particulier, soient familiarisés aux questions d'égalité entre les hommes et les femmes, ce qui nécessite également des systèmes judiciaires efficaces.

L'expérience montre néanmoins qu' une mise en oeuvre effective constitue un processus continu reposant sur la participation de la société civile, des partenaires sociaux, des organismes de recherche, et pas seulement de l'ordre judiciaire et de l'administration.

Mme Luisella Pavan-Woolfe s'est dite plutôt optimiste sur l'application dans les nouveaux États membres de la législation relative à l'égalité entre les hommes et les femmes, les écarts mis en évidence par les statistiques d'Eurostat étant en voie de stabilisation et existant aussi, de toute façon, dans l'Europe des Quinze.

Elle a estimé que les procédures d'infractions prévues par les traités permettaient de faire respecter la réglementation et a rappelé qu'un État membre condamné par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) pour manquement à ses obligations communautaires devait modifier sa législation. Elle a souligné l'abondance de la jurisprudence de la CJCE en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, qui permet de réduire les discriminations directes.

Même si le respect de la législation n'entraîne pas automatiquement la disparition des écarts, par exemple en matière salariale, avec toujours 15 % d'écart en moyenne entre la rémunération des hommes et celle des femmes dans l'Union élargie, l'action des institutions communautaires a permis de réelles avancées en matière professionnelle. S'agissant, par exemple, des entretiens d'embauche, les questions discriminatoires qui étaient posées aux femmes dans certains nouveaux États membres, où elles n'étaient pas interdites, sont aujourd'hui proscrites.

* 21 Ces « quotas inversés » avaient été instaurés, notamment dans les années 1980, par exemple pour limiter la proportion très élevée des femmes médecins.

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