B. L'AIDE DE L'ETAT

1. Un montage fiscal classique

Le projet avait été interrompu en décembre 2002, faute d'une rentabilité suffisante. Des propositions de soutien financier ont été formulées pour lui apporter un allègement définitif le conduisant à atteindre un niveau de rentabilité a priori acceptable pour INCO. Ces négociations ont été menées avec succès par la mission confiée à Mme Anne Duthilleul.

L'implication de l'Etat a donc revêtu la forme d'une confirmation de l'enveloppe de défiscalisation déjà accordée sur le principe en 2001 à Goro Nickel, pour 481 millions de dollars . L'accord définitif, c'est-à-dire la décision d'agrément, a été signée le 30 décembre 2004.

Le montage fiscal utilisé, en dépit de sa complexité, est en fait relativement classique dans une opération de défiscalisation : seuls les montants en jeu sont sans commune mesure . Les principes en ont été détaillés dans le rapport précité de notre collègue Roland du Luart sur la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003. Compte tenu de son caractère très général, et de son importance pour ce projet, il semble cependant important de le présenter en détail.

Le montage, réalisé en application des articles 217 undecies et duodecies du code général des impôts fait intervenir trois acteurs principaux :

- des personnes morales imposables à l'impôt sur les sociétés en France métropolitaine . Ces personnes morales sont en fait de grandes sociétés financières ;

- un Groupement d'intérêt économique (GIE) , basé à Nouméa, qui constitue en fait le « porteur » de l'avantage fiscal ;

- une Société anonyme « SA Gni », propriété d'INCO , et qui possède elle-même une filiale en Nouvelle-Calédonie.

Le montant de l'enveloppe fiscal a été fixé à 481 millions de dollars . Le principe est que les sociétés imposables à l'IS :

- prêtent une fraction de cette somme au GIE ;

- et déduisent de leur base imposable à l'IS la totalité de l'enveloppe fiscale, c'est-à-dire 481 millions de dollars , ce qui se traduit pour elles par une baisse de leur imposition d'environ 160 millions d'euros , qui est également le montant de la dépense fiscale et donc de l'effort consenti par l'Etat.

Un exemple chiffré

On suppose que le montant de l'investissement apporté par les personnes morales est de 100 millions de dollars .

Avec un impôt sur les sociétés égal à 33,33 %, elles peuvent déduire de leur imposition 33,33 % de 481 millions de dollars, soit 160 millions de dollars .

Le gain correspond à la différence entre les sommes qu'elles ont apportées au GIE, et la montant qu'elles vont pouvoir déduire in fine soit, dans cet exemple, la différence entre 160 millions de dollars et 100 millions de dollars, c'est-à-dire 60 millions . Cet « avantage » doit lui-même être rétrocédé à l'exploitant pour 80 % , selon les termes de la décision d'agrément : il s'agit de faire bénéficier les investisseurs locaux de la dépense fiscale consentie par l'Etat. Dans notre exemple, 80 % de 60 millions de dollars devront être rétrocédés, soit 48 millions de dollars : le gain net est donc de 12 millions de dollars pour les investisseurs assujettis à l'IS.

Afin de mener à bien ce montage, des « Actifs Eligibles » ont été déterminés par les services fiscaux. Ils correspondent à certaines constructions de l'usine, clairement identifiables, pour un montant total de 511 millions de dollars, parmi lesquels seront distingués 481 millions de dollars d'investissement qui représentent l'enveloppe de défiscalisation .

Il faut rappeler que le montant total de l'investissement se situe à environ 1,9 milliard de dollars : seule une fraction de l'usine bénéficie donc des dispositions de la défiscalisation.

2. Une structure retenue satisfaisante

Conformément aux dispositions de l'article 57 de la loi organique 9 ( * ) du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les détails du montage fiscal ont été communiqués, à sa demande, à votre rapporteur spécial, qui a jugé la structure retenue satisfaisante et conforme aux dispositions de la loi de programme pour l'outre-mer précitée du 21 juillet 2003. En particulier, trois éléments doivent être relevés :

- le taux de rétrocession, c'est-à-dire la fraction du gain fiscal qui revient au projet, a été fixé à un niveau supérieur à 75 %, qui est le montant minimum fixé à l'article 217 undecies du code général des impôts. Cela implique que l'aide de l'Etat servira bien, dans des proportions importantes, à aider à la mise en oeuvre du projet ;

- les obligations relatives aux normes environnementales devraient permettre de rassurer les populations locales et d'assurer un haut niveau de protection au site de Goro ;

- enfin, une attention toute particulière a été accordée au niveau d'exploitation de l'usine , et ce afin d'éviter que, une fois les constructions achevées, les installations ne connaissent un taux d'utilisation qui ne serait pas à même de garantir un haut niveau d'emploi.

Ces trois points, qui ont fait l'objet d'un accord entre les services de l'Etat et la société INCO, m ontrent que les aides de l'Etat ont été accordées en contrepartie d'assurances fortes , que ce soit sur la finalité de leur utilisation, avec notamment des garanties sur le niveau d'exploitation, que sur les modalités de l'exploitation, ce qui se traduit par la prise en compte bienvenue du facteur environnemental.

3. L'aide à la centrale électrique

Afin d'aider le projet à se relancer après son arrêt en 2002, il a été décidé de disjoindre la construction de la centrale électrique de l'usine.

Ainsi, deux tranches seront construites à la centrale électrique de Prony Energies, détenue à 75 % par l'opérateur locale Enercal et 25 % par la société Elyo.

La première tranche de 50 MW est destinée aux besoins propres de la Nouvelle-Calédonie et la seconde tranche de 50 MW aux installations de Goro Nickel. Cette deuxième tranche ne sera plus financée par Goro Nickel, allégeant d'autant les capitaux investis et les risques d'INCO. Pour compenser les surcoûts liés au retard du projet et ramener le prix du courant électrique produit aux niveaux attendus tant par Enercal que par Goro Nickel, une enveloppe globale de 230 millions d'euros a été accordée au projet de Prony Energies en deux tranches réparties sur 2004 et 2005.

Grâce à ces contributions directes et indirectes, le projet de Goro présente aujourd'hui un niveau de rentabilité considéré comme suffisant et a pu être de nouveau engagé par INCO le 19 octobre 2004.

Sur l'ensemble des ces aides, votre rapporteur spécial considère que leur montant, aussi bien que leur modalité d'attribution, sont tout à fait satisfaisants pour tous les partenaires. Il convient de se féliciter de la qualité du dialogue qui a pu être engagé entre les autorités de la Province Sud, les services de l'Etat, et la société INCO.

On peut à ce titre remarquer que le dispositif de défiscalisation a pleinement joué son rôle , et ce sous deux aspects :

- d'une part, l'apport financier a permis d'inciter la société INCO à mettre en oeuvre un projet de très grande ampleur en Nouvelle-Calédonie ;

- d'autre part, les conditions négociées pour parvenir à ce montant d'aide ont été l'occasion de mettre en place toutes les garanties souhaitables, en termes d'environnement et d'utilisation des capacités de l'usine.

* 9 Cet article dispose que « Tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis ».

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