IV. LES GRANDS DÉBATS DE LA SESSION

La session de juin a été principalement consacrée aux problèmes internationaux. Outre les interventions de plusieurs personnalités et la célébration du 50 ème anniversaire de la première session de l'Assemblée de l'UEO, trois débats ont été consacrés aux relations entre médias et terrorisme, à la situation au Proche-Orient et aux suites du Troisième sommet des chefs d'État et de Gouvernement des pays membres du Conseil de l'Europe qui s'est tenu à Varsovie en mai 2005. Dans le domaine économique, les modalités de l'aide au développement ont également été abordées, l'Assemblée ayant examiné des rapports sur l'environnement et les objectifs du Millénaire pour le développement, sur l'implication de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international dans la réalisation de ces objectifs et sur la contribution de la BERD au développement en Europe centrale et orientale.

Enfin deux questions de société ont été abordées : les restrictions au droit de vote et les réponses apportées aux besoins de santé mentale en Europe.

A. LES GRANDS PROBLÈMES INTERNATIONAUX

1. Médias et terrorisme

L'Assemblée a examiné le lundi 20 juin après-midi le rapport de la commission de la culture, de la science et de l'éducation présenté par M. Josef Jarab (République tchèque, LDR) sur les relations entre médias et terrorisme.

Le rapporteur a souligné que le terrorisme moderne était médiatique car les médias rendent largement compte des manifestations violentes. Elles intéressent un large public et les terroristes ont parfaitement compris le bénéfice qu'ils pouvaient retirer de cet état de fait. Il a insisté sur le fait que la lutte contre le terrorisme ne saurait justifier des atteintes à la liberté d'information mais a également appelé les journalistes à éviter de jouer le jeu des terroristes par une course effrénée à l'information et aux images sensationnelles.

M. Jean-Marie Geveaux a centré son intervention sur le difficile équilibre à trouver entre liberté d'information et de la presse et complaisance par rapport à l'horreur :

« Nous avons déjà eu l'occasion, dans cette enceinte, de débattre du terrorisme. Mais cette fois-ci le rapport de notre collègue M. Jaøab s'intéresse plus particulièrement aux liens existant entre médias et terrorisme.

Avant toute chose, permettez-moi de me réjouir de la libération de Florence Aubenas et de celle de son guide, Hussein Hannoun, qui avaient été précédées par celle des journalistes roumains détenus en Irak. Le débat d'urgence tenu lors de notre dernière session et les demandes unanimes de notre Assemblée trouvent dans cette libération leur entière justification. Nous pouvons tous nous en réjouir.

Le rapporteur rappelle la difficulté qu'il y a à trouver une définition précise du terrorisme de nature à être admise par tous. Il nous suffit ici de savoir que le terrorisme vise toujours et partout à atteindre un objectif au moyen de la terreur, par des actes violents et aveugles, où la vie des victimes, comme parfois celle des auteurs, ne compte pour rien.

On perçoit dès lors le lien qui s'établit d'emblée entre terrorisme et médias. Qui mieux que les médias pourrait assurer un retentissement maximum aux actes commis ? Qui mieux que les médias pourraient restituer l'émotion des victimes et diffuser un sentiment d'insécurité et d'angoisse ? On a souvent dit que les moyens de communication modernes ont fait de la planète un village. Nul ne peut plus ignorer la violence manifestée à l'autre bout du monde, pour le meilleur quand il s'agit de porter secours aux victimes d'un tsunami, pour le pire quand il s'agit de décapiter en direct un otage, pour l'exemple.

Qui plus est, les terroristes ont appris à manier les médias et à exploiter les faiblesses des sociétés occidentales. On ne peut nier que la course à l'audience, à laquelle se livrent les médias, peut les inciter à privilégier l'émotion plutôt que l'information, à privilégier le sensationnel plutôt que la retenue. La tentation de la surenchère existe, comme l'a souligné le rapporteur.

Faut-il pour autant faire le silence autour des terroristes en les privant de la tribune recherchée ? Faut-il donc cacher les barbares ? Évidemment non ! La liberté d'information et d'expression sont les piliers de nos sociétés démocratiques et les terroristes enregistreraient un réel succès s'ils mettaient à mal ce droit fondamental.

L'équilibre est donc toujours à rechercher entre nécessaire information et complaisance par rapport à l'horreur. Il nous semble que cet équilibre toujours délicat doit avant tout s'enraciner dans une éthique professionnelle, consciente de sa responsabilité, y compris politique.

Faut-il diffuser des informations au risque de compromettre des négociations en cours ou à venir ? La liberté d'information doit-elle connaître des limites imposées par la raison d'État ? Jusqu'où de telles limites sont-elles admissibles ? Il s'agit là, mes chers collègues, de questions délicates posées à nos États démocratiques et à nos journalistes. Le fait que les journalistes soient devenus eux-mêmes des victimes directes des terroristes par le biais des prises d'otages ne peut que valider et renforcer cette conscience forte.

Les enseignants ont aussi un rôle à jouer en apprenant aux jeunes comment lire une image, comment décrypter un message, bref, en formant des esprits libres et critiques, capables de distance par rapport aux événements et aux opinions. C'est là le critère d'un enseignement réussi.

Mes chers collègues, nous sommes dans une civilisation de l'image et le terrorisme est désormais une menace durable. Choisissons de répondre à ce défi par l'affirmation sereine des valeurs démocratiques, par l'analyse et le débat, et par l'impératif de justice dans les relations internationales. Pour ma part, j'apporterai mon soutien à l'excellent rapport de notre collègue, M. Jaøab. »

Intervenant en tant que Président de la Commission, M. Jacques Legendre a appuyé les conclusions de son rapporteur :

« Notre rapporteur, M. Jaøab, avait choisi un sujet difficile, qui exigeait une réponse à la fois ferme et tenant compte de la complexité des choses. Je crois qu'il a pleinement réussi sa mission puisque aucun amendement n'a été déposé et que toutes les interventions, à quelques inflexions près, ont montré combien notre Conseil tout entier se reconnaît dans son rapport riche.

Le thème de ce rapport a été choisi, décidé, avant que l'actualité ne vienne frapper et démontrer combien il était plus que jamais malheureusement un sujet d'actualité. Quand des faits aussi bouleversants que ceux dont ont été victimes des journalistes de par le monde se produisent, qu'une Assemblée comme la nôtre puisse s'efforcer, au-delà du contingent, au-delà de l'actualité, à réfléchir aux causes profondes pour recommander des attitudes permanentes, c'est tout à fait à l'honneur du Conseil de l'Europe.

Voilà pourquoi je veux à mon tour me réjouir de la qualité du rapport comme de la qualité des débats, et souhaiter que nous soyons très nombreux, si possible unanimes, à approuver aujourd'hui cet excellent rapport. »

À l'issue de ses débats, l'Assemblée a adopté la recommandation n° 1706 qui, après avoir rappelé que le terrorisme ne devait pas affecter la liberté d'information et d'expression dans les médias, invite les professionnels des médias à élaborer un code de conduite visant à permettre de tenir le public informé sans accentuer de manière indue l'impact du terrorisme, de ne pas recourir au sensationnalisme, et d'éviter toute complaisance à l'égard des terroristes. Ce document appelle également le Comité des ministres à préparer, en liaison avec les professionnels des médias et avec l'UNESCO, un manuel à l'attention des journalistes effectuant des reportages sur des actions terroristes et à demander aux États membres :

- d'informer le public et les médias sur les stratégies adoptées pour combattre le terrorisme et ses causes,

- de s'abstenir de restreindre indûment la diffusion dans les médias d'informations et d'opinions traitant du terrorisme,

- d'informer, à leur demande, les médias sur la situation sécuritaire dans tel ou tel pays où des journalistes se rendent pour travailler,

- de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la diffusion par les terroristes d'images et de messages illégaux sur Internet,

- d'inclure dans les programmes scolaires des cours d'éducation aux médias.

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