(2) Une production fortement dépendante des progrès technologiques et du maintien de prix élevés

Le profil de production des zones non-OPEP hors ex-URSS
(projets existants)

Source : IFP

Compte tenu du profil de production des pays non OPEP, leur production ne peut augmenter que si elle concerne de nouvelles réserves. Trois cas de figure se présentent dont nous analyserons les opportunités et les contraintes : le montant actuel des réserves peut être augmenté par l'amélioration du taux de récupération ; certains gisements connus mais jusqu'à présent inexploitables entrent en production ; enfin, de nouvelles réserves sont découvertes.

Le montant actuel des réserves peut être augmenté par une amélioration du taux de récupération. En moyenne, ce dernier s'élève à 35% mais les progrès technologiques permettent de l'augmenter. Lors de leur déplacement aux Etats-Unis, vos rapporteurs ont ainsi rencontré les dirigeants de la société OXY, spécialisée dans le rachat de gisements matures délaissés par les grandes compagnies internationales, qui nous ont affirmé avoir des taux de récupération de 70% dans leurs gisements du golfe du Mexique. L'amélioration des taux de récupération est donc une piste qui ne doit pas être négligée, même si elle est soumise à trois contraintes.

D'abord, compte tenu des investissements nécessaires, elle est conditionnée au maintien de prix du pétrole assez élevés, autour de 40 dollars selon nos interlocuteurs américains.

Ensuite, elle dépend fortement des progrès techniques futurs. Le schéma suivant illustre l'importance des nouvelles technologies pour augmenter le montant des réserves prouvées. Ainsi, en mer du Nord, celles-ci ont pratiquement doublé en vingt ans grâce au développement de la sismique en trois dimensions, à l'utilisation de structures flottantes ou encore de forages horizontaux.

Influence des nouvelles technologies
sur l'évolution de la production en mer du Nord

Source : AIE

Enfin, l'impact écologique de l'augmentation des taux de récupération n'est pas anodin en raison de l'utilisation massive d'eau, de gaz naturel ou de solvants. La société OXY précédemment citée a par exemple constaté que chaque baril de pétrole récupéré nécessitait la consommation de 50 barils d'eau. En conséquence, non seulement les procédés de récupération peuvent entrer en conflit avec certaines préoccupations écologiques, mais également se heurter à l'absence d'eau ou de gaz naturel, ressources indispensables pour augmenter le taux de récupération.

Certaines réserves sont connues mais ne peuvent pas encore être exploitées en raison de leur coût de production ou des difficultés techniques auxquelles leur exploitation est confrontée. Cela concerne les projets en eaux profondes, dans la zone arctique ou encore les pétroles non conventionnels tels les sables asphaltiques et les schistes bitumineux. La probabilité de réalisation de ces différents projets est très variable.

Selon l'AIE, les progrès techniques devraient permettre l'exploitation de tous les gisements en eau profonde d'ici 25 ans pour un prix du pétrole compris entre 20 et 35 dollars 2004.

En ce qui concerne la zone arctique, les coûts d'exploitation restent encore trop élevés (trois à cinq fois plus élevés que dans les zones plus tempérées).

En revanche, certains pétroles non conventionnels sont déjà exploités : c'est le cas des bassins de sables asphaltiques de l'Athabasca, au Canada, et de la ceinture de l'Orénoque au Venezuela. Les gisements sont considérables puisqu'ils se montent respectivement à 2.500 et 1.500 milliards de barils. Si ces réserves pouvaient être exploitées avec un taux de récupération de 20%, ces deux pays pourraient arguer de réserves supérieures à celles des pays du Moyen-Orient ! Il existe deux procédés d'extraction. Soit les sables asphaltiques sont peu profonds et peuvent être exploités sous forme de mines. L'huile est extraite de la roche en utilisant de la chaleur, de l'eau et des solvants. Ensuite, elle est mélangée à un pétrole plus léger pour être transportée vers une raffinerie. Lorsque les sables asphaltiques sont trop profonds, il faut chauffer la roche pour fluidifier l'huile qu'elle contient et pousser cette dernière à remonter à la surface. Actuellement, la production de bruts issus des bitumes canadiens et des huiles extra-lourdes du Venezuela s'élève à 1,6 million de barils/jour. D'ici 2015, elle pourrait atteindre 4 millions.

Pour autant, elle n'est pas sans poser certains problèmes. D'abord, les techniques d'extraction des huiles sont très consommatrices d'énergie. Non seulement la roche doit être chauffée (utilisation de vapeur d'eau résultant de la combustion de gaz naturel), mais l'huile recueillie doit être convertie avant d'être envoyée dans une raffinerie par un procédé d'hydrocracking nécessitant de l'hydrogène (qui provient également du gaz naturel). Ainsi, au Canada, chaque baril de pétrole produit nécessite 45 m 3 de gaz. L'évolution de la production est donc très dépendante des ressources en gaz naturel. Selon l'AIE, cette contrainte risque de devenir un obstacle à la production au Canada dès 2015.

Par ailleurs, l'utilisation du gaz naturel pour extraire du pétrole s'avère contradictoire avec les engagements pris à Kyoto pour lutter contre l'effet de serre. D'autres techniques sont envisagées, que ce soit la création d'une centrale nucléaire ou encore l'utilisation de l'énergie géothermique, mais les coûts de ces projets sont énormes. Aussi, il est à prévoir que la montée en puissance des pétroles non conventionnels prenne plusieurs décennies.

Un dernier type de pétrole non conventionnel mérite d'être cité. Il s'agit des schistes bitumineux, à savoir des roches mères qui peuvent produire de l'huile après broyage et par pyrolyse à une température avoisinant les 500 degrés. L'extraction d'huile des schistes réclame néanmoins une industrie lourde (donc coûteuse et/ou émettrice de gaz à effet de serre) pour un produit à faible valeur ajoutée dans les conditions économiques actuelles.

En outre, elle est très consommatrice en eau : la compagnie Unocal avait calculé qu'il serait nécessaire d'utiliser l'équivalent du débit du Colorado pour une production rentable des schistes du Green River Canyon. Certes, les technologies peuvent évoluer, mais un autre obstacle se pose à l'exploitation des schistes dont les principales réserves se trouvent aux Etats-Unis (2.000 milliards de barils) : il s'agit de l'opposition de la population au creusement de gigantesques carrières pour extraire la roche. Il apparaît donc que cette ressource a peu de chances d'être exploitée avant plusieurs décennies.

Enfin, de nouvelles réserves de pétrole conventionnel peuvent être découvertes. La zone la plus prometteuse parmi les pays non OPEP reste la Russie dont une grande partie du territoire n'a pas encore été explorée. Toutefois, une telle démarche exigera de très importants investissements aussi bien en matière d'exploitation que de production. Actuellement et malgré la forte hausse des prix qui a gonflé les bénéfices des compagnies nationales, celles-ci ne disposent pas des moyens financiers nécessaires. Quant aux compagnies internationales, leur rôle reste encore très limité. Jusqu'à présent, seule BP a été autorisée à créer une joint venture avec TNK. De toute manière, l'attitude ambiguë du président Poutine vis-à-vis des investissements étrangers conduit ces derniers à un certain attentisme.

En conclusion, il apparaît que seuls des prix durablement élevés permettront de financer les énormes investissements nécessaires pour maintenir et développer la production des pays non OPEP.

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