II. FAUT-IL RELANCER LA « PRÉFÉRENCE COMMUNAUTAIRE » ?

Si l'on s'interroge sur la relance de la « préférence communautaire », il faut souligner en préambule que cette préférence est aujourd'hui, d'un point de vue économique, une réalité : dans l'ensemble des échanges commerciaux internationaux, les flux strictement internes à l'Union européenne représentent une part importante. Ainsi, 80 % du commerce agricole se déroule au sein de l'Union européenne et, pour les produits industriels et de services, la part des produits européens consommés dans l'Union est très significative.

Avec l'élargissement à dix nouveaux États membres depuis le 1 er mai 2004, l'Union européenne représente un marché de plus de 450 millions de consommateurs, et l'accès à ce marché est un instrument de négociation significatif dans les négociations commerciales internationales.

Pour autant, l'abaissement progressif des barrières douanières et l'arrivée de marchandises produites à moindre coût - comme l'illustre tout récemment l'afflux de produits textiles en provenance de Chine - posent aujourd'hui la question des moyens dont dispose l'Europe pour défendre ses industries, ses entreprises et donc ses emplois , contre une concurrence toujours plus incisive des pays à faible coût de main-d'oeuvre. Les pressions exercées sur l'Union européenne pour ouvrir davantage son marché agricole sont également ressenties douloureusement, l'Union étant mise en accusation alors même qu'elle est l'un des marchés les plus ouverts au monde.

Faut-il, dans ce contexte, relancer la « préférence communautaire » qui, historiquement, est liée à la politique agricole commune, mais pourrait s'appliquer à d'autres secteurs ? De nombreuses voix s'élèvent en ce sens, mais la relance d'une telle stratégie, apparue il y a soixante ans, ne manque pas de poser des questions dans un monde qui a considérablement évolué.

1. Une posture défensive mise à mal par la libéralisation

a) Un outil tarifaire inutilisable pour des raisons juridiques

L'objectif de la politique commerciale commune de l'Union européenne, énoncé à l'article 131 du Traité instituant la Communauté européenne, est de « contribuer, conformément à l'intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et à la réduction des barrières douanières » .

De fait, la défense d'une « préférence communautaire » entendue comme un relèvement des droits de douane pour bloquer l'entrée de produits dans l'Union européenne irait à l'encontre des dispositions du traité mais aussi à contre-courant des engagement pris par les Communautés européennes auprès de l'Organisation mondiale du commerce .

L'Union européenne a en effet « consolidé » ses droits de douane à l'OMC au niveau effectivement appliqué (3 ( * )) . Ainsi, l'Union européenne ne peut, sans conséquence, relever ses droits de douane au-dessus du niveau des droits de douane consolidés. Si l'Union européenne voulait relever ses droits de douane sur certains produits, elle devrait offrir et négocier avec ses partenaires des compensations commerciales d'importance identique à la « déconsolidation » ainsi opérée, par exemple sous la forme d'une baisse du droit de douane sur un autre produit.

A titre d'illustration, des États ont tenté de relever leurs droits de douane sur certains produits, mais sans succès. Ce fut le cas des États-Unis avec le relèvement des droits sur les importations d'acier. En mars 2002, les États-Unis avaient en effet décidé d'appliquer des droits supplémentaires de 8 % à 30 % sur les aciers importés, pour une durée de trois ans, afin de protéger leur industrie. Ils ont été condamnés en novembre 2003 par l'Organe de règlement des différends de l'OMC.

Les négociations au sein de l'OMC entraînent donc mécaniquement une érosion de la préférence communautaire et une baisse des droits, même si le principe reste présent.

* (3) Cette précision est importante dans la mesure où les pays en voie de développement ont consolidé certains de leurs droits de douane au-dessus du niveau effectivement pratiqué, afin de conserver une « marge de manoeuvre ».

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