2. Passer à une conception offensive d'exportation du modèle européen

a) De la préférence communautaire « aux » préférences communautaires

Certaines « préférences communautaires » peuvent-elles être acceptées par l'Organisation mondiale du commerce ? L'Union européenne peut-elle affirmer une préférence collective pour une agriculture durable, pour le respect de l'environnement, l'aménagement du territoire ou le bien être animal sans être sanctionnée ?

Les règles de l'OMC ne s'opposent pas à des décisions restrictives au commerce liées à l'environnement ou à d'autres préférences collectives, dans la mesure où elles ne traduisent pas une discrimination à l'égard de certains pays. Toute discrimination devrait en revanche être compensée.

Ces dispositions figurent à l'article XX de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT).

Article XX du GATT (extrait)
Exceptions générales

Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien dans le présent Accord ne sera interprété comme empêchant l'adoption ou l'application par toute partie contractante des mesures

(...)

b) nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux ;

(...)

d) nécessaires pour assurer le respect des lois et règlements qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent Accord, tels que, par exemple, les lois et règlements qui ont trait à l'application des mesures douanières, au maintien en vigueur des monopoles administrés conformément au paragraphe 4 de l'article II et à l'article XVII, à la protection des brevets, marques de fabrique et droits d'auteur et de reproduction et aux mesures propres à empêcher les pratiques de nature à induire en erreur ;

(...)

g) se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales ;

Des mesures relatives à la protection de la santé et de l'environnement peuvent donc être prises par l'Union. En font par exemple partie les mesures relatives à la protection des espèces, mais à la condition qu'elles soient justifiées et non discriminatoires, ce qui n'est pas toujours le cas, comme l'illustre l'exemple du contentieux « crevette-tortues » porté devant l'OMC en 1997.


Inde etc.c/États-Unis: l'affaire « crevettes-tortues »

Au début de 1997, l'Inde, la Malaisie, le Pakistan et la Thaïlande ont déposé conjointement une plainte au sujet de l'interdiction d'importer des crevettes et des produits à base de crevettes imposée par les États-Unis. La protection des tortues marines était la raison d'être de l'interdiction.

Dans son rapport, l'Organe d'appel a clairement dit qu'au titre des règles de l'OMC, les pays ont le droit de prendre des mesures commerciales pour protéger l'environnement (en particulier la santé des personnes, des animaux ou la préservation des végétaux) ainsi que les espèces en voie d'extinction et les ressources épuisables. Il ne revient pas à l'OMC de leur « accorder » ce droit.

L'Organe d'appel a également dit que les mesures visant à protéger les tortues marines seraient légitimes au regard de l'article XX du GATT, qui énonce diverses exceptions aux règles commerciales normales de l'OMC, sous réserve que certains critères, notamment la non-discrimination, soient respectés.

Les États-Unis n'ont pas eu gain de cause dans cette affaire, non pas parce qu'ils tentaient de protéger l'environnement, mais parce qu'ils établissaient une discrimination entre les membres de l'OMC . Ils accordaient aux pays de l'hémisphère occidental - essentiellement dans les Caraïbes - une assistance technique et financière et des délais de transition plus longs pour que leurs pêcheurs se mettent à utiliser des dispositifs d'exclusion des tortues.

Ils n'accordaient cependant pas les mêmes avantages aux quatre pays d'Asie (Inde, Malaisie, Pakistan et Thaïlande) qui ont porté plainte devant l'OMC.

Source : Organisation mondiale du Commerce

Sous réserve de ces exceptions, en l'état actuel de son fonctionnement, l'OMC ne traite pas directement de sujets annexes aux questions commerciales .

L'environnement est en effet un sujet traité dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies, et c'est dans ce cadre qu'a été signé le Protocole de Kyoto sur le changement climatique ; les droits sociaux sont traités par l'Organisation internationale du travail (OIT) ; la question de la diversité culturelle est prise en charge par l'UNESCO.

Il est possible de regretter ce cloisonnement , mais il existe des réticences très fortes pour introduire de nouveaux sujets à l'OMC. La question de l'insertion de normes sociales dans les négociations commerciales avait ainsi été posée aux sommets de Seattle et de Doha, mais elle a été rejetée par une grande majorité des États membres. Par ailleurs, le seul fait que des représentants d'institutions ayant en charge ces sujets non commerciaux soient observateurs permanents à l'OMC pose problème et aujourd'hui, la liste des institutions internationales ayant ce statut n'est pas très étoffée : la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ont le statut d'observateurs permanents, mais la demande de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est encore en attente et l'Organisation internationale du travail (OIT) n'est pas représentée.

L'Union européenne a donc choisi la politique suivante : atteindre ses objectifs dans une organisation sectorielle, puis faire le lien entre les accords sectoriels obtenus et les négociations dans le cadre de l'OMC. Ce n'est qu'à ce prix qu'elle a pu créer un mouvement d'entraînement dans le domaine du changement climatique, même si des pays n'ont pas encore signé le Protocole de Kyoto (États-Unis, Brésil, Australie) et, plus récemment, dans le domaine de la diversité culturelle avec la Convention signée à l'UNESCO.

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