3. Intervention de Mme Josette Durrieu sur la Moldavie, en tant que co-rapporteur

« La République de Moldavie est membre du Conseil de l'Europe depuis plus de dix ans. Elle est encore et toujours sous monitoring. Voilà un petit pays qui se heurte à beaucoup de problèmes. Il n'empêche que la République de Moldavie vit une période de relative stabilité politique autour du Parti communiste, ce qui fait de ce pays du Conseil de l'Europe l'un des plus originaux en termes politiques.

La République de Moldavie a besoin d'engager de profondes réformes. C'est une des raisons pour lesquelles le monitoring dure. Ces réformes nécessaires dépendront d'une volonté affirmée, laquelle s'est aujourd'hui exprimée, notamment à travers le discours prononcé par le Président du Parlement. Nous formons tous des voeux sincères pour que le programme et l'échéancier qu'il a évoqués deviennent réalité.

La République de Moldavie est confrontée à des difficultés économiques et à des problèmes sociaux. Nous ne saurions nous en étonner : on a pour habitude de dire que c'est le pays le plus pauvre du Conseil de l'Europe. Peut-être n'est-ce pas vrai ? Je garde le souvenir de l'OCDE qui, au début, considérait qu'il était le meilleur élève de la classe.

Depuis dix ans, ce pays a des difficultés, accentuées par le fait que la République de Moldavie est privée de la Transnistrie, la partie la plus riche économiquement de son territoire. En effet, c'est là que se trouvent 56 % des biens de consommation, 87 % de l'électricité et plus de 30 % du potentiel industriel. La question de la Transnistrie est donc placée au coeur de tout. Le Président du Parlement parlait ce matin de «lourd fardeau». Quel fardeau en effet ! Espérons que le dialogue puisse être engagé à la suite des propositions formulées par l'Ukraine, qui, je l'espère, seront reprises par la Fédération de Russie, présente avec ses armes, ses stocks, ses troupes et qui peut-être exprimera la volonté de faire avancer le dialogue. C'est à cette seule condition que la situation pourra évoluer.

Nous sommes attachés à ce pays d'Europe qui a vraiment sa place en Europe. Que chacun le soutienne ! »

4. « Graves violations des droits de l'homme en Libye »

Dans ce débat, M. Yves Pozzo di Borgo a manifesté ses sentiments d'inquiétude et de révolte en ces termes :

« Nous avons tous en mémoire, après les premiers ravages du sida, l'incertitude qui se prolongea sur ses causes et sur les modes de contamination. Ce retard dans la compréhension de la maladie a entraîné des millions de contaminations et de drames individuels.

Je pense être votre interprète, comme plusieurs de mes collègues ici présents, en exprimant ma profonde compassion envers les malades, en particulier les enfants et, bien sûr, les enfants libyens porteurs du virus. Je peux comprendre, comme beaucoup de nos collègues, que des parents fous de douleur et d'angoisse cherchent des responsabilités, comme ce fut le cas en France aussi.

En revanche, les autorités politiques doivent s'interroger sur les dysfonctionnements administratifs et sanitaires qui ont pu favoriser la diffusion du virus, comme ce fut le cas en France et dans d'autres pays. En aucun cas, les autorités ne doivent jeter en pâture à leurs opinions de prétendus coupables, alors même que des soignants se dévouaient pour soigner des enfants. Il n'y a pas de responsabilité pénale quand il n'y a pas d'intention de nuire. C'est un principe fondamental et universel du droit pénal.

Les cinq infirmières et le médecin palestinien qui sont emprisonnés depuis février 1999 ont été victimes d'une parodie de procédure et de jugement les condamnant à mort. De prétendus aveux extorqués sous la torture ont été retenus contre eux. Les responsables de ces violences, accompagnées même de viols, - je rappelle que c'est un crime très grave - ont été innocentés alors que certains d'entre eux avaient reconnu ces crimes.

La recommandation que nous allons adopter apparaît alors comme l'une des dernières chances, sinon la dernière, d'appeler les autorités libyennes à revenir sur un acharnement inacceptable en mettant fin à un déni de justice.

Mes chers collègues, notre devoir est de parler sans ambages à ces autorités. Je suis en désaccord avec notre collègue russe. La diplomatie appartient à l'exécutif, mais si le Conseil de l'Europe ne dit pas le droit, qui le dira ?

L'Union européenne a adopté un plan d'action d'aide médicale aux enfants touchés par le virus. Nous devons apporter notre soutien à ce plan. Mon propre pays, la France, a accueilli, dès le printemps 1999, des dizaines d'enfants pour les soigner afin qu'ils retournent dans leurs familles avec un protocole de traitement destiné à les sauver, protocole très efficace qui a beaucoup d'effet en France. Or le ministre libyen a indiqué que ces protocoles n'avaient pas été mis en oeuvre. Cela n'est pas acceptable de la part de ces autorités.

Sans m'immiscer dans les affaires intérieures libyennes, je m'interroge sur l'emploi des fonds surabondants dont ce pays doit disposer à cause de la hausse des prix des hydrocarbures dont il est exportateur. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler les articles de la presse people sur les frasques financières des enfants du régime. Je ne suis pas loin de penser que l'incarcération des personnels soignants, sans aucune garantie de procès légal, s'apparente à une prise d'otages accompagnée d'une demande de rançon et qu'elle a pour but de faire oublier les lacunes administratives et sanitaires de ce pays.

Sans même évoquer la détérioration de la santé de plusieurs de ces personnes, menaçant leur vie même, c'est une épreuve injuste qui leur est infligée depuis sept ans. Nous sommes en colère et nous nous sentons impuissants. C'est pourquoi j'approuve pleinement la suggestion contenue dans l'amendement n° 4, ou plutôt dans la rédaction que lui donne le sous-amendement de la commission des questions juridiques, à l'initiative de mon collègue Dreyfus-Schmidt, d'envoyer une délégation en Libye pour rencontrer le chef d'État et suivre le procès en appel qui devrait s'ouvrir à partir du 15 novembre.

Je forme le voeu ardent que les autorités libyennes qui aspirent à retrouver leur place parmi les États de droit renoncent à une obstination dans l'erreur qui risque d'entraîner la mort de soignants dévoués et ainsi d'entacher à nouveau, et pour longtemps, la réputation de la Libye. »

Dans la discussion de la proposition de Recommandation 1726, M. Michel Dreyfus-Schmidt a fait adopter un amendement afin que l'Assemblée envoie une délégation en Libye avant le jugement d'appel, attendu le 15 novembre (3 ( * )) , proposition qu'il défend en ces termes :

« Tous les moyens doivent être utilisés pour arriver à sauver le médecin palestinien et les cinq infirmières. Dans ce dessein, il faut faire appel à tout le monde, mobiliser tous ceux qui peuvent agir. Je pense en particulier aux héros palestiniens. Il n'y a pas de frontières en la matière. C'est une question de droits de l'homme, qui donc nous concerne directement, nous, Conseil de l'Europe.

C'est pourquoi nous demandons la formation d'une délégation, tout de suite ! Pas après ! J'ajoute : et au plus haut niveau, avec le Président de l'Assemblée, le Secrétaire général et quelques autres, pour rencontrer le Président Khadafi, pour lui expliquer que s'il veut entrer dans le concert des Nations, il doit faire un geste, parce que le monde le regarde, parce que nous le regardons, parce que tout le monde le regarde. Il faut ensuite assister au procès. Des ONG seront présentes. Si de nombreuses ONG y assistent, il est normal qu'il y ait également des représentants de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. »

* (3) Le 15 novembre, la Cour suprême de Libye a renvoyé sa décision au 30 janvier 2006.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page