II. UNE POLITIQUE DE L'ÉNERGIE EMBRYONNAIRE

A. DES BASES JURIDIQUES FRAGILES

1. La marginalisation de la CECA et de l'Euratom

Le projet communautaire initial se fondait sur des préoccupations de politique énergétique, puisque le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) du 18 avril 1951 fait figure de précurseur du traité de Rome de 1958. Le charbon était alors encore la base de la consommation énergétique européenne et une activité économique importante pour les principaux États membres.

Toutefois, le traité CECA a été rapidement vidé de sa substance, à mesure que les hydrocarbures se substituaient au charbon dans le fonctionnement des économies des États membres et que l'extraction de charbon se tarissait en Europe. Au terme de son évolution, le traité CECA n'a pas été renouvelé en 2002 et ses activités résiduelles ont été placées dans le cadre du traité instituant la Communauté européenne.

Contemporain du traité de Rome, le traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) signé à Rome le 25 mars 1957 était originellement très ambitieux. Réglementant un secteur de haute technologie, qui apparaissait de surcroît comme un paramètre fondamental de la puissance, le traité Euratom devait constituer un soubassement important de la construction de l'Union européenne.

Ainsi, le traité Euratom avait à l'origine comme ambition d'organiser sur le territoire de la Communauté l'ensemble d'une activité économique à l'époque nouvelle, la filière électronucléaire. Sans être un échec complet, il n'a pas eu le succès escompté. Différentes raisons permettent d'expliquer pourquoi les accomplissements du traité Euratom ne sont pas à la hauteur de ses ambitions initiales.

Sur un plan juridique, le traité Euratom a voulu établir, dans un secteur en pleine évolution, une législation détaillée qui s'est trouvée rapidement dépassée. C'est là une différence fondamentale par rapport au traité CEE, qui est un traité-constitution sur la base duquel toute une législation dérivée peut être adaptée aux circonstances sans qu'il soit forcément nécessaire de le réviser.

Sur un plan institutionnel, l'Euratom a paradoxalement pâti du succès de la Communauté économique européenne, qui a absorbé certaines de ses fonctions. La recherche nucléaire, tâche essentielle d'Euratom, est ainsi devenue une simple composante du programme-cadre de recherche communautaire.

Si certaines parties de l'exécution du traité Euratom ont conflué avec celle du traité CEE, d'autres ont dû être coordonnées avec l'exécution d'autres traités internationaux au point de perdre leur intérêt propre. C'est notamment le cas du contrôle de sécurité exercé par Euratom dans les États membres en étroite coordination avec le système des garanties de l'AIEA.

Enfin, sur un plan économique et politique, l'hypothèse faite en 1957 d'un grand développement de l'énergie nucléaire en Europe ne s'est pas concrétisée. À l'époque, on pouvait légitimement penser que le secteur nucléaire, dans lequel aucun État membre n'avait encore d'intérêts bien établis, offrait une occasion unique d'intégration européenne en permettant de développer un pan entier d'industrie directement au niveau communautaire, sans passer par la fusion progressive d'intérêts nationaux.

Dans les faits, l'énergie nucléaire s'est développée en Europe dans certains des États membres seulement, et sur des bases essentiellement nationales. Aujourd'hui, il s'agit d'un secteur peu consensuel, où les intérêts nationaux sont particulièrement marqués.

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