C. L'ABSENCE DE PILOTAGE GLOBAL

1) Compte tenu de ces structures administratives, le pilotage de la fonction immobilière ne pouvait être assuré de façon satisfaisante, même si des efforts ont été faits pour mieux cadrer l'action du ministère et lui donner des objectifs à plus long terme. En effet, l'organisation qui vient d'être décrite ne donnait à aucun des acteurs de la fonction immobilière un rôle pilote. Comme l'a indiqué le ministère de l'équipement au cours du contrôle, « pour la politique immobilière, seule la formalisation de celle-ci [était confiée à la DAFAG] en concertation avec l'ensemble des directions d'administration centrale responsables des politiques de gestion sectorielles (DPSM, DR, DGAC, DT et DAFAG-LCV) ».

Au sein même de la DAFAG, le bureau de la politique patrimoniale, théoriquement chargé de cette mission, a toujours été dépourvu de moyens, sans autorité sur le bureau de l'immobilier des services déconcentrés de la DPSM, sans lien avec les problématiques foncières du ministère. Il n'a jamais été considéré comme porteur de la volonté de mener une politique immobilière. Pour l'essentiel, son rôle se limitait à offrir un lieu d'échanges et de ressources essentiellement pour les gestionnaires d'administration centrale, chargé d'organiser une certaine coordination horizontale sur quelques dossiers qui ne pouvaient, de toute évidence, être traités par secteur.

2) Cette absence de pilotage global n'a été que faiblement et tardivement compensée par l'élaboration de plans d'ensemble, tels que le « plan de modernisation de la fonction immobilière », conçu à la suite du comité interministériel pour la réforme de l'Etat (CIRE) du 12 octobre 2000 qui a décidé, dans le cadre du développement du contrôle de gestion, d'une professionnalisation de la fonction de gestion du patrimoine immobilier.

Ce document réaffirmait d'abord le principe d'une gestion de l'immobilier par secteurs avant de dresser un bilan des actions menées, lequel se résumait en fait à une reprise de celles mis en oeuvre par la DPSM, rassemblées sous les têtes de chapitres suivantes : formulation d'une stratégie immobilière, prise en compte de la dimension économique, connaissance du parc immobilier, structuration du dialogue de gestion, organisation de la fonction immobilière et valorisation de cette dernière.

En effet, l'introduction du plan 2002-2004 de modernisation de la fonction immobilière du ministère indique de la façon la plus nette que, si « pour le secteur Equipement la période 1998-2001 a été marquée par une très forte volonté de professionnaliser la gestion du patrimoine qui a entraîné une mobilisation remarquable des services déconcentrés [et que] la période 2002-2004 sera, pour ce secteur d'activité, consacrée à la consolidation et à la généralisation des pratiques  [...] pour les autres secteurs d'activité du ministère, Routes, Aviation civile et Mer, également caractérisés par des réseaux de gestionnaires, cette période 2002-2004 sera l'occasion, suivant l'état d'engagement de leur démarche, de s'inspirer ou de se rapprocher de la démarche du secteur Equipement, déjà très fortement installée et bénéficiaire de résultats importants ».

Ce plan prévoyait quatre actions communes à l'ensemble des réseaux de gestionnaires sectoriels et sept « actions spécifiques à un secteur d'activité du ministère » dont trois pour la DPSM et quatre pour la DGAC.

Interrogé sur le bilan de réalisation des quatre actions communes en 2005, le ministère a fait valoir que la nouvelle application GPI² 11 ( * ) avait été déployée à l'automne 2004 dans les secteurs Equipement, Routes et Mer, que le guide d'aide aux gestionnaires pour le suivi et l'évaluation des performances énergétiques avait été réalisé avec le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) en 2003 et mis en ligne sur l'intranet ministériel en 2004, que l'ouverture de celui-ci avait été opérée en 2002 et que les propositions de travaux interministériels avaient été évoquées dans les réunions interministérielles. En revanche, aucun suivi centralisé des actions sectorielles n'a été effectué. De surcroît, à son échéance, le plan 2002-2004 n'a pas été suivi d'un nouveau plan pour la période 2004-2006.

Lors du contrôle, la perspective d'un nouveau plan a cependant été évoquée par le ministère qui a indiqué que « dès stabilisation de la réorganisation en cours des directions d'administration centrale et des services déconcentrés, une nouvelle démarche de ce type devrait être entreprise afin de donner de la lisibilité à l'action des gestionnaires ».

Au total, le plan de modernisation de l'immobilier résulte essentiellement de la reprise des actions menées par la DPSM sous la forme d'un « état des lieux de l'existant », puis de la déclinaison de quelques chantiers ne concernant que certaines directions, enfin de la juxtaposition de quelques actions sectorielles intéressant la DPSM et la DGAC. Si le chantier relatif au système d'information immobilier du ministère (GPI²) aurait pu constituer un des éléments d'un plan global tel que demandé par le CIRE, les autres éléments font défaut : tant au niveau de la stratégie que du dialogue de gestion, de l'organisation de la fonction ou de sa valorisation, ne se dégage aucune piste d'ensemble qui soit commune aux gestionnaires sectoriels du ministère mais seulement une « formalisation » de la politique immobilière existante.

Un véritable plan ministériel donnant de la lisibilité à l'action des gestionnaires fait donc défaut.

3) Seule la DPSM a su développer une fonction de pilotage dans son domaine propre.

Dès la fin des années 1990, parce qu'il était confronté à la modicité de ses moyens budgétaires dans le domaine immobilier et à  la faiblesse constatée des méthodes et des outils de gestion, le gestionnaire central du secteur « Equipement » a défini, formalisé et engagé une démarche de professionnalisation de la gestion immobilière des services déconcentrés du ministère.

Son plan de modernisation de la fonction immobilière 2002-2004 a constitué un document de cadrage qui guidait l'action des services. Le pilotage de la fonction immobilière était fondé sur des outils de « structuration du dialogue de gestion » : plans pluriannuels de gestion du patrimoine immobilier dans les services déconcentrés, note-circulaire annuelle relative au « plan de maintenance immobilière » élaborée chaque année par la DPSM, méthodologie d'instruction des projets immobiliers.

En revanche, la DAFAG, chargée de « formaliser » la politique immobilière du ministère via son bureau de la politique patrimoniale, s'en est abstenue pour sa propre fonction de gestion de l'immobilier d'administration centrale. La direction n'a pas établi de plan propre et le « plan de modernisation ministériel » n'évoque quasiment pas son domaine d'action.

De même, si la direction des routes est en relation avec les services infrastructures des services déconcentrés pour le patrimoine foncier et le patrimoine bâti des centres d'exploitation, peu d'actions de pilotage ont été mises en oeuvre en matière de gestion du foncier non bâti. Les relations semblent, pour l'essentiel, circonscrites à la maintenance des centres d'exploitation et des parcs routiers et à des dossiers spécifiques : aliénation de terrains ou projet de restructuration de bâtiments relevant de la DR.

Quant aux secteurs de l'Aviation civile et de la Mer, évoqués sommairement dans le plan ministériel, ils n'ont pas conçu de véritable plan en matière immobilière même si la DGAC a évoqué quelques pistes d'action tandis que l'administration de la Mer a mis en oeuvre une stratégie de cession de biens immobiliers.

La démarche de pilotage actif de la politique immobilière est ainsi demeurée restreinte à la seule DPSM.

4) Dans les services déconcentrés, l'organisation de la fonction immobilière repose sur les secrétaires généraux, les responsables des moyens généraux et les responsables locaux. Le pilotage de la fonction immobilière s'appuie en principe sur un « plan de gestion pluriannuel du patrimoine immobilier » (PGPPI) dont la DPSM a prescrit l'élaboration par note du 5 avril 2000. Ce document doit comprendre quatre volets principaux : une analyse descriptive du patrimoine immobilier géré, une description de l'organisation de la fonction gestion du patrimoine immobilier au sein du service, les orientations stratégiques du service en matière de gestion du patrimoine, un programmation des travaux de maintenance prioritaires sur une durée de trois à cinq ans.

L'élaboration des PGPPI a été à nouveau exigée dans le plan de modernisation immobilière 2002-2004 de la DPSM, mais celui-ci indiquait que, deux ans après leur lancement, « seule une douzaine de ces documents ont été validés par la DPSM ». Le bilan de mise en oeuvre des PGGPI à mi-2005 reste, pour le moins, décevant : en effet, vingt services à peine sont dotés d'un plan approuvé.

Lors du contrôle, le ministère a imputé cet échec, d'une part à l'absence de perspective réelle de mise en oeuvre liée à l'exiguïté des moyens financiers qui conduisent à reporter les opérations programmées, d'autre part au processus de décentralisation qui a conduit à différer la réflexion sur l'avenir d'un patrimoine dont la consistance n'est plus certaine. Cependant, le ministère a fait valoir que si 20 services étaient dotés d'un PGPPI approuvé, « plus globalement, c'est l'ensemble de la fonction immobilière qui a progressé en qualité de management de ce domaine ainsi que la description du parc immobilier » et que « en 2004, la préparation de la mise en oeuvre de la loi du 13 août 2004 a conduit la DPSM à solliciter l'ensemble des services à produire un projet de service, intégrant un volet immobilier. La programmation immobilière a également retenu le caractère prioritaire des opérations s'inscrivant dans le cadre de ces projets de service. Il s'agit d'accompagner au mieux les réorganisations nécessaires ».

Seuls certains des services déconcentrés examinés, disposent de PGPPI. Il en est ainsi de la DDE de la Loire qui a édité un « plan de gestion pluriannuel du patrimoine » en mars 2001. C'est aussi le cas de la DDE des Bouches-du-Rhône qui a conçu un « plan pluriannuel d'entretien et de maintenance immobilière » pour les années 2002 à 2006 ou de la DDE des Yvelines qui dispose d'un document intitulé « gestion du patrimoine immobilier » en date du 5 décembre 2000. En revanche, la DDE d'Eure-et-Loir a répondu qu'« il n'existe pas de plan de gestion immobilière formalisé en DDE d'Eure-et-Loir » mais que « toutefois, une série d'actions ont été conduites sous l'impulsion des deux réorganisations de 1994 et 2000 liées à la décentralisation ». La DDE des Hauts-de-Seine ne dispose pas non plus d'un tel document « en raison du nombre limité d'implantations occupées à terme par la DDE ».

Lorsqu'ils existent, les PGPPI constituent un instrument de pilotage intéressant, mais leur contenu gagnerait à être homogène d'un service à l'autre, afin de permettre des synthèses nationales. Lorsque les bâtiments mis à disposition des départements dans le cadre de la nouvelle étape de la décentralisation auront été désignés, il conviendra de relancer leur élaboration pour le parc restant du ressort de l'Etat.

Il faut ajouter que les préfets, responsables de l'immobilier des services déconcentrés de l'Etat, doivent normalement produire un schéma départemental des implantations immobilières des services de l'Etat selon les dispositions d'une circulaire du Premier ministre du 29 octobre 1994 : ils faisaient défaut dans nombre de départements, ainsi que l'a souligné le rapport public particulier de la Cour de novembre 2003, relatif à la déconcentration des administrations et la réforme de l'Etat. Si, par exemple, un tel schéma est en oeuvre dans le département de l'Aveyron , la DDE participant à son établissement, ou dans le département des Yvelines , où il reprend la situation des implantations de la direction de manière cohérente avec le PGPPI, l'évolution des besoins à terme et les prévisions de travaux de gros entretien et de rénovation, la DDE des Bouches-du-Rhône , indique en revanche, de manière assez surprenante que « le service n'est pas concerné par un schéma départemental des implantations des services de l'Etat ».

* 11 Les caractéristiques et les limites de cet instrument sont analysées infra.

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