CONCLUSION

Vos rapporteurs spéciaux formulent des voeux de croissance harmonieuse au « dernier-né » des organismes prospectifs français .

Si l'efficacité et l'utilité du Centre d'analyse stratégique (CAS) devront s'apprécier dans la durée, la création du CAS s'est effectuée sur des bases saines : la volonté de se conformer au respect d'un calendrier opérationnel précis, l'essor de l'institution sans recours a priori à des moyens budgétaires supplémentaires ou l'intégration de la dimension communautaire des politiques publiques, constituent autant de prises en compte des limites atteintes par l'ancien Commissariat général du Plan, après la fin de la « planification à la française » .

A cet égard, vos rapporteurs spéciaux jugent indispensable que des objectifs précis soient assignés au CAS : l'élévation du rythme de croissance économique, la diminution du chômage ou la réduction des déficits publics constituent les trois angles du « triangle magique » qui doit permettre d'apprécier l'efficacité des politiques économiques et, ce faisant, l'utilité des travaux du CAS. La responsabilité de définir ces objectifs incombe au gouvernement, et tout d'abord au Premier ministre sous l'autorité duquel est placé le nouvel organisme.

Encore faut-il que le CAS ne reproduise pas les dysfonctionnements de son prédécesseur : des méthodes d'analyse rigoureuses, une association sans ambiguïté des personnalités extérieures, constituent autant de gages de réussite d'un organisme qui doit pouvoir s'appuyer sur l'indépendance de ton et la liberté d'analyse qui avaient donné toute sa légitimité au Plan dans le paysage institutionnel français .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 13 juin 2006 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission des finances a entendu une communication de MM. François Marc et Michel Moreigne, rapporteurs spéciaux de la mission « Direction de l'action du gouvernement » , sur le contrôle relatif au Centre d'analyse stratégique (ex-Commissariat général du Plan), mené en application des dispositions de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

M. Michel Moreigne, corapporteur spécial, a souligné que le choix de ce thème de contrôle budgétaire, en janvier 2006, était motivé par des débats de fond, récurrents, mais aussi par un contexte spécifique.

S'agissant des débats de fond sur l'ex-Plan, il a rappelé qu'il avait lui-même été, naguère, rapporteur spécial de ces crédits. Il a souligné que trois questions lui avaient paru essentielles. Tout d'abord, il s'est interrogé sur l'avenir pour le Plan après la fin de la « planification à la française ». Puis il s'est demandé quelles missions confier à un organisme dont les effectifs s'élevaient à 192 emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT) et dont le budget dépassait 19 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2006. Enfin, il a attiré l'attention sur les moyens d'améliorer le fonctionnement interne des groupes de travail, compte tenu des observations qu'avait formulées sa collègue Nicole Bricq, alors rapporteure spéciale des crédits du Plan, dans son rapport d'information de juin 2005, qui portait un titre prémonitoire, « Commissariat général du Plan : à suivre... ».

Il a noté que les éléments de contexte avaient pleinement justifié la conduite d'une nouvelle mission de contrôle budgétaire. Il a rappelé que, le 28 octobre 2005, M. Alain Etchegoyen, alors commissaire général du Plan, avait démissionné de ses fonctions pour protester contre la transformation annoncée du Plan en un nouvel organisme. Il a précisé que la transformation du Plan avait ainsi été menée à bien par le successeur de M. Alain Etchegoyen, Mme Sophie Boissard. La phase finale de cette « mue » avait été la parution, au Journal officiel du 6 mars 2006, d'un décret créant le Centre d'analyse stratégique (CAS). Trois mois plus tard, il s'est donc interrogé sur le regard que l'on pouvait porter sur le « tout nouveau CAS », ainsi que sa place dans le paysage institutionnel français, sans qu'il reproduise les imperfections de l'ancien Commissariat général du Plan.

M. François Marc, corapporteur spécial, a indiqué que le Centre d'analyse stratégique, positionné au niveau interministériel, avait clairement une vocation prospective et d'aide à la décision politique. Il a jugé que ce choix pouvait paraître naturel, mais qu'il n'allait pourtant pas de soi. Après l'abandon des travaux du X e Plan (1989-1993), la question s'était alors posée d'une réorientation vers un rôle d'analyse a posteriori. De même, il a rappelé les projets qui auraient confié au Plan la mission de définir le cadre d'une stratégie pluriannuelle de l'Etat, ce qui allait au-delà d'un rôle indicatif ou incitatif. Au final, il a précisé que le CAS avait une fonction prospective, et non de bilan, et qu'il avait pour mission d'aider à la prise de décision politique, non de définir un cadre politique. Il a cité l'une des phrases de la méthode philosophique selon Socrate, en observant que le Centre d'analyse stratégique permettrait d'opérer une maïeutique, c'est-à-dire d'aider à l'accouchement de la décision politique, après confrontation des différentes opinions au sein des commissions du CAS.

A cet égard, M. François Marc, corapporteur spécial , a noté que le CAS avait déjà défini plusieurs pistes de travail, ambitieuses, en ce qui concernait, par exemple, la politique de la mer ou les perspectives énergétiques. S'agissant des politiques énergétiques, il a précisé qu'un premier rapport devait être présenté en décembre 2006 par la Commission énergie du CAS, présidée par M. Jean Syrota, ancien président de la COGEMA et de la Commission de régulation de l'électricité (CRE). Il a ajouté qu'un rapport définitif serait présenté en avril 2007, « avant la préparation du budget 2008 », comme avait tenu à le préciser Mme Sophie Boissard, directrice générale du CAS, à l'issue de la première réunion du comité d'orientation du Centre d'analyse stratégique, tenue le 30 mai 2006.

M. François Marc, corapporteur spécial , a souligné que la création du comité d'orientation, dont il était membre en sa qualité de sénateur, traduisait une volonté de rationalisation de l'action des organismes publics d'étude ou à vocation prospective. Institué auprès du directeur général du CAS, le comité d'orientation se réunissait au moins deux fois par an, afin d'être notamment consulté sur le programme de travail du CAS. Il a précisé que le comité d'orientation comprenait, entre autres, le président délégué du Conseil d'analyse économique, le président délégué du Conseil d'analyse de la société, le président du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, le président du Conseil d'orientation des retraites, le président du Conseil d'orientation pour l'emploi, ainsi que deux députés et deux sénateurs.

M. François Marc, corapporteur spécial , a indiqué qu'il s'était assuré, en collaboration avec M. Michel Moreigne, que la création du Comité d'orientation s'effectuait à budget constant, dans le seul objectif d'une meilleure coordination entre des intervenants multiples. Mais ils s'étaient interrogés sur l'opportunité d'aller plus loin en envisageant des rapprochements : lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, ils avaient ainsi exprimé le voeu d'un regroupement des crédits du Plan, du Conseil d'orientation des retraites (« le COR ») et du Conseil d'analyse économique (« le CAE ») dans une même action du programme « Coordination du travail gouvernemental ». A cet égard, ils se sont félicités de l'annonce faite en ce sens par Mme Sophie Boissard, lors de son audition par leurs collègues de la commission des affaires économiques et de la délégation pour la planification, le 17 mai dernier : « si le Conseil d'orientation des retraites ne ressortit pas budgétairement du centre [d'analyse stratégique], [elle] a précisé désirer que ce dernier se transforme progressivement en « maison des conseils » intégrant sur une seule plate-forme l'ensemble des structures nationales d'analyse et de prospective, le rapatriement en son sein des crédits consacrés au COR et au CAE dès 2007 devant à cet égard se traduire par une économie pour le budget de l'Etat ». M. François Marc, corapporteur spécial, a rappelé que les crédits du COR et du CAE s'élevaient, respectivement, à 800.000 et 400.000 euros dans le budget 2006.

M. François Marc, corapporteur spécial , a salué un autre progrès : la prise de conscience de la dimension communautaire des politiques nationales. Ainsi, il a cité l'article premier du décret du 6 mars 2006 ayant créé le CAS : le CAS prenait en compte « les objectifs de long terme fixés par les institutions compétentes de l'Union européenne et contribuait à ce titre à la préparation des programmes mis en oeuvre dans le cadre de la stratégie » dite de Lisbonne, à savoir les grandes orientations économiques, sociales et environnementales définies chaque année par les chefs d'Etat et de gouvernement.

M. François Marc, corapporteur spécial , a jugé que le cadre d'activité du CAS était indéniablement clarifié par rapport à l'ancien Plan, mais qu'il convenait également que les structures internes tendent à une organisation optimale. A ce stade, compte tenu de la jeunesse du Centre d'analyse stratégique, il a indiqué que les rapporteurs spéciaux formulaient d'abord des voeux de croissance harmonieuse « du nouveau-né ».

M. François Marc, corapporteur spécial , a indiqué que trois critères étaient apparus déterminants pour le succès du nouveau CAS : la capacité à définir des objectifs opérationnels précis ; des méthodes de travail rigoureuses ; le respect d'un calendrier compatible avec les échéances inhérentes à la prise de décision politique.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, il a jugé nécessaire la formulation d'objectifs et d'indicateurs de performance, au vu de priorités préalablement définies, afin de mesurer l'efficacité de la dépense publique. A cet égard, il a observé que le budget du CAS (19 millions d'euros) représentait une part non négligeable (près de 4 %) de l'ensemble des dépenses de la mission « Direction de l'action du gouvernement ». Il lui apparaissait donc souhaitable qu'un objectif de performance soit défini pour le CAS, ce qui n'était pas le cas actuellement, au niveau soit du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du gouvernement », soit de la déclinaison opérationnelle de ce programme sous forme de budget opérationnel de programme (BOP).

M. François Marc, corapporteur spécial , a observé que, parmi les critères susceptibles d'être retenus, « il ne s'agissait bien évidemment pas de fixer des objectifs quantitatifs, exprimés en nombre de rapports ou de réunions ». Il a indiqué que M. Michel Moreigne et lui-même s'étaient plutôt interrogés sur la possibilité d'analyser l'utilisation des travaux du CAS par les usagers et les administrations, ou encore sur les conditions de traitement des demandes adressées au CAS. Il a cité l'exemple du Médiateur de la République, qui opérait un suivi de la mise en oeuvre de ses recommandations par les administrations. Il s'est demandé si cette démarche ne pourrait pas inspirer le CAS, sans aliéner son indépendance.

S'agissant des modalités de fonctionnement du CAS, M. François Marc, corapporteur spécial , a fait référence aux observations formulées par sa collègue Nicole Bricq, alors rapporteure spéciale du budget du Plan, dans son rapport d'information de juin 2005.

Il a estimé indispensable que le CAS ne reproduise pas les dysfonctionnements de l'ancien Commissariat général du Plan, à savoir des groupes de travail au fonctionnement trop hétérogène, certaines ambiguïtés dans les modalités d'association de personnalités extérieures et une conception floue de la démarche prospective.

A ce stade, il a jugé que les projets en cours traduisaient, déjà, une volonté de rationalisation des méthodes de travail pour améliorer le suivi des travaux, qu'il s'agisse de la création de Commissions internes au CAS ou de la diffusion par mél d'une lettre du CAS.

M. François Marc, corapporteur spécial , a indiqué que le respect d'un calendrier préalablement défini pouvait faire débat. D'une part, il a relevé que l'autonomie du CAS exigeait qu'il ne soit pas contraint par des délais trop stricts. D'autre part, il s'est inquiété que des travaux à trop long terme ne se traduisent pas en mesures politiques concrètes. En effet, le CAS exerçait ses missions « sous l'autorité du Premier ministre », et ce dernier pouvait légitimement attendre les résultats des travaux du CAS dans des délais raisonnables, pour pouvoir éclairer la décision à prendre par le gouvernement.

Pour conclure, M. François Marc, corapporteur spécial , a exprimé sa conviction, partagée avec M. Michel Moreigne, corapporteur spécial, que le succès de la création du CAS s'apprécierait dans la durée, au regard de la capacité du nouvel organisme à aider à la prise de décision politique sur le fondement d'analyses rigoureusement indépendantes.

Après que M. Jean Arthuis, président , eut remercié les rapporteurs spéciaux pour la grande qualité de leurs travaux, un débat s'est ensuite instauré.

M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur les possibles regroupements des différents organismes à vocation prospective en France.

M. Michel Moreigne, corapporteur spécial, a déclaré partager l'objectif d'une rationalisation des structures de contrôle : selon lui, il ne fallait pas sans cesse « contrôler les contrôleurs », ni « expertiser les experts ».

Il a cité l'exemple du transfert, en 1994, des travaux relatifs à l'intelligence économique de l'ancien Plan vers le Secrétariat général de la défense nationale (SGDN), comme l'illustration de la difficulté à délimiter strictement les compétences des divers organismes.

S'agissant du CAS, il a exprimé le voeu que ses travaux se fondent sur quelques préoccupations essentielles : l'impact sur la croissance économique, l'effet sur le marché de l'emploi et les conséquences sur les déficits budgétaires.

M. Jean Arthuis, président , s'est demandé s'il était possible d'envisager une réduction des emplois publics, au regard des effectifs du CAS, qui s'élevaient à 192 emplois équivalents temps plein travaillé dans le projet de loi de finances pour 2006.

M. Michel Moreigne, corapporteur spécial, a répondu qu'il fallait laisser le temps au CAS de faire ses preuves, en se demandant si « le phénix renaîtrait de ses cendres ».

Après avoir rappelé qu'un débat sur la politique énergétique devait être organisé au Sénat le jeudi 15 juin 2006, M. Michel Sergent s'est interrogé sur la capacité du CAS à produire des analyses en temps utile, compte tenu du calendrier des travaux parlementaires.

En outre, il a déploré la faible activité de l'Observatoire national de l'électricité et du gaz, dont il était membre en sa qualité de sénateur : après une première réunion d'installation de l'Observatoire, celui-ci s'était réuni moins d'un an plus tard pour constater qu'il ne disposait pas des moyens nécessaires à un travail efficace, ce qui avait préludé à sa mise en sommeil.

M. François Marc, corapporteur spécial , a précisé le calendrier des travaux de la commission du CAS sur l'énergie : un rapport d'étape devrait être remis en fin d'année, puis un rapport de synthèse d'ici à avril 2007. Il a observé que ces dates étaient compatibles avec la définition d'une politique énergétique nationale, avant la présidence française de l'Union européenne au second semestre de l'année 2008, au cours de laquelle un débat sur l'énergie devrait être engagé au niveau communautaire.

Parmi les autres travaux en cours du CAS, il a précisé que la TVA sociale constituait une piste de réflexion pour une réforme du financement de la protection sociale.

M. Jean Arthuis, président , a demandé des précisions sur l'évolution des crédits du CAS, et plus généralement sur les motifs justifiant le maintien d'un organisme issu de l'ancien Plan, après la fin de la « planification à la française ».

M. François Marc, co-rapporteur spécial , a observé que le CAS envisageait une poursuite de ses activités à moyens constants, mais dans le cadre d'un regroupement des différents services d'études (Conseil d'orientation des retraites, Conseil d'analyse économique, voire Conseil d'analyse de la société) qui auguraient de futures synergies, ainsi que de réelles économies budgétaires.

M. Michel Moreigne, corapporteur spécial, a ajouté qu'il ne fallait pas condamner le CAS dès sa naissance, mais que la commission, par l'intermédiaire de ses rapporteurs spéciaux, serait vigilante sur l'activité du CAS qui devait, en tout état de cause, rester sous l'autorité du Premier ministre.

La commission a alors, à l'unanimité, donné acte à MM. François Marc et Michel Moreigne, rapporteurs spéciaux, de leur communication et décidé d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information .

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