2. Une problématique générale : la réintroduction de mécanismes régulateurs

a) Les mesures de responsabilisation des assurés sociaux

La responsabilisation des assurés sociaux dans l'utilisation du système de santé constitue un outil de maîtrise des dépenses de santé.

Cette responsabilisation peut revêtir diverses formes : une responsabilisation financière avec l'introduction de mécanismes plus contraignants de pénalisation financière ; une incitation au développement de comportements vertueux par le biais notamment de la promotion de la prévention ou du recours systématique aux médicaments génériques ; une action volontariste sur les taux de prise en charge via une réflexion sur les champs respectifs de l'assurance obligatoire et de l'assurance complémentaire.

Pour mémoire, on peut souligner qu'alors que la participation financière des patients passe en France principalement par le ticket modérateur qui s'applique de manière uniforme à tous les assurés, quels que soient notamment leurs revenus, nombre de nos voisins étrangers ont mis en oeuvre différents outils (franchise, participation forfaitaire, plafonnement du reste à charge) et modulent cette responsabilisation en fonction du comportement et des caractéristiques des assurés (leur revenu notamment).

Cette responsabilisation des assurés sociaux impose notamment de faire des choix structurels en termes d'organisation du système de soins, de périmètre du remboursement ou encore de définition du champ de l'assurance maladie obligatoire.

(1) Aborder sans a priori la question de la redéfinition du champ de l'assurance maladie obligatoire

La délimitation du champ de l'assurance maladie obligatoire impose de mener une réflexion structurelle sur le remboursement : que doit-on rembourser et à quel taux ?

Ainsi que le rappelait le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie dans un document de travail daté du 20 novembre 2003, « à partir de systèmes de paiement qui, pour beaucoup, ne diffèrent pas radicalement du nôtre en niveau global de prise en charge, les pays étrangers sont tous engagés dans une politique d'ajustements qui resserrent les conditions de remboursement et soulagent les régimes obligatoires ». Ainsi, pour diminuer la prise en charge publique, sans solliciter trop les ménages qui exposent les plus fortes dépenses, a fortiori lorsque leur revenu est faible, ils mettent souvent en oeuvre des mécanismes de franchise ou de plafonnement du reste à charge (fixé, le cas échéant, en fonction du revenu).

Dès lors, la révision du système de prise en charge publique impose de redéfinir le périmètre remboursable des biens et services offerts aux usagers du système de soins et dont le coût est, en tout ou partie, pris en charge par les assurances maladie obligatoire et / ou les assurances complémentaires.

Il faut savoir qu'en France, à la différence de nombreux pays étrangers, l'assurance maladie complémentaire intervient plus en complément « tarifaire » qu'en complément « thématique » par rapport à l'assurance obligatoire. En effet, le périmètre du remboursable est celui de l'assurance maladie obligatoire. Il pourrait ne pas recouper exactement celui des contrats d'assurance complémentaire les plus courants . C'est le cas dans plusieurs pays étrangers, où certains biens et services, répondant à la définition de biens et services de santé (kinésithérapie, prothèses dentaires, etc.), sont exclus du périmètre remboursable de l'assurance obligatoire. En France, on peut considérer que, le plus souvent, l'assurance maladie complémentaire, se borne à améliorer le taux de remboursement des prestations élues par l'assurance obligatoire.

Dès lors, on pourrait proposer, dans le cadre d'une réflexion globale sur la gestion du périmètre remboursable, que, en contrepartie de l'introduction de produits ou techniques coûteux et de l'amélioration de certains niveaux de remboursement, les produits ou services considérés comme moins prioritaires, ou devenus relativement moins efficaces du fait de l'introduction d'une nouveauté, soient sortis du périmètre remboursable, sur des bases objectives et transparentes.

Cette possibilité de révision du périmètre remboursable suppose toutefois de disposer de connaissances documentées sur l'utilité et l'efficience des produits et services médicaux ainsi que de pouvoir réexaminer de façon systématique et régulière ce périmètre, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui en France en dehors des médicaments et dispositifs médicaux inscrits de manière non générique.

Plus globalement, la question de la répartition des interventions entre l'assurance maladie obligatoire et les assurances complémentaires en matière de dépenses de santé doit pouvoir nourrir la réflexion sur la réintroduction de mécanismes régulateurs.

A cet égard, on peut citer le rapport du groupe de travail de la Commission des comptes de la sécurité sociale, présidé par M. Jean-François Chadelat, du mois d'avril 2003, selon lequel cette répartition n'est pas le résultat de choix explicites et rationnels. En effet, malgré les enjeux qu'elle recouvre, la répartition actuelle est le produit d'une succession de décisions techniques, parfois anciennes, plutôt que d'une approche d'ensemble, et n'a donc jamais fait l'objet d'un réel débat public.

Ce rapport estime qu'il est certes illusoire de penser, au regard des masses financières en jeu et des déterminants de la croissance des dépenses de santé, qu'une réforme de la répartition des interventions entre assurance maladie obligatoire et assurances complémentaires puisse résoudre les difficultés financières de l'assurance maladie. Cependant il serait regrettable de se priver de la contribution que cette réforme pourrait apporter, ne serait-ce que par la mise en place d'une meilleure gestion du risque.

En termes de pistes de solution, ce rapport préconise la création d'une « couverture maladie généralisée » et l'instauration d'une coopération nouvelle et approfondie entre les organismes d'assurance maladie obligatoire et d'assurance maladie complémentaire, fondée sur le copaiement et la corégulation. Le copaiement supposerait la définition commune par les organismes obligatoires et complémentaires du panier de soins sous l'arbitrage de l'Etat et la corégulation reposerait sur l'association des assurances maladie complémentaires à la gestion du risque.

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