II. LES CONTRATS DE PAYS VUS PAR LA DÉLÉGATION INTERMINISTÉRIELLE À L'AMÉNAGEMENT ET À LA COMPÉTITIVITÉ DES TERRITOIRES (DIACT)

(février 2006)

Votre rapporteur juge utile de rappeler les constats et les principales observations formulés par le conseil général du génie rural et des eaux et forêts (CGGREF) sur les démarches contractuelles des pays à la suite d'une demande de la DATAR devenue DIACT (délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires).

Le cahier des charges, remis au printemps 2005 au CGGREF, retenait pour objectif « de formuler rapidement des préconisations relatives à l'élaboration d'un volet territorial renouvelé dans la prochaine génération contractuelle ».

A cet effet, le CGGREF a procédé :

- à une lecture exhaustive des 283 contrats de pays signés par l'Etat en métropole au moment du lancement de l'étude ;

- par l'envoi d'un questionnaire aux services généraux d'administration régionale (SGAR) et aux conseils régionaux concernés ;

- par la visite d'un échantillon de 15 pays à raison de trois dans chacune des régions Auvergne, Bourgogne, Bretagne, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées

- par des entretiens avec les responsables des organisations nationales les plus concernées par la problématique des contrats de pays.

Deux séries de questions évaluatives ont été ainsi établies :

- sept questions relatives aux finalités des contrats de pays,

- quatre questions relatives à leur mise en oeuvre.

Les sept premières étaient les suivantes :

- les contrats de pays renforcent-ils les solidarités réciproques entre la ville et l'espace rural ?

- les contrats de pays apportent-ils une valeur ajoutée au développement durable des territoires ?

- les contrats de pays contribuent-ils à l'organisation des territoires ?

- les contrats de pays ont-ils un impact sur la gouvernance locale ?

- les contrats de pays permettent-ils une meilleure territorialisation des politiques publiques ?

- les contrats de pays ont-ils un impact sur l'organisation interne des services de l'Etat et de la Région ?

- résultent-ils d'une réelle démarche de projet se situant au-delà de l'opportunité financière ?

Les quatre autres étaient :

- quel est le degré de cohérence entre les contrats de pays et les autres démarches territoriales existantes ?

- les contrats de pays constituent-ils un réel cadre pour la coordination des interventions de l'Etat, de la Région et du département autour de la charte ?

- le suivi des contrats de pays est-il convenablement assuré ?

- leur évaluation est-elle convenablement assurée ?

Les principaux constats, formulés dans l'étude publiée au mois de février 2006, s'articulent autour de dix-sept points.

Sept sont plutôt positifs.

o La démarche contractuelle des pays a connu, sur le plan quantitatif, un succès tardif mais incontestable : les contrats sont, la plupart du temps, signés par l'Etat et la région, les départements s'y associant souvent, même si leur degré d'engagement réel est variable.

o Le contenu des documents signés est d'une grande diversité ; l'établissement d'une typologie synthétique pertinente est cependant rendu difficile par les diversités liées à la géographie des pays ou au statut juridique de leurs structures porteuses.

o Les contrats de pays apportent une valeur ajoutée certaine au niveau du dialogue en ce qu'ils ont supposé un dialogue interne entre élus et société civile et externe entre partenaires financiers.

o Bien que son impact soit manifestement plus faible que la loi Chevènement, la démarche des pays a incontestablement renforcé l'intercommunalité. Tel est le sentiment de 71 % des SGAR qui jugent que les contrats ont généré une augmentation du nombre d'intercommunalités dans 70 % des cas, leur élargissement dans 50 % des cas et l'adhésion de nouvelles communes isolées dans tous les cas. Il est à noter que les pays ayant contractualisé avec l'Etat recensent 1.981 communes isolées soit une moyenne d'environ 7 communes isolées par pays.

o Dans le domaine des services au public, la territorialisation des politiques publiques a été renforcée par l'existence des pays, même si les services des régions semblent avoir tiré, plus que l'Etat, les conséquences de l'émergence de ces territoires en termes d'organisation interne.

o Même si le tiers seulement des contrats de pays rappelle les orientations du programme européen Leader+ ou fait état d'une volonté d'articulation, la cohérence entre les contrats de pays et ces programmes européens est appréciée positivement par 83 % des SGAR et 75 % des régions. Il peut arriver que l'opérateur du programme Leader+ cherche à le rendre autonome des autres démarches territoriales pour des enjeux de pouvoir, mais le plus souvent, la mise en oeuvre du programme européen se déroule de manière satisfaisante, soit que le pays le gère directement, soit que son territoire soit concerné par une telle opération. Par ailleurs, les habitudes de travail prises dans le contexte de l'élaboration d'un tel programme ont souvent facilité la mise en place et le fonctionnement du pays.

o Les contrats de pays ont exercé un réel effet de levier financier. C'est en tous cas la conviction de 57 % des SGAR et de 64 % des régions consultées. Dans de nombreuses régions, les crédits de droit commun dépassent largement ceux du volet territorial, consacrés aux pays, des contrats de plan Etat-Régions : sur un échantillon de 32 contrats examinés par le CGGREF, la part des crédits d'Etat de droit commun dépassait celle des crédits du volet territorial (53 % contre 47 %).

Huit autres constats, en revanche, sont plus pessimistes :

o Les projets retenus par les contrats de pays sont souvent peu structurants et traduisent un incontestable manque de sélectivité : 11 % seulement des contrats examinés sont apparus au CGGREF comme véritablement sélectifs.

o L'articulation charte de développement / contrats de pays / programmation laisse souvent à désirer. Dans le tiers des contrats examinés comportant un programme d'actions, celui-ci suit mal les orientations de la charte.

o L'amélioration de l'articulation urbain / rural, reflétée principalement par la qualité de l'interface pays / agglomération, n'est pas toujours au rendez-vous en dépit du jugement optimiste des SGAR (88 % de taux de satisfaction) et des régions (60 % de taux de satisfaction). Le CGGREF fait observer que six conventions seulement ont été signées entre les agglomérations et les pays alors que 44 pays incluent sur leur territoire une agglomération ayant signé un contrat d'agglomération. Alors que les sujets potentiels de coopération sont nombreux (habitat, déplacements, conflits d'usage, problèmes fonciers...), neuf pays seulement (sur les 142 contrats de pays étudiés pour lesquels une programmation était disponible) avaient prévu la réalisation d'études foncières.

o L'ouverture des pays vers les territoires voisins est assez faible.

o La démarche des schémas de cohérence territoriale (SCOT) tient peu compte de l'existence du pays, sauf lorsque ce dernier en est le porteur. Pour le CGGREF, la moitié seulement des 160 contrats de pays concernés par un périmètre SCOT affiche une volonté d'articulation. Sur les 142 contrats, pour lesquels une programmation était disponible au moment de l'étude, seuls 20 prévoyaient un financement au titre de la réalisation d'un SCOT.

o La cohérence des pays avec les parcs naturels régionaux (PNR) est très inégale mais souvent insatisfaisante. Seul le tiers des pays affiche, dans ses contrats, la volonté de coopérer avec les PNR. La complexité engendrée par le recoupement des territoires inquiète souvent les parcs, qui soulèvent notamment quatre questions :

• comment articuler deux chartes qui n'ont pas la même valeur juridique (la charte du PNR sera dorénavant soumise à enquête publique) ?

• comment ne pas perdre trop de temps dans la concertation quand les deux territoires se recouvrent ?

• comment s'organiser, pour un PNR, pour participer à de nombreuses réunions quand son territoire est recoupé par plusieurs pays ?

• comment harmoniser les évaluations territoriales ?

o Sauf dans le domaine des services au public, la territorialisation des politiques publiques, notamment celles de l'Etat, est encore peu influencée par l'existence des pays. Dans de nombreux cas, les préfets ne semblent tenir aucun compte de l'existence des pays dans la répartition de la dotation générale d'équipement (DGE) et de la dotation de développement rural (DDR). Une majorité de régions critique cette absence de reconnaissance de la part de l'Etat. Ce sont les départements qui apparaissent parfois comme pilotes dans la prise en compte des pays en harmonisant, par exemple, le périmètre de leurs unités techniques territoriales ou de leurs interventions sociales, sur celui des pays.

o Les principes du développement durable sont peu pris en compte dans les contrats de pays dont les projets, au demeurant, n'apparaissent pas toujours très transversaux et pour lesquels la réalisation d'une évaluation effective apparaît douteuse.

Enfin, deux autres constats traduisent les espoirs exprimés par les pays :

- à l'unanimité, ceux-ci soulignent le rôle majeur de l'ingénierie territoriale dans la préparation des chartes, l'élaboration des contrats et dans l'animation des territoires ; une attente forte est exprimée à cet égard par les pays des zones rurales, notamment celles qui connaissent les plus grandes difficultés.

- même si de fortes critiques s'expriment sur le respect par l'Etat de ses engagements financiers, les pays souhaitent le maintien de la présence et de l'intervention de celui-ci dans la politique territoriale.

L'étude d'évaluation formule, ensuite, un certain nombre de préconisations autour de trois axes :

- la mobilisation des marges de progrès,

- la mise en oeuvre d'une évaluation,

- la poursuite de la démarche contractuelle de l'Etat vis-à-vis des pays.

Pour atteindre le premier objectif, le rapport recommande :

• de réviser la charte si nécessaire,

• de mobiliser l'ingénierie territoriale,

• de renforcer la sélectivité,

• d'ancrer la démarche dans le développement durable,

• d'harmoniser les procédures d'élaboration des contrats et de programmation,

• de favoriser l'élaboration d'un contrat unique agglomération-pays,

• de favoriser l'articulation entre les démarches contractuelles.

Pour l'évaluation, il recommande :

• de distinguer l'évaluation du volet territorial du CPER et celle des contrats de pays,

• de distinguer l'évaluation du contrat de pays et l'évaluation des actions programmées,

• de distinguer clairement trois niveaux géographiques d'évaluation,

• d'apporter un appui méthodologique personnalisé,

• d'optimiser le coût de l'évaluation,

• de ne réaliser qu'un seul guide méthodologique en direction des pays, au plan national,

• d'introduire dans le contrat une « conditionnalité » liée à la présentation d'une évaluation intermédiaire,

• d'organiser la collecte des informations nécessaires à l'évaluation.

Sur le troisième point, l'étude formule les propositions suivantes :

• l'Etat doit conserver la même « posture » et ne doit apposer sa signature que sur un contrat unique,

• il doit se mettre en situation d'une meilleure efficacité sur le plan financier et de l'organisation,

• il doit élaborer un cadre national de cohérence pour ses interventions.

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