ANNEXE XV - CONTRIBUTIONS ÉCRITES

1. Contribution écrite de l'Association des maires de France (AMF)

1. Beaucoup appellent de leurs voeux le développement de la chaleur d'origine renouvelable en France. Quelle est votre position sur la question ?

La conjoncture économique et géopolitique mondiale ainsi que la lutte contre le changement climatique doivent clairement orienter la France vers une utilisation plus importante de sources d'énergie renouvelables et une utilisation rationnelle de l'énergie. Des progrès législatifs sont apparus en ce sens en Europe (directive gaz/électricité, directive source d'énergie renouvelable, etc.) mais aussi en France (loi d'orientation énergétique de juillet 2005, projet de loi engagement national pour le logement).

Les collectivités possèdent de véritables leviers d'action en matière d'énergie puisqu'elles gèrent l'habitat, l'urbanisme et les transports, tous forts consommateurs d'énergie. De part leur choix « éco-responsables », les collectivités peuvent aussi infléchir la demande en énergie renouvelable auprès de leur concitoyens.

Le développement d'une source d'énergie renouvelable doit ainsi s'effectuer en fonction d'un contexte local. En particulier, ce choix doit prendre en compte la disponibilité des différentes sources.

L'efficacité énergétique peut quant à elle être mise en oeuvre sur l'ensemble du territoire.

Si la production d'électricité en France repose en large partie sur le nucléaire, secteur faiblement émetteur de gaz à effet de serre, la France s'est néanmoins engagée à consommer à l'horizon 2010, 21 % d'électricité verte.

Pour l'électricité verte, si l'hydraulique est bien exploitée, d'autres sources d'énergie restent insuffisamment valorisées :

- le solaire (le photovoltaïque a pris du retard) ;

- l'éolien ;

- la valorisation du biogaz de méthanisation ou de décharge ;

- la biomasse, dans toutes ses formes (bois-énergie notamment) ;

- les usines d'incinération en cogénération (réseaux de chaleur et production d'électricité).

2. La France et l'Europe semblent avoir pris un certain retard dans développement de la chaleur d'origine renouvelable. Comment expliquez-vous ce retard ?

La France a une position unique dans le monde et en Europe puisqu'elle produit elle-même son énergie électrique (et approvisionne de nombreux Etats limitrophes) à partir d'une source qui n'émet pas de gaz à effet de serre (mais qui pose d'autres problématiques, notamment en termes de gestion des déchets nucléaires). Cette position historique a orienté la politique énergétique française depuis le dernier choc pétrolier.

Par la suite, la raréfaction des sources d'énergie non renouvelables et la prise de conscience de la nécessité de lutter « planétairement » contre le changement climatique ont conduit la France à développer de manière plus importante les sources d'énergie renouvelables.

Cependant, ces dernières années, les questions d'énergies renouvelables ont plus généralement été abordées par l'offre (la production) que par la demande (la consommation). Les politiques européennes et françaises se sont ainsi tournés vers quelques secteurs d'énergies renouvelables comme l'éolien qui a connu un fort essor. Elles visent maintenant à promouvoir toutes les sources d'énergie renouvelables, sans préférences, mais en s'adaptant à un contexte local notamment en termes de disponibilité.

Le retard du développement des énergies renouvelables en France s'expliquent également par la longueur d'instruction des dossiers d'autorisation, l'acceptation du public (syndrome NIMBY), etc.

Bien que n'étant pas encadré législativement en termes d'objectifs, les réseaux de chaleur ont néanmoins connu un développement en France puisqu'il en existe près de 400 dans environ 350 villes françaises, assurant 5 à 6 % des besoins de chauffage en France.

Cependant, un encadrement généralisé du développement de la chaleur d'origine renouvelable (bois, géothermie, valorisation énergétique des déchets, etc.) permettrait d'aboutir plus rapidement à une utilisation plus importante (potentiel estimé à 10 % de la consommation finale d'énergie et plus de 25 % de la consommation finale de chaleur basse température selon la Direction Générale de l'Energie et des Matières Premières - MINEFI).

Il conviendrait de développer les incitations financières ( cf amendement de l'AMF tendant à instaurer une TVA à 5,5 % sur la consommation de chaleur issue de réseaux alimentés majoritairement par des énergies renouvelables)

3. Les collectivités territoriales disposent de plusieurs leviers d'action pour agir en matière d'énergie : construction de réseaux de chaleur, collecte et élimination des déchets ménagers (incinération, décharge), compétences en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire, rôle pédagogique), économies d'énergie... Dans quels domaines les collectivités territoriales peuvent-elles, selon vous, agir le plus efficacement en matière d'énergie ?

La place des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre et la diffusion de pratiques répondant à une logique d'éco-responsabilité en matière d'énergie est tout à fait centrale. En effet, leurs liens de proximité avec les citoyens en font un des maillons essentiels.

En agissant sur l'offre des biens et services dont elles ont la responsabilité, les collectivité territoriales peuvent à la fois constituer une formidable « vitrine » des bonnes pratiques mais aussi participer à infléchir la demande, par la promotion des décisions qui se réfèrent aux critères d'efficacité sociale et environnementale, de responsabilité, d'équité et de sobriété.

Les collectivités disposent de leviers au travers de leur politique d'urbanisme et dans ses différentes composantes (transports, habitat, etc.) mais aussi plus largement au travers de l'aménagement du territoire.

L'action des collectivités se doit d'être transverse. Elle consiste tout autant à renforcer l'efficacité énergétique qu'à développer l'utilisation de sources d'énergie renouvelables.

Les transports et le logement constituent les deux principaux secteurs responsables des émissions de gaz à effet de serre. Les transports représentent 30 % des émissions nationales de CO 2 liées à la combustion d'énergie. Pour sa part, le logement/bâtiment représente 26 % des émissions nationales de CO 2 liées à la combustion d'énergie.

Par ailleurs, les collectivités détiennent directement un pouvoir d'action sur les émissions résultant de la gestion de leur patrimoine (flottes de véhicules, bâtiments publics, etc.) et de l'exercice de leurs compétences (transports, déchets, chauffage urbain, etc.), soit plus de 12 % du total des émissions de gaz à effet de serre en France.

Les leviers clairement identifiés sont donc :

Pour les transports :

- le développement des modes de transport alternatifs via les Plans de Déplacement Urbains (le coût de la congestion est très élevé), de l'intermodalité (Plan de Déplacement d'Entreprises et d'Administration), des véhicules propres ;

- la lutte contre l'étalement urbain en agissant sur l'urbanisme. Les collectivités territoriales disposent d'outils tels le Projet d'Aménagement et de Développement Durable dans les PLU et les SCOT ou encore le PLH.

Pour le logement/bâtiment, les collectivités peuvent agir :

- sur les bâtiments existants : en réalisant des audits de la consommation énergétique (grâce au recrutement de conseillers en énergie) des bâtiments et équipements publics et en faisant coïncider le temps de chauffage des bâtiments avec leurs horaires d'occupation (écoles, gymnases...). Ces démarches permettent d'alléger les charges d'électricité des bâtiments et services concernés ;

- sur le logement à construire : en tenant compte de la dimension énergétique des bâtiments dès leur conception et particulièrement en développant les démarches HQE (Haute qualité d'environnementale), THPE (Très Haute Performance Energétique et en anticipant sur les nouvelles réglementations thermiques. Par exemple, un logement ancien d'avant réglementation thermique consomme plus de 200 kWh/m²/an contre potentiellement moins de 50 pour un récent.

Les collectivités jouent aussi un rôle de sensibilisation et de communication auprès des habitants : une campagne de réduction des consommations énergétiques et de développement des énergies renouvelables d'une collectivité territoriale passe nécessairement par la sensibilisation du personnel qui peut reproduire hors de son cadre de travail les gestes éco-responsables.

4. Les énergies renouvelables thermiques sont-elles compétitives sans subvention ni exonération fiscale et quel est leur seuil de rentabilité par rapport au baril de pétrole ? Leur temps moyen de retour sur investissement ? Avec quel taux d'intérêt d'emprunt ?

La chaleur d'origine renouvelable est une solution économiquement compétitive. Par exemple, le passage au bois, lors du renouvellement d'une chaufferie collective originellement alimentée par des énergies fossiles (charbon, fioul, gaz naturel), assure généralement des baisses de la facture de 5 à 10 % sur une durée d'amortissement des installations de 15 à 20 ans (et lorsque l'investissement est aidé à hauteur de 40 à 50 %). Par ailleurs, les réseaux de chaleur alimentés par géothermie et par les usines d'incinérations sont aujourd'hui parmi le moins cher des moyens de chauffage.

L'AMF considère que ne fait pas de distinctions entre les différentes sources d'énergie renouvelables : bois-énergie, biomasse, déchets (biogaz et incinération), géothermie, solaire thermique...

Chaque filière est à promouvoir en fonction du contexte local et de la disponibilité de la ressource.

5. Que pensez-vous de la valorisation énergétique des déchets ?

La démarche « bio-réacteurs » (technique de valorisation énergétique à partir du biogaz de centre de stockage des déchets) est encore trop récente pour dresser un bilan. En revanche, beaucoup de collectivités territoriales se lancent dans des projets de « méthanisation ». L'AMF a d'ailleurs négocié un soutien « méthanisation » dans le cadre du barème Eco-Emballages. Par ailleurs, la Ministre de l'Environnement a annoncé une hausse du tarif de rachat de l'électricité produite à partir du biogaz de décharge et la méthanisation.

6. Les économies d'énergie sont-elles compétitives ? Avec quel temps de retour sur investissement ?

Les économies d'énergie sont d'autant plus compétitives que le prix des énergies fossiles grimpe.

7. La France s'est fixée plusieurs objectifs ambitieux à l'horizon 2010, notamment l'augmentation de 50 % de la chaleur d'origine renouvelable. Ces objectifs sont-ils réalistes ?

La loi Energie de 2005 est une première étape pour mettre en route tous les mécanismes nécessaires (fiscaux, techniques, réglementaires) au basculement vers une utilisation plus importante des énergies renouvelables.

La prochaine loi d'orientation sur l'énergie devra proposer des objectifs plus ambitieux. Avant cela, une harmonisation et une redéfinition de ces objectifs est nécessaire au niveau de l'union Européenne.

8. Quels sont les modèles étrangers qui vous paraissent intéressants eu égard au rôle confié aux collectivités territoriales en matière de promotion des énergies renouvelables thermiques ?

Les pays du Nord de l'Europe, notamment sur la co-génération (voire tri-génération) des usines d'incinération des ordures ménagères (exemple de l'éco-parc de Kalundborg au Danemark) sont des bons exemples en matière d'optimisation et d'utilisation de sources d'énergie renouvelables.

Cependant, le faible ensoleillement et le besoin constant d'énergie thermique pour le chauffage expliquent le développement de ces filières dans ces pays.

9. Connaissez-vous en France des bonnes pratiques locales qui soient facilement reproductibles ?

Des collectivités territoriales ont lancé des démarches (Chalon-sur-Saône, Nantes Métropole, Rennes, Grenoble-Alpes Métropole, Conseil général des Hauts-de-Seine, Région Poitou-Charentes etc.) telles que des contrats ATEnEE (Actions Territoriales pour l'Environnement et l'Efficacité énergétique), des actions dans le cadre des Agendas 21 locaux, des Plans Climat Territoriaux, des « Défi climat » ou encore d'autres démarches volontaires.

Des collectivités réalisent également des bilans énergétiques (exemple de la communauté urbaine de Dunkerque qui l'a réalisé sur tout son territoire par thermographie aérienne) pour connaître et réduire leur consommation énergétique.

La chaufferie du quartier Sous-Plumont à Dole a été rénovée en 1998 et dessert 286 logements. 80 % des besoins en chaleur sont désormais assurés par une chaudière automatique au bois de 900 kW.

La ville de Narbonne a délégué à un concessionnaire privé la distribution de chaleur (chauffage et eau chaude sanitaire) produite prioritairement à partir de panneaux solaires thermiques. Cette réalisation a permis d'éviter l'émission de 190 tonnes par an de CO 2 et de 1 tonne par an de soufre.

10. Que pensez-vous à la cogénération ? Pour quelles raisons ?

La cogénération utilisant des sources d'énergies renouvelables (bois, biogaz, valorisation énergétique des déchets, géothermie) permet d'optimiser les rendements et d'assurer partiellement les besoins spécifiques d'électricité (électroménagers, audiovisuels, etc.) de manière décentralisée.

11. Peut-on considérer que 1000 TEP d'énergie produite par des ENR créent trois emplois directs nets non délocalisables ? Quid des emplois enduits ?

L'utilisation des ressources énergétiques renouvelables locales permet d'employer des ressources humaines locales et donc d'assurer des créations d'emplois directs (techniciens, économes de flux) et indirects.

12. L'AMF joue-t-elle un rôle actif dans la promotion des énergies renouvelables et en particulier dans le renforcement de l'action des collectivités territoriales en matière d'énergies renouvelables ?

L'Association des Maires de France soutient et incite les actions de promotion des énergies renouvelables et de lutte contre le changement climatique menées par les collectivités territoriales. A ce titre, elle développe des méthodes et des outils adéquats.

Elle collabore :

- avec l'association AMORCE, au conseil et au développement de méthodologies et d'outils pour les collectivités territoriales ;

- avec l'association 4D (dossiers et débats sur le développement durable) sur la mise en place d'un Observatoire National des agendas 21 locaux et des Pratiques Territoriales de Développement Durable ;

- à la rédaction du guide « un Plan Climat à l'Echelle de Mon Territoire » réalisé avec la participation d'Energie Cité (association des autorités locales européennes pour une politique énergétique locale durable), de la MIES, de l'ADEME. Ce guide est paru fin 2005.

Elle est également partenaire du concours organisé avec la Fondation Nicolas Hulot et l'ADEME « Défi pour la terre des collectivités ».

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