(2) L'expression de critiques au niveau national révèle pourtant certaines failles dans l'actuelle préparation gouvernementale

Votre rapporteure spéciale a pu noter, au cours de ses auditions ou lors de ses déplacements, certaines critiques formulées à l'encontre du plan gouvernemental de prévention et de lutte contre une éventuelle pandémie grippale humaine.

Ces critiques portent notamment, au-delà du contenu théorique du plan gouvernemental, sur les modalités pratiques de son application et sur ses limites éventuelles .

A cet égard, les conclusions du rapport de la mission européenne de l'ECDC (European center for disease prevention and control), en date du mois de février 2006, soulignaient notamment la nécessité d'améliorer la préparation du rôle des médecins de ville, celle de préciser la logistique à partir des stocks constitués, ainsi que la mobilisation de ressources humaines supplémentaires, la nécessaire mise en oeuvre d'actions de communication et une attention particulière à porter à la pédiatrie, en termes d'attribution de produits notamment .

De manière plus sévère, dans une lettre 11 ( * ) adressée au Président de la République le 12 juin 2006, notre collègue député Jean-Marie Le Guen, président de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la grippe aviaire, constate « que notre système de soins et, plus largement la société française ne sont pas préparés à faire face à une éventuelle pandémie » . Il poursuit en citant les raisons qui expliquent ces difficultés et estime que « certains de nos concitoyens, parmi lesquels se trouvent des professionnels de santé, voient leur tentation du déni l'emporter sur toute autre considération. Pour d'autres, c'est l'ampleur des tâches quotidiennes qui dissuadent de se préoccuper d'un risque qui paraît s'être éloigné et demeure hypothétique. De même, nos collectivités locales sont, à leur niveau, trop inégalement engagées dans la préparation d'un plan de lutte ».

Votre rapporteure spéciale tient à mettre l'accent sur plusieurs points qui devront faire l'objet d'améliorations significatives .

(a) La faible association des médecins libéraux malgré l'affirmation du principe du « maintien à domicile » des patients

Depuis la publication de l'actualisation du plan gouvernemental de prévention et de lutte contre la pandémie grippale le 6 janvier 2006, de nombreuses critiques ont été formulées par les médecins libéraux, et plus particulièrement les médecins généralistes, pour dénoncer leur manque d'information et de formation dans le cadre de la préparation nationale .

Ainsi, par exemple, les médecins généralistes n'avaient pas été conviés à participer à l'exercice national de simulation de pandémie grippale organisé par le gouvernement, à Lyon au mois de février 2006, ce qui a suscité une vive réaction de la part de leurs représentants syndicaux. Dans une lettre adressée au Premier ministre, le docteur Roger Bolliet, médecin généraliste et président du syndicat MG-69, a estimé que les médecins généralistes, censés intervenir en premier recours au domicile des patients, ne disposaient pas des garanties pour pouvoir effectuer ce travail essentiel, et a évoqué le manque de formation des médecins, l'absence de matériel de protection à leur disposition ainsi que l'impossibilité matérielle d'assurer toutes les visites potentielles .

De nombreux médecins généralistes ont également souligné les déficiences du plan gouvernemental s'agissant de la fourniture des équipements de protection nécessaires aux professionnels libéraux ainsi que l'absence de réelle réflexion s'agissant de la coordination et de la concertation entre la médecine de ville et l'hôpital .

Enfin, certaines Unions régionales des médecins libéraux (URML) ont exprimé leur inquiétude quant à la nécessité de moyens en personnels complémentaires dans le cas d'une gestion de pandémie grippale à grande échelle.

De même, certains de nos collègues sénateurs ont relayé l'inquiétude des praticiens sur le terrain. Dans une question écrite adressée le 26 janvier 2006 au ministre de la santé et des solidarités, notre collègue Roger Karoutchi attirait l'attention du ministre sur le manque de connaissance des médecins libéraux sur le plan de lutte contre les pandémies grippales 12 ( * ) .

Pour répondre à ces critiques, diverses mesures ont été annoncées ou sont encore à l'étude par le ministère de la santé et des solidarités :

- le lancement par le gouvernement, fin avril 2006, d'une campagne d'information et de formation sur la grippe aviaire, à destination du grand public et des professionnels de santé 13 ( * ) . Cette campagne a pu faire l'objet de critiques par certains syndicats de médecins qui ont jugé « utopique » le volet formation de cette campagne et estimé irréaliste le calendrier prévu par le gouvernement pour la mise en oeuvre de ce volet, « sauf à choisir délibérément (...) des sociétés commerciales de formation ou des organismes accédant gratuitement aux structures hospitalières, sur le principe du moins disant » 14 ( * ) . Le coût de cette campagne pourrait être compris entre 5 et 6 millions d'euros d'après les informations recueillies par votre rapporteure spéciale ;

- la mise en oeuvre de mesures d'organisation du système de soins, centrées sur une idée forte : le maintien à domicile , autant que possible, des personnes malades ;

- enfin, la question des renforts, s'agissant de l'effectif des médecins : une réflexion est menée par le ministère concernant l'appel à un corps de réserve dans le domaine sanitaire (étudiants en médecine ou médecins retraités), à l'image de ce qui existe dans le domaine de la défense nationale.

Votre rapporteure spéciale estime toutefois que des efforts supplémentaires devront être fournis par le gouvernement afin de mieux associer l'ensemble des personnels de santé, au premier rang desquels les médecins généralistes, à la préparation nationale contre une éventuelle pandémie de grippe humaine .

A cet égard, votre rapporteure spéciale souhaite livrer à la réflexion une idée inspirée de l'organisation territoriale qui prévaut dans le domaine vétérinaire : à l'instar du réseau de vétérinaires sanitaires, qui sont des professionnels libéraux investis d'un mandat sanitaire pour le compte de la puissance publique et rémunérés à ce titre, ne serait-il pas possible de constituer un réseau de « médecins généralistes sanitaires » qui pourrait être activé en cas d'épidémie majeure ? La capacité pour les préfets de réquisitionner des professionnels de santé libéraux en cas de crise majeure existe déjà mais la constitution d'un réseau pérenne de médecins sanitaires, volontaires, impliquerait un profond changement des mentalités et de l'organisation territoriale des soins.

* 11 Cette lettre a été publiée dans le dernier rapport (tome III) de la mission d'information de l'Assemblé nationale sur la grippe aviaire - Rapport n° 2833 (XII ème législature).

* 12 Notre collègue sénateur précisait notamment que « les praticiens d'Ile-de-France semblent fort peu préparés à affronter une telle pandémie (...). Ainsi une enquête réalisée par Open Rome sur les connaissances des médecins face au plan de lutte contre une pandémie grippale démontre l'insuffisance de communication des pouvoirs publics à destination des médecins. Pour exemple, 77 % des médecins libéraux méconnaissent le rôle qu'ils devraient jouer en cas de grippe aviaire généralisée sur notre territoire et 57 % souhaiteraient recevoir une formation sur le contenu anti-pandémie. Il semble donc nécessaire de former davantage les médecins et de distribuer à leur entourage des moyens de protection suffisants ».

* 13 Un kit d'information sera adressé par voie postale à l'ensemble des professionnels de santé, individuellement pour les libéraux et par établissement pour les autres personnes : ce kit est composé d'un CD Rom et, à titre informatif, d'un échantillon de masque FFP2 et de masque chirurgical. Cette campagne d'information est complétée par une formation des professionnels de santé à la gestion du risque pandémique au travers de l'organisation de séances de formation dans toutes les régions, sous la supervision des DRASS, de juin à décembre 2006, en lien avec les URML et les divers organismes de formation professionnelle.

* 14 Déclaration du syndicat MG-France le 27 avril 2006.

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