D. L'INFORMATIQUE EN QUESTION

Parmi les facteurs entravant une mise en oeuvre parfaitement satisfaisante de la LOLF dans les préfectures et handicapant le suivi et la gestion de leurs dépenses de fonctionnement, les systèmes d'information occupent une place centrale.

Votre rapporteur spécial tient, d'ailleurs, à rappeler que notre collègue Jean Arthuis, président, avait, à cet égard, dès 2004, déploré que, pour respecter l'échéance du 1 er janvier 2006 prévue pour la mise en oeuvre de la LOLF, le choix ait été fait de se limiter à des adaptations des anciens systèmes d'information. Il s'était, en particulier, interrogé sur les difficultés prévisibles du contrôle budgétaire, pour lequel la nouvelle nomenclature coexisterait avec une présentation quelque peu obsolète des dépenses de l'Etat 11 ( * ) .

Cette problématique renvoie à l'échec du projet ACCORD 2, qui devait permettre de répondre à l'exigence de modernisation des systèmes d'information tant au niveau central que dans les services déconcentrés, du repli sur la solution « Palier 2006 », qui consiste en une adaptation des applications financières existantes (ACCORD 1 et ACCORD 1 bis) pour mettre en oeuvre les principales dispositions de la LOLF, et de l'élaboration d'un progiciel de gestion intégré, CHORUS, qui intègre l'ensemble des acteurs de la comptabilité et de la dépense de l'Etat à l'horizon 2008. Elle illustre, au niveau déconcentré, les difficultés issues de la déconnection, depuis l'échec d'ACCORD 2, de la refonte du système d'information de l'Etat et de la mise en oeuvre de la LOLF.

Les défaillances actuelles des systèmes d'information comportent de graves conséquences sur le mode de gestion des préfectures. Outre qu'elles sont à l'origine d'un alourdissement supplémentaire de la procédure, elles pourraient, à terme et par effet d'amalgame, miner l'adhésion des personnels à la LOLF dans son ensemble.

1. Le malaise réel des utilisateurs

Le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire utilise plusieurs systèmes d'information en matière budgétaire et comptable . D'une part, il a recours aux systèmes interministériels disponibles : ACCORD LOLF en administration centrale et NDL LOLF dans les services déconcentrés et, notamment, les préfectures. D'autre part, il dispose, en propre, du système CONCORDE, au sein de l'infocentre INFO-PREF, qui permet le pilotage de la dépense en proposant, notamment, une batterie de ratios budgétaires rapportant les coûts aux facteurs générant la dépense (cf. supra, partie I-C-2), et des applications ministérielles de gestion GIBUS, « colonne vertébrale » du pilotage de la gestion des préfectures, et BGP (Budget globalisé des préfectures), qui permet d'élaborer le budget de fonctionnement des préfectures.

Les applications ministérielles CONCORDE, GIBUS et BGP, bénéficiant d'une pratique déjà éprouvée, ne posent pas de problème particulier, en termes d'ergonomie , aux utilisateurs en préfecture, y compris après leur adaptation à la LOLF.

En revanche, l'ergonomie d'ACCORD LOLF et de NDL LOLF est source de difficultés pour les agents des préfectures : nombre d'écrans de saisie, absence de restitutions intégrées pour des besoins courants, désactivation d'un tiers par simple action sur la commande « enregistrer » lorsqu'on est en consultation...

L'utilisation de ces applications est rendue d'autant plus inconfortable que les temps de traitement sont parfois excessivement longs . Les « déconnexions sauvages » comme le nombre d'écrans pour certaines transactions dans ACCORD LOLF expliquent ces lenteurs. Ainsi, une simple notification de commande prend désormais dix-huit à vingt minutes, soit trois fois plus de temps qu'auparavant pour un dossier de liquidation. En outre, une dégradation des temps de réponse de l'outil informatique a été constatée depuis le mois de mai.

2. Les doutes sur la fiabilité de l'information

La fiabilité de l'information est, bien entendue, le critère essentiel de l'appréciation d'un système d'information. Or, de ce point de vue, les systèmes d'information utilisés par les préfectures font l'objet de quelques doutes.

Certes, le bilan provisoire du passage à la LOLF présente, d'ores et déjà, des éléments très positifs, à mettre notamment à l'actif des applications utilisées et à la très forte mobilisation des acteurs concernés.

La transition, tout d'abord, s'est globalement bien déroulée et il n'y a pas eu de problèmes majeurs en matière de paiement. En particulier, l'ensemble des traitements des fonctionnaires a bien pu être liquidé au 31 janvier 2006.

Par ailleurs, la « bascule » dans le nouveau système d'engagement des dépenses (NDL LOLF) contractées par les préfectures lors des exercices précédents, en fonctionnement comme en investissement, s'est effectuée dans de bonnes conditions.

Toutefois, des pertes d'information, entre ACCORD LOLF et NDL LOLF, sont à regretter. En effet, les données de contexte saisies par les services centraux dans ACCORD LOLF ne sont pas automatiquement répercutées dans NDL LOLF. Pour remédier à ce problème, des boîtes aux lettres électroniques « Délégations LOLF » ont été créées dans chaque préfecture. En conséquence, les gestionnaires en administration centrale sont contraints, désormais, à une double saisie lors de chaque délégation de crédits, tandis que les gestionnaires en préfecture guettent, de leurs côtés, les mails qui les éclaireront sur les crédits qu'ils reçoivent.

La fiabilité des restitutions délivrées par ACCORD LOLF est, en outre, sujette à caution. Certaines failles ont, ainsi, été détectées, tels que des confusions entre les montants hors taxe et toutes taxes comprises .

Ces deux systèmes, ACCORD LOLF et NDL LOLF, qui communiquent imparfaitement entre eux, devraient, en aval, se « déverser » dans un infocentre interministériel, INDIA, permettant de suivre l'évolution des ressources et des consommations de l'ensemble des services de l'Etat. A ce jour, cet infocentre n'est, cependant, que partiellement adapté à la LOLF. Les restitutions d'information les plus utiles aux gestionnaires ne sont pas encore disponibles et, pour les restitutions existantes, les informations fournies ne sont pas encore totalement fiables. Le développement et le test de nouvelles restitutions sont en cours, mais il est probable que cet outil ne sera pas pleinement opérationnel avant le début de la gestion 2007.

3. L'étape décisive : CHORUS

Les préfectures, en matière de suivi et de gestion de leurs dépenses de fonctionnement, peuvent s'appuyer sur des outils ministériels adaptés, ou en cours d'adaptation à la LOLF. Tel est le cas de GIBUS ou de BGP, dont la mise au niveau LOLF est actuellement conduite par la direction des systèmes d'information et de communication (DSIC) et qui devrait être totalement opérationnelle en 2007.

Toutefois, les préfectures pâtissent lourdement de l'éclatement des systèmes d'information et du nombre en définitive relativement important d'applications à gérer. Faute d'interface avec NDL LOLF, les utilisateurs en préfecture sont soumis aux contraintes et aux lourdeurs des doubles saisies, au point, dans certains cas, de renoncer à exploiter les potentiels propres aux applications ministérielles.

Les utilisateurs des différents systèmes d'information dans les préfectures ne sont, aujourd'hui, confrontés qu'aux difficultés liées à ces systèmes, sans pouvoir tirer profit de nouvelles fonctionnalités ou de restitutions susceptibles de leur permettre un pilotage plus efficace de la dépense. Cette situation, si elle venait à se prolonger trop longtemps, porterait en elle les germes d'une démotivation des personnels, après une forte mobilisation au cours des derniers mois.

Pour ces raisons, le projet de progiciel de gestion intégré, CHORUS , représente un enjeu particulièrement fort pour les préfectures. Intégrant l'ensemble des acteurs de la comptabilité et de la dépense de l'Etat à l'horizon 2008 et prenant en compte toutes les nouvelles contraintes de la LOLF, il devrait permettre de donner une impulsion décisive à la modernisation de l'information comptable et financière au sein des services de l'Etat.

A cet égard, le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire souhaite à nouveau, comme lors de l'expérimentation de la globalisation des crédits, être en première ligne, avec les préfectures, dans le chantier de l'élaboration et de la mise en oeuvre de ce projet. Il a, en effet, fait acte de candidature pour être pilote sur ce projet, en proposant que tout ou partie des préfectures participent à l'expérimentation de CHORUS .

Votre rapporteur spécial tient à saluer cette initiative qui ne manquera certainement pas d'avoir des retombées très positives sur la maîtrise des dépenses de fonctionnement des préfectures et la mobilisation des équipes .

* 11 Sénat, rapport d'information n ° 422 (2004-2005) : « L'informatisation de l'Etat ».

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