EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 18 octobre 2006 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a entendu une communication de M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , sur les dépenses de fonctionnement des préfectures.

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , a tenu à saluer l'engagement et la qualité des personnels rencontrés lors de sa mission de contrôle dans les préfectures. Il a souligné le rôle essentiel de ces services déconcentrés de l'Etat au coeur des territoires. Il a indiqué que, pour s'acquitter de leurs missions diversifiées, les préfectures devaient pouvoir s'appuyer sur des moyens humains, matériels et financiers à la hauteur des enjeux considérés. Il a rappelé, également, qu'elles étaient soumises à un devoir d'exemplarité dans le double effort de modernisation entrepris par l'Etat et de maîtrise des dépenses publiques, dans un contexte budgétaire tendu.

Il a estimé que l'évolution des préfectures vers une approche plus stratégique de la dimension budgétaire et comptable de leurs missions devenait inéluctable, et qu'il convenait, après quelques mois de mise en application de la LOLF sur le terrain, de tirer un premier bilan concret de la « révolution lolfienne ».

Pour résumer la situation actuelle, il a jugé que le constat était encourageant et que la dépense était maîtrisée, mais qu'il fallait prendre de bonnes habitudes dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF.

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , a indiqué que les dépenses de fonctionnement des préfectures se caractérisaient par une part prépondérante des dépenses de personnel, qui s'élevaient à 1.267,8 millions d'euros et représentaient près de 70 % des crédits de paiement du programme « Administration territoriale ».

Il a souligné que la maîtrise des dépenses de personnel, qui avaient enregistré une légère baisse entre 2005 et 2006, était passée par une politique de requalification des emplois (emplois de catégorie C transformés en postes de catégorie A ou B) et d'externalisation de certaines fonctions.

Il a rappelé, par ailleurs, que les dépenses de fonctionnement, hors dépenses de personnel, connaissaient, pour leur part, une dynamique satisfaisante, notamment grâce au souci de contenir les coûts de certains postes, tels que l'affranchissement ou la téléphonie. Il a cité en exemple la facture téléphonique par agent et la consommation des mobiles qui avaient baissé, respectivement, de 16 % et de 9,4 %, entre 2003 et 2005.

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , a constaté que cette gestion rigoureuse avait permis de dégager une marge de 17 millions d'euros en 2005, qui avait été réutilisée, comme l'avait préconisé à plusieurs reprises le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, pour l'amélioration des conditions matérielles de travail des agents. Il a expliqué qu'il s'agissait là d'un véritable « retour sur investissement » pour les personnels.

Il a estimé que ces bons résultats tenaient, notamment, à l'avance prise par les préfectures via l'expérimentation de la globalisation des crédits, engagée dès 2000. Il a indiqué que cette expérimentation avait permis aux préfectures d'acclimater par avance les principes et les règles imposés par la LOLF, et que la mise en oeuvre du contrôle de gestion avait abouti à la mise en place d'instruments efficaces de suivi de la dépense.

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , a considéré que la transition lolfienne s'était globalement bien déroulée au cours des derniers mois, même si des difficultés liées à un outil informatique parfois défaillant avaient pénalisé assez fortement, dans certains cas, la gestion des préfectures.

Il a expliqué que, dans ce contexte, des gisements d'économies existaient et passaient, en particulier, par la mise en place d'une stratégie d'achats centrée autour d'un objectif de rationalisation (achats groupés dans les domaines de l'achat de voyage, de la téléphonie ou de l'informatique, par exemple) et de mutualisation interministérielle des moyens déconcentrés de l'Etat, afin de faire jouer à plein les effets d'échelle. A cet égard, il a rappelé que des audits de modernisation avaient été lancés, par le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, et que certains d'entre eux portaient précisément sur la politique d'achat des administrations.

Il a considéré que les préfectures pouvaient, désormais, s'appuyer sur un trésorier payeur général (TPG) qui n'opérait plus de « contrôle a priori », mais dont la mission s'était recentrée sur l'aide à la décision et à la prévention des risques financiers dans la durée. Il a jugé que ce nouveau partenariat entre le préfet et le TPG était particulièrement intéressant.

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , a, par ailleurs, souligné qu'il convenait de parvenir à dépasser les difficultés engendrées par les systèmes d'information, encore en partie inadaptés à la gestion en « mode LOLF », en engageant, sans attendre, l'expérimentation du progiciel de gestion intégré CHORUS.

Il a salué, enfin, la qualité des personnels des préfectures, leur volonté de contribuer à la réussite de la LOLF, et leur sens du service de l'Etat, dans des conditions parfois très difficiles, comme il avait lui-même pu le constater au sein du service d'accueil des étrangers de la préfecture de Seine-Saint-Denis. Il a estimé qu'une véritable culture de gestion, fondée sur le principe de responsabilisation, tendait à irriguer l'ensemble des services des préfectures et que, malgré des difficultés, les préfectures pouvaient être considérées comme de bons « laboratoires » de la mise en oeuvre de la LOLF et de ses effets positifs en termes de réforme de l'Etat.

Un très large débat s'est alors instauré.

M. Jean Arthuis, président , a relevé que les préfectures pouvaient être considérées comme la « vitrine de l'Etat » dans les départements. Il s'est réjoui de constater que la LOLF entrait en application dans les préfectures dans de meilleures conditions que la commission des finances ne pouvait le craindre, à l'issue de son séminaire du mois d'avril 2006.

M. Aymeri de Montesquiou a rappelé que les conditions difficiles constatées en Seine-Saint-Denis ne pouvaient pas, néanmoins, être généralisées à l'ensemble des préfectures. Il s'est, en outre, interrogé sur la politique immobilière menée par ces services déconcentrés et les économies réalisées en la matière, parfois au détriment des communes.

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , a rappelé que les conseils généraux n'assuraient plus ni l'entretien des préfectures ni les investissements relatifs à ces bâtiments, mais que la marge de gestion dégagée par les préfets était, pour une part, réaffectée à ce type de travaux. Il a précisé qu'il aurait l'occasion d'évoquer la question de la politique immobilière menée par les préfectures, lors d'une prochaine rencontre avec Mme Bernadette Malgorn, récemment nommée secrétaire générale du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. François Trucy a jugé réconfortantes les conclusions de cette mission de contrôle. Il a rappelé que, lors d'un stage effectué au tribunal de grande instance de Pontoise, il lui avait été donné de constater, lui aussi, la grande qualité professionnelle des personnels de l'Etat, et en particulier des magistrats. Il s'est interrogé sur le mode de gestion des préfectures, ainsi que sur celui de leur parc immobilier et automobile.

M. Aymeri de Montesquiou a évoqué les marges de manoeuvre laissées aux préfets dans le cadre de l'achat ou de la vente d'un bâtiment. A cet égard, il a déploré l'absence d'efforts de réhabilitation de certains immeubles préfectoraux.

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , a rappelé que le préfet disposait d'une enveloppe globale de crédits et qu'il lui revenait, en concertation avec le sous-préfet, de déterminer les marges de manoeuvre en matière budgétaire. Il a souligné, également, que les frais de représentation du corps préfectoral faisaient, désormais, l'objet d'un encadrement. Il a cité en exemple le plafond de 30.500 euros fixé pour l'achat de la voiture d'un préfet. Il a précisé que l'achat ou la vente d'un bâtiment ne pouvait être une décision relevant de la compétence d'une préfecture, mais nécessitait l'autorisation du secrétariat général du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. Michel Moreigne s'est interrogé sur les indicateurs de performance appliqués aux préfectures, ainsi que sur le mode de répartition des enveloppes budgétaires de l'Etat entre les départements.

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , a expliqué que cette dernière question dépassait le champ de sa mission de contrôle, mais a indiqué que l'activité des préfectures était mesurée par plus de 120 indicateurs, certains pouvant être particulièrement détaillés.

A cet égard, M. Jean Arthuis, président , a indiqué qu'il avait lui-même pu constater que les résultats en matière de délivrance de titres étaient analysés, chaque semaine, dans les préfectures.

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , a souligné que le service d'accueil des étrangers en préfecture de Seine-Saint-Denis comprenait, notamment, d'excellents juristes, dont l'activité était accaparée par des audiences contentieuses au tribunal de Bobigny.

M. Jean-Jacques Jégou a regretté que la décentralisation n'ait pas été suivie d'un transfert de personnel équivalent aux tâches transférées aux collectivités territoriales. Il a estimé, en outre, que les employés des préfectures, soumis à de nombreuses récriminations, voire à des agressions physiques, accomplissaient un travail répétitif, dont le sens leur était parfois devenu incompréhensible. Dans cette perspective, il a indiqué qu'il convenait d'engager une réflexion sur le nécessaire allègement des tâches administratives, et que l'évolution du personnel des préfectures devait accompagner l'émergence d'une administration électronique. Il a considéré, enfin, que la politique de requalification des personnels n'entraînait, du fait de certaines rigidités, que peu de possibilités de réduction des effectifs.

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , a jugé que le préfet de région avait, probablement, vocation à devenir un interlocuteur majeur. Il a rappelé, toutefois, que celui-ci ne disposait pas de marge de manoeuvre sur la détermination de l'enveloppe attribuée aux services départementaux, si ce n'était par le biais de l'organisation de conférences régionales de gestion, où sont signalés les budgets les plus importants. Il a estimé qu'il faudrait, à terme, réfléchir à l'évolution nécessaire des services dans le département et envisager, par exemple, d'en fusionner certains, comme les directions départementales de l'environnement ou les directions départementales de l'agriculture.

Il a indiqué que, si les moyens modernes de communication permettaient de dégager, dans les préfectures, du temps et des personnels, une prise en compte individuelle et personnalisée de l'usager restait nécessaire dans certains domaines, tels que l'action sociale ou l'accueil des étrangers.

Il a rappelé, par ailleurs, qu'en matière de politique du personnel, il n'était pas possible d'attribuer une prime aux agents de catégorie B ou C dans les préfectures.

M. Maurice Blin a estimé que l'excès de contraintes administratives et leur manque de cohérence pouvaient représenter un facteur extrêmement dissuasif pour les maires, notamment dans les petites communes, à l'approche des prochaines échéances municipales et dans la perspective d'une nouvelle candidature de leur part.

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , a observé que ce malaise était largement ressenti par tous les sénateurs, et que cette lassitude des élus locaux, provoquée par un excès de précautions administratives, pouvait pousser certains d'entre eux à ne pas souhaiter se représenter. Il a jugé qu'il s'agissait là d'une menace grave pour la République et la démocratie, dont les élus locaux constituaient l'un des piliers.

Mme Marie-France Beaufils a souligné que le manque de moyens humains dont souffraient certaines directions, comme celle de l'équipement en Indre et Loire, avait pour conséquence un report regrettable des tâches sur les communes, en particulier les plus petites d'entre elles. Elle a estimé que la maîtrise de la dépense des préfectures s'était accompagnée, malheureusement, d'un fort accroissement du travail dans les communes, en matière de délivrance de pièces d'identité par exemple. Elle a jugé, enfin, que la tendance actuelle au regroupement des services départementaux n'était pas systématiquement à rechercher et qu'elle ne devait pas avoir lieu au détriment de la qualité du service rendu, comme tel était actuellement le cas en Indre-et-Loire avec les directions départementales de la jeunesse, des sports et de la vie associative (DDJSVA).

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , a indiqué que la création des DDJSVA était une mesure à caractère national, et que la tendance générale au regroupement des services n'avait pas eu d'impact sur les effectifs des préfectures, ceux-ci étant restés quasiment stables, aux environs de 30.000 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT), entre 2005 et 2006.

M. Jacques Baudot s'est interrogé sur l'affectation des économies réalisées en matière de frais de représentation par les préfets.

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , a indiqué que ces économies étaient réutilisées pour les personnels, dans le cadre de la marge de gestion dégagée.

M. Jean Arthuis, président , a observé que les fonctions d'une préfecture pouvaient peut-être, en définitive, se résumer à la délivrance des titres, à l'animation de commissions, dont on pouvait, d'ailleurs, s'interroger sur le coût, et à l'organisation de réceptions. En matière de délivrance de titres, il a estimé qu'il convenait de rapprocher le plus possible l'administration du citoyen, éventuellement grâce aux avancées de l'administration électronique, et que certaines tâches pouvaient être sous-traitées par les communes sans en affecter ni le coût, ni la qualité. Il a évoqué, enfin, le doute qui, désormais, planait sur la nécessité de conserver des sous-préfectures dans les départements.

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , a rappelé que, si les préfectures jouaient effectivement un rôle essentiel en matière de délivrance de titres, elles exerçaient, également, des missions de sécurité et de contrôle de légalité particulièrement importantes. Il a estimé qu'il était tout à fait réaliste d'envisager de sous-traiter ou d'externaliser certaines des fonctions préfectorales aux mairies. Il a considéré que la question du maintien ou de la disparition des sous-préfectures constituait un sujet très sensible et qu'il convenait, en l'espèce, de tenir compte, outre des critères de pure rationalité économique, des missions transversales accomplies par ces administrations, en matière de cohésion sociale par exemple, et aussi de l'attachement des élus locaux à leur sous-préfecture.

M. Auguste Cazalet a souligné que les sous-préfectures souffraient d'une mauvaise localisation géographique dans beaucoup de départements, comme par exemple dans celui dont il était l'élu.

M. Jean Arthuis, président , a estimé qu'il était tout à fait possible de délivrer une carte grise dans un chef-lieu de canton.

M. Henri de Raincourt , rapporteur spécial, a rappelé que l'activité de délivrance de titres n'était pas mineure, dès lors qu'elle concernait près de 12.000 ETPT sur les 30.000 des préfectures.

Dans le cadre des procédures administratives, M. Jean-Jacques Jégou a regretté de trop nombreuses redondances des tâches, comme dans le cas du contrôle de légalité ou de l'instruction des dossiers relatifs au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).

M. Gérard Miquel a observé qu'il fallait tenir compte, dans la réflexion sur l'opportunité du maintien des sous-préfectures, du vaste mouvement de décentralisation, engagé il y a près de 25 ans et de la dématérialisation croissante des actes administratifs.

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , a souligné qu'au regard de cette question, et au delà des considérations liées à la décentralisation et à la réforme de l'Etat, il ne fallait pas perdre de vue la dimension humaine.

M. Michel Moreigne a rappelé que la dématérialisation des actes administratifs n'était pas possible partout, notamment du fait d'une couverture partielle du territoire par l'ADSL. Il a estimé qu'avant d'aborder d'autres questions, il convenait de régler, d'abord, les problèmes de desserte électronique. Il s'est interrogé, par ailleurs, sur la circulaire parue le 28 juin 2006 relative au FCTVA, sur sa conformité avec les dispositions votées en loi de finances pour 2006, et sur l'interprétation qui en est donnée par les préfets et les sous-préfets en matière de réfection de logements.

M. Jean Arthuis, président , a indiqué que la commission étudierait cette question.

La commission a alors donné acte, à l'unanimité, à M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial , de sa communication et décidé que les conclusions de sa mission feraient l'objet d'une publication sous la forme d'un rapport d'information .

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