B. LA NOTION DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES A-T-ELLE UN SENS ?

1. Des contreparties de nature très différente

Les prélèvements obligatoires ont des contreparties de nature très différente .

Schématiquement, un prélèvement obligatoire peut être :

- sans contrepartie directe : c'est le cas de l'essentiel de la fiscalité ;

- avec une contrepartie dépendant du niveau de la contribution : c'est le cas de l'essentiel des assurances sociales ;

- avec une contrepartie dépendant de la situation de l'administré, par exemple de son revenu.

A cela s'ajoute le fait qu'un prélèvement obligatoire peut être ou non progressif, et donc opérer ou non directement une redistribution.

Il n'existe pas de données précises sur le montant de ces différentes catégories de prélèvements obligatoires.

Dans une étude déjà ancienne 10 ( * ) , réalisée en 1998 pour le Conseil d'analyse économique, M. François Bourguignon estime qu'en 1994, les « prélèvements sans contrepartie » étaient en France de 3,7 points de PIB, ce taux variant, parmi les principaux Etats, entre 1,1 point de PIB pour le Japon et 6,5 points de PIB pour le Royaume-Uni. La part de l'impôt sur le revenu dans le PIB était la plus faible en France, à 5,2 points de PIB, le pays où elle était la plus importante étant les Etats-Unis, à 10 points de PIB.

De même, comme cela est indiqué ci-après, les cotisations sociales sont réputées répondre largement à une logique assurantielle. Il n'existe cependant pas de données précises indiquant dans quelle mesure les prestations des organismes de sécurité sociale jouent un rôle redistributif.

2. Des comparaisons internationales qui ont peu de signification

Les comparaisons internationales du taux de prélèvements obligatoires sont délicates .

Les prélèvements obligatoires sont de l'ordre de 50 % du PIB en Suède et de 45 % du PIB en France, contre 35 % du PIB au Royaume-Uni et en Allemagne et 25 % du PIB aux Etats-Unis et au Japon. Ainsi, l'écart du taux de prélèvements obligatoires entre la France et les Etats-Unis est de l'ordre de 20 points de PIB, comme l'indique le graphique ci-après.

Les taux de prélèvements obligatoires

(en points de PIB)

Source : OCDE

a) Les prélèvements obligatoires sont « trop étroits », parce qu'ils ne comprennent pas l'ensemble des recettes publiques

Indépendamment du fait que les normes comptables retenues peuvent varier d'un Etat à l'autre 11 ( * ) , ces chiffres doivent tout d'abord être nuancés par le fait que les prélèvements obligatoires sont d'un certain point de vue « t rop étroits », en ce sens qu'ils ne correspondent pas à la totalité des recettes publiques.

Or, la distinction entre prélèvements obligatoires et recettes publiques peut être dépourvue de signification économique. Par exemple, en Allemagne, les 10 % des ménages les plus aisés peuvent s'affilier à des systèmes privés d'assurance maladie en lieu et place d'une affiliation au système général, ce qui conduit à une minoration des prélèvements obligatoires.

Ainsi, le graphique ci-après, qui montre la part des recettes publiques dans les principaux pays, est sensiblement différent du graphique ci-avant :

- les recettes publiques sont supérieures de plus de 5 points de PIB en moyenne aux prélèvements obligatoires ;

- les recettes publiques de l'Allemagne sont supérieures de plus de 3 points de PIB à celles du Royaume-Uni, alors que dans le cas des prélèvements obligatoires cet écart n'était que de 1,5 point de PIB.

Les recettes publiques

(en points de PIB)

Source : OCDE

Le graphique ci-après montre que l'écart entre les recettes publiques et les prélèvements obligatoires va de 4 points de PIB dans le cas du Japon à près de 9 points de PIB dans le cas de l'Allemagne, notamment pour les raisons mentionnées supra en ce qui concerne la non affiliation obligatoire au système d'assurances sociales des salariés les plus aisés.

L'écart entre les recettes publiques et les prélèvements obligatoires (2004)

(en points de PIB)

Source : OCDE

Le graphique ci-après indique plus précisément l'évolution des prélèvements obligatoires et des recettes publiques dans le cas de la France.

Prélèvements obligatoires et recettes publiques (France)

(en points de PIB)

Source : Insee

Prélèvements obligatoires et recettes publiques

1. La notion de prélèvements obligatoires

Selon l'OCDE , les prélèvements obligatoires se définissent par un triple critère :

- les flux doivent correspondre à des versements effectifs (ce qui conduit à ne pas comptabiliser les régimes de retraites directs d'employeurs, ne comprenant pas de circuit effectif de cotisations, comme dans la fonction publique et certaines grandes entreprises) ;

- les destinataires des versements doivent être des administrations publiques (ce qui conduit à exclure, notamment, les versements à des ordres professionnels, ou à des sociétés mutualistes) ;

- les versements doivent être non volontaires, c'est-à-dire en particulier être caractérisés par l'absence de contrepartie immédiate.

Au sein de l'Union européenne, la notion de prélèvement obligatoire ne figure pas dans le système européen de comptabilité nationale (SEC 95). Les impôts et les cotisations sociales y sont cependant définis selon des critères précis et contraignants.

2. La notion de recettes publiques

La notion de recettes publiques se distingue de celle de prélèvements obligatoires par le fait qu'elle comprend, outre ceux-ci, des recettes qui correspondent à des versements considérés comme « volontaires ».

C'est le cas, en ce qui concerne la loi de financement de la sécurité sociale, de certaines taxes ou cotisations professionnelles.

Dans le cas du budget de l'Etat, ne sont pas considérées comme des prélèvements obligatoires :

- certaines recettes qui sont la contrepartie d'un service rendu (redevance de télévision, amendes non fiscales, droits de timbre sur les passeports, cartes grises...) ;

- certaines recettes non fiscales.

Source : rapport du gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution

b) Les prélèvements obligatoires sont « trop larges », parce qu'ils dépendent du périmètre des administrations publiques

Les comparaisons internationales de taux de prélèvements obligatoires sont également rendues difficiles par les différences de périmètre des administrations publiques , qui n'ont pas forcément de signification économique. Tel est en particulier le cas en ce qui concerne les assurances sociales. De ce point de vue, la notion de prélèvements obligatoires est « trop large ».

Tel est ce que souligne M. François Bourguignon, dans son rapport précité 12 ( * ) du Conseil d'analyse économique publié en 1998. En effet, « en France, Allemagne et Suède les contributions ou prestations de sécurité sociale représentent environ 20 % du PIB alors que ce taux est inférieur à 10 % [aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et au Japon]. (...) On aboutit donc à une conclusion d'importance : la plus grande partie de l'écart entre les taux de prélèvement obligatoire entre pays développés s'explique par la couverture différente des systèmes d'assurance sociale. Plus exactement, étant donnée la substituabilité évidente entre systèmes privés et publics d'assurance, on peut dire qu'une grande partie des différences du taux de prélèvement obligatoire entre pays s'explique par les parts différentes des secteurs publics et privés dans l'assurance vieillesse et l'assurance maladie. Aux États-Unis, par exemple, les contributions des employeurs à des fonds de retraite privés représentent 7 % du PIB, soit la moitié de la différence de taux de prélèvement obligatoire par rapport à l'Allemagne et la France. L'écart diminue encore et tend à disparaître lorsque l'on inclut les contributions des salariés et employeurs aux systèmes privés d'assurance-maladie. Faute de place, on ne peut entrer ici dans le détail, mais on aboutirait à des conclusions similaires en examinant le cas du Royaume-Uni et du Japon ».

Si le détail de cette analyse a pu être contesté 13 ( * ) , il est en revanche indiscutable que, hors prélèvements sociaux, les recettes des administrations publiques représentent des parts du PIB assez proches en France et aux Etats-Unis, comme l'indique le graphique ci-après.

Les recettes courantes des administrations publiques en France et aux Etats-Unis

(en points de PIB)

Source : OCDE

Ainsi, en 2005, les recettes courantes des administrations publiques ont été de 49,9 % du PIB en France et de 32,6 % du PIB aux Etats-Unis, ce qui représente un écart de 17,3 points de PIB. En revanche, hors contributions de sécurité sociale, ces taux ont été de respectivement 31,7 points de PIB et 25,7 points de PIB, soit un écart de seulement 6 points de PIB.

On arrive à un résultat analogue, bien que moins marqué, si l'on raisonne en fonction non des recettes publiques, mais des dépenses publiques. Ainsi, les dépenses courantes des administrations publiques ont été en 2005 de 52,1 points de PIB en France et de 35,2 points de PIB aux Etats-Unis, ce qui correspond à un écart de 17 points de PIB. Cependant, hors dépenses de sécurité sociale, les dépenses courantes ont été de 34,2 points de PIB en France et 23,3 points de PIB aux Etats-Unis, ce qui correspond à un écart de seulement 10,9 points de PIB.

Les dépenses courantes des administrations publiques en France et aux Etats-Unis

(en points de PIB)

Source : OCDE

* 10 Conseil d'analyse économique, « Fiscalité et redistribution », rapport n° 11, novembre 1998.

* 11 Comme le souligne le gouvernement dans son rapport relatif aux prélèvements obligatoires et à leur évolution, « les prélèvements obligatoires relèvent de conventions comptables qui ne convergent pas d'un pays à l'autre. A l'échelon international, des groupes de travail se réunissant sous l'égide de l'OCDE (groupe de travail n°2) et d'Eurostat (NAWP) s'attachent à décrire les différentes mesures possibles du taux de PO et s'efforcent de converger vers une définition commune entre les Etats de la notion de prélèvement obligatoire ».

* 12 « Fiscalité et redistribution », rapport n° 11, novembre 1998.

* 13 Notamment par M. Bernard Zimmern dans « Les profiteurs de l'Etat » (Plon, 2000). En 1994, le taux de prélèvements obligatoires a été de 44,7 % en France et 30,4 % aux Etats-Unis, ce qui représentait un écart de 14,3 points. M. Zimmern considérait que si l'on raisonnait à périmètre égal, l'écart ne tendait pas à disparaître, mais demeurait de 8,5 points de PIB, soit plus de la moitié de l'écart de taux de prélèvements obligatoires.

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