CONCLUSION

La principale faiblesse de l'action européenne dans le domaine de la coopération policière, de la protection des frontières ou encore de la coopération judiciaire en matière pénale tient au fait qu'elle se limite pour l'essentiel à des mesures normatives, alors que les questions de sécurité et de justice relèvent en priorité de mesures opérationnelles.

Il est certes nécessaire de faciliter l'adoption de normes communes, en allant vers un processus plus communautaire, tout en tenant compte de la spécificité de ces matières.

Le recours aux « clauses passerelles » présenterait une réelle avancée de ce point de vue.

Mais il faut aussi et surtout accroître la collaboration opérationnelle entre les autorités compétentes des États membres, renforcer les organes existants comme Europol et Eurojust et prévoir la création d'un véritable Parquet européen de nature collégiale. De même, le dernier élargissement de l'Union rend indispensable la création d'une police européenne des frontières.

Or, compte tenu de l'incertitude qui pèse désormais sur l'avenir du traité constitutionnel, seul le recours à des « coopérations renforcées », dans le cadre des traités ou en dehors, permettrait de réaliser de véritables avancées dans l'« espace de liberté, de sécurité et de justice » .

En donnant aux États membres qui le souhaitent les moyens d'aller plus vite et plus loin dans la voie de l'intégration, le recours à ces formules pourrait, en effet, permettre de surmonter l'obstacle de l'unanimité pour les aspects normatifs et de développer des formes de coopération souples pour les aspects opérationnels.

Face à « la révolution du nombre et de l'hétérogénéité » que représente le dernier élargissement, pour reprendre la formule d'Alain Lamassoure, comment imaginer que l'Europe pourra réellement progresser sans accepter une différenciation au moins temporaire ?

D'ores et déjà, cette avancée majeure de la construction européenne qu'a été la création de la monnaie unique n'a été possible que par le recours à la différenciation. Dans une Europe à vingt-cinq ou vingt-sept, comment croire que tous les États pourront et voudront progresser au même rythme et sur la même tonalité ?

Le lancement d'une « coopération renforcée » dans le cadre des traités aurait valeur d'expérimentation, puisque cette possibilité n'a jamais été utilisée jusqu'à présent. Or, c'est seulement par une expérience concrète que l'on pourra réellement mesurer les avantages et les inconvénients de cette formule. Laissons l'expérimentation trancher.

Comme l'a souligné Jacques Delors, la différenciation constitue, en réalité, la seule réponse possible pour concilier l'élargissement et l'approfondissement.

Renforcer la coopération opérationnelle pour les questions de justice et de sécurité est une impérieuse nécessité pour la crédibilité de l'Europe. Au moment où l'Europe doit se rapprocher davantage des citoyens, il convient, au-delà des égoïsmes institutionnels, de ne pas décevoir leurs aspirations profondes et d'apporter des réponses à la hauteur des enjeux. Dans le cas contraire, les citoyens ne manqueraient pas de s'interroger sur la capacité de l'Europe à apporter des réponses concrètes à leurs légitimes préoccupations.

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