VI. LE VOLET FINANCIER ET BUDGÉTAIRE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE : UNE ESTIMATION TRÈS DIFFICILE, DES CHOIX INSUFFISAMMENT ASSUMÉS

La politique de la ville est-elle trop coûteuse ? Comment distinguer les crédits spécifiques « ville » des crédits de droit commun et combiner origine administrative des crédits et zonage territorial de la politique de la ville ? La relative diminution des crédits d'intervention de la politique de la ville ces dernières années n'a-t-elle pas été compensée - et au-delà, par l'augmentation de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSUCS) ?

Telles ont été les principales interrogations de la mission concernant le volet financier et budgétaire de la politique de la ville.

Il est certes incontestable que l'Etat, les collectivités territoriales et, à moindre titre, l'Europe, consacrent depuis plusieurs années un effort particulier en faveur des quartiers sensibles. Cette progression est effectivement mesurée depuis 1994 : l'effort financier global était alors estimé à 1,4 milliard d'euros ; il a atteint 7,2 milliards d'euros en 2006 134 ( * ) .

Cette évolution positive, même si elle a connu parfois des à-coups, est une réalité et l'action déterminée du gouvernement en faveur d'une politique renouvelée de cohésion sociale lui a donné, depuis 2005, un nouvel élan. Ainsi, la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité pouvait se féliciter récemment que la seule contribution du budget de la ville avait dépassé le niveau de 1 milliard d'euros en 2006 135 ( * ) .

Pour autant, la mission a constaté et regretté les trop grandes incertitudes qui entourent encore l'appréciation des moyens mis en oeuvre pour les quartiers sensibles. En premier lieu, elle a relevé la difficulté d'identification des crédits « ville » par rapport aux crédits de droit commun compte tenu de la variabilité du périmètre de la politique de la ville. Elle a aussi déploré l'absence d'outil comptable permettant de mesurer précisément, par quartier identifié de la politique de la ville, les crédits effectivement dépensés. Elle s'est, enfin, interrogée sur la capacité des structures administratives actuelles à assumer leur rôle de gestion à un moment où les nouvelles règles budgétaires issues de la LOLF 136 ( * ) imposent des contraintes supplémentaires dans l'évaluation de la performance.

A. L'ESTIMATION IMPOSSIBLE DES CRÉDITS DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

La mission aurait souhaité disposer d'un chiffrage cohérent de la politique de la ville depuis une quinzaine d'années lui permettant de porter une appréciation fondée sur l'évolution de l'effort consenti par l'Etat et les collectivités territoriales en ce domaine 137 ( * ) . Mais l'appréciation objective de cet effort s'est heurtée à l'instabilité du périmètre de la politique de la ville et à des insuffisances persistantes dans la collecte et l'exploitation des informations.

1. Le débat récurrent des « crédits spécifiques » et des « crédits de droit commun »

Une des conséquences du caractère interministériel de la politique de la ville est la conjugaison de « politiques de droit commun » et d'une politique spécifique, celle-ci étant supposée intervenir en complément des premières dans les quartiers les plus en difficulté. 138 ( * )

Mais, en l'absence d'une réelle coordination entre les différents intervenants et du fait de la faiblesse des institutions chargées de porter la politique de la ville, on peut se demander si la fixation de la ligne de partage entre ces deux types d'intervention ne s'est pas traduite souvent par une simple substitution des crédits spécifiques de la politique de la ville aux crédits de droit commun.

Il a été exposé également à la mission des pratiques contestables comme notamment la requalification a posteriori au titre de la politique de la ville de certaines attributions de crédits permettant ainsi d'améliorer le bilan de cette politique 139 ( * ) .

Au vu de ce constat, la mission a été amenée à s'interroger sur l'intérêt de poursuivre dans la voie d'une identification formelle des crédits consacrés aux quartiers sensibles autrement que par la mise en oeuvre d'une géolocalisation des attributions de crédits quelle que soit leur origine administrative. La présidente de l'ONZUS soulignait ainsi devant la mission 140 ( * ) l'intérêt de cette démarche : « Nous suggérons qu'à la faveur de la mise en place de la LOLF et dans la mesure où le nouveau système d'information financière issu de ACCORD le prévoit, nous puissions réfléchir à une identification des zones, ce qui permettrait de pouvoir « géolocaliser » la dépense. Cette procédure garantirait une traçabilité de la dépense à destination des ZUS. »

* 134 Etats récapitulatifs de l'effort financier consacré à la politique de la ville et du développement social urbain.

* 135 Réponse à la question écrite n°20966 (JO Sénat du 6 juillet 2006).

* 136 Loi organique n°2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 137 Cette demande a été exprimée par les représentants de tous les groupes politiques.

* 138 « La politique de la ville consiste en une politique de droit commun forte. Ensuite viennent les actions spécifiques de la ville, du département et de la région à destination des quartiers difficiles. Cette démarche se vérifie également au niveau des autres collectivités » (Pierre André, audition du 1 er mars 2006).

* 139 Voir notamment les témoignages de Mme Dominique Voynet et M. Thierry Repentin (audition du 1 er mars 2006) et de M. André Vallet (audition du 23 mars 2006).

* 140 Audition du 1 er mars 2006.

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