Contribution du groupe Union Centriste - UDF

Après avoir pris connaissance du rapport d'information sur « le bilan et les perspectives d'avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté depuis une quinzaine d'années », nous tenons à saluer le travail considérable d'auditions et de déplacements entrepris par la mission. De nombreux responsables et acteurs de la politique de la ville ont pu, à cette occasion, faire connaître leur avis et apporter à la mission leur contribution à la réflexion et leurs suggestions.

De l'ensemble de ce matériau, riche de nombreuses expériences sur notre territoire comme à l'étranger, notre mission a, pour finir, choisi de présenter son rapport en sept orientations, listant, thématique par thématique, un nombre conséquent de propositions (70). Nous tenons à souligner l'implication toute particulière de notre rapporteur et collègue, Pierre André, à mener à bien cet état des lieux avec précision et exhaustivité, sa volonté d'être à l'écoute de toutes les sensibilités qui ont pu s'exprimer parmi les membres de notre mission lors du rendu de ses conclusions et son souci, autant que faire se peut, de prendre en considération les propositions que nous lui avons apportées.

En ce qui concerne le Groupe de l'Union Centriste-UDF, nous avons eu à coeur, sur un sujet que nous jugeons absolument central pour l'avenir de notre démocratie, de présenter un ensemble cohérent de propositions qui reflète la manière globale dont nous appréhendons les difficultés de nos quartiers sensibles. Très souvent, nos interlocuteurs qui interviennent dans ces quartiers, qu'ils soient élus, administratifs ou associatifs, emploient la même expression : « réparer le tissu urbain est un travail de dentelle ». C'est donc le fuseau à la main que nous avons entrepris d'apporter à la mission des propositions ambitieuses mais justes, tirées de l'expérience des territoires qui souffrent et qui méritent un avenir meilleur.

Satisfaits d'avoir été entendus, nous avons été d'autant plus interrogatifs de constater que le rendu final du rapport avait écarté des points que nous avions pourtant jugé essentiels. Le rapport n'a pas repris dans sa rédaction finale certaines observations formulées sur le contenu, et le ton souvent tranché et trop stigmatisant utilisé. Le temps dont nous disposions pour apporter des modifications sur le texte s'avérant trop court, notre groupe a néanmoins souhaité, par l'intermédiaire de cette contribution, rappeler les principes qui, à ses yeux, doivent fonder une politique de la ville à la hauteur des attentes de nos concitoyens.

1. La mobilisation du droit commun

Si la politique de la ville existe aujourd'hui, c'est à notre sens parce que nos politiques de droit commun n'ont jamais réussi à prioriser leurs interventions en direction des territoires cumulant les plus grandes difficultés sociales, économiques et urbaines de notre pays. C'est ainsi que la politique de la ville a été amenée, indirectement, à pallier l'absence de plus en plus évidente de crédits et de moyens de droit commun, qui étaient pourtant nécessaires au développement de ces quartiers. Or, comment juger l'action et l'impact de la politique de la ville quand celle-ci a été détournée de son objectif premier, à savoir : innover et expérimenter de nouvelles formes d'intervention adaptées aux besoins des populations des quartiers en difficulté. Comment la politique de la ville peut-elle faire encore « effet levier », si en amont les moyens humains et financiers classiques de l'Etat font défaut ? Comment par exemple mettre en place une police de proximité efficace dans les quartiers quand en parallèle, les effectifs de base sont déjà insuffisants dans les commissariats ?

Il y a donc un premier enjeu fondamental : redonner son caractère innovant à la politique de la ville en remobilisant fortement notre droit commun (emploi, culture, santé...) sur les territoires qui en ont le plus besoin. C'est seulement à cette condition que nous pourrons juger à terme de la réussite ou non de la politique de la ville. Ainsi, nous considérons que le présent rapport n'aborde que timidement cet enjeu fondamental pour les quartiers en difficulté. A titre d'exemple, nous aurions ainsi souhaité que les propositions formulées puissent lancer quelques pistes concrètes quant à la mobilisation du droit commun dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Inciter l'Etat à prioriser, dans ses missions budgétaires de droit commun (Education Nationale, Prévention et Sécurité, Culture, Santé...), des crédits à destination prioritairement de publics ou de territoires cibles de la politique, aurait pu constituer à nos yeux une avancée certaine dans ce débat.

2. Le nécessaire partenariat

Une autre clé de la réussite de notre action en faveur de ces quartiers est le partenariat. En effet, l'accélération de la décentralisation et le renforcement des compétences de nos collectivités locales, nous obligent à un nécessaire objectif de mise en cohérence des politiques publiques. Une action efficace en faveur des quartiers en difficulté est une action élaborée collectivement et concertée localement. Or, la nouvelle organisation de la politique de la ville avec notamment la mise en place d'agences nationales pose un certain nombre d'interrogations (quant à l'amélioration et la coordination des politiques publiques par exemple) qui aurait mérité d'être mieux traité à l'occasion de ce rapport. Comment au vu de cette nouvelle organisation pouvons-nous favoriser une véritable convergence des politiques publiques vers des objectifs prioritaires et partagés par tous ?

Dans la même lignée, il nous semble important de rappeler le rôle fondamental que peuvent jouer les collectivités locales (régions, départements, intercommunalités...) dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'un projet de développement social. Ainsi, et alors que le rapport se félicite de la mise en place de l'ANCSEC et du lancement des CUCS, nous aurions souhaité au contraire que les conclusions de notre mission soulève de vives inquiétudes quant à l'absence de dialogue et d'échanges avec les institutions régionales et départementales, induisant par la force des choses un risque d'éclatement de l'aspect partenarial de la politique de la ville. Cette inquiétude se transforme en crainte quant à la mise en oeuvre de cette politique en 2007, surtout pour de nombreux territoires qui n'auront pas les moyens humains pour s'organiser en conséquence. Dans ce contexte, nous estimons que le présent rapport aurait pu émettre un certain nombre de recommandations quant à l'organisation et la recherche de cohérence des politiques publiques, dans le cadre de ses actions en faveur des quartiers en difficulté.

Parallèlement, nos politiques publiques, qu'elles soient spécifiques (comme la politique de la ville) ou de droit commun, doivent accompagner et apporter leurs contributions pour la réussite de ce projet. Il est ainsi nécessaire, à notre sens, que les moyens de l'Etat, mais aussi d'autres partenaires de la politique de la ville, puissent faire preuve d'une meilleure adaptabilité aux situations locales. Nos territoires, et dans la proximité les acteurs de terrain, souffrent du changement perpétuel des politiques publiques sans véritable bilan et évaluation des résultats. Dans ce sens, la généralisation de conventions pluriannuelles avec les collectivités ou les associations constitue une avancée significative, reste cependant à garantir une certaine souplesse pour répondre aux multiples situations de terrain.

3. Une évaluation permanente

La question de l'évolution des territoires est également un sujet majeur que nous devons apprendre à maîtriser pour rendre nos politiques publiques plus efficaces. Au delà des critères de pauvreté ou de précarité sociale, nos territoires ont aussi des vitesses de développement différentes que nous devons appréhender. Ainsi, dans une politique qui s'appuie essentiellement sur des zonages, savoir tenir à jour l'évolution des territoires est une priorité qu'il faut atteindre pour savoir concentrer les moyens humains et financiers de l'Etat, là où ils sont le plus nécessaires. Il faut donc indéniablement bâtir de nouveaux outils d'évaluation, de nouveaux indicateurs partagés, pour que nos politiques publiques soient les plus réactives possibles à l'évolution des territoires. Dans ce sens, il nous paraissait important que les conclusions du présent rapport puissent dresser des pistes dans ce sens. En effet, tout dispositif basé sur des zonages doit faire l'objet d'une évaluation permanente, et dans ce contexte chaque territoire concerné doit pouvoir bénéficier d'un appui pour entrer ou sortir d'un dispositif. Ainsi, étudier la mise en place de contrat de sortie ou d'entrée, assortie à une vaste réflexion sur la création d'un outil d'évaluation continu du développement des territoires constitue une proposition qui aurait pu trouver parfaitement sa place dans les conclusions de ce rapport. Sur ce sujet, les Zones Urbaines Sensibles (ZUS) constituent un exemple criant, puisque ce zonage qui s'appuie sur une « photographie » des difficultés sociales, urbaines et économiques de nos quartiers d'il y a dix ans, constitue toujours (sans réactualisation) un critère de base dans le choix de la priorisation territoriale des interventions de l'Etat.

4. Un indispensable volet accompagnement humain

Concernant le volet accompagnement humain, il nous semble nécessaire de rappeler l'importance que joue le tissu associatif dans les quartiers mais aussi de rappeler qu'il faut savoir différencier deux types d'associations et donc distinguer deux types d'approches. Concernant les associations « professionnalisées », souvent délégataires de services publics, elles doivent faire, de notre point de vue, l'objet d'une approche plus qualitative. Au delà des périodes d'évaluation, il convient ainsi d'instaurer une relation durable entre les associations et nos institutions, permettant des échanges constants tout au long de la réalisation des contrats d'objectifs. En effet, comment peut-on souhaiter une meilleure évaluation des actions menées par les associations en politique de la ville si en amont de la contractualisation les conditions (définition claire des objectifs, indicateurs de suivi...) ne sont pas réunis pour réussir cet exercice ? L'Etat, ainsi que toutes les institutions souhaitant s'impliquer dans la politique de la ville doivent être présents à chaque moment du projet et pas seulement en fin de course au moment de l'évaluation .Le tissu associatif est un outil essentiel pour la cohésion sociale de nos quartiers, que nous devons conforter en sécurisant leurs moyens, mais aussi en établissant une relation de confiance avec les institutions.

Parallèlement, et concernant les associations de quartiers mobilisant des bénévoles, nous préconisons de généraliser la mise en place d'outils de financements plus réactifs (voir l'expérience des Fonds de Participation des Habitants en région Nord-Pas-de-Calais) permettant le financement de micro-projets et renforçant les moyens destinés à la formation et la qualification des habitants.

Concernant des aspects plus thématiques, et pour ne citer qu'un exemple, alors que le rapport dans sa proposition 52, rappelle l'importance de l'accès à la culture, il n'y a dans le chapitre V, pas une ligne pour expliquer à quoi cela fait référence. Or, le rôle de la culture dans les quartiers en difficulté est un vecteur d'intégration, de construction d'une identité et d'apprentissage de règles collectives (pratiques sportives en particulier). Elle participe au sentiment d'appartenance et contribue ainsi au Pacte républicain. Pourtant le constat d'essoufflement voire d'échec des politiques culturelles en termes d'accessibilité à la culture ou d'appauvrissement de la création est aujourd'hui encore plus réel dans les cités qu'ailleurs.

Nous aurions aimé que ce point soit développé autour de quelques axes forts :

- créer une ligne budgétaire spécifique de droit commun (dans la mission Culture du budget de l'Etat) pour développer les initiatives culturelles dans les quartiers

- prévoir une ligne budgétaire spécifique pour les actions culturelles dans le budget de l'Ancsec

- travailler à la mise en oeuvre d'une politique culturelle de proximité

- créer les conditions de l'accessibilité par des actions de sensibilisation et ciblées (exemple des dispositifs passerelles)

- Créer les conditions de la mixité sociale et de brassage des populations : un événement référent pour la vie de ces quartiers ; un établissement phare et structurant installé au sein du quartier (ex de la future Médiathèque à Rouen, plutôt qu'en centre ville) favorisant la diffusion de la culture (ou lors de festivals).

- repenser la répartition dans la ville des équipements de proximité (bibliothèques, cinéma, MJC, écoles de musique...);

- Tirer parti des expériences réussies : livre blanc des réussites

- Expérimenter les « crèches-écoles » pour accueillir les enfants de 2 ans au moment où la question de l'apprentissage du langage est cruciale.

En conclusion, les sénateurs du Groupe de l'Union Centriste-UDF, membres de la mission d'information, regrettent que le rapport, en ayant fait un constat juste de la situation de nos quartiers, n'ait pas débouché sur des propositions plus ambitieuses : car le propre de cet exercice parlementaire est bien de tracer des perspectives qui pourraient à l'avenir aider à rendre nos politiques publiques plus efficaces.

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