2. Poursuivre la modernisation du fichier des interdits de jeux et améliorer sa fiabilité et son efficacité

Une autre question importante se pose : le fichier central des interdits du ministère de l'intérieur est-il fiable et protège-t-il suffisamment les joueurs en difficulté, comme c'est sa mission ?

Les très gros efforts de modernisation de ce fichier ont déjà été cités, mais un fait reste très étonnant : les taux d'inscriptions dans les fichiers suisse et français diffèrent du tout au tout.

Nombre d'interdits de jeu en France et en Suisse

Population

Inscrits

Taux

France

62,2 millions

26.000

0,04 %

Suisse

7 millions

13.000

0,19 %

NB. Le nombre de joueurs étant inconnu, on ne peut rapporter ces taux qu'à la population.

Reporté en France un taux de 0,19 % donnerait quelque 117.800 inscrits.

Les modes de vie et les comportements des deux populations étant relativement proches, qu'est-ce qui peut expliquer un tel décalage (de 1 à 4) ?

L'enquête française, conduite par la police quand un joueur demande à être interdit, est-elle trop longue ? trop lente ? trop intrusive ?, dissuadant de la sorte des joueurs écartelés entre la nécessité d'une interdiction et leur désir invétéré de ne pas se couper du jeu ?

Il est exact que les méthodes française et suisse diffèrent : en Suisse, l'« exclusion » se discute directement dans le casino 164 ( * ) , entre le joueur en difficulté et le responsable social de l'établissement 165 ( * ) , qui a peut être pris l'initiative de lui proposer l'exclusion.

Approche directe, discussion en tête à tête, relation de confiance plus aisée : c'est la méthode suisse, inspirée par l'Etat, avec tout ce qu'elle contient de mise en oeuvre de la responsabilité et de l'initiative privée.

Le système est, par ailleurs, plus souple puisque l'exclusion n'est prononcée par le casino que pour un an, renouvelable par tacite reconduction et que son réexamen ne s'engagera qu'au prix de solides garanties apportées par le joueur.

Enfin, pour ceux qui craindraient qu'un responsable privé, professionnel, soit laxiste dans ce domaine qui exige une rigueur absolue, la démonstration du contraire est très claire.

Mais il y a mieux encore : dans les cantons helvétiques, il existe, entre certains joueurs et les responsables sociaux des casinos, des contrats de modération du jeu .

La situation du joueur n'étant pas encore désespérée, le casino lui propose de limiter volontairement le nombre de ses visites (une, deux, quatre par mois). Il s'agit d'un véritable contrat écrit et signé, dont l'observance est vérifiée par le contrôle aux entrées et qui, en cas de fraudes, déboucherait automatiquement sur une exclusion.

On trouve à nouveau : dialogue, souplesse, recours à la responsabilité, mais aussi contrôle et éventuellement sanction.

La proportion des contrats de modération par rapport au nombre des exclusions était, fin septembre 2006, de 300 pour 13.000, soit 1,8 %.

Petite statistique mais grand intérêt sur le plan moral.

On ne peut que rapprocher des données (dont les Suisses sont très satisfaits) des demandes des casinos français dans le domaine des ANPR, c'est-à-dire de la faculté qui leur est accordée (c'est une tolérance) de ne pas recevoir tel ou tel joueur.

Conçues initialement contre les joueurs causant du désordre, elles sont en nombre limité et les pouvoirs publics ne les voient pas d'un bon oeil, car l'Etat est peu enclin à laisser régenter d'autres que lui. Or, certains casinotiers, parmi ceux qui travaillent et recherchent des solutions, proposent à l'Etat de gérer eux-mêmes la totalité des cas qui réclament une interdiction de jeux.

Si on imagine mal que l'Etat réponde favorablement à une demande à ce point « révolutionnaire », il est par contre normal qu'on lui demande de bien vouloir examiner de près le système suisse tel qu'il a été décrit plus haut, et d'envisager d' autoriser les casinos (à condition qu'ils soient eux-mêmes organisés avec de vrais responsables sociaux de la dépendance) à procéder à des exclusions qui viendraient « compléter » les interdictions de l'Etat. Elles seraient enregistrées sur un fichier commun (avec bien entendu une codification différente) et seraient soumises à la même réglementation.

Dans le même ordre d'idées, votre rapporteur pense sincèrement que les contrats de modération sont une excellente chose, qu'il faut les promouvoir, les laisser gérer aux casinos et en surveiller les effets.

Ce sont des propositions majeures.

PROPOSITIONS

Poursuivre la modernisation du fichier des interdits de jeux et améliorer sa fiabilité et son efficacité.

Promouvoir des contrats de modération, suivant l'exemple suisse, en laissant les casinos les gérer et en suivre les effets.

* 164 Le fichier suisse est géré par les casinos et non par une autorité publique.

* 165 La loi suisse sur les « maisons de jeux » impose l'existence réelle et l'activité d'un responsable social dans chaque casino. Il est en charge de la dépendance, des contacts avec les joueurs et de la formation continue du personnel aux problèmes de la dépendance.

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