B. LES ÉLECTIONS AU SCRUTIN UNINOMINAL

1. Les élections cantonales

Les conseils généraux restant actuellement les assemblées élues les moins féminisées de France, de nombreuses propositions ont été formulées pour améliorer cette situation.

a) Le « ticket paritaire » : l'institution d'un suppléant de sexe différent

La proposition la plus fréquemment avancée au cours des auditions de la délégation consiste à prévoir l'obligation pour les candidats aux élections cantonales d'avoir un suppléant de sexe différent qui remplacerait le titulaire en cas de vacance .

Ainsi que l'a souligné Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité , entendue par la délégation le 27 juin 2006, cette formule dite du « ticket paritaire » présenterait le double avantage de faire entrer progressivement un nombre croissant de femmes au sein des conseils généraux, ce qui leur permettrait d'acquérir une notoriété politique, mais aussi d'éviter l'organisation de fréquentes et coûteuses élections partielles. Les élus atteints par la limitation du cumul des mandats renonçant fréquemment à leur mandat de conseiller général, les femmes placées en position de suppléantes pourraient progressivement intégrer les assemblées départementales.

À l'occasion de la Convention précitée de l'UMP intitulée « Femmes, libres et égales », le 7 mars 2006, M. Nicolas Sarkozy a ainsi proposé de « doter les conseillers généraux de suppléants de sexe opposé, afin de favoriser l'implantation locale des femmes ».

Cette proposition a été reprise par le projet de loi déposé au Sénat ; cependant, selon la rédaction retenue par le Gouvernement, le suppléant ne remplacerait le titulaire que dans l'éventualité d'un décès de ce dernier, et non dans tous les cas de vacance du mandat .

En revanche, la proposition de loi n°44 (2006-2007) déposée par notre collègue Jean-Louis Masson prévoit le remplacement du titulaire dans tous les cas de vacance du mandat, sauf bien entendu en cas d'annulation de l'élection 31 ( * ) .

Notre collègue Jean-Pierre Raffarin a souligné au cours de l'audition par la délégation de la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité qu'il était très favorable à l'institution d'un « ticket paritaire » pour les élections cantonales, en précisant que l'on pourrait éventuellement fixer une limite dans le temps à l'application de cette mesure susceptible de provoquer un « sursaut » immédiat.

Notre collègue Fabienne Keller, intervenant en qualité de membre du bureau de l'Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), a fait observer que le conseiller général, notamment en zone rurale, était « très seul » dans l'exercice de son mandat et qu'il pourrait être intéressant de le doter d'un suppléant, considérant cependant que les femmes risquaient d'être cantonnées à cette fonction.

S'exprimant au nom de l'association « Femmes, débat et société » (FDS), Mme Florence Richard, présidente du conseil d'administration, a estimé que, pour ne pas se limiter à une parité de façade, le mécanisme de « ticket paritaire », associant un titulaire et un suppléant de sexe différent, devrait donner un rôle véritable au suppléant. Selon la proposition de FDS, grâce à la formalisation d'un « contrat de mandat » définissant préalablement les rôles respectifs du titulaire et du suppléant , ce « ticket paritaire » permettrait de présenter aux électeurs un véritable binôme et prévoirait, éventuellement, une alternance entre titulaire et suppléant à mi-mandat .

Mme Marie-Pierre Badré, présidente de l'association « Parité 50/50 », a en outre émis l'hypothèse d'instituer une rotation des hommes et des femmes sur les fonctions de titulaire et de suppléant, après deux ou trois mandats de conseiller général.

Mme Régine Saint-Criq, présidente de l'association « Parité », a fait valoir que le « ticket paritaire » permettrait à la fois d'éviter l'organisation de coûteuses élections partielles et d'initier des femmes à l'exercice d'un mandat politique. Elle a par ailleurs considéré nécessaire le redécoupage des circonscriptions cantonales, qui, selon elle, ne correspondent plus à des territoires vivants, à des bassins de vie d'aujourd'hui.

En revanche, notre collègue Dominique Voynet, s'exprimant au nom des Verts, a qualifié cette proposition d'« échappatoire commode » et noté que les femmes seraient le plus souvent cantonnées à la fonction de suppléante.

b) La combinaison d'un scrutin de liste et d'un scrutin uninominal avec « ticket paritaire »

L'obligation pour les candidats aux élections cantonales au scrutin majoritaire d'avoir un remplaçant de sexe opposé figure également dans la proposition n° 269 (2004-2005) présentée par notre collègue Jean-Louis Masson, mais en s'inscrivant dans le cadre d'une modification radicale du mode de scrutin applicable aux élections cantonales .

Les conseillers généraux, dont le nombre serait fixé en fonction de la population du département, seraient désormais élus dans le cadre de circonscriptions cantonales, dont le découpage serait effectué, sous réserve de certaines adaptations, « en cohérence » avec le périmètre des EPCI à fiscalité propre 32 ( * ) .

Dans les circonscriptions cantonales élisant plusieurs conseillers généraux, les élections cantonales auraient désormais lieu selon un scrutin de liste à un tour avec représentation proportionnelle et répartition des restes à la plus forte moyenne, les listes devant être composées alternativement d'un candidat de chaque sexe 33 ( * ) .

Le scrutin majoritaire à deux tours ne serait maintenu que dans les circonscriptions cantonales élisant un seul conseiller général, chaque candidat devant avoir un suppléant de l'autre sexe appelé à le remplacer en cas de vacance du siège 34 ( * ) .

S'inspirant de la même logique, plusieurs personnalités auditionnées par la délégation ont émis l'idée de combiner un scrutin de liste pour les cantons urbains et un scrutin uninominal, le cas échéant avec ticket paritaire, pour les cantons ruraux . Tel a notamment été le cas de Mme Marie-Jo Zimmermann, rapporteure générale de l'Observatoire de la parité, ou de Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, entendue en qualité de représentante de l'Assemblée des départements de France (ADF).

Estimant impératif de préserver le scrutin uninominal pour les cantons ruraux au regard de la relation de proximité entre les citoyens et les élus, celle-ci a indiqué qu'elle avait, à titre personnel, proposé pour les cantons urbains d'instituer un scrutin de liste susceptible de renforcer la présence des femmes dans les conseils généraux, en précisant que la coexistence de ces deux modes de scrutin différents pour les élections cantonales ne semblerait pas poser de problème constitutionnel.

Pour sa part, notre collègue Hugues Portelli, également professeur de sciences politiques et de droit constitutionnel à l'université de Paris II, a évoqué la possibilité de mixer le scrutin majoritaire et le scrutin de liste, en recourant à la présentation par les partis de listes paritaires dans chaque département , chaque candidat(e) étant affecté(e) à une circonscription ou à un canton et le mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours restant inchangé.

c) La proposition d'un « ticket paritaire » avec choix par l'électeur du titulaire et du suppléant

Notre collègue Muguette Dini propose pour sa part, dans sa proposition de loi n° 153 (2005-2006), une variante du ticket paritaire ne remettant pas en cause le scrutin majoritaire à deux tours, qui s'effectuerait cependant dans le cadre de listes composées de deux candidats de sexe différent.

Selon le système proposé, l'électeur serait appelé à choisir lui-même lequel des deux candidats il souhaiterait voir siéger en qualité de titulaire en cas d'élection, en rayant le nom de l'autre candidat. Au sein de la liste gagnante, déterminée à la suite du comptage des voix par liste, le candidat dont le nom serait conservé sur le plus grand nombre de bulletins serait désigné comme titulaire alors que celui dont le nom aurait été rayé le plus souvent serait considéré comme suppléant 35 ( * ) .

Ainsi que l'explique Mme Muguette Dini dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi, ce système permettrait de « promouvoir la parité de choix à l'occasion des scrutins, mais aussi de limiter le recours aux élections partielles, bien trop fréquentes ».

Plusieurs personnalités auditionnées par la délégation ont cependant fait part de leurs réserves au sujet de cette proposition, soulignant notamment que sa mise en oeuvre risquait de susciter une concurrence entre l'homme et la femme se présentant sur la même liste.

Par exemple, Mme Bérengère Poletti, déléguée générale aux femmes de l'UMP, s'est dite plutôt favorable à l'idée d'un « ticket paritaire » composé d'un titulaire et d'un suppléant de sexe différent pour les élections cantonales, qui permettrait à la fois l'accession d'un plus grand nombre de femmes au sein des conseils généraux et la suppression des élections partielles, mais s'est en revanche déclarée défavorable au système proposé par Mme Muguette Dini. Qu'il s'agisse des élections législatives ou des élections cantonales, elle a insisté sur l'importance fondamentale du choix d'une personne, et non d'une liste, par l'électeur et a également fait observer que ce système comportait les germes d'une concurrence malsaine entre un homme et une femme se présentant sur une même liste.

d) La proposition de mise en place d'un scrutin de liste avec obligation de parité

Par ailleurs, certains intervenants ont jugé intéressante, mais insuffisante la proposition du « ticket paritaire » et ont proposé la mise en place d'un scrutin de liste avec obligation de parité des candidatures .

Mme Laurence Cohen, responsable de la commission « droits des femmes et féminisme » au PCF, a suggéré que les conseils généraux soient élus selon un mode de scrutin proche de celui en vigueur pour les conseils municipaux, soit un scrutin de liste à parité intégrale, avec un bonus à la liste majoritaire, et a relativisé la pertinence de l'argument tiré du nécessaire lien de proximité entre les conseillers généraux et leurs électeurs dans le cadre des cantons.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire nationale aux droits des femmes et à la parité au PS, s'est prononcée en faveur de l'instauration de la représentation proportionnelle pour l'élection des conseils généraux, dans le cadre d'un scrutin de liste départemental.

Pour sa part, notre collègue Dominique Voynet, s'exprimant au nom des Verts, s'est dite favorable, pour les élections cantonales, à un scrutin de liste proportionnel, avec obligation de parité et prime majoritaire, sur le modèle du scrutin appliqué aux élections régionales.

2. Les élections législatives

a) Les propositions de modification du mode de scrutin
(1) Le « ticket paritaire » : l'institution d'un suppléant de sexe différent

À l'instar des propositions présentées pour les élections cantonales, certaines propositions suggèrent aussi d'instituer le « ticket paritaire » pour les élections législatives qui se déroulent également au scrutin uninominal majoritaire à deux tours et qui n'ont jusqu'ici permis l'élection que d'un nombre assez faible de femmes.

Il est d'ailleurs à noter que le « ticket paritaire » est déjà généralement appliqué dans la pratique lorsque le député titulaire est une femme.

Notre collègue Jean-Louis Masson propose, dans le cadre de ses propositions de loi n° 326 (2005-2006) 36 ( * ) et n° 44 (2006-2007) 37 ( * ) , le principe de l'obligation pour les députés d'avoir un suppléant de sexe opposé.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a cependant fait valoir devant la délégation la difficulté de la mise en place d'un « ticket paritaire » pour les élections législatives, à moins d'un an des échéances électorales.

De même, Mme Bérengère Poletti, déléguée générale aux femmes à l'UMP, a indiqué que l'idée d'instaurer l'obligation pour chaque candidat d'avoir un suppléant de sexe différent semblait aujourd'hui abandonnée, faute d'avoir pu mettre le dispositif au point suffisamment tôt pour qu'il puisse s'appliquer aux prochaines élections législatives.

(2) Le « ticket paritaire » avec choix par l'électeur du titulaire et du suppléant

Le système proposé par notre collègue Muguette Dini dans le cadre de sa proposition de loi n° 153 (2005-2006) pour appliquer le « principe d'égale candidature des femmes et des hommes » aux actuels scrutins majoritaires uninominaux grâce à la présentation de listes paritaires de deux noms aurait vocation à s'appliquer aux élections législatives comme aux élections cantonales. Sur la liste majoritaire, le candidat dont le nom serait conservé sur le plus grand nombre de bulletins serait déclaré titulaire, celui dont le nom aurait été le plus souvent rayé devenant de facto suppléant, ce qui permettrait aux électeurs de « choisir librement entre un homme et une femme » 38 ( * ) .

Au cours des auditions de la délégation, cette proposition a cependant suscité les mêmes réserves que pour les élections cantonales.

(3) L'introduction d'une dose de représentation proportionnelle

En revanche, plusieurs personnalités auditionnées par la délégation se sont prononcées en faveur de l'introduction d'une dose de représentation proportionnelle .

Mme Bérengère Poletti, déléguée générale aux femmes à l'UMP , a reconnu qu'une réflexion sur l'introduction d'une « dose de proportionnelle » était parfaitement envisageable.

S'exprimant en qualité de vice-présidente de l'UDF, notre collègue Valérie Létard a préconisé l'introduction du scrutin proportionnel pour les élections législatives, en s'inspirant notamment du système allemand.

Mme Laurence Cohen, responsable de la commission « droits des femmes et féminisme » au PCF, a proposé que les élections législatives aient lieu soit à la représentation proportionnelle intégrale, avec des listes comportant une obligation de parité, soit au scrutin majoritaire, mais avec l'instillation d'une dose de proportionnelle, qui permettrait notamment d'assurer une représentation des femmes plus importante.

Mme Florence Richard, présidente du conseil d'administration de l'association « Femmes, débat et société », a indiqué que cette association préconisait d'instiller une dose de proportionnelle, notamment aux élections législatives. À défaut, elle a évoqué la solution précédemment analysée, consistant à introduire un mécanisme de « ticket paritaire » comme pour les élections cantonales, formalisé dans un « contrat de mandat » définissant préalablement les rôles respectifs du titulaire et du suppléant, en prévoyant, éventuellement, une alternance entre titulaire et suppléant à mi-mandat.

En outre, elle a évoqué une proposition plus radicale tendant à prévoir le principe de la parité des candidatures au niveau de l'ensemble des circonscriptions de chaque département, dont le non-respect serait sanctionné par l'invalidation de ces candidatures.

(4) La combinaison d'un scrutin de liste et d'un scrutin majoritaire

Enfin, d'autres intervenants ont proposé des formules originales combinant le scrutin majoritaire et le scrutin de liste.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire nationale aux droits des femmes et à la parité au PS, a plaidé, à titre personnel, en faveur d'un scrutin binominal par circonscription , qui ne pourrait être appliqué qu'après un redécoupage des circonscriptions, du reste recommandé par le Conseil constitutionnel. Elle a expliqué que ce mode de scrutin, qui représente une synthèse entre le scrutin de liste et le scrutin majoritaire, consisterait à élire, dans le cadre de circonscriptions deux fois moins nombreuses qu'actuellement, soit environ 300, un homme et une femme figurant sur une même liste en même temps, et qu'il aboutirait ainsi à introduire la parité à l'Assemblée nationale.

Tout en se déclarant favorable à l'application de la représentation proportionnelle pour les élections législatives, notre collègue Dominique Voynet, s'exprimant au nom des Verts, a néanmoins considéré qu'il convenait de chercher à améliorer la représentation des femmes, y compris lorsque le scrutin majoritaire était appliqué. Elle a ainsi proposé, de même que Mme Laurence Rossignol, que les députés soient élus au scrutin binominal dans le cadre de circonscriptions regroupant deux circonscriptions actuelles, chacune de ces nouvelles circonscriptions élisant en même temps un homme et une femme figurant sur une même liste.

Notre collègue Hugues Portelli, également professeur de sciences politiques et de droit constitutionnel à l'université de Paris II, a évoqué, comme pour les élections cantonales, la possibilité de mixer le scrutin majoritaire et le scrutin de liste, en recourant à la présentation par les partis de listes paritaires dans chaque département, chaque candidat(e) étant affecté(e) à une circonscription ou à un canton et le mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours restant inchangé.

b) L'alourdissement des pénalités financières et la mise en place d'un bonus financier
(1) L'alourdissement des pénalités financières existantes

D'autres propositions consistent, sans modifier le mode de scrutin applicable aux élections législatives, à renforcer l'efficacité du système de pénalités financières applicable aux dotations publiques allouées aux partis politiques, qui a été mis en place par la loi du 6 juin 2000 mais ne s'est pas avéré suffisamment incitatif pour favoriser l'entrée d'une proportion importante de femmes à l'Assemblée nationale.

A l'occasion de ses voeux de début d'année, en janvier 2006, M. Jacques Chirac, Président de la République, a souhaité que les sanctions financières applicables aux partis politiques ne respectant pas la parité des candidatures « soient considérablement renforcées pour devenir véritablement dissuasives ».

Le projet de loi déposé au Sénat par le Gouvernement prévoit ainsi l'alourdissement de la pénalisation financière actuellement applicable au calcul de la première fraction de la dotation publique allouée aux partis politiques ; le pourcentage de l'abattement appliqué sur la première fraction passerait de la moitié aux trois quarts de l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe rapporté au nombre total des candidats . Cependant, cette disposition ne s'appliquerait pas pour ce qui concerne les prochaines élections législatives, mais seulement à compter du premier renouvellement général de l'Assemblée nationale suivant le 1 er janvier 2008, soit, en l'absence de dissolution, à partir de 2012.

Au cours de son audition devant la délégation le 27 juin 2006, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a présenté les résultats d'une simulation de cette mesure sur la base des dotations allouées aux partis en 2004, qui figurent dans le tableau ci-après :

Renforcement des sanctions financières sur la première fraction de l'aide publique
aux partis politiques (en euros)

Montant de la première fraction hors pénalité (montant théorique)

Montant de la première fraction pour 2004 (application de la pénalité de 50 %)

Montant de la première fraction avec l'application d'une pénalité de 75 %

UMP

14.053.512,65

9.789.512,65

Montant de la pénalité : 4.264.000

7.729.431,96

Montant de la pénalité : 6.324.080,69

PS

10.719.768,81

9.068.768,81

Montant de la pénalité : 1.651.000

8.243.502,22

Montant de la pénalité : 2.476.266,59

UDF

2.217.047,46

1.549.972,46

Montant de la pénalité : 667.075

1.217.159,06

Montant de la pénalité : 999.888,40

PC

2.008.928,35

1.884.789,35

Montant de la pénalité : 124.139

1.822.700,70

Montant de la pénalité : 186.227,65

Source : Ministère de la cohésion sociale et de la parité

Au cours de son audition devant la délégation, le 29 novembre 2006, M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, a justifié l'absence d'application immédiate de l'alourdissement des sanctions financières applicables aux partis politiques ne respectant pas la parité des candidatures aux élections législatives, en rappelant qu'il n'était pas envisageable de modifier les « règles du jeu » six mois avant un scrutin.

Notre collègue Jean-Louis Masson a également proposé, dans le cadre de ses propositions de loi n° 207 (2005-2006), n° 326 (2005-2006) et n° 44 (2006-2007), de renforcer considérablement les pénalités financières applicables aux partis politiques.

La proposition de loi n° 207 tend tout d'abord à un doublement des pénalités financières existantes sur la première fraction 39 ( * ) , allant même jusqu'à prévoir une suppression totale du versement de cette première fraction aux partis politiques présentant moins d'un tiers de femmes aux élections législatives 40 ( * ) . En outre, pour pénaliser les partis politiques « qui ne respectent la parité qu'en apparence » et « affectent systématiquement les femmes dans les circonscriptions qui, pour eux, sont perdues d'avance », un abattement de 50 % sur la deuxième fraction de l'aide publique serait infligé aux partis comptant moins d'un cinquième de femmes parmi les parlementaires qui s'y rattachent 41 ( * ) .

La proposition de loi n° 326 reprend cette idée, mais en limitant le montant de cette dernière pénalité à un tiers de la deuxième fraction , ce qui est considéré par M. Jean-Louis Masson comme un « minimum » 42 ( * ) .

Quant à la proposition de loi n° 44, elle tend à porter le coefficient de la pénalité de la moitié au double de l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe rapporté au nombre total des candidats, tout en faisant porter cette pénalité, non seulement sur la première fraction, mais également sur la seconde fraction de l'aide publique 43 ( * ) .

En revanche, notre collègue Dominique Voynet, s'exprimant au nom des Verts, a fait part de son hostilité au renforcement des pénalités financières. Elle a en effet noté que les partis politiques n'étaient pas égaux en matière de pénalités financières, indiquant par exemple que le montant des pénalités subies au titre du non-respect de la parité des candidatures aux élections législatives par l'Union pour un mouvement populaire (UMP) était supérieur au budget que sa propre formation politique pouvait consacrer aux élections législatives.

Considérant que les pénalités financières n'étaient pas efficaces et déplorant que les partis politiques « achètent le droit de ne pas respecter l'obligation de parité », Mme Laurence Rossignol, secrétaire nationale aux droits des femmes et à la parité au PS , a indiqué que le PS serait favorable à une suppression totale du financement public pour les partis politiques qui ne respecteraient pas la parité des candidatures.

Allant plus loin encore, Mme Laurence Cohen, responsable de la commission « droits des femmes et féminisme » au PCF , a indiqué que le PC serait favorable à une interdiction de présenter des candidats aux élections pour sanctionner ces partis.

(2) La création d'un « bonus » proportionnel au nombre de femmes élues

Par ailleurs, constatant que la loi actuelle « pénalise les partis politiques lorsqu'ils ne présentent pas suffisamment de candidates, mais ne tient pas compte du nombre de femmes élues et n'incite donc pas les partis à présenter des femmes en situation éligible » et qu'« entre payer des pénalités et perdre les élections en l'absence de femmes éligibles implantées sur le terrain, les partis préfèrent encore payer des pénalités », M. Nicolas Sarkozy, a proposé, le 7 mars 2006, dans le cadre de la convention de l'UMP intitulée « Femmes, libres et égales », de « créer en plus un bonus pour toutes les femmes élues à l'Assemblée nationale ».

Ce « bonus » financier destiné à inciter les partis à présenter des femmes en position éligible, applicable à la seconde fraction de l'aide publique, serait mis en oeuvre parallèlement aux sanctions financières pour insuffisance de candidates, applicables à la première fraction de l'aide publique, qui seraient maintenues, voire aggravées.

Au cours de son audition devant la délégation, Mme Bérengère Poletti, déléguée générale aux femmes de l'UMP, a salué cette idée lancée par M. Nicolas Sarkozy de récompenser financièrement les partis politiques qui s'efforcent de faire progresser l'accès des femmes aux responsabilités en présentant des femmes dans des circonscriptions « gagnables », ce « bonus » pouvant éventuellement être conjugué avec un renforcement des pénalités financières existantes.

De même, Mme Florence Richard, présidente du conseil d'administration de l'association « Femmes, débat et société », a suggéré, en s'inspirant d'un dispositif italien, l'introduction en France d'une récompense attribuée aux partis « vertueux » en matière de parité, en fonction non pas du respect de la parité des candidatures, mais du nombre de femmes élues.

Notre collègue Valérie Létard, entendue en sa qualité de vice-présidente de l'UDF, a déclaré au cours de son audition qu'elle ne verrait aucun inconvénient à la mise en place d'un tel bonus, tout en soulignant la nécessité de prendre en considération la cohérence d'ensemble du système.

En revanche, notre collègue Fabienne Keller, s'exprimant en qualité de membre du bureau de l'AMGVF, s'est dite défavorable à l'idée d'un « bonus » financier, rappelant que la norme de la représentation politique des femmes devait être la parité, et non un seuil minimum.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a indiqué devant la délégation avoir été d'abord séduite par l'idée d'un « bonus » corrélé au nombre de femmes élues députées, qui lui paraissait plus incitatif que les pénalités financières, mais a estimé qu'un tel dispositif, au lieu d'être véritablement incitatif, aurait en réalité pour conséquence d'avantager le « moins mauvais » des partis politiques, et qu'il contribuerait, de par sa complexité, à réduire la lisibilité d'ensemble des modes de scrutin.

* 31 Cf. article 10 de la proposition de loi.

* 32 Cf. articles 1 er et 2 de la proposition de loi.

* 33 Cf. article 4 de la proposition de loi.

* 34 Cf. article 5 de la proposition de loi.

* 35 Cf. article 17 de la proposition de loi.

* 36 Cf. article 2 de la proposition de loi.

* 37 Cf. article 3 de la proposition de loi.

* 38 Cf. article 1 er de la proposition de loi.

* 39 Cf. article 1 er de la proposition de loi.

* 40 Cf. article 2 de la proposition de loi.

* 41 Cf. article 3 de la proposition de loi.

* 42 Cf. article 3 de la proposition de loi.

* 43 Cf. article 1 er de la proposition de loi.

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