IX. L'UTILISATION DES CONTRATS AIDÉS COMME DES OUTILS DE PLACEMENT PAR L'ANPE DEMEURE PERFECTIBLE

A. LA MISE EN PLACE DU SUIVI MENSUEL DES DEMANDEURS D'EMPLOI CONSTITUE UNE OPPORTUNITÉ MIEUX UTILISER LES CONTRATS AIDÉS

Les contrats aidés du plan de cohésion sociale ne sont pas toujours suffisamment appréhendés comme des outils au service du placement du demandeur d'emploi, leur utilisation étant souvent considérée comme trop complexe par les conseillers pour l'emploi.

Une nouvelle organisation se met en place dans le cadre du suivi mensuel des demandeurs d'emploi

La mise en oeuvre opérationnelle des contrats aidés repose sur les services de l'ANPE, et plus particulièrement sur les agences locales pour l'emploi (ALE) qui concluent les contrats aidés au nom de l'Etat et, éventuellement, du département 94 ( * ) et fixent les taux de prise en charge des CIE et CAE, selon les critères fixés par le SPER, dans lequel siège la direction régionale de l'ANPE.

L'obligation d'entretien mensuel avec tous les demandeurs d'emploi vient ajouter une nouvelle contrainte qui a conduit l'ANPE à prévoir pour 2006 le recrutement de 3 200 conseillers pour l'emploi 95 ( * ) .

En effet, chaque conseiller pour l'emploi des ALE a désormais la charge du suivi mensuel d'un « portefeuille » de demandeurs d'emploi dont il est le conseiller « référent ». Ce mode d'organisation doit permettre au conseiller de mieux connaître les demandeurs d'emploi et, ainsi, de mieux utiliser les contrats aidés comme outils de placement, notamment en intervenant auprès des employeurs pour proposer leur candidature. Les conseillers pour l'emploi sont regroupés dans des « équipes professionnelles » spécialisées dans un secteur professionnel et chaque conseiller se voit attribuer une liste de demandeurs d'emploi dont le profil (formation, expérience) correspond à ce secteur.

La mise en place de ces « portefeuilles de demandeurs d'emploi » est récente et progressive. Elle ne concerne actuellement que les demandeurs d'emploi inscrits depuis le mois d'octobre 2005. Ce dispositif sera progressivement étendu à tous les demandeurs d'emploi d'ici fin 2006. L'ANPE indique que chaque conseiller suivra environ 130 demandeurs d'emploi par mois, soit environ 6 entretiens par jour sur 20 jours de travail. Les éléments recueillis lors des entretiens de terrain semblent indiquer que les portefeuilles atteindraient plutôt 150 demandeurs d'emploi par conseiller.

Il apparaît par ailleurs que cette nouvelle organisation a été mise en place avant que les outils aient été adaptés aux nouvelles exigences. Les agences locales ont donc dû, à la fois intégrer les conseillers nouvellement recrutés et commencer les entretiens mensuels malgré des difficultés pour le conseiller de repérer les demandeurs d'emploi de son fichier.

Sur le contenu de l'entretien, les instructions de l'ANPE imposent au conseiller de rechercher une offre d'emploi par demandeur lors de chaque entretien de suivi, ou, à défaut, de convaincre le demandeur d'emploi de recadrer son projet pour améliorer son employabilité (accepter une offre de moindre proximité par exemple, ou reconnaître son niveau réel d'employabilité et des compléments de formation à acquérir). En ce qui concerne les contrats aidés, les conseillers ont pour instruction de vérifier l'éligibilité des demandeurs d'emploi aux dispositifs et de rechercher une offre correspondante.

La dimension d'un tel « portefeuille » par conseiller constitue toutefois un frein à l'efficacité attendue d'un dispositif conçu à l'image de ce que proposent des cabinets privés de placement dont les conseillers ne suivent qu'une cinquantaine de demandeurs d'emploi chacun 96 ( * ) . De plus si les mêmes modalités de suivi sont appliquées à tous les demandeurs d'emploi, le conseiller ne disposera plus du temps minimum nécessaire aux relations avec les employeurs. Les éléments recueillis auprès d'agences locales suggèrent que cette partie du travail devrait représenter environ 40% du temps de travail. Or la répartition constatée, avant la mise en place des entretiens mensuels pour tous est plutôt de 25% seulement du temps consacré aux entreprises.

En mati ère de prescription de contrat aidé, l'ANPE semble encore assez passive face à des employeurs « consommateurs d'aides »

C'est en effet dans ses relations avec les employeurs que l'ALE peut véritablement jouer un rôle actif d'intermédiation, en particulier sur les contrats aidés qui se traduisent par la signature d'une convention. L'objectif a d'ailleurs été fixé aux ALE de maintenir le lien avec l'entreprise et les agences sont notamment évaluées sur un indicateur des « mises en relations positives » (c'est-à-dire les embauches réalisées après intermédiation de l'ANPE).

Le placement des demandeurs d'emploi sur des contrats aidés passe par la parution d'une offre d'emploi déposée par l'employeur auprès de l'ANPE. Le niveau de service de l'ANPE à l'égard de l'employeur varie cependant, notamment selon l'utilisation que fait l'employeur d'un contrat aidé.

Or, selon les termes d'un audit interne mené par la direction de l'audit de l'ANPE en octobre 2005 dans une région ayant réalisé 1235 CIE et 1006 CAE à fin septembre 2005, il apparaissait que 76% des offres CIE et 20% des offres CAE étaient des offres enregistrées par l'ANPE après sélection du candidat par l'entreprise. Ces offres n'avaient donc fait l'objet ni d'une diffusion ni d'un rapprochement parmi les publics suivis par l'ANPE.

Dans d'autres cas, l'employeur dépose une offre en indiquant qu'il souhaite bénéficier d'un contrat aidé et recueille les candidatures de demandeurs d'emploi répondant directement à son offre. Lorsque l'offre d'emploi concerne des postes peu qualifiés, l'employeur va parfois recruter le demandeur d'emploi lui apportant l'aide la plus élevée parmi les candidatures qu'il a retenues. Ainsi, toujours selon les termes de l'audit interne précité, 76 % des offres CAE étaient des offres diffusées sans présélection de candidats dans le fichier ANPE.

La situation la plus « vertueuse », mais pas la plus fréquente, qui répond le mieux aux objectifs de la politique de l'emploi, est celle où l'ALE intervient directement auprès d'une entreprise pour proposer des profils de demandeurs d'emploi plus éloignés de l'emploi, qui n'auraient pas spontanément postulé à cette offre. Le conseiller de l'ALE doit alors définir avec l'employeur le contenu du poste, ou le profil du candidat, parfois avec des adaptations, en contrepartie d'une incitation financière plus élevée.

La mise en place du suivi plus fréquent des demandeurs d'emploi devrait permettre d'utiliser davantage les contrats aidés comme de véritables outils de placement, ce qui ne paraît pas encore le cas actuellement. Il existe donc une importante marge de progrès pour l'ANPE en matière de placement des contrats aidés.

* 94 Lorsque le Conseil général a délégué la signature des contrats d'avenir et du CI-RMA à l'ANPE

* 95 ANPE, Rapport d'activité 2005. Au surplus, dans son rapport public thématique de mars 2006 consacré à l'évolution de l'assurance chômage (p.33), la Cour avait noté que la mise en oeuvre du plan d'aide au retour à l'emploi (PARE) en juillet 2001, qui a institué le suivi périodique du demandeur d'emploi sous forme d'entretiens semestriels, avait désorganisé les agences locales du fait de l'importance des flux

* 96 Cf RC n° 42449 d'avril 2005, « Les actions d'accompagnement des allocataires du régime d'assurance chômage dans le cadre du PARE », page 53. Le RCP a analysé deux opérations de placements direct de DE, l'opération « Maatwerk » et l'opération « objectif entreprise » menée par l'ANPE d'Ile de France. L'ANPE souhaitait démontrer sa capacité à placer les demandeurs d'emploi dans un contexte semblable à celui du cabinet Maatwerk, c'est-à-dire un suivi personnalisé, par un référent unique auquel est confié environ 50 DE. L'ANPE avait alors estimé qu'un conseiller pour l'emploi peut assurer l'accompagnement d'environ 40 à 50 DE sur 12 mois compte tenu des entrées et sorties du dispositif.

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