B. LES DIFFICULTÉS DE MISE EN OEUVRE

1. La mise en oeuvre du CA et du CI-RMA à l'épreuve de la décentralisation et la prudence du secteur non marchand (CA et CAE)

La réticence de certains conseils généraux sur le contrat d'avenir et le CI-RMA

En ce qui concerne le CA et le CI-RMA, à destination des bénéficiaires des minima sociaux, la faiblesse des réalisations en 2005 tient essentiellement à la réticence de plusieurs acteurs locaux.

La mise en oeuvre du CA et du CI-RMA à destination des bénéficiaires des minima sociaux nécessite en effet la signature d'une convention d'objectifs et de moyens avec l'Etat fixant le nombre de contrats financés par le conseil général et par l'Etat en ce qui concerne l'aide dégressive complémentaire du contrat d'avenir. La DGEFP indique que 60 départements sur 100 ont signé une convention avec l'Etat. Ainsi qu'il a été indiqué plus haut, les interlocuteurs de terrain rencontrés ont fait état d'attitudes contrastées des conseils généraux vis-à-vis du contrat d'avenir et du CI-RMA. Certains conseils généraux, estimant que les transferts de compétences sont insuffisamment compensés par l'Etat, demeurent réticents à s'engager financièrement sur le contrat d'avenir et sur le CI-RMA. La réalisation des objectifs dans une région dotée de conseils généraux non signataires apparaît ainsi très compromise. Par ailleurs, plusieurs conseils généraux signataires de la convention d'objectifs et de moyens ont conservé la compétence de la signature des contrats. L'ALE prescrit et négocie les contrats et les transmet pour accord au conseil général. Outre une conclusion du contrat plus tardive, le conseil général peut refuser la convention, ce qui fragilise la position de l'ANPE qui a mené la négociation en amont 97 ( * ) .

En ce qui concerne l'opération « 50 000 CA dans l'éducation nationale », certains conseils généraux ont refusé la mise en oeuvre de ce contrat pour les bénéficiaires du RMI considérant que la durée du contrat, soit 10 mois, n'était pas efficace en termes d'insertion, privant du même coup ces bénéficiaires d'un emploi potentiel et freinant la réalisation des objectifs. Ces conseils généraux préfèrent généralement une durée de contrat de 24 mois qui permet l'accès aux allocations d'assurance chômage en fin de contrat. Par ailleurs, certains rectorats ne paraissaient pas pleinement informés du contenu de l'opération. Enfin, les circuits administratifs de traitement des conventions alourdissent le travail des ALE.

D'autres conseils généraux au contraire sont réticents à s'engager sur un contrat d'avenir de 24 mois estimant que l'engagement financier est trop lourd pour des profils de demandeurs d'emploi qui seraient vraisemblablement, selon eux, sortis spontanément du RMI sans ce contrat et dans les 24 mois.

Par ailleurs, en ce qui concerne le secteur non marchand (CAE et CA), les interlocuteurs rencontrés ont fait état d'une prudence des employeurs potentiels sur les recrutements prévus malgré les fortes sollicitations auxquelles ils ont été soumis 98 ( * ) . Les recrutements effectués en 2005 ne seront d'ailleurs pas nécessairement renouvelés en 2006.

La DGEFP estime que les statistiques 2006 sur les prescriptions de contrat d'avenir (51 590 conventions initiales avaient été conclues à fin août) traduisent une meilleure appropriation du dispositif par les conseils généraux. La DGEFP relève que la totalité des conseils généraux ont conclu avec l'Etat une convention d'objectifs de mise en oeuvre des contrats d'avenir. Elle considère également que les modifications récemment apportées au CI-RMA devraient permettre de constater une évolution comparable et une montée en charge dans les prochains mois.

2. Une instabilité des conditions d'application difficile à gérer pour l'ANPE

Lors des visites de terrain, les services de l'ANPE ont été unanimes pour dénoncer l'instabilité des conditions d'application des contrats, rendant complexe le travail des conseillers pour l'emploi. Il apparaît effectivement que les modalités d'application des contrats aidés ont été modifiées six fois depuis l'entrée en vigueur du plan de cohésion sociale, c'est-à-dire depuis le 1 er mai 2005, un an environ 99 ( * ) .

Il convient de souligner que les modifications visées ne sont pas de même niveau et résultent de deux mouvements simultanés.

- L'intervention des dispositifs nationaux spécifiques résultant des opérations nationales décrites plus haut a introduit plusieurs variantes dans les dispositifs applicables, chacune des variantes s'appliquant à tel ou tel ministère ou catégories de postes. Ainsi, le CAE « adjoint de sécurité » est assorti de conditions spécifiques en terme de durée et de taux 100 ( * ) , et doit être distingué du CAE « éducation nationale » qui, localement, ne s'applique qu'à certaines conditions, différentes selon les postes proposés 101 ( * ) . Le CI-RMA ou le contrat d'avenir peuvent également avoir des conditions d'application différentes pour les bénéficiaires du RMI lorsque le conseil général a prévu des conditions spécifiques d'application.

Toutes ces déclinaisons conduisent à un morcellement des dispositifs, difficile à maîtriser pour le conseiller pour l'emploi chargé de présenter les mesures aux employeurs potentiels et d'orienter les demandeurs d'emploi. Le foisonnement de contrats particuliers brouille finalement la compréhension des dispositifs.

- Le réajustement des conditions financières en cours d'année a conduit à modifier les conditions d'application des contrats : l'année 2006 a démarré avec les mêmes consignes qu'en 2005, plutôt orientées vers la souplesse vis-à-vis des entreprises en terme de taux de prise en charge et de durée des conventions CIE et CAE. Mais dès janvier 2006, un dérapage de la consommation des CIE était constaté, dû à la fois à l'exécution des conventions signées en 2005 à des conditions plus favorables et à la poursuite de cette tendance dans les premières semaines de 2006. Les enveloppes régionales notifiées en mars 2006 ont donc contraint les SPER à durcir les conditions de prise en charge des CIE, des CAE et des CA (modulation des durées et, pour les CIE et CAE, des taux) 102 ( * ) . Sur le terrain, les ALE ont reçu de nouvelles instructions modifiant les informations déjà transmises aux entreprises et aux demandeurs d'emploi, créant ainsi de la confusion dans les esprits

Les difficultés se sont ainsi accumulées pour l'ANPE qui doit désormais assurer la gestion des enveloppes physico-financières alors que son rôle était auparavant limité à l'application de critères prédéterminés. La crédibilité de l'Agence se trouve ainsi mise en cause, les modifications étant souvent attribuées à des erreurs dans l'information diffusée par les conseillers.

3. Des difficultés techniques et de gestion

Des difficultés de repérage de certains publics destinataires des dispositifs

L'ANPE ne peut repérer de manière fiable dans le fichier des demandeurs d'emploi (fichier GIDE, géré par l'Unédic) que les bénéficiaires de l'ASS, l'information étant fournie directement par l'Unédic. En ce qui concerne les bénéficiaires du RMI, seuls environ 40 % d'entre eux sont inscrits à l'ANPE. Les bénéficiaires de l'API et de l'AAH ne sont pas du tout repérés par l'agence.

Le CNASEA a été chargé 103 ( * ) des traitements permettant la création d'un fichier national des personnes éligibles au CI-RMA et au contrat d'avenir et doit, à cet effet, traiter les fichiers provenant principalement de la CNAF, de la CCMSA et de l'Unédic. Les tests pour l'intégration de ce fichier national dans le fichier GIDE sont prévus en octobre 2006 pour les bénéficiaires du RMI. Une extension est prévue pour décembre 2006 pour les bénéficiaires de l'API et de l'AAH.

De même, le repérage dans les fichiers des habitants des ZUS, bénéficiant de taux majorés de prise en charge est difficile a priori car les périmètres de ces zones sont en effet définis au niveau de la rue de la commune et même des numéros. En Ile de France, les préfets de département en contourné la difficulté en étendant le bénéfice du taux privilégié aux habitants des communes comportant une ZUS, dont la liste figure en annexe des arrêtés préfectoraux. Le ciblage très précis de certaines catégories de bénéficiaires requiert donc des moyens sophistiqués dont ne disposent pas les services de terrain.

Les mesures sont en concurrence entre elles

Dans le secteur non marchand, le CAE et le CA sont en effet en concurrence. La coexistence de ces deux mesures entraîne une comparaison et une concurrence car elles s'adressent aux mêmes employeurs et en partie aux mêmes publics. Dans cette comparaison, le contrat d'avenir apparaît plus contraignant car la durée de 12 mois est supérieure à celle du CAE (6 mois minimun) et le temps de travail du CA est d'une durée fixe de 26 h alors qu'en CAE la quotité de travail peut aller de 20 h à un temps plein. L'absence de temps plein apparaît également comme une contrainte aux bénéficiaires du CA. De plus, la règle de cumul de la rémunération et du RMI, possible pendant 3 mois pour un CAE, ne s'applique pas pour un CA.

Le même phénomène de concurrence a joué dans le secteur marchand entre le CI-RMA - réservé aux titulaires de minima sociaux - et le CIE.

Dans les deux cas, l'éventualité d'une fusion suppose de définir les modalités de financement de la mesure, assuré par les conseils généraux pour les bénéficiaires du RMI.

Les difficultés de gestion

Les grilles de taux de prise en charge, élaborées au niveau régional, entraînent des différences de prise en charge entre deux départements limitrophes mais situés sur deux régions différentes. Un même demandeur d'emploi peut donc être éligible à des conditions différentes selon le lieu d'implantation de l'entreprise, ce qui n'est pas toujours aisé à expliquer pour les conseillers pour l'emploi. Ces applications différenciées selon les régions sont de plus mal comprises par les grandes entreprises implantées dans différentes régions ou par des ministères comme celui de l'éducation nationale.

Par ailleurs, les interlocuteurs rencontrés ont souligné les insuffisances des instruments de pilotage. Si les données traitées par le CNASEA et restituées aux différents utilisateurs se sont lentement améliorées depuis 2005, elles demeurent quand même insuffisantes pour les besoins des services de l'ANPE. Un pilotage interne à partir d'une seconde saisie des données avait été mis en place en 2005 dans plusieurs agences (sous tableur Excel), mais n'a pas été poursuivi en 2006 compte tenu de la lourdeur d'une telle organisation. Ces lacunes gênent le suivi opérationnel de l'exécution des contrats dans les ALE.

Enfin, un alourdissement des taches administratives des ALE  a également été signalé alors que l'ANPE souhaite se recentrer sur son métier de placement des demandeurs d'emploi. Si la gestion des CIE et CAE est transférée au CNASEA, les ALE sont désormais chargées de la gestion administrative des CA et CI-RMA et cette gestion, qui inclut le suivi administratif des contrats financés par le conseil général lorsqu'il met en oeuvre ces contrats pour les bénéficiaires du RMI. Il s'agit de tâches nouvelles pour les agences car la gestion des mesures antérieures était effectuée par les DDTEFP (CES et CEC) ou étaient intégrées dans les processus de gestion interne (application informatique interne pour la gestion des CIE et des CAE).

* 97 Un conseil général a ainsi refusé la signature d'un CI-RMA pour un bénéficiaire du RMI devenant moniteur d'auto école car il ne s'agissait pas d'un métier en tension.

* 98 Interventions répétées des services de l'Etat et de l'ANPE (pas toujours coordonnées) auprès des communes, du secteur associatif, hospitalier et médico-social pour inciter au recrutement

* 99 Voir en annexe 10 les fiches de synthèse rédigées par la direction déléguée de l'ANPE de l'Essonne sur les contrats aidés applicables dans le département, révisées 6 fois depuis mai 2005, et révélatrices des multiples cas particuliers à mémoriser pour les conseillers pour l'emploi.

* 100 Durée 24 mois et taux unique de 90%

* 101 Les CAE Education nationale applicable aux seuls emplois « Vie scolaire » sont suspendus en 2006, sauf lorsqu'il s'agit d'un renouvellement de CES en CAE ou lorsqu'il y a remplacement du salarié initial après démission de celui-ci, et dans ce dernier cas, le CAE est négocié selon les règles et les taux 2006. Il existe également des CAE « techniciens ouvriers de service » (« TOS ») conclu pour 6 mois et 20 heures de travail hebdomadaire.

* 102 Ainsi au premier trimestre 2006, la région d'Ile de France avait consommé 87% des CP 2006 sur le CIE.

* 103 Source : instruction ANPE, réf. DPTA-ins-2005-059 du 25 mars 2005

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