XII. LE COUT DES CONTRATS AIDES : UNE METHODOLOGIE D'ANALYSE DE L'EFFICIENCE A CONSTRUIRE

Plusieurs indicateurs du programme 102 « accès et retour à l'emploi » sont des indicateurs d'efficience 109 ( * ) . Cependant, ils ne permettent pas d'appréhender l'ensemble des dispositifs ou constituent des indicateurs thématiques partiels. Les indicateurs d'efficience associés au plan de cohésion sociale sont, quant à eux, essentiellement quantitatifs et destinés à rendre compte de la montée en puissance des différents dispositifs du plan.

Dans ces conditions, on peut s'interroger sur la possibilité d'une analyse transversale de l'efficience des différents dispositifs.

La Cour a constaté qu'il n'existait pas de méthodologie satisfaisante développée en l'état. Cette lacune peut s'expliquer par la difficulté d'appréhender la notion de « résultat » d'une mesure d'aide à l'emploi.

En première approche, on pourrait dire que le résultat recherché par une mesure d'aide à l'emploi est le retour à l'emploi durable du bénéficiaire. Cependant, une telle définition se heurte à deux obstacles.

- D'une part, le retour à l'emploi durable peut intervenir des années après, notamment dans le cas d'une succession de contrats aidés. Dans ces conditions, le « résultat » d'une année donnée ne pourrait être appréhendé que très a posteriori .

- D'autre part, pour certains dispositifs (CES, TRACE), le retour à l'emploi s'accompagne d'autres objectifs comme l'aide à l'insertion sociale.

Ces difficultés appellent la construction d'une méthodologie d'analyse adaptée.

La Cour a estimé qu'il ne lui était pas possible, pour répondre de façon satisfaisante à la saisine de la Haute assemblée, de s'en tenir à ces restrictions méthodologiques. Un certain nombre de constats peuvent, en effet, être d'ores et déjà mis en exergue à partir de l'analyse par la DARES du coût des aides à l'emploi. Par ailleurs, la Cour a souhaité relever deux pistes de réflexion qui lui semblent intéressantes à explorer.

A. CONSTATS À PARTIR DE LA NOTION DE COÛT ANNUEL MOYEN PAR BÉNÉFICIAIRE

L'étude de la DARES sur les coûts des dispositifs de la politique de l'emploi pour les années 2000 à 2003 110 ( * ) constitue un point d'appui intéressant.

Le coût des aides à l'emploi dans l'étude de la DARES

Le coût des dispositifs de politique de l'emploi est, dans le cas le plus simple, constitué de dépenses constatées dans le budget de l'État (ministère chargé de l'emploi ou autres ministères) ou des conseils régionaux (en matière de formation professionnelle). Ces coûts incluent également les dépenses des entreprises en faveur des contrats en alternance ou des conventions de conversion pour les entreprises qui y recourent. Il peut s'agir, enfin, du manque à gagner pour les régimes sociaux créé par les exonérations de cotisations sociales : ce manque à gagner est soit « compensé » par un transfert du budget de l'État vers les régimes de Sécurité sociale, soit « non compensé » et alors supporté par ces régimes. « Le coût des politiques de l'emploi » rassemble donc :

- pour les aides à l'emploi marchand (CIE) : les aides aux employeurs, primes ou exonérations de cotisations sociales ;

- pour les aides aux contrats en alternance : les aides aux employeurs, primes ou exonérations de cotisations sociales, ainsi que des frais de formation pour la formation des demandeurs d'emploi et des jeunes (organismes mutualisateurs pour les contrats en alternance). Toutefois, l'apprentissage n'est traité qu'au travers des aides aux employeurs ; les coûts de formation sont, par convention, considérés comme relevant de la formation initiale. Les dépenses affichées dans ce compte ne prétendent donc pas présenter un coût complet de l'apprentissage ;

- pour les aides à l'emploi non marchand : la prise en charge de la majeure partie des rémunérations versées aux bénéficiaires, les frais de formation et d'accompagnement (le cas échéant), ainsi que les cotisations chômage.

1) A partir des coûts des aides à l'emploi calculés par la DARES, on peut calculer un ratio de coût par bénéficiaire à partir du stock moyen de bénéficiaires pour une année donnée 111 ( * ) .

Tableau n° 34 :  Coût annuel moyen par bénéficiaire (en €)

2000

2001

2002

2003

2004

Variation

2004 / 2000

CIE

3 718

4 139

3 888

2 198

4 255

+ 14 %

Exonération de CS

2 357

2 678

2 438

452

1 466

- 38 %

Prime

1 361

1 461

1 450

1 745

2 789

+ 105 %

Contrat de qualification

8 325

8 041

7 398

7 551

7 876

- 5 %

Exonérations de CS

2 690

2 616

2 373

2 526

2 218

- 18 %

frais fonctionnement des formations

5 634

5 425

5 024

5 025

5 658

+ 0,5 %

CES

7 838

7 883

8 955

8 239

8 060

+ 3 %

CEC

9 814

10 945

11 108

11 283

10 744

+ 9,5 %

Emplois-jeunes

16 880

16 352

16 158

13 235

11 789

- 30 %

* Par convention, les frais de formation des apprentis ne figurent pas dans le coût de la politique de l'emploi.

Source : DARES, Le coût de la politique de l'emploi.

Ce tableau permet de distinguer plusieurs types de contrats aidés :

- le CIE dont le coût par bénéficiaire se situe autour de 4000€ ;

- un second groupe de contrats rassemblant le contrat de qualification, le CES, le CEC dont les coûts par bénéficiaire sont relativement plus élevés.

- les emplois-jeunes se distinguent par un coût par bénéficiaire nettement plus élevé. En l'espèce, on peut penser que l'amélioration du ratio observée en 2003 et 2004 est liée à un effet d'extinction du dispositif par rapport à un coût moyen par bénéficiaire constaté « en régime de croisière » de l'ordre de 16 000 €. On touche ici aux limites de la méthode du coût par bénéficiaire qui ne permet pas, à elle seule, d'expliquer les variations constatées : sont-elles liées à une variation de coût ou à une évolution du stock de bénéficiaires ?

2) Le cas particulier de l'apprentissage

- le cas particulier de l'apprentissage doit être analysé de façon spécifique. En effet, le contrat d'apprentissage n'est pas seulement un contrat aidé, il constitue une filière à part entière de la formation initiale, ce qui conduit à relativiser les comparaisons avec le coût moyen par bénéficiaire des autres contrats aidés.

Les données tirées de l'étude de la DARES utilisée pour le tableau n° 38 sont calculées hors coûts de formation et donnent une vision anormalement basse du coût par bénéficiaire.

Tableau n° 35 :  Le coût par bénéficiaire du contrat d'apprentissage hors frais de formation (en euros)

2000

2001

2002

2003

2004

Variation 2004/2000

Contrat d'apprentissage (hors frais de formation)

4373

4351

3694

4000

4229

- 3 %

Exonérations de CS

2 267

2 260

1 753

2 102

2 318

+ 2%

aides à l'embauche & soutien à la formation

2 106

2 091

1 941

1 898

1 911

- 9 %

Source : DARES, Le coût de la politique de l'emploi.

Il conviendrait de calculer un « coût complet » de l'apprentissage pour intégrer les coûts de fonctionnement des institutions de formation.

Tableau n° 36 :  Flux de financement de l'apprentissage (en millions d'euros)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Dépenses de fonctionnement

2 786

3 137

3 194

2 954

3 129

3 420

Etat vers CFA

42,3

45,6

51,2

47,5

45,7

56,1

Exo de charges (Etat)

681,0

800,8

811,1

624,7

750,6

823,4

Primes aux entreprises (Etat)

729,0

745,7

751,9

691,6

658,1

254,6

Primes aux entreprises (régions)

25,5

425,3

Subventions aux CFA (régions)

707,4

721,4

718,7

701,6

749,9

902,1

Répartition de la taxe d'app collectée (OCTA)

626,0

667,0

709,0

732,0

742,0

779,0

Participation sur les fonds de l'alternance (OPCA)

156,2

152,5

156,2

157,2

179,9

Dépenses d'investissement

108,9

91,3

100,8

99,8

139,4

131,9

Total

2 895

3 228

3 295

3 053

3 268

3 552

Source : DARES

Le calcul de ratios rapportant les dépenses assumées globalement par la collectivité (hors dépenses d'investissement), au nombre de bénéficiaires, donne alors un coût annuel moyen par bénéficiaire supérieur à celui constaté pour les contrats de qualification.

Tableau n° 37 :  Le coût par bénéficiaire du contrat d'apprentissage frais de formation compris

2000

2001

2002

2003

2004

Variation 2004/2000

9 292

9 338

8 932

9 468

10 150

+ 9,2 %

Source : DARES (hors dépenses d'investissement)

* 109 L'efficience compare les résultats d'une politique et son coût.

* 110 B. ROGUET, « Le coût de la politique de l'emploi en 2003 », in Bilan de la politique de l'emploi en 2003 , DARES, 2005 et « Le coût de la politique de l'emploi en 2004 », Premières synthèses, premières informations , n° 25.2, juin 2006.

* 111 Une des limites à l'utilisation des coûts calculés par la DARES tient aux décalages qui peuvent exister entre l'ouverture d'un droit à une aide et son paiement effectif : la comptabilité publique traite, en effet, de dépenses effectuées « au cours de l'année » et non de dépenses « au titre de l'année ». Rapporter ces dépenses à des nombres de bénéficiaires (stocks annuels moyens) pourrait donc conduire à déformer les coûts unitaires moyens ainsi estimés. Pour limiter ce biais, il convient de « lisser » les résultats sur plusieurs années. Les ratios calculés ne doivent donc être considérés qu'à titre indicatif. La production de montants de dépenses en droits constatés, dans le cadre de la réforme de la comptabilité de l'Etat issue de la LOLF, devrait permettre d'affiner l'analyse.

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