E. LA NÉCESSITÉ D'ÉVITER UN GLISSEMENT DES DISPOSITIFS PRÉVUS POUR LES JEUNES LES PLUS EN DIFFICULTÉ VERS DES PUBLICS PLUS PROCHES DE L'EMPLOI

La pratique de dispositifs initialement prévus pour les jeunes en difficulté peut conduire à déplacer ces programmes vers des publics soulevant des problèmes moins complexes. Or, il importe d'éviter un tel glissement vers un ciblage moins prononcé des bénéficiaires d'un dispositif.

Cette dérive a été analysée dans le cas de TRACE. Au fil du temps, le profil des bénéficiaires s'est déplacé vers des niveaux de qualification plus élevés. Dans son étude précitée sur TRACE 146 ( * ) , la DARES constate que les jeunes sans qualification, qui représentaient 64 % des entrées en début de programme n'en constituaient plus que 52 % à la fin. Une tendance a, ainsi, pu être constatée à la « pro-sélection » par les conseillers des missions locales et PAIO pour favoriser ceux qui ont le plus de chance de trouver un emploi du fait de leurs caractéristiques personnelles. Cette pratique permet une amélioration optique des résultats des structures d'insertion dans l'emploi mais aboutit in fine à une inadéquation partielle des bénéficiaires aux objectifs du programme.

L'article 13-1 de la loi du 18 janvier 2005 réformant le SEJE se situe dans une logique de réorientation du dispositif vers les jeunes les moins qualifiés. Le décret n°2005-221 du 9 mars 2005 a, ainsi, prévu une possibilité de modulation de l'aide en fonction du niveau de qualification 147 ( * ) . L'identification claire des niveaux de formation ciblées par une mesure peut constituer une première réponse à la « dérive des bénéficiaires ».

Le programme New Deal for young unemployed people mis en oeuvre au Royaume-Uni constitue également un exemple de ciblage sur la population des jeunes les moins qualifiés. Le « coeur de cible » du programme est ici atteint par un équilibre de contraintes et d'incitations : le maintien des allocations chômage est conditionné à la participation au programme ; le jeune bénéficie en retour d'un accompagnement financier tout au long du programme.

Encadré n° 5 L'exemple britannique : New deal for young unemployed people

Ce programme d'accompagnement renforcé s'inscrit dans le cadre de la stratégie gouvernementale Welfare to work adoptée en 1998. La participation au programme est obligatoire pour les jeunes concernés qui subissent, dans le cas contraire, un abattement sur leur indemnité de chômage.

Le New deal for young unemployed people concernait initialement 250 000 jeunes chômeurs de 18 à 24 ans répondant à au moins une des conditions suivantes : absence d'activité depuis au moins 6 mois ; indemnisation du chômage depuis 6 mois ; existence d'un « handicap sévère dans la recherche d'emploi » (jeunes sans domicile, toxicomanes, jeunes handicapés...). Le ciblage par des critères stricts permet de consacrer au programme des enveloppes financières relativement importantes (plus de 460 M€ en 2003-2004).

Après une période d'aide individualisée et approfondie, une phase d'accompagnement renforcée est déclenchée en proposant plusieurs options : emploi aidé en entreprise ; activité d'intérêt général qualifiante donnant lieu à une rémunération de 15 livres par semaine en plus de l'allocation chômage ; suivi d'une formation, à plein temps ou en alternance pendant une période d'un an, en continuant à percevoir l'allocation chômage. Selon le National audit office , le NDYP a permis entre 1998 et 2002 la réinsertion professionnelle de 339 000 jeunes sans activité. Plus de 40 % des bénéficiaires du programme ont accédé ensuite à un emploi non aidé. Cependant, une certaine « dérive des bénéficiaires » semble se retrouver même au sein de ce programme : les jeunes chômeurs défavorisés ont davantage accès à des options (telle que « emploi dans le secteur bénévole ») à faible débouché ultérieur vers l'emploi non aidé, contrairement aux jeunes les plus favorisés à qui est proposée l'option « emploi subventionné » qui assure un meilleur taux de maintien en emploi non aidé par la suite.

Sources utilisées pour cet encadré : C. GRATADOUR, Politiques et institutions britanniques d'aide au retour à l'emploi, Les papiers du CERC, n° 2005-04, décembre 2005 / site internet National statistics / G. De GIORGI, Long term effects of a mandatory multistage program : the New deal for Young people in the UK, University College London, 2005

* 146 Sur les traces de TRACE : bilan d'un programme d'accompagnement de jeunes en difficulté , DARES, 2005.

* 147 Le montant mensuel de l'aide est fixé à 150€, au lieu de 225€ pour un salarié à temps plein payé au SMIC et a été porté à 300€ pour les seules jeunes de niveaux de formation Vbis et VI.

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